PROMPT : Bombe à retardement
Harry était totalement perdu.
Lorsqu'il était arrivé dans la maison d'enfance de son professeur de potions, il avait oublié tout ce qui n'allait pas dans sa vie. Il venait de découvrir l'homme qu'il avait appris à admirer dans un état critique, et il avait oblitéré tout ce qui n'était pas lui pour s'atteler à lui sauver la vie.
Il eut besoin de toute son énergie pour réussir à le sauver, pour le voir se remettre doucement.
Il avait craint que Severus Rogue ne le repousse. Qu'il essaie de l'écarter, en l'humiliant comme autrefois, en le comparant à son père. Mais étrangement, il avait été accepté.
Il surprenait le regard pensif si sombre posé sur lui. Et puis, Severus commença à le câliner. Il ébouriffait ses cheveux, l'attirait dans une brève étreinte. Ça semblait si naturel que Harry n'arrivait pas à en être gêné. Et pour lui qui avait manqué de tendresse, il se gorgeait de tous ces contacts.
La première fois qu'il se sentit pris de panique, vivant les prémisses d'une crise d'angoisse, il ne réfléchit pas un seul instant : il réagit à l'instinct et il se jeta dans les bras de Severus, s'agrippant à lui comme si sa vie en dépendait.
Lorsque les bras de l'homme se refermèrent sur lui, il eut l'impression que l'oxygène recommençait à arriver dans ses poumons et que les battements affolés de son cœur reprenaient un rythme normal.
Il ne reçut ni reproche ni remarque. Et il garda cette habitude de se précipiter contre Severus quand il sentait la panique le submerger.
Son professeur commença rapidement à le tutoyer et à l'appeler Harry, cependant, le jeune homme ne l'imita pas. Il attendait juste que ce soit une demande de l'homme, décidant qu'il s'imposait assez dans sa vie pour ne pas en plus se montrer aussi familier. Harry n'était pas vraiment surpris de se rendre compte que la cohabitation se passait bien entre eux.
Ils se comprenaient en quelques sortes, ils avaient traversé les mêmes épreuves. Tous les deux avaient appris très jeunes à se battre pour survivre et à se débrouiller, à prendre ce qu'ils pouvaient de la vie. Ils s'étaient battus, et ils avaient tous les deux su qu'ils devraient se sacrifier finalement. Qu'ils ne profiteraient jamais de la paix.
Mais contre toute attente, ils avaient tous les deux survécu.
L'attention de Harry fut attirée par son professeur qui remontait lentement de son laboratoire de potion, peinant encore à gravir les marches, vestige de l'infection qui avait failli le tuer. Avec une pointe d'inquiétude, le jeune homme songea que l'homme pouvait presque se débrouiller seul, que d'ici peu, il l'inviterait probablement à quitter sa maison, à reprendre sa vie.
Il se détesta d'espérer que la convalescence de Rogue dure plus longtemps, et presque aussitôt, une vague de panique déferla sur lui à l'idée de ne plus être près de cet homme qu'il avait appris à apprécier.
Il cligna des yeux, essayant de se calmer. Mais l'angoisse de devoir quitter Rogue le paralysait, et lorsque l'homme se posta devant lui, Harry ne vit pas son air inquiet. Il crut juste que la fin de cet étrange répit, de cette cohabitation étrange qui lui permettait de ne pas sombrer était arrivée, et ça lui tordait le cœur.
En remontant de son laboratoire, Severus vit Harry, immobile, qui le fixait. Il semblait pensif, perdu dans ses pensées, et pour une fois, il était bien incapable de dire à quoi songeait le gosse. Il se corrigea aussitôt. Le jeune homme. Quoi qu'il puisse dire, Harry Potter n'était plus un enfant, aussi frêle soit-il.
Habituellement, il était accueilli d'un sourire, ou d'une question sur ce qu'il avait brassé, mais cette fois, le jeune homme resta muet, comme figé.
Inquiet, Severus s'approcha, sourcils froncés, bien plus inquiet qu'il ne voulait l'avouer. Il avait conscience de l'état mental du jeune homme et il savait qu'il était une véritable bombe à retardement. Il avait vécu des épreuves terribles, et à un moment ou à un autre, le poids de tous ces traumatismes finirait par le rattraper et par l'anéantir.
Lorsqu'il se posta devant Harry, ce dernier resta un long moment figé, avant de lever un regard noyé de larmes vers lui, ses yeux pleins d'un tel désespoir que Severus chancela légèrement.
Avec douceur, comme si c'était un animal sauvage, il murmura avec douceur, sans faire le moindre geste.
— Harry ? Tout va bien ?
Comme il restait muet, Severus tendit une main hésitante, pour la poser sur l'épaule du jeune homme, essayant de le ramener à la réalité. Cependant, la seule réaction qu'il obtint fut une grosse larme qui coula le long de la joue creusée.
De ses longs doigts tachés par les ingrédients de potion, Severus attrapa la goutte salée, caressant au passage la peau qui lui sembla brûlante. Harry hoqueta à ce geste, laissant les digues de son chagrin se rompre et il se laissa tomber contre son torse, sanglotant désespérément.
Severus ferma un bref instant les yeux, pour repousser ses propres démons. Hésitant, il serra Harry contre lui, incapable de dire le moindre mot, abasourdi par le désespoir du jeune homme.
Finalement, il l'entraîna à sa suite sur le sofa, le tirant presque sur ses genoux pour le garder contre lui, pour le réconforter du mieux qu'il le pouvait. Après un long moment, le plus jeune se calma, et s'endormit, accroché à Severus comme si sa vie en dépendait.
Severus pinça les lèvres et observa longuement le garçon endormi. Il était visiblement à bout, comme si quelque chose le torturait. Pourtant, depuis qu'il était arrivé brusquement dans sa vie et qu'il l'avait sauvé, Harry n'avait pas émis une seule plainte. Il avait tout pris en charge, et n'avait rien demandé… Si Severus n'avait pas eu l'initiative de brasser des potions de sommeil sans rêves pour lui permettre de passer des nuits plus paisibles, le jeune homme aurait continué à endurer ses cauchemars sans en parler.
Un bref instant, il se souvint du jour où le satané Gryffondor avait visité sa pensine. Il avait été réellement fou de rage, mais en cet instant, il comprenait les raisons du jeune homme. À l'époque, ce dernier avait voulu des réponses que personne n'avait voulu lui donner. Et à ce moment précis, alors qu'il caressait le front de Harry, endormi contre lui, Severus pensa que ce dernier allait probablement le détester pour ce qu'il s'apprêtait à faire, mais qu'il n'avait pas le choix. Pas s'il voulait l'aider à son tour.
