CHAPITRE UN
Disparition.
Trois jours plus tôt.
John avait décidé d'aller boire un verre au bar du village, ne supportant plus la mauvaise humeur de Sherlock.
Depuis que Greg Lestrade les avait rejoints, son colocataire était devenu insupportable.
Au départ, l'enquête devait être sur une disparition dans un village éloigné de Londres. Le frère de la disparue était venu demander l'aide de Sherlock, et ce dernier, à cours d'enquêtes depuis deux semaines, avait sauté sur l'occasion.
Matilda Winter, une femme d'une cinquantaine d'années, avait disparu pendant une promenade en forêt, deux semaines auparavant. Son frère, Louis Winter, qui l'accompagnait ce jour-là, avait simplement fait une pause pour téléphoner dans une zone où il y avait un peu de réseau, et lorsqu'il avait terminé son appel, sa sœur était introuvable. Après l'avoir cherché pendant des heures, il avait fini par prévenir la police mais cette affaire n'avait pas été leur priorité, et Louis avait décidé de consulter un privé pour retrouver sa sœur.
Les deux collègues s'étaient donc rendus dans le village où ils avaient loués deux chambres pour trois nuits, ce qui semblait être suffisant pour résoudre l'affaire, selon Sherlock.
Le premier jour s'était bien déroulé. Dès qu'ils étaient arrivés, ils étaient retournés sur les lieux de la disparition, qu'ils avaient ratissés de long en large à la recherche d'indices. Ils n'en avaient trouvé aucun, jusqu'à ce que Sherlock ne remarque des traces étranges à quelques centaines de mètres du lieu où Matilda avait été vue pour la dernière fois. Ça ne ressemblait pas à un animal présent dans la forêt, plutôt à un chien, mais les traces étaient trop grandes pour que ce soit le cas. Sherlock avait réfléchi toute la nuit pour comprendre de quoi il s'agissait, même si John doutait que cela ait réellement un rapport avec leur enquête.
Le deuxième jour, ils avaient interrogé la plupart des gens du village qui auraient pu être témoins de quelque chose, ou pouvant donner des informations sur la disparue et son frère. Le détective en avait conclu très rapidement que la femme n'avait pas disparue volontairement et qu'il ne pouvait s'agir que d'un meurtre ou au mieux, d'un enlèvement. Il n'était guère optimiste sur le sort de la victime.
Le troisième jour lui avait donné raison. Le corps de la femme avait été retrouvé par un promeneur, à dix kilomètres de l'endroit de la disparition, sur un chemin forestier.
La police avait été appelée sur les lieux, puis Lestrade avait débarqué à son tour, pas pour l'enquête mais parce que Mycroft l'avait envoyé là. Sherlock avait été dans une rage folle d'être surveillé comme ça, jusqu'à ce que Lestrade finisse par avouer que des menaces assez directes avaient été adressées au jeune Holmes, il n'en savait guère plus mais visiblement, la situation avait suffisamment préoccupé Mycroft pour qu'il considère que son frère devrait être surveillé davantage tant qu'il était loin de Londres et de sa surveillance habituelle.
Sherlock avait trouvé ça parfaitement ridicule et tout à fait mélodramatique. Il savait très bien se débrouiller tout seul et n'avait besoin de personne, et de toutes façons John était là et Greg était donc absolument inutile. Il avait répété ça toute la journée et avait décidé de retourner dans la forêt avec John en faussant compagnie au policier, qui était censé être 'en vacances' et s'occupait donc au village avec des visites par ci par là.
Ils avaient fini par trouver des traces à quelques centaines de mètres du lieu où avait été découvert le corps, les mêmes que sur le lieu de la disparition, mais toujours impossibles à identifier et le brillant détective était resté un moment à les analyser, refusant de les signaler à la police comme John voulait le faire.
Les deux amis avaient fini par se disputer, Sherlock s'énervant parce qu'il en avait déjà assez d'avoir Lestrade sur le dos et qu'il n'avait pas envie de travailler en plus avec la police locale. De toute façon, il avait une piste et il la suivrait tout seul, parce qu'il se débrouillait très bien tout seul. Il était en fait de très mauvaise humeur et lorsqu'ils étaient rentrés à l'hôtel, Sherlock ne disait plus un mot et John en avait eu marre.
Il était parti en laissant seul son ami enfermé dans sa chambre d'hôtel, ami qui de toute façon, se disait John, ne s'était probablement même pas aperçu de son absence.
Il trouva Lestrade lui-même installé à l'une des tables, et le rejoint en soupirant.
« Sherlock est toujours autant de mauvaise humeur ? »
Demanda l'inspecteur tout en connaissant déjà la réponse. Ils avaient tout les deux l'habitude des périodes où leur brillant ami devenait insupportable et ingérable, même si en fait, il l'était toujours, mais il y avait des moments particulièrement difficiles.
John s'affaissa dans sa chaise en levant les yeux au ciel.
« Depuis que tu lui as dit que Mycroft t'avait informé d'une menace, il est devenu impossible… »
Greg secoua la tête.
« Je me doutais que ça n'allait pas lui plaire… Mais je préfère être ici que trop loin… De toute façon, j'avais besoin de vacances ! Même si les passer à surveiller Sherlock n'était pas ce que j'aurais pu imaginer! »
Les deux amis se mirent à rire ensemble, ils se comprenaient quand il s'agissait de Sherlock, et ils étaient tout deux un peu dans la même situation, même si John supportait la mauvaise humeur de leur excentrique ami à longueur de temps alors que pour Lestrade, ce n'était que lors des enquêtes.
La soirée s'était écoulée dans la bonne humeur pour tous les deux, ils avaient finalement pris ensemble un repas agréable au bar restaurant, laissant Sherlock seul dans sa chambre, puisqu'il voulait bouder et que dans tous les cas il aurait probablement refusé de manger puisqu'il était toujours sur l'enquête.
Quand la soirée se termina, John salua Greg puis décida de passer tout de même voir Sherlock, qui étonnamment ne lui avait envoyé aucun SMS de la soirée. Il frappa et entra directement, devinant que personne ne lui répondrait. Ne trouvant pas son ami, il s'installa sur un fauteuil pour lire un journal qui traînait là, attendant que Sherlock ne revienne probablement de la salle de bain. Mais au bout de quelques instants, John fronça les sourcils. Le silence était assourdissant dans la pièce, il n'y avait aucun bruit. Un peu surpris, il se leva en appelant :
« Sherlock ? Tu es là ? »
Le médecin frappa à la porte de la salle de bain pour constater avec étonnement qu'elle n'était en fait pas fermée et surtout, qu'il n'y avait personne à l'intérieur.
Regardant un peu mieux autour de lui, il réalisa aussi que le manteau et les affaires de Sherlock n'étaient pas dans la pièce, signalant que le détective était sorti.
Et sans avoir appelé John. Un peu vexé aux premiers abords, il finit par se dire que ce n'était peut-être pas pour l'enquête que son ami était sorti, mais juste pour prendre un verre ou, par miracle, quelque chose à manger. À moins que ce ne soit juste pour fumer une cigarette, il avait beau essayer de le faire s'arrêter, il savait bien que ces temps-ci, Sherlock fumait quand il était énervé et là, il l'était incontestablement.
Soupirant de dépit, il sortit de la pièce et descendit au rez-de-chaussée pour rejoindre le détective, mais il constata bien vite quil n'était pas là. Un peu surpris, il chercha un peu partout dans les pièces communes du petit hôtel, puis à l'extérieur, il descendit même dans la rue et continua jusqu'au bar restaurant qui était fermé désormais, à cause de l'heure tardive - il était plus de minuit - .
John décida d'attraper son téléphone et d'appeler Sherlock pour simplement lui demander où il était passé, mais bien sûr, personne ne décrocha et John commença à se sentir énervé – pourquoi diable Sherlock ne répondait qu'aux SMS quand il aurait été beaucoup plus rapide de répondre à un appel… -
De nouveau, personne ne lui répondit. Légèrement tendu, voire même réellement inquiet mais ne voulant pas se laisser aller à s'en faire pour un homme capricieux qui devait sûrement aller très bien et qui se moquerait de lui s'il le voyait paniquer pour rien, John décida d'aller demander à Lestrade s'il n'avait pas vu l'insupportable détective.
Greg sortait de la douche et se séchait les cheveux avec une serviette lorsqu'il ouvrit à John, surpris.
« Un problème ?
_ Ouais, euh… T'aurais pas vu Sherlock ? Je l'ai appelé et lui ai envoyé des SMS mais il ne répond pas et il n'est pas dans sa chambre ni dehors…
_ Il est peut-être dans la tienne ? »
John ne put s'empêcher de rire à cette idée saugrenue aux premiers abords mais en y réfléchissant, il hocha la tête :
« Tu as raison, il a dû vouloir prendre mon ordinateur portable et rester finalement dans ma chambre sans même se rendre compte que ce n'était pas la sienne ! »
Un peu plus rassuré et se sentant presque stupide de ne pas y avoir pensé, il fonça dans sa propre chambre, mais il n'y avait personne non plus.
Cette fois-ci, ça commençait vraiment à devenir bizarre. Retournant sur ses pas, il fit un signe négatif à Lestrade qui attendait sur le pas de sa porte. Il n'avait pas besoin de se le dire, ils étaient tout les deux inquiets cette fois.
« Bon écoute, il n'a pas pu aller bien loin, demande au réceptionniste s'il l'a vu, je vais voir dans les chambres s'il y a quelque chose qui pourrait nous dire où il est et ensuite on ira dans le village, il est peut-être allé interroger un suspect sur un coup de tête, dieu sait ce que Sherlock peut inventer quand il est énervé comme ça ! »
Pour l'instant, les deux amis voulaient plutôt penser à une énième excentricité du détective plutôt qu'aux menaces qui pesaient sur lui. Mais lorsque sonnèrent une heure du matin et après l'avoir cherché absolument dans toutes les rues du village, l'inquiétude commença vraiment à les gagner. Ce n'était pas normal.
John commençait à tourner en rond, fulminant d'avoir laissé seul son meilleur ami alors qu'il le savait menacé. Il s'en voulait, il aurait dû passer outre les disputes et la mauvaise humeur, après tout, il en avait l'habitude.
« Il doit bien-être quelque part… Il est peu probable qu'il soit parti en taxi, il n'y en a pas dans ce village, il aurait fallu qu'il en appelle un exprès de la ville… Pourquoi aurait-il fait ça au milieu de la nuit ? Tu penses qu'il avait trouvé quelque chose et qu'il serait parti sans me le dire ? »
Lestrade soupira mais prit son téléphone en décidant de prendre les choses en main.
« Ce n'est pas si impossible que ça ! Je vais appeler tout les taxis qui desservent le village, et on va sur les lieux où on a trouvé le corps de Mme Winter, il y est peut-être ! »
John hocha la tête et se sentit rassuré que Lestrade soit là. À deux, ils iraient plus vite pour retrouver Sherlock.
...
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« Je ne comprends pas… »
John prit sa tête entre ses mains en s'asseyant sur le bord du lit, fatigué mais plus que jamais en alerte. Il était six heures du matin et Sherlock était introuvable.
Ils avaient cherché partout. Ils s'étaient rendus sur le lieu où le corps de la victime avait été trouvé, avaient cherché tout autour sur plusieurs centaines de mètres, puis ils étaient allés sur les lieux de la disparition de Mme Winter, avaient fouillé les environs, les chemins de promenade, avant de revenir au village, de refaire toutes les rues, puis ils avaient fouillé l'hôtel et la chambre de Sherlock mais n'avaient absolument rien trouvé. C'était comme si leur ami s'était volatilisé. John avait essayé de localiser le portable du détective, mais il devait être éteint car la tache avait été impossible. Et aucun taxi ni le personnel de l'hôtel ne l'avait vu.
Le jour pointait déjà le bout de son nez, ils avaient fait nuit blanche et n'avaient juste aucune idée de ce qu'il avait pu advenir du génie excentrique.
« Il va falloir appeler Mycroft… »
« On devrait appeler Mme Hudson… Peut-être qu'il est rentré pour une raison quelconque… »
Greg hocha la tête pour approuver l'idée de John. Appeler Mycroft causerait à coup sûr des ennuis, il ne faisait nul doute que l'aînée Holmes n'allait guère apprécier que Lestrade ait manqué à son devoir de surveiller Sherlock. Mieux valait être sûr avant de provoquer la tempête.
Mme Hudson avait été réveillée en sursaut par l'appel de John, mais leur unique espoir avait été anéanti quand elle avait confirmé ne pas avoir vu son locataire depuis qu'il était parti sur l'enquête. Mais la vieille dame avait ensuite révélé un détail assez surprenant. La veille au soir, sur les coups de 21 heures, Molly était venue au 221 b Baker Street, avait demandé à voir Sherlock qui lui avait laissé un message lui disant de venir immédiatement. Mme Hudson avait expliqué à Molly qu'il n'était pourtant pas là, et la jeune femme était repartie sans rien comprendre.
« Molly ? Pourquoi aurait-il demandé à Molly de venir à la maison hier soir alors qu'il était ici ? Il n'aurait jamais eu le temps de rentrer à temps, c'est stupide… Il a peut-être voulu qu'elle récupère quelque chose, il faut l'appeler, elle en sait peut-être plus… »
John ne comprenait vraiment pas ce qui se passait. Cette histoire l'inquiétait, c'était comme s'il sentait au fond de lui que son ami était en fait en danger, c'était plus fort que lui, ils avaient beau se disputer sans cesse, les deux amis et collègues étaient toujours comme liés depuis leur première affaire ensemble. Ils se comprenaient souvent sans rien dire, ils savaient quand l'un ou l'autre avait besoin d'aide, et là, John le ressentait, Sherlock avait besoin d'aide.
L'inquiétude monta encore d'un cran quand Molly ne répondit pas à son téléphone, même après plusieurs tentatives. Il avait beau être encore tôt, il n'ignorait pas que la jeune légiste était matinale et qu'elle aurait répondu en voyant que c'était John qui l'appelait, puis Lestrade. Quelque chose ne tournait vraiment pas rond.
« Tu sais John… C'est peut-être absurde mais… Si ni Sherlock ni Molly ne répondent à leurs téléphones… C'est peut-être parce qu'ils sont ensemble et… Qu'ils ne veulent pas être dérangés? »
Tenta Lestrade qui lui-même avait envie de rire devant l'improbabilité totale de ce qu'il était en train de dire.
John ouvrit de grand yeux, fronça les sourcils, rit puis refronça les sourcils.
« … Quoi… Non… Quoi ? Greg, tu penses vraiment à ce que tu as dit là ? Tu veux pas dire… ? »
Presque gêné, l'inspecteur de Scotland Yard fit un vague mouvement d'excuses de sa main.
« Je sais, c'est stupide, mais après tout… Je ne sais pas, Molly est… Elle est amoureuse de Sherlock, et Sherlock… On ne sait jamais trop ce qu'il pense, ce qu'il ressent en général alors… Oublie ça, t'as raison c'est vraiment une idée ridicule… ! »
Malgré tout, John réfléchissait. Il aurait presque voulu que Greg ait raison, au moins, ça aurait voulu dire qu'il n'y avait aucun danger nulle part, qu'ils s'inquiétaient pour rien. Après tout, même s'il avait cru au départ que son ami n'aimait pas les femmes, puis qu'il n'aimait en fait personne, l'affaire avec Irène Adler lui avait prouvé que tout n'était peut-être pas aussi simple avec son mystérieux colocataire.
Après quelques minutes de réflexion, il hocha la tête, persuadé que c'était vraiment une idée ridicule. Sherlock n'avait de cesse de se montrer odieux ou au mieux à peine agréable avec la pauvre Molly. Que la jeune femme soit éprise du détective, ce n'était plus un secret tellement c'était visible, mais l'inverse était faux. Si les deux ne répondaient pas au téléphone, c'était parce que quelque chose ne tournait pas rond, que quelque chose d'anormal se passait et John se sentit de nouveau impuissant et coupable. Son ami était peut-être en grand danger et il était ici, à ne pas savoir quoi faire, à ne pas avoir veillé sur lui.
Il n'avait plus le choix : il fallait appeler Mycroft.
...
...
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...
Molly avait entendu son téléphone sonner.
Elle l'avait entendu, mais elle ne pouvait pas y répondre.
Terrifiée, elle avait regardé désespérément son écran et avait ressenti un regain d'espoir en voyant le nom de John Watson s'afficher. Si il avait besoin d'elle, c'était sûrement pour Sherlock, et si elle ne répondait pas, s'il y avait bien une personne au monde qui pourrait se rendre compte plus vite que les autres qu'il y avait un problème, c'était bien Sherlock. Il allait l'aider. Il allait comprendre, c'était sûr. Et il saurait la retrouver. Après tout, c'était le meilleur détective du monde, le plus grand génie d'Angleterre, et elle avait confiance en lui. Lorsque le téléphone s'arrêta de sonner, elle ferma les yeux et supplia mentalement celui dont elle était désespérément amoureuse depuis si longtemps, de venir l'aider, de la sortir de là. Parce qu'elle était vraiment effrayée, et elle aurait donné n'importe quoi pour voir l'ombre de la silhouette élégante du beau détective consultant se dessiner sur le mur en face d'elle.
Retenant un sanglot, elle décida d'être courageuse et rouvrit les yeux, entendant du bruit près d'elle. Se tortillant dans ses liens qui emprisonnaient ses poignets et ses chevilles, dans un trop faible espoir de se détacher, elle sentit un courant d'air froid dans son dos et parvint à rouler légèrement sur le côté pour voir la porte derrière elle s'ouvrir, la lueur de l'unique bougie éclairant la petite pièce sombre manquant de s'éteindre.
« Qui êtes-vous ? Que me voulez vous ? »
Eut t'elle le courage de demander, ne voyant personne entrer. Tous ses membres voulaient trembler mais elle parvenait à se tenir la plus immobile possible.
C'est à ce moment là que son téléphone sonna à nouveau. Par terre, près de la porte. Elle avait bien essayé de l'atteindre, mais il y avait entre elle et l'appareil, un énorme fossé à même du sol en terre, dans lequel elle serait tombé lourdement si elle avait tenté d'approcher l'autre côté de la pièce.
Une silhouette inquiétante toute vêtue de noir, s'avança dans la pénombre et attrapa le téléphone qui cette fois encore, sonnait et affichait le nom de John Watson.
« Le docteur John Watson… Tu penses qu'il va avertir ton ami Sherlock Holmes de ta disparition, n'est-ce pas ? Tu espères que ce cher monsieur Holmes vienne te chercher ? Il ne te sauvera pas... »
« Ne sous-estimez pas Sherlock. »
Ne put s'empêcher de répondre Molly qui, à la mention du nom de celui sur qui elle portait tous ses espoirs, sentit son cœur battre un peu plus fort. Elle ignorait où elle était, ni avec qui, ni pourquoi on l'avait enlevé, mais elle savait maintenant que ça avait un rapport avec Sherlock. Le mystérieux homme en noir venait de le lui confirmer. Et si ça avait un rapport avec lui, il comprendrait ce qui se passait, et il viendrait, vite, il la sortirait de cet enfer.
L'homme vêtu de noir se tourna lentement, très lentement vers Molly. Il portait un effrayant masque noir de carnaval, et elle ne pouvait distinguer aucun trait de son visage, ni même son regard, mais elle aurait presque pu deviner son sourire diabolique qui lui glaça le sang et qui la fit se recroqueviller un peu plus sur elle-même, d'un coup de nouveau terrifiée, tout son courage la quittant.
« Tu crois ça, Mademoiselle Hooper… Tu crois que je sous estime ton cher… Sherlock ? Je pense… Que c'est plutôt toi qui le surestime. »
La voix était déformée par un appareil qui la rendait presque robotique et le ton était terriblement menaçant, et Molly n'osait plus bouger, complètement tétanisée, incapable de penser alors qu'une lumière rouge presque aveuglante inondait la pièce d'un coup. Elle eut à peine le temps de cligner violemment des yeux pour se protéger de la lueur qu'elle entendit le bruit d'une chute sur le sol, comme si quelqu'un venait de tomber, et faisant un effort considérable pour rouvrir les yeux en dépit de la terrible lumière, elle ne put s'empêcher d'hurler en voyant que quelqu'un avait été balancé à travers la pièce comme un vulgaire objet. Une silhouette grande, mince, un long manteau sur le dos et des boucles sombres sur la tête.
Molly crût que son cœur aller exploser.
Elle avait rêvé toute la nuit de voir cette silhouette arriver pour la secourir. Mais à présent elle aurait donné n'importe quoi pour qu'il ne soit pas ici.
Sherlock. Incapable de quitter des yeux l'homme qui venait d'être violemment jeté au sol, elle se demanda un instant si il ne jouait pas la comédie et allait d'un moment à l'autre se jeter sur le ravisseur et reprendre la situation en main. Mais lorsqu'elle vit les yeux du détective complètement dans le vague et injectés de sang, elle sentit son souffle se couper au fond de sa gorge. Il n'allait pas bien. Quelque chose ne tournait pas rond. Et il ne se relevait pas. Pas qu'il n'essayait pas, mais il en semblait comme incapable, comme si son corps ne lui obéissait pas.
Elle poussa un nouveau cri de terreur en voyant l'homme en noir donner subitement de sauvages coups de pieds à Sherlock pour le repousser au sol. L'effrayante lumière rouge agressif rendait la scène comme tout droit sortie d'un film d'horreur, et leur ravisseur semblait encore plus terrifiant. L'ombre de la scène se projetait sur les murs dangereusement et Molly avait l'impression que ses cris et que les faibles gémissements de douleur de Sherlock résonnaient aux quatre coins de la pièce. Jamais un moment aussi court et soudain ne lui avait paru aussi long, interminable et abominable.
Puis, l'homme déguisé attrapa sa victime, la souleva dans ses bras comme une simple plume et la jeta vers Molly, Sherlock atterrissant violement à coté d'elle sur le sol, alors que leur étrange ravisseur s'en allait en refermant la lourde porte de fer, la lumière rouge s'éteignant du même coup.
« SHERLOCK ! »
Effrayée, Molly s'approcha de lui comme elle put, prête à n'importe quoi pour aider celui qu'elle avait voulu pour sauveur.
« Mo… Moll…Molly, les… Est-ce qu'ils… »
Il semblait incapable d'articuler une phrase complète, et son regard d'ordinaire si intense était presque perdu. Molly avait beau être dans un état de peur extrême, elle n'en était pas moins médecin et elle savait qu'il avait été lourdement drogué en plus d'avoir été battu.
Elle ne fut pas surprise de le voir rapidement sombrer dans l'inconscience.
Devait elle être rassurée ou effrayée qu'il soit là, elle ne savait pas, elle ne pourrait pas supporter qu'il lui arrive quelque chose, et le voir être frappé alors qu'il ne pouvait pas se défendre lui avait juste retourné le cœur. Le voir inconscient et vulnérable sur le sol de cette pièce sombre, était encore pire. Elle l'avait toujours vu comme un homme inébranlable et fort, intelligent. Même sa silhouette lui imposait le respect, l'admiration, l'amour. Il était si grand, si beau, si charismatique.
Mais ce matin, effondré à quelques pas d'elle, drogué et battu, il semblait vulnérable. Et Molly n'avait qu'une envie, se détacher et l'aider. Avec rage et désespoir, elle tenta de glisser ses mains hors de ses liens trop serrés, sans y parvenir.
Le téléphone sonna de nouveau, et c'était Lestrade cette fois. Si seulement Sherlock avait pu répondre, lui n'était pas attaché, mais il était inconscient. Elle caressa l'espoir qu'il ne se réveille avant que les ravisseurs ne leur retirent le téléphone, mais sitôt eut il sonné, la porte s'ouvrit de nouveau et l'homme en noir brisa le précieux objet d'un violent coup de pied. Voyant s'éloigner le seul espoir qu'elle avait, Molly sentit son cœur battre douloureusement.
« N'essayez pas de sortir… On a des chiens de gardes… »
Prononça d'une voix énigmatique l'homme au masque noir, avant de refermer la porte. Un grognement surpuissant se fit entendre, faisant sursauter Molly avec terreur. Elle n'avait jamais entendu de sa vie un grognement pareil. Impuissante et épuisée de sa nuit d'angoisse, elle s'approcha le plus possible de Sherlock jusqu'à être contre lui, essayant de se concentrer sur sa chaleur qui lui faisait au moins ressentir que, même s'il n'était pour l'instant pas conscient, il était là quand même, juste là à côté d'elle, et qu'il les sortirait de là une fois qu'il se réveillerait…
