PROMPT : S'installer


Harry était bien trop occupé pour se rendre compte du départ de ses amis. Il avait conscience de les rejeter, de s'éloigner d'eux. Pourtant il les aimait toujours autant, mais il voulait les voir heureux. Ils n'avaient pas besoin de lui, et il préférait se détacher de lui-même.

Lorsqu'il avait trouvé les lettres que son père avait écrites à son parrain lorsqu'ils étaient adolescents, il les avait fixées un long moment, hésitant. Pour la première fois, il découvrait l'écriture de ce père inconnu. Ce père qu'il avait adulé comme un héros, avant de découvrir qu'il avait ses défauts et qu'il avait été un adolescent cruel.

Il l'aimait toujours autant pourtant. Malgré ses défauts. Il était son père… il se refusait à le renier. De la même façon qu'il en avait voulu à Sirius d'avoir été stupide, tout en l'adorant.

Après une longue hésitation, plongé dans ses pensées et ses souvenirs, il finit par déplier la première lettre et à se concentrer sur la lecture, caressant de temps à autre les boucles rondes de l'écriture encore enfantine.

C'était des lettres banales, de deux amis correspondant pendant les vacances, se remémorant leurs souvenirs. Leurs bêtises. Parfois, Harry souriait. D'autres fois, il grimaçait, quand il découvrait qu'ils étaient fiers de leur cruauté envers celui qu'ils appelaient Servilus.

Parfois, sa mère était mentionnée, et James la décrivait comme s'il ne voyait qu'elle. Comme si elle était la seule fille sur terre. Visiblement, c'était quelque chose sur lequel on ne lui avait pas menti : son père avait bien eu un coup de foudre pour sa mère, la jolie rousse Lily Evans.

Jusqu'à ce qu'il tombe sur un passage particulier. Il se figea, et relut encore et encore les quelques mots.
Son père se plaignait du fait que sa Lily vive près de Severus Rogue. Visiblement, la famille Rogue avait une maison près de celle de la famille Evans, à Carbonnes-les-Mines. James précisait même l'adresse complète, puisque visiblement il écrivait beaucoup à Lily : Impasse du Tisseur.

C'était peut-être une idée folle, ou un pressentiment venu de nulle part, mais Harry posa le paquet de lettres, pour se lever. Il était entièrement focalisé sur cette information. La famille Rogue avait une maison Impasse du Tisseur.

Lui, il était revenu panser ses plaies dans la maison de son parrain. Square Grimmaud lui appartenait puisque Sirius la lui avait léguée, mais… il avait eu besoin de rejoindre cet endroit dans lequel il avait tant espéré vivre aux côtés de sa dernière famille. Il avait choisi de se terrer dans un lieu familier, où il se sentait en sécurité. L'idée d'aller ailleurs le répugnait, même si le square n'était pas précisément une maison chaleureuse et accueillante.

Rogue… il était un maître des potions doué. Hermione avait un jour dit qu'il était le plus jeune maître des potions ayant jamais existé. Il avait mis sa vie en danger tant de fois… Il aurait pu prévoir l'attaque soudaine de Voldemort. S'y préparer.
Harry hoqueta, alors que l'espoir gonflait son cœur.

Rogue aurait pu reprendre connaissance après leur départ. Peut-être que les sorts de soin qu'il avait lancé avaient permis d'endiguer la perte de sang ?

En tout cas, il aurait pu rassembler ses dernières forces pour aller s'installer dans un lieu familier. Un lieu où il se sentirait à l'abri.

Sa maison.

Sa baguette en main, en jean et tee-shirt, Harry quitta square Grimmaud sans la moindre hésitation. Il cligna des yeux face au soleil du moins de Mai, ébloui, et inspira profondément l'air extérieur. Il avait les mains moites et le cœur battant, mais l'espoir brûlait dans son cœur. Et si… Et si Rogue était vivant…

Il jeta un dernier regard sur la maison de Sirius et eut un sourire nostalgique, puis il ferma les yeux et se concentra pour transplaner.
C'était un peu hasardeux, il ne connaissait pas les lieux. Il avait juste pensé au souvenir que Rogue lui avait donné, lorsqu'il se tenait dans un petit parc avec sa mère, sous un arbre. Il espérait que l'endroit existait encore et que de ce parc il pourrait trouver la maison de son professeur.

Il arriva dans un endroit inconnu. Le parc des souvenirs de Rogue était méconnaissable : mal entretenu, il semblait à l'abandon. L'arbre sous lequel il avait rencontré Lily Evans n'existait plus, pourtant Harry trouvait les lieux étrangement familiers.

Il soupira de soulagement d'être arrivé au bon endroit sans se désartibuler en cours de route, puis il avança vers la sortie du parc d'un pas décidé.

Le quartier dans lequel il venait d'arriver était… miséreux. Partiellement abandonné. La moitié des maisons au moins étaient condamnées par des planches et semblaient sur le point de s'effondrer. La route était en mauvais état, le bitume disparaissant par endroit pour laisser des nids de poule boueux, et aucune voiture ne passait.

C'était terriblement silencieux, et Harry hésita longuement, incapable de savoir quelle direction prendre.

Il repéra sur un mur de la rue face à lui une pancarte décolorée, usée par le temps et presque illisible. Il s'approcha et déchiffra avec difficultés « Impasse du Tisseur ».

Le cœur battant, il avança, regardant autour de lui, les yeux écarquillés. Il n'y avait même pas de numéros sur les façades, juste des petites maisons sinistres, miteuses, révélant la pauvreté du quartier.
Il imagina son professeur enfant grandir à cet endroit, et se demanda si son caractère n'avait pas été forgé par cette misère étouffante. Le jeune Severus avait probablement rêvé d'un avenir meilleur, loin de Carbonnes-les-mines.

Il scrutait chaque maison, essayant de déterminer où avait grandi Rogue, prêt à explorer chaque maison abandonnée s'il ne trouvait rien. Prêt à sonner à chaque porte.

Cependant, il n'eut pas besoin d'en venir à de telles extrémités. Au milieu de l'impasse, coincée entre deux autres bâtisses abandonnées, se tenait une petite maison. Elle n'avait pas l'air mieux entretenue que les autres, mais Harry s'approcha, comme attiré.

Il ne fut pas vraiment surpris de lire le nom sur la boîte aux lettres : « Famille Rogue ».

Il observa lentement l'extérieur, le cœur battant, essayant de ne pas penser à ce qu'il allait trouver à l'intérieur. Il soupira, pensant que si l'homme était retranché blessé dans sa maison d'enfance, il prendrait probablement son arrivée comme une intrusion. De la même façon que son tour dans sa pensine…
Harry décida qu'il avait besoin de savoir. Si Rogue le chassait, il partirait, mais après s'être assuré qu'il était vivant et qu'il n'avait besoin de rien.