PROMPT : Un homme patient
Ils se figèrent tous les deux, dans un silence lourd qui s'éternisa.
Harry s'était raidi, de crainte d'être repoussé par son ancien professeur et Severus essayait d'ordonner le chaos de ses pensées. Les mots de Harry flottaient entre eux, « j'étais tombé amoureux du Prince de sang-mêlé. ».
Finalement, il laissa échapper un rire grinçant.
— Jusqu'à ce que tu découvres que c'était ton vieux professeur de potions.
Harry resta silencieux, le fixant juste pensivement.
À bout de nerfs, troublé par la situation et par le comportement incompréhensible du jeune homme, Severus attaqua, retrouvant le ton tranchant de ses années à Poudlard.
— Je ne suis pas un homme patient, Potter. Si c'est une blague, c'est de très mauvais goût. Tu devrais cesser…
Harry le coupa, visiblement vexé du ton.
— Ce n'est pas une plaisanterie.
Lorsqu'il était pris en défaut, la réaction instinctive de Severus était l'attaque. C'était une façon de se protéger, de se défendre. Cependant pour une fois, il se contint, et malgré les questions qui se bousculaient dans sa tête, et son incapacité à savoir ce qu'il pensait de la déclaration du jeune homme, il répondit calmement.
— Harry. J'ai l'âge de tes parents. J'ai un passé plutôt chargé, je suis mort officiellement. Tu es un jeune homme qui a la vie devant lui, et c'est probablement une stupide reconnaissance parce que tu t'es attaché à moi à cause de notre proximité.
Harry pencha la tête, et eut un rire moqueur, alors que la colère crispait son corps. Il siffla, agacé.
— J'étais assez vieux pour être envoyé me sacrifier. Pour être envoyé tuer un homme. Et maintenant, je suis trop jeune pour avoir les idées claires sur ce que j'éprouve comme sentiments ?
Severus se pinça la base du nez et ferma les yeux un instant conscient que Harry ne le laisserait pas s'en tirer si facilement. Il allait devoir se montrer ferme et clair.
— Ce n'est pas ce que je dis. Je suis persuadé que tu es sincère dans tes mots, Harry. Et que tu sais parfaitement ce que tu ressens. Mais tu t'es accroché à moi parce que j'étais là, près de toi, et que nous avions traversé des épreuves… similaires. C'est…
Le jeune homme resta silencieux et songeur si longtemps que Severus crut l'avoir convaincu. Il ignora le pincement dans sa poitrine à l'idée de le voir se détourner de lui ou l'éviter, refusant de s'attarder sur ce sentiment.
Mais c'était mal connaître l'élève le plus têtu qui ait jamais fréquenté sa classe.
— Il est possible que ce que nous avons… traversé aide. Je veux dire, je sais que vous me comprenez Severus. Mais ce n'est pas la seule raison. Je… Je sais que vous n'avez plus vraiment besoin de moi, maintenant que vous allez mieux, mais moi… j'ai besoin de vous. J'ai besoin de vous toucher, pour être sûr que vous n'êtes pas une illusion, que vous n'êtes pas mort dans la cabane hurlante. J'ai besoin d'être dans vos bras, pour tenir les cauchemars à distance.
— Ce n'est pas… correct.
Harry haussa les épaules.
— Je ne suis plus votre élève Severus. Il y a d'autres couples par le monde dont la différence d'âge est importante. Je ne compte pas m'exposer au monde magique, ou vous traîner chemin de Traverse en vous tenant la main. Je ne crois pas être quelqu'un de spécialement romantique ou tous ces trucs, je n'ai pas été… habitué à ça.
— Harry…
— Avant de vous laisser objecter encore, je veux vous assurer que c'est probablement les paroles les plus réfléchies de ma vie. Ce n'est pas… Ce n'est pas une idée qui est arrivée comme ça, j'ai juste fait le lien tout à l'heure avec votre manuel de potions. Mais depuis que je suis ici… non depuis votre disparition, j'ai conscience de l'importance que vous avez pour moi.
Severus soupira.
— Je pensais que tu me voyais comme… un oncle grincheux.
Harry gloussa, une étincelle moqueuse dans son regard émeraude. Il fronça le nez.
— Je préfère ne pas vous comparer à mon oncle, Severus. Vous valez bien plus que lui… Et avant de parler d'une autre figure d'autorité, vous m'avez suffisamment dit que je n'étais pas capable d'écouter ou de respecter la moindre autorité, non ? Et pourtant, vous êtes probablement la seule personne que j'écoute autant.
Malgré lui, Severus se mit à rire. Toute la tension de la conversation retomba et il tendit la main vers Harry pour la passer dans ses cheveux en bataille, n'arrivant même pas à être gêné quand le jeune homme ferma à demi les yeux en souriant, appréciant le contact.
— Tu as un don pour retenir ce qui t'arrange. Et pour t'en servir quand tu en as besoin. C'est effrayant de constater que tu aurais pu être un bon Serpentard.
L'air malicieux sur le visage de Harry lui fit deviner qu'il avait une anecdote au sujet de sa répartition et il se souvint d'Albus, qui avait murmuré que plusieurs maisons auraient pu accueillir Harry Potter. Aussi il roula des yeux.
— Je ne veux rien savoir.
Harry haussa les épaules, un rictus en coin toujours affiché sur son visage.
— Je suis certain que vous auriez apprécié pourtant.
Le maître des potions fit une moue dubitative, avant de soupirer.
— Je suppose que tu peux me tutoyer, Harry. Je ne vais pas te manger, et vu la conversation gênante que nous venons d'avoir…
— Gênante ?
— Qu'un ancien élève avec qui je me suis montré particulièrement… exigeant me déclare sa flamme est particulièrement gênant oui.
Harry se mordilla la lèvre indécis.
— Et ça vous… ça t'arrive souvent ? Qu'un ancien élève te déclare… Se déclare ?
Severus laissa échapper un ricanement amer.
— Mangemort, laid et méchant. Je ne suis pas le parti rêvé des élèves, même bourrés d'hormones.
Harry soupira et posa une main sur son bras, prenant soin à toucher l'endroit exact où les restes de la marque des ténèbres salissaient sa peau claire.
— Je ne v... te vois pas comme ça moi.
— C'est pourtant ce que je suis Harry.
Malgré lui, Severus eut un léger rictus attendri face à la moue boudeuse de Harry. Il soupira, et se laissa aller en arrière dans le sofa, fermant les yeux et laissant le jeune homme se coller contre lui. Une part de lui hurlait que cette situation était malsaine, qu'il devait y mettre un terme… et l'autre partie en avait assez de se battre, et était d'avis de laisser les choses évoluer tranquillement, à leur rythme.
