PROMPT : Confiture de contrebande
Harry était installé square Grimmaud, dans la cuisine, le regard dans le vague. Il contemplait le toast devant lui, et la tasse de thé encore fumante, sans pour autant faire un geste pour manger ou boire.
Une main posa brusquement un pot devant lui, le faisant sursauter. Il leva les yeux pour rencontrer le regard agacé de Hermione et il haussa les épaules, marmonnant un remerciement, avant de fixer le pot de confiture qui était arrivé sur la table. Il soupira et Hermione laissa échapper un cri d'agacement.
— Par Merlin Harry ! Ce n'est pas de la confiture de contrebande ou un truc dangereux ! Mange un peu avant de tomber d'inanition.
Il soupira et se frotta le visage un peu perdu.
Une semaine.
Depuis une semaine, il errait comme une âme en peine. Il avait accompli la prophétie, il avait tué Voldemort.
Il avait découvert juste après la mort de Rogue le destin qui l'attendait. Mourir.
Il s'était jeté au-devant de son destin sans la moindre appréhension. Il avait fait face au monstre, avide de venger tous ces morts, alors qu'il pensait à chaque personne chère qu'il avait perdue. Il avait reçu le sort de mort sans sourciller, ne cherchant même pas à se défendre, fixant Voldemort avec confiance.
Et il était mort.
Quelques instants seulement. Il avait ouvert les yeux alors qu'il était au sol, avec comme seule idée de terminer ce qu'il avait commencé. De mettre fin à cette guerre interminable, de tuer le monstre qui avait tenté de détruire le monde magique.
Il était dans un état second, et il s'était battu avec une rage qu'il ignorait avoir.
Finalement, Harry avait accompli son destin. Blessé, épuisé, il avait réussi. Dans un dernier sursaut de volonté, il avait tué Voldemort. Il était resté debout, incrédule, face au corps de son ennemi. Chancelant, tenant à peine sa baguette, n'importe quel Mangemort aurait pu venger la mort de son maître, il n'avait plus la force…
Ses amis l'avaient rejoint en courant, inquiets, et l'avaient enlacé. Hermione pleurait, et lui répétait en boucle que tout était terminé.
Dans le brouillard, il avait vaguement hoché la tête, refusant de se laisser entraîner en direction de la foule des combattants. Il ne supporterait pas d'être entouré et félicité alors qu'il venait de tuer un homme. Aussi monstrueux qu'il soit devenu, Tom Jedusor avait été un enfant perdu et malheureux…
Il s'était soudain écarté de ses amis, les yeux écarquillés, et était parti en courant, oubliant la fatigue et son corps douloureux. Il venait de se souvenir qu'il avait laissé Severus Rogue dans la cabane hurlante, et il ne voulait pas que son corps soit traité comme celui d'un Mangemort. Il voulait être certain qu'il soit reconnu comme le héros qu'il avait été…
Hermione avait crié pour l'arrêter, mais il avait juste accéléré poussant son corps au-delà de ses limites. Il n'avait même pas pris la peine d'immobiliser le Saule Cogneur, filant comme une flèche en esquivant les branches et s'était jeté dans le passage.
Il avait déboulé dans la petite maison miteuse hors d'haleine et il avait retenu un haut-le-cœur en voyant les éclaboussures de sang. Effaré, il était tombé à genoux en constatant que le corps de son professeur n'était plus là.
De l'homme, il ne restait que ce sang répandu, sur le mur, au sol. Rien d'autre.
Il s'était mis à sangloter nerveusement avant de s'effondrer.
Il avait repris connaissance deux jours plus tard, à l'infirmerie de Poudlard. Hermione était près de lui, occupée à lire un livre. Elle était pâle et cernée — manquant visiblement de sommeil — et en le voyant ouvrir les yeux, elle avait immédiatement appelé Pomfresh.
L'infirmière était arrivée en courant, mais Harry s'était redressé ignorant les cris outragés de la brave femme.
Il avait ignoré le regard noir de son amie lorsqu'il avait annoncé son intention d'aller square Grimmaud. Il avait dû se plier à un examen de santé, et comme il le pressentait, il n'y avait que de la fatigue et quelques égratignures mineures.
À l'instant où il s'était retrouvé seul avec Hermione, il lui avait demandé où était Rogue.
Son amie avait cligné des yeux, perplexe.
— Harry… il est mort, tu te souviens ? Nous étions là…
— Son corps ! Il n'était plus dans la cabane hurlante !
Hermione avait soupiré et détourné les yeux.
— Il a probablement été emporté par un Mangemort. J'ignore pour quelle raison, mais… nous ne l'avons pas retrouvé, Harry.
Depuis, il s'était enfermé à square Grimmaud, refusant de parler. Il avait repoussé tout le monde, avait refusé l'accès à la famille Weasley à l'exception de Ron, et tolérait à peine ses meilleurs amis autour de lui. Il s'enfonçait dans la dépression, avec l'impression qu'il n'avait plus aucune utilité.
Il avait été l'arme de Dumbledore. Maintenant qu'il avait accompli ce qu'on attendait de lui, il n'avait plus le moindre but dans la vie.
Le ministère le réclamait, mais il ne voulait pas être exposé comme un trophée, exhibé à chaque évènement pour s'assurer de la docilité des sorciers.
Harry se rendait parfaitement compte de l'agacement sans cesse croissant de Hermione. Il savait que son amie se faisait violence pour ne pas le secouer en lui hurlant dessus, comme s'il était une petite chose fragile sur le point de se briser. Ron s'était retranché dans un silence boudeur, même s'il l'observait parfois avec inquiétude.
Cependant, il n'arrivait pas à s'en sortir. Il savait qu'il s'enfonçait dans la dépression, mais il n'arrivait pas à en sortir.
Avec un nouveau soupir, il ignora Hermione et ses yeux pleins de larmes, et il repoussa tout ce qu'il y avait devant lui — toast et confiture — avant de se lever brusquement de table pour retourner se terrer dans la chambre de Sirius. C'était là qu'il avait décidé de s'installer, et il y passait la plupart de son temps.
Il ouvrit l'armoire découvrant les affaires d'adolescent de son parrain. Désoeuvré, il commença à explorer, amusé de trouver des parchemins de cours datant de Poudlard, des petits mots échangés avec les autres Maraudeurs, jusqu'à trouver une liasse de lettres, visiblement échangées avec son père.
Les larmes aux yeux, Harry commença à lire, essayant de se rapprocher de ceux qu'il avait perdus.
