PROMPT : Ça ne veut rien dire
En regardant par une fenêtre, Harry vit au loin la silhouette sombre, caractéristique, de son ancien professeur de potions. Il s'agrippa soudain le bras, et même à cette distance, le jeune homme comprit qu'il était appelé.
Sans réfléchir, le jeune homme se précipita. Il entendit Ron et Hermione l'appeler et le suivre, sans pour autant y prêter attention.
En voyant le professeur s'engouffrer dans le passage sous le saule cogneur, Harry accéléra, le cœur battant, envahi d'un mauvais pressentiment. Hermione le rattrapa alors qu'il progressait à son tour dans le passage sombre, puis Ron. Ils échangèrent un long regard tous les trois en entendant la voix sifflante de Voldemort, et ils se firent plus prudents, veillant à progresser en silence. Le moment n'était pas encore venu, ils devaient être certains d'avoir tué Nagini avant de s'en prendre à lui…
Ils se postèrent derrière une porte, entendant des bribes de conversation. Harry serra les poings, inquiet. Son instinct lui hurlait de se précipiter et de mettre fin à ce qui se passait. Cependant, la main de Hermione sur son épaule l'ancrait à la réalité et l'empêchait de faire quelque chose d'aussi stupide.
Avant qu'il ne puisse comprendre ce qui se passait exactement, Harry entendit Voldemort ordonner en fourchelang à son serpent « Tue-le ». Il cligna des yeux, avant de se redresser à demi, horrifié, retenu efficacement par ses amis. Il était déjà trop tard.
Il y eut un halètement, un gémissement étouffé, et le sang gicla. Hermione plaqua ses mains sur sa bouche tandis que Ron reculait d'un pas en trébuchant, pâle comme la mort. Harry était figé, enregistrant chaque instant de ce moment terrible. Chaque goutte de sang, chaque expiration de Rogue, chaque mouvement. Le choc de son corps sur le mur.
Le rire satisfait de Voldemort, alors qu'il pensait être maître de la Baguette de Sureau, sans se douter que Severus Rogue n'en avait jamais été le propriétaire, puisque c'était Drago Malefoy qui avait désarmé Dumbledore…
À l'instant où le Mage Noir quitta les lieux, satisfait, Harry se précipita, les larmes coulant sur ses joues. Il se jeta à genoux près de son professeur, et plaqua sans hésitation les mains sur sa gorge, essayant d'endiguer le flot de sang.
Il murmurait une litanie de « non », affolé, paniquant complètement. Rogue ne pouvait pas le laisser, pas si proche de la fin.
L'homme leva une main tremblante pour toucher sa joue, et il le fixa, se laissant happer dans le regard onyx.
— Vous avez les yeux de votre mère…
Harry cligna des yeux, revenant un instant à la réalité.
— Vous ne pouvez pas… vous ne pouvez pas me laisser, Professeur. Vous ne pouvez pas le laisser gagner.
Avant que Rogue ne puisse répondre, il brandit sa baguette et lança tous les sorts de soin qu'il connaissait, sans le moindre résultat. Il tremblait, perdu, et la main de l'homme saisit son poignet.
— Trop tard. J'ai… Prends mes souvenirs. Prends-les.
Hermione approcha et tendit une fiole en silence, serrant au passage l'épaule de Harry, comme si elle comprenait son chagrin. Elle pleurait elle aussi. Un peu en retrait, Ron contemplait la scène avec tristesse, visiblement ébranlé. La jeune femme murmura, tristement.
— Harry… Il perd trop de sang…
Il grogna.
— Ça ne veut rien dire ! Il est fort. Vous êtes fort professeur…
Harry ignora le regard plein de pitié et de tristesse de Hermione et récupéra le filament argenté de souvenirs offerts par Severus Rogue, en tremblant. Puis, il le rangea rapidement dans sa poche sans faire mine de quitter les lieux. À la place, il reprit ses efforts pour sauver son professeur, pressant sa plaie et le fixant, en lui demanda de s'accrocher. De ne pas l'abandonner.
— Ne me laissez pas professeur. Pas vous. J'ai besoin de vous…
En temps normal, l'homme aurait répliqué d'une raillerie, humiliant le gamin. Cependant, les masques étaient tombés. Il était mourant, et il n'avait plus besoin de jouer ce rôle qu'il exécrait. Il pouvait montrer au gamin qu'il le respectait sans craindre que ça ait des conséquences…
Il notait l'ironie de la situation : lui qui était espion depuis si longtemps pensait qu'il serait tué après avoir été démasqué. Finalement, il allait périr de la main de Voldemort, mais uniquement parce que celui qu'il appelait maître convoitait quelque chose qu'il était sensé posséder — et qu'il n'avait jamais eu.
Il prit la main du jeune homme qui se tenait près de lui, manquant de temps et de force pour l'encourager. Pour lui dire à quel point il le respectait maintenant qu'il le connaissait un peu mieux. Pour lui avouer qu'il s'était inquiété pour lui, qu'il aurait donné sa vie pour l'aider.
Une vague de magie incontrôlée s'échappa du jeune homme, sans même qu'il ne s'en rende compte, focalisé sur son professeur, les yeux dans les yeux.
— Je refuse ! Je ne veux pas vous perdre vous aussi ! Vous ne pouvez pas mourir !
Severus toussa, incapable de répondre, alors que des points noirs dansaient à la périphérie de sa vision. La perte de sang se faisait trop importante, et il étira ses lèvres en un mince sourire à destination de l'insupportable morveux qui avait bouleversé sa vie.
— Allez-y, Harry. J'ai confiance en vous… pour réussir.
Le Gryffondor cligna des yeux, visiblement surpris. Mais il lui rendit son regard sans ciller. Severus voulait l'écarter au plus vite, pour qu'il n'assiste pas à sa mort…
Il aurait dû se douter que ce ne serait pas si simple, puisque le jeune homme resta près de lui, lui tenant la main fermement, son autre main essayant d'endiguer l'écoulement de sang, les yeux pleins de larmes, sans briser leur échange de regard.
Ce fut la dernière image que vit Severus avant de perdre conscience, bien trop affaibli par la perte de sang pour tenir davantage.
Lorsque les doigts de Rogue se détachèrent de la main de Harry et que ses yeux se fermèrent, le jeune homme se laissa aller à sangloter. Hermione l'attira dans ses bras, et Ron les rejoignit dans l'étreinte.
Le soutien indéfectible de ses amis donna à Harry la force de se reprendre, empli d'une détermination toute nouvelle. Avant de pleurer l'homme exceptionnel qui venait de mourir dans l'indifférence générale, il devait le venger. Mettre fin au règne de terreur de son meurtrier, de celui qui avait tué ses parents, et tant d'autres sorciers.
Il se laissa entraîner sans un regard en arrière, se jurant de revenir, et de rendre hommage comme il se devait à Severus Rogue.