Prompt : Serviette humide
Severus allait mieux, de mieux en mieux. Et il avait parfaitement conscience de ce qu'il devait à Harry. Le jeune homme avait été dévoué, il l'avait soigné inlassablement, avait pris soin de lui, sans une plainte, sans un reproche. Il avait fait en sorte de l'aider en tenant compte de son caractère difficile, ne se vexant jamais des paroles parfois abruptes du maître des potions. Il avait été une aide exemplaire.
Ils n'en parlaient jamais, agissant comme si tout était normal, comme si c'était leur façon habituelle d'interagir.
Maintenant qu'il se remettait, que sa vie n'était plus menacée, l'homme pouvait de nouveau observer le jeune homme qui prenait soin de lui sans jamais faire la moindre réflexion.
Ce n'était plus un enfant déjà. À peine majeur et déjà ses yeux montraient qu'il en avait trop vu. Qu'il avait traversé bien trop d'épreuves. Severus se demanda si Harry Potter avait jamais été un enfant, mais la réponse l'effraya, parce que ça reviendrait à admettre qu'il avait tort depuis le début. Qu'il s'était bercé d'illusions en imaginant le pur héritier de James Potter, outrageusement gâté et arrogant comme son père.
Le gosse rachitique de onze ans qui était arrivé dans le monde magique était devenu un homme bien trop mince, et bien trop petit, comme s'il avait souffert de nombreuses carences. Son regard vert était si lumineux, malgré sa vie chaotique, qu'il captivait immédiatement, et Severus se perdait souvent dans ces yeux, sans oser parler.
Bien que la guerre soit terminée, le jeune homme ne semblait pas se remettre comme il l'aurait dû. Il était nerveux, et les cernes foncés sur son visage prouvaient qu'il dormait mal. Plusieurs fois, Severus l'avait vu sursauter et se retourner, baguette en main, comme s'il était prêt à se battre.
Le traumatisme mettrait probablement des années à s'estomper — et Severus savait qu'il ne disparaîtrait jamais complètement. Harry serait toujours hanté par des cauchemars, ils deviendraient juste moins fréquents lorsqu'il vieillirait. Il resterait toujours aussi méfiant, toujours prêt à se battre. Il ne serait pas à l'aise sans sa baguette à portée de main, et il avait probablement pris la même habitude que lui, à savoir dormir avec sa baguette sous son oreiller, pour ne jamais être pris au dépourvu, même au réveil.
La guerre, Voldemort, tout ça avait brisé l'insouciance qu'il avait eue, et c'était irréparable.
Severus décida qu'il était temps de régler une partie de sa dette. C'était au moins l'excuse qu'il se donnait pour ne pas admettre qu'il s'attachait au fils de Lily, bien plus qu'il ne le souhaitait.
Dès qu'il eut la force de se tenir derrière un chaudron, il brassa de grandes quantités de potion de sommeil sans rêves, sans oublier de quoi remplumer le jeune homme.
Il nota que Harry le surveillait discrètement, comme pour venir à son secours s'il avait un problème.
C'était nouveau cette sensation d'avoir quelqu'un près de lui, qui se souciait de lui visiblement… Et Severus pensait qu'il pourrait facilement s'y habituer. Il se forçait à se répéter encore et encore que Harry partirait dès qu'il serait en pleine forme, que le Sauveur — rien de moins — encore un gamin de dix-huit ans n'allait pas passer sa vie avec son vieux professeur aigri.
Un jour, il le saluerait et passerait la porte, et Severus serait de nouveau seul.
Puisqu'il retrouvait la santé, Severus dormait également moins. Plus exactement, son sommeil était moins lourd que lorsqu'il était abruti par la fièvre et les potions. Ainsi, lorsque Harry commença à s'agiter et à sangloter dans la chambre voisine, il se réveilla en sursaut, désorienté.
En premier lieu, il ne comprit pas exactement ce qui se passait.
Vestige de son habitude de toujours voir le pire chez le fils de James Potter, il imagina stupidement que le gamin était venu se retrancher chez lui après un chagrin d'amour peut-être, et qu'il attendait la nuit pour se lamenter sur son petit cœur brisé. Cependant, il se leva, pour se tenir devant la porte de la chambre d'ami, incertain de la conduite à tenir.
Le souvenir du regard vert de Harry posé sur lui, soucieux, lui fit oublier très vite ses idées stupides. Quelle que soit la raison de l'état du jeune homme, Severus voulait aller le consoler. S'assurer qu'il allait bien.
Il frappa légèrement à la porte et entra presque immédiatement.
En posant un pied dans la chambre, il comprit immédiatement et s'en voulut d'avoir essayé de minimiser le chagrin du jeune homme.
Harry dormait, mais il s'agitait, se débattant contre des adversaires invisibles. Il sanglotait, visiblement désespéré et son visage se tordait de peur et de douleur.
Il ne fallait pas être devin pour comprendre que c'était un cauchemar et que le garçon revoyait les pires moments qu'il avait traversés.
Severus entra sans hésiter dans la salle de bain attenante pour humidifier un linge de toilette. Puis, il revint dans la chambre et posa la serviette humide sur le front du jeune homme, en murmurant des paroles de réconfort.
Harry s'agitait moins, mais il pleurait toujours, à gros sanglots déchirants, comme si son cœur se brisait. Severus hésita puis passa une main tremblante dans les cheveux fous du jeune homme.
— C'est terminé, Harry. Tout va bien.
Inconsciemment, le jeune homme se tourna vers lui et s'agrippa à lui. Il était toujours crispé et Severus continua de lui parler, laissant la main dans ses cheveux, ne cherchant même pas à s'écarter.
Soudain, Harry se tendit brusquement et sa bouche s'ouvrit sur un hurlement muet. Il se dressa d'un coup, une main toujours agrippée à Severus, l'autre main griffant l'air, comme s'il se débattait.
Le voyant paniquer, Severus l'attira fermement contre lui, et le serra contre sa poitrine, sans faire la moindre remarque. Le jeune homme se colla contre lui, avec un gémissement douloureux et le serra, comme s'il avait besoin de ce contact pour reprendre pied, et comme si la présence de Severus l'aidait à chasser ses démons.
Sans le lâcher, Severus épongea son visage avec douceur, conscient du regard émeraude qui ne le lâchait pas. Lorsqu'il eut terminé, il recommença à lui passer la main dans les cheveux doucement, pour l'apaiser. Lorsqu'il le sentit commencer à se détendre, il murmura, avec douceur.
— C'est terminé Harry. Tout ça, c'est terminé. Tu es libre maintenant.
