PROMPT : Ironie


Si Harry était conscient de la terrible ironie de sa situation — il avait survécu alors qu'il aurait dû mourir, mais il avait perdu tout goût de vivre — il n'était pas le seul.

Hermione avait entraîné Ron à sa suite pour une réunion d'urgence au Terrier, laissant Harry seul quelques heures pour essayer de trouver une solution. Ils étaient installés dans le salon, Hermione collée à Ron, faisant face à Molly, Arthur, Ginny et un George mutique, encore traumatisé de la perte de son double. Charlie était reparti en Roumanie et Bill en France, tandis que Percy avait choisi de ne pas revenir chez ses parents, honteux de sa trahison.

Face à la famille d'adoption de Harry, la jeune femme avait laissé paraître son désarroi, soutenue par Ron.
— Harry va mal.

Molly était aussitôt intervenue, soucieuse.
— Tu veux dire qu'il est fatigué de… la bataille ? Mais ça fait une semaine ! Peut-être qu'il devrait voir un médicomage ?
Hermione l'avait interrompue avec douceur, secouant la tête, les yeux brillants de larmes.
— Physiquement, il semble remis. Je veux dire, madame Pomfresh l'a examiné à Poudlard, et il n'avait rien de grave.

La matrone se tordit les mains, soucieuse, et Hermione reprit, serrant la main de Ron.
— Mentalement… il va très mal. Il ne parle plus, il mange à peine. Il s'enferme dans la chambre de Sirius, et même nous ne pouvons y entrer. Je… Je ne sais plus quoi faire pour le tirer de son apathie.

Il y eut un lourd silence, rapidement brisé par Ginny.
— Je vais y aller. Aller le voir. Je peux peut-être… je ne sais pas l'aider ? Après tout, nous…

Ron grogna.
— Oh par pitié Ginny. Harry ne sera pas content de te voir ! Il m'a prévenu qu'il compter rompre avec toi définitivement, alors laisse-lui de l'air !
La jeune fille se renfrogna, ses yeux lançant des éclairs.
— Il a fait ça pour me protéger ! Parce qu'il pensait qu'il allait mourir ! Maintenant, rien n'empêche que nous puissions nous retrouver !

Hermione la coupa sèchement, agacée.
— De toute façon, Harry ne te laissera pas entrer square Grimmaud ! Il a fermé magiquement la maison, et nous seuls sommes acceptés pour l'instant.

Molly claqua sa langue contre son palais en jetant un coup d'œil sévère à sa fille.
— Il n'est pas question d'accaparer ce pauvre garçon. Je suppose qu'il a besoin de calme non ?

Hermione haussa les épaules.
— J'ignore ce qui ne va pas. Il… La mort du professeur Rogue l'a choqué et… la disparition de son corps a été… un coup dur pour lui.

Arthur intervint, l'air fatigué. Il avait accepté de travailler à la reconstruction du monde magique et il passait beaucoup de temps au Ministère, à faire de son mieux pour remettre les choses en place.
— J'ai parlé à Minerva hier. Justement, elle a abordé le sujet de Severus. Apparemment, elle savait qu'il était de notre côté depuis le début, Harry le lui avait dit. Il voulait qu'il ait un soutien dans Poudlard et qu'il puisse être innocenté. Je dois avouer qu'elle aussi vit très mal la disparition de son corps.

Ron leva un sourcil surpris.
— Harry a défendu Rogue ? Mais… ils se détestaient non ?
Arthur eut un sourire amusé, contrastant singulièrement avec ses traits tirés.
— Et bien… apparemment, ils n'étaient pas aussi ennemis qu'ils le faisaient croire. Selon Minerva, Severus s'est beaucoup inquiété au sujet de votre… année de vagabondage. Si la mission que vous aviez à remplir n'était pas si importante, elle est persuadée qu'il serait allé vous chercher en personne !

Hermione laissa échapper un rire incrédule.
— Quand... Quand on l'a trouvé agonisant, Harry avait l'air si… désespéré. Je croyais que c'était parce qu'on le connaissait bien et que malgré sa façon d'agir il nous avait toujours protégés. Je veux dire, je ne l'appréciais pas plus que ça, mais le voir se vider de son sang m'a… remuée. Rogue a donné des souvenirs à Harry, juste avant de mourir, et… après, Harry avait l'air… différent.

Molly plaqua les mains sur sa bouche, horrifiée. Arthur secoua doucement la tête, et ferma les yeux.
— Minerva… Elle m'a dit autre chose. Puisque Harry lui avait tout raconté au sujet de votre mission et de celle de Severus, ce dernier s'est confié lui aussi à elle. Elle… Severus lui a rapporté ce que Dumbledore lui avait révélé au sujet de Harry et de la prophétie. Je pense que je n'ai pas besoin de vous révéler ce que sont des horcruxes ?

Ginny se pencha en avant prête à demander des précisions, mais sa mère lui posa la main sur l'épaule et l'empêcha de prendre la parole d'un regard noir.
Hermione se mordilla la lèvre, puis souffla.
— Il en était un n'est-ce pas ? Sa cicatrice ?
Arthur hocha la tête tandis que Molly blêmissait.
— Minerva m'a avoué que Dumbledore voulait que Severus révèle à Harry qu'il devait mourir. Qu'il devait se sacrifier pour le monde magique.

Il y eut un lourd silence, brisé par Ginny.
— Il a survécu ! Où est le problème ?

Personne ne fit attention à son interruption, et Hermione chuchota, incertaine.
— Il est mort. Pendant quelques instants, il est mort, puis il est revenu.

Pour la première fois, George prit la parole, d'une voix lasse, sans regarder personne.
— Le problème est bien plus simple. Il a survécu alors que tant d'autres sont morts. Il se sent coupable. Coupable d'être encore là.

Molly hoqueta, et fit un mouvement pour le prendre dans ses bras, mais il se leva et s'éloigna, en direction de sa chambre.
— Si vous trouvez comment l'aider, faites-le-moi savoir.

Les larmes roulaient sur les joues de la matriarche alors que Arthur fixait la direction que George avait prise, résistant visiblement à l'envie d'aller consoler son fils. Il savait que c'était vain et que George le repousserait, comme si sans son jumeau il ne pouvait plus vivre.
Hermione se plaqua les mains sur le visage, cachant ses sanglots, épuisée. Depuis la fin de la guerre, elle tentait de ramener Harry à la vie et tous ses efforts avaient été vains. Pâle, les yeux un peu trop brillants, Ron l'attira contre lui, la serrant fort pour lui montrer qu'elle n'était pas seule.

Finalement, il murmura.
— Harry va s'en sortir. Il est fort. C'est un survivant, il a juste besoin de temps.
Mais ça sonnait plus comme une question ou un vœu que comme une affirmation.