Note de l'auteur : Bonsoir ! Ce chapitre a mit un sacré temps mais il est bien là. Le dernier après toutes les aventures de Kagame. Je suis très fière d'avoir réussi à finir cette fanfiction, même si un goût d'inachevé me laisse me dire qu'une réécriture se fera sûrement un jour. Pour plein de raisons. Mais j'espère que vous aurez apprécié la lire autant que moi de l'écrire et que vous serez nombreux et nombreuses à réagir. Quelle émotion !
Pairing : Katsuki.B x OC.
Rating : T
Disclaimer : L'univers de BNHA ne m'appartient pas, seuls mes personnages et mon histoire sont miens. Ô grand désespoir.
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Revenge lurks in the sky
Chapitre XIX :
The last fight
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Quand Kagame fit face à l'immense gratte-ciel qui venait frôler la voûte et dont le sommet disparaissait entre les nuages sombres, elle se sentit frissonner. Elle avait marché une dizaine de minutes, croisé de nombreuses personnes curieuses ou paniquées, des journalistes avides dont les visages se déformaient sous l'effort et la promesse d'un nouveau scoop alors que le lycée Yuei s'était exprimé une heure avant. Elle avait évité les véhicules bruyants et lumineux qui faisaient crisser les pneus à chaque virage, se dirigeant à toute vitesse vers là d'où elle venait.
Elle se sentait trembler, comme si les ombres menaçantes des arbres qui s'alignaient le long du trottoir allaient l'engloutir, ou qu'un ennemi la guettait. La jeune femme était fébrile en songeant à ce qu'elle venait de quitter, les gens qu'elle avait laissé derrière elle, l'état critique de Bakugo et la promesse future de ce qu'elle s'apprêtait à faire et découvrir. Et dans un espoir de se détendre, elle tritura la matière épaisse et lisse des gants que Momo lui avait fabriqué et souffra un instant d'entendre sa propre respiration chaotique alors que le silence angoissant s'était fait autour d'elle. Puis, alors qu'elle plissait le genoux pour se donner une impulsion, finit par se figer quand une paume calleuse et froide se posa brusquement sur sa nuque.
«Pile à l'heure,» siffla Apocrypha en resserrant sa prise tandis que Kagame se tendait et n'esquissait aucun geste. Il n'avait plus cette voix qui souhaitait l'amadouer il y a quelques semaines, plus cette tendre affection qu'il lui avait porté un temps quand elle était plus jeune, et il avait définitivement perdu la sympathie de la considérer comme une de ses plus proches alliées. Il voulait lui faire payer et elle grimaça en sentant ses ongles geler les fines gouttelettes de sueur qui coulèrent le long de sa gorge. C'était douloureux, comme de fines aiguilles qui s'enfonçaient dans son épiderme. «Je t'avais dis qu'il n'y avait rien pour toi, là-bas. Mais tu t'es entêtée et maintenant tu en payes le prix. J'espère que tu regrettes de nous avoir poignardé dans le dos saleté de gamine.»
Kagame ne répondit rien, sentant qu'un seul mouvement provoquerait sa perte. Pour autant, elle fit rapidement le lien entre la présence de l'homme et ses paroles. Ils l'attendaient et elle n'avait encore aucune idée de la raison, ni de ce que Re-Destro avait préparé pour elle. Les portes automatiques et épaisses s'ouvrirent alors dans une invitation pour entrer dans le bâtiment et le vilain à la capuche appuya entre ses omoplates pour l'obliger à avancer, la tenant toujours en respect. De cette façon, il lui était impossible de fuir et elle se contenta de suivre le pas du super-vilain en avalant sa salive. Elle était venue pour en finir mais les choses ne se déroulaient pas en sa faveur, loin de là. Re-Destro avait toujours un coup d'avance sur elle.
Aussi, quand ils prirent l'ascenseur et qu'elle le vit appuyer sur les touches deux et cinq, l'informant qu'ils montaient au niveau du bureau de l'homme, elle s'agita.
«On ne descend pas,» articula-t-elle en ne comprenant pas pourquoi il ne l'emmenait pas là où avait été un jour sa chambre, leurs locaux et leur base principale. S'ils devaient se battre, si elle devait tenter le tout pour le tout pour l'achever, ça ne pourrait jamais se faire à la vue de tous. Elle s'était préparée à mourir dans l'ignorance de chacun, emmenant son monstre d'ancien mentor avec elle. Mais quelque chose n'allait pas et elle sentit les battements de son coeur accélérer quand Apocrypha se mit à ricanner d'un rire jaune. Il ne se moquait pas d'elle, non, il était menaçant.
«Tu n'écoutes donc rien ? Tu pensais que ta petite trahison n'aurait aucune conséquence ?» elle le sentit plus qu'elle ne le vit secouer la tête d'un air désabusé. Il lui faisait peur. «La police était à deux doigts de mettre la main sur tes anciens coéquipiers et sur Re-Destro quand l'Alliance a mobilisé toutes les patrouilles après l'enlèvement de ce gamin. Il faut dire que ces enfoirés ont fait drôlement fort, tu ne trouves pas ?» lui demanda-t-il alors qu'elle voyait à travers la vitre de l'ascenseur qu'ils prenaient de plus en plus de hauteur. Elle avait douté que ses révélations soient tombées dans l'oreille d'un sourd mais, visiblement, la police de Tokyo avait tenté de débusquer le puissant PDG. Pour autant, si elle se trouvait là, c'était qu'il avait réussi à se protéger jusqu'à maintenant et ça n'augurait rien de bon. Les projecteurs étaient tournés vers les combats de l'Alliance avec les supers héros et ce n'était plus qu'une question d'heures avant que la police n'agisse également auprès de Re-Destro. Pour autant, la jeune femme n'était pas certaine de survivre assez longtemps pour voir le jour se lever et les forces se déployer dans le but d'arrêter le vilain. Kagame décida alors que c'était le moment où jamais pour essayer d'immobiliser l'homme et alors qu'elle comptait jusqu'à trois, aspira l'électricité de l'ascenseur -le faisant se stopper violemment alors que les lumières s'éteignaient- et retourna sa main contre Apocrypha en lançant une décharge.
L'espace réduit ne lui permit pas une grande liberté de mouvement et sa hanche claqua contre la vitre en émettant un bruit sourd, de même que les ongles du vilain griffèrent sa nuque quand elle se débattit. Kagame s'aperçut alors, quand la lumière illumina la cabine, que l'homme qu'elle venait de toucher dans un grondement qui fit trembler la cage n'avait rien d'humain quand il se transforma en une boue épaisse et sombre sur le sol. Et, comme un flash, elle se souvint alors du camp d'entraînement et de la même matière qui avait constitué le vilain Crématorium. Il lui fallut un temps, précisément trois longues minutes pour comprendre qu'elle s'était de plus en plus embourbée, pour réagir. C'était un piège, tout n'était qu'une suite de pièges dans lesquels elle tombait et elle n'arrivait absolument pas à réfléchir. Son appréhension augmenta d'un cran, de même que ses battements de cœur et elle sursauta quand les lumières revinrent en éclair et que l'ascenseur se remit en marche comme si elle ne l'avait jamais vidé de son énergie, annonçant qu'ils étaient au vingtième étage. Plus que cinq avant de tomber sur le bureau de Re-Destro où elle doutait d'être accueillie d'un lait fraise.
La pensée de briser la vitre et de fuir par les airs lui vint à l'esprit mais elle inspira profondément. La peur qui la prenait aux tripes n'était pas aussi paralysante que l'idée de se soustraire à son passé une nouvelle fois. Elle songea à Aizawa, à ses anciens camarades qui avaient décidé de sauver Bakugo et à l'ancien numéro un qui, même après avoir laissé sa place, continuait à combattre pour le bien. Enfin, elle offrit une pensée à ses parents. À quel point était-elle prête à restaurer son honneur ? À quel point l'idée de combattre en leur nom lui donnerait la force nécessaire pour tuer celui qui l'avait élevée à leur place ?
Alors que les étages se réduisaient, la jeune femme prit appuit sur ses pieds et aspira une nouvelle fois l'électricité de la ville dans une tentative de donner le premier coup dès l'ouverture des portes. La jeune femme ne pouvait pas se permettre de laisser passer une chance d'attaquer en première. En vérité, elle doutait de pouvoir aller jusqu'au bout sans cela. Aussi, elle ne vit pas les quelques lampadaires les plus proches s'éteindre, ni les ampoules des magasins se mettre à clignoter une dernière fois avant de ne devenir que noirceur, elle fut seulement certaine que la première étincelle serait douloureuse quand la lueur de sa mèche de cheveux éblouit son oeil droit et qu'elle sentit le picotement significatif de l'énergie en elle.
Puis, comme le glas, un tintement et une voix automatique lui annonça le vingt-cinquième étage et elle se colla sur la paroi du côté gauche pour parer toute éventuelle attaque. Tout la faisait douter maintenant qu'elle se trouvait si proche du combat, tout comme elle n'était pas certaine de réussir à se relever après un coup de poing de Re-Destro sous sa forme monstrueuse. Mais alors que les ouvertures métalliques laissaient le passage ouvert, il n'y eut rien d'autre que le silence et un bruit de déglutition.
«Qu'est-ce qu-...» souffla l'adolescente et le rire grave de l'homme de ses cauchemars lui cloua instantanément tout éclat de voix. Elle se figea, toujours accolée aux parois alors que son corps était prêt à lancer la première décharge électrique. Il ne lui en laissa pas le temps.
«Approche, Kagame. Relâche cet éclair, tu es chez t-...»
Mais elle le coupa en se révélant soudainement à lui, remarquant qu'il était à son bureau en train de siroter un verre de whisky alors qu'elle faisait exploser le silicate entre ses mains, lui ouvrant par la même occasion la pommette d'un éclat tranchant. Quand une goutte de sang perla, elle sut qu'il n'était pas une poupée faite de terre et elle grimaça en sentant sa peur accroître. Elle ne devait pas avoir peur de lui. Elle ne devait pas le lui montrer. C'était de cette manière qu'il devenait puissant, pour autant elle ne pouvait empêcher les tremblements de ses mains. Elle allait mourir, c'était certain. Le calme qu'il affichait n'était qu'une illusion, il fallait seulement qu'elle trouve son point faible.
«Tu as toujours été trop impulsive,» déplora-t-il en sortant un mouchoir en tissu pour éponger le liquide ambré qui avait coulé sur sa chemise blanche. De son côté, la jeune femme ne l'avait pas quitté de yeux. Elle observait les traits de son visage, les signes évidents de sa profonde fatigue et peut-être cette ride d'inquiétude au front qu'elle n'avait jamais vu chez lui auparavant. Elle ne savait dire s'il avait perdu de cette assurance à toute épreuve ou si ses derniers élans sentimentalistes avaient sombré quand il s'était associé à l'Alliance, le rendant plus cruel et impitoyable qu'il l'avait toujours été. «Et quel est cet accoutrement ridicule ?» prit-il le temps de la questionner en sondant son corps comme s'il la redécouvrait. Elle n'aimait pas son ton paternaliste, lui qui l'avait abandonnée à son sort pour mieux la manipuler. Ses mouvements restaient sur la défensive.
Pour autant, elle ne trouva rien à redire, trop occupée à survoler la pièce du regard dans l'espoir de ne plus se laisser surprendre. Il cachait une partie de ses armes blanches dans le tiroir gauche de son bureau, sous un fond factice qui lui permettait de les conserver en sécurité; elle savait aussi qu'il possédait une arme à feu dans un de ses livres, une couverture bordeaux avec des reliures en cuir qu'il dissimulait parmi les autres ouvrages de sa bibliothèque personnelle... Elle fut surprise par son rire alors que son regard doré s'attardait sur le dit livre. Elle n'était ni en position de force, ni en position de faiblesse. En vérité, ils étaient encore en équilibre précaire sur qui prendrait l'avantage en premier. Kagame songea ironiquement à son entraînement : elle avait la sensation d'être une funambule au milieu d'une tempête de vent.
«Je suis sincèrement rassuré de voir qu'ils ne t'ont pas totalement retourné le cerveau. Tu restes la même jeune femme silencieuse et alors ! Quel plaisir de revoir cette étincelle d'intelligence si prometteuse !» s'exclama-t-il en posant ses paumes à plat sur son bureau, au milieu des éclats de verre comme si de rien n'était, fixant sur elle un regard qu'elle trouva fou. Il étira alors ses lèvres sous son nez pointu, dévoilant des dents blanches et alignées dans un sourire amusé. La jeune femme siffla.
«Taisez-vous,» aboya-t-elle dans l'espoir qu'il retourne à son silence. Elle ne supportait pas de le voir si faussement affectueux, jouant avec les événements comme s'ils étaient anodins. Elle avait faillit mourir, elle s'était réveillée d'un coma d'un mois et demi au milieu de ceux qui étaient autrefois leurs ennemis, on l'avait arrachée à cette nouvelle vie qu'elle s'efforçait d'accepter et d'intégrer à son quotidien et elle s'apprêtait à tuer celui qui avait été comme un père. Elle ne voulait pas que leur dernier échange soit teinté de cette fausse sympathie qui transpirait l'hypocrisie. «Vous m'avez abandonnée, vous m'avez laissé mourir. Vous ne méritiez pas ma loyauté,» cracha-t-elle avec l'envie piquante de lâcher le flot de larmes qu'elle retenait. Mais elle tint bon. Pleurer n'avait jamais attendri l'homme face à elle et, comme pour lui donner raison, il toussota et se resservit un verre qu'elle n'eut pas la force de briser une deuxième fois. Son détachement était une douleur qu'elle peinait à supporter.
«Alors tout ça n'est qu'une question de vengeance ? Une banale crise d'adolescente ? Voyons, Kagame, tu vaux mieux que ça,» fit-il en prenant une gorgée du liquide si doré qu'il ressemblait à l'ichor. Puis, devant son regard sombre, le reposa en soupirant. Il avait l'air exténué d'avoir cette conversation avec elle. Se rendait-il compte de ce qu'elle comptait accomplir ce soir ou n'était-elle à ses yeux que comme un moustique qui viendrait tournoyer dans un bruissement désagréable autour de son oreille ? «Apocrypha t'a expliqué pour le Faucheur, nous savions où tu étais. Du moment où ces imbéciles de Yuei t'ont repêchée jusqu'à ce soir où ton camarade s'est sacrifié dans l'espoir que tu puisses gagner leur confiance et reprendre ta place auprès de nous. Il n'a jamais été question de t'abandonner. Tu étais une camarade, une sœur... Une fille,» finit-il en la regardant si intensément qu'elle se liquéfia. Il aurait été vain de cacher que ces mots étaient ceux qu'elle avait attendus depuis des semaines, voire des mois. Elle en avait rêvé, elle s'était accrochée si fort à cet espoir que l'enfouir sous la rancune avait été le seul moyen de la détourner de ce qu'elle avait toujours voulu : retrouver les siens.
Le silence qui plana donna raison à Re-Destro. Elle était encore avec eux et elle l'avait toujours été. Ils avaient simplement joué trop grossièrement pour une adolescente qui ne désirait qu'une seule once d'affection. Il lui sourit une nouvelle fois et l'invita à s'asseoir devant lui d'un geste qui aurait pu être considéré comme chaleureux. Mais alors qu'elle avalait difficilement sa salive, Kagame inspira profondément et se mit une claque mentale. Peut-être aurait-elle flanché quelques semaines auparavant. Surement se serait-elle agenouillée au plus bas pour quémander son pardon. Maintenant, elle ne voyait qu'un manipulateur qui avait brillamment réussi sa mission des années durant. Sauf que la donne avait changé et qu'elle avait vu leur monstruosité telle qu'elle était réellement : injuste, emplie de haine et d'un égoïsme sans nom.
«Vous ne m'avez pas élevée comme une fille mais comme un soldat. Je ne vous dois rien d'autre que des traumatismes et un emplacement tout chaud en prison,» persifla-t-elle en reprenant une posture défensive, faisant perdre son sourire à l'homme. Il eut alors un rire tonitruant.
«Tu parles comme les faibles que tu combattais i peine quelques mois,» souffla-t-il cruellement mais la jeune femme trouva la force de lui cracher tout ce qu'elle avait sur la poitrine depuis si longtemps et qui l'obstruait comme une masse lourde sur sa cage thoracique.
«Vous avez fait de moi la copie de votre monstruosité, sans aucune technique, sans aucun amour pour celle que j'étais réellement, sans maîtrise totale de mes alters et sans chercher à soigner ma phobie de l'eau. Vous m'avez laissé mourir, m'avez laissé croire pendant des mois que vous viendriez me chercher et m'avez obligé à achever un être cher pour ne pas qu'il me tue. J'ai souffert du rejet, de la haine de tous ces gens à qui j'ai pris des membres de leur famille ou pour qui ma seule présence suffisait à les terrifier. J'ai vu mes camarades se faire blesser, j'ai moi-même été blessée...» laissa-t-elle sa phrase en suspend pour reprendre son souffle. Face à elle, Re-Destro se contenta de reprendre lentement son verre.
«Tu as finis ?» la questionna-t-il avec un air d'ennui et Kagame serra férocement les poings.
«Non. Parce que malgré tout ça, malgré la haine que je vous porte et cette rancune qui ne s'effacera jamais, la seule chose que vous m'inspirez est une profonde pitié. Vous êtes faible. Vous avez perdu, la police viendra bientôt vous arrêter et l'homme en haut de l'échelle que vous étiez n'est plus qu'un chien à qui on ne donnerait plus que les os à ronger.»
Sa phrase s'achèva à peine que Kagame sentit soudainement l'atmosphère changer, de sorte qu'elle aurait pu la palper. À son bureau, l'homme la fixait d'une œillade meurtrière et elle sut qu'elle avait touché son point faible quand elle vit la pulpe de ses doigts blanchir contre la surface transparente. La satisfaction qu'elle en tira fut cependant de courte durée car il se leva soudainement de son bureau et elle eut un mouvement de recul qui ne lui provoqua qu'un profond mépris à son égard. Il voulait la tuer, cette petite insolente à qui il avait dédié tout son temps et son énergie. Le cheval gagnant qu'elle était venait d'être englouti sous une vague de haine si forte qu'il sentit ses muscles sous sa chemise se gonfler. Elle allait payer. Mais avant, il devait l'achever mentalement et elle serait ensuite à sa merci, arrachée de terre comme une mauvaise herbe.
«J'aurais dû me rendre compte plus tôt que c'étaient les racines qui étaient pourries. Pas étonnant que tu sois si faible et influençable quand on voit le bagage familial que tu portes derrière toi. Pauvre fille, sais-tu seulement ce que tu aurais pu devenir et sur quoi tu craches pour la reconnaissance de super-héros minables ?» il leva sa paume en avant quand il la vit ouvrir les lèvres pour répliquer. Oh non, il était loin d'en avoir terminé avec elle. «C'est flou, n'est-ce pas ? Ces heures passées à reconstruire ton corps et ton esprit, à te réadapter à la vie normale après la mort de tes parents ? L'affection que je t'ai porté, ma considération et la pitié que tu m'inspirais face à tant de dévotion m'a souvent fait me questionner : et si je n'avais pas tué ses parents ?»
Cette simple phrase, prononcée avec un détachement total, fit tomber un poids sur les épaules de Kagame alors qu'elle sentait un froid l'envahir de toute part. Que venait-il de dire ? Qu'avaient prononcés ses lèvres sèches et cruelles d'une voix si affirmée qu'elle fut certaine qu'elle en était dénuée de tout mensonge ? L'homme face à elle sourit de toutes ses dents alors que son propre visage se décomposait.
«Ne fais pas cette tête, les choses auraient pu être plus douloureuses pour eux,» se moqua-t-il en remontant les manches de sa chemise après en avoir détaché les boutons. De son côté, la brune n'arrivait plus à réfléchir correctement. Il lui semblait avoir considérablement pâli.
«Qu'est-ce que vous venez de dire...» souffla-t-elle avec l'espoir infime d'avoir mal entendu, d'avoir mal compris et de s'être trompée. Il écrasa toute forme de perspective en elle sans l'ombre d'un regret.
«Tes parents n'étaient pas aussi pures que tu le pensais. La société les élèvent au rang d'idoles, de héros... Mais de cette manière elle contraint les autres à n'être que les misérables citoyens faibles et sans défense. Alors qu'au fond, ils ne sont que des humains comme toi et moi. Mais tu le sais déjà, ça...» déclara-t-il platement et quelque chose se fractura en elle.
«Vous avez tué mes parents,» souffla-t-elle, comme si elle se rendait compte seulement maintenant de ce que cela impliquait. Il avait tué ses parents. «Pourquoi ?» le questionna-t-elle précipitamment et elle voulut le tuer en le voyant d'un seul coup prendre un cigare de qualité qu'il coinça entre ses lèvres et qu'il alluma avec désinvolture face à son attente.
«Un banal désaccord. Ton père devait beaucoup d'argent à notre société à l'époque où mon propre père a commercialisé ses premiers modèles d'expansion d'alter. Après le retrait de tes parents de leur vie de super-héros pour se consacrer à leur petite famille, ils bénéficiaient toujours d'un traitement et d'une immunité propre aux héros qui les soustrayaient de leurs responsabilités. Vraiment, de véritables lâches qui trouvaient les meilleures parades. Et, fatalement, il a fallu que ton cher géniteur trouve le culot de nous menacer de divulguer l'existence de l'Armée de Libération pour que nous arrêtions de leur demander des comptes. Nous ne pouvions pas les laisser s'en sortir après ce qu'ils avaient découvert, c'était trop risqué.»
Une menace, une simple menace avait anéanti la seule famille qu'elle possédait. Il était incroyable pour Kagame de sentir à quel point son âme se détachait petit à petit de son corps à mesure qu'elle comprenait l'étendue de la monstruosité de l'homme face à elle. Il n'était pas simplement cruel, ni même impitoyable. Il était fou. Un être fait de chair et de sang, dépourvu d'une seule once de remords ou de culpabilité. Il savait depuis le début que la seule raison pour laquelle elle était orpheline était entièrement de sa faute, et il avait décidé de l'adopter, retournant son cerveau et ses idéaux contre sa propre famille. La jeune femme eut envie de vomir.
«Toutes ces années,» souffla-t-elle sombrement en sentant l'énergie bourdonner à ses oreilles et l'atmosphère se tendre comme une corde sur laquelle on tirerait de toutes ses forces. «Toutes ces années à renier la famille qui m'avait abandonnée, qui n'avait pas été capable de me sauver de par leur faiblesse; toutes ces années à vous idolâtrer jusqu'à sacrifier ma vie pour votre réussite... Et parmi toutes les fois où vous m'avez regardée droit dans les yeux en critiquant cette société, pas une seule fois vous n'avez questionné votre propre inhumanité à m'avoir prit mes parents et m'avoir menti.»
Kagame n'était pas certaine de réellement sentir l'électricité rentrer dans son corps alors que sa voix se faisait de plus en plus grave. Elle ne sentait qu'une chaleur s'accroître en elle et la lueur qu'émettait sa peau du coin de l'œil sans retenir une seule fois son pouvoir. Elle pouvait mourir, elle n'en avait cure. La seule chose qu'il était vital pour elle d'accomplir était la mort de l'enfoiré dont les dents écrasaient rageusement le cigare, emplissant sa bouche de tabac amer.
«Tu n'aurais été qu'un déchet de la société sans moi,» grogna-t-il et elle aperçut ses muscles se gonfler sous sa chemise. Mais elle n'avait plus peur. Elle était bien trop en colère pour ça.
«COMMENT AVEZ VOUS PU,» fit-elle dans un rugissement de douleur qui fit remonter l'électricité jusque dans ses paumes. L'adolescente sentit des étincelles pétiller entre ses doigts, attendant impatiemment de s'écraser contre l'homme face à elle.
Sans recevoir de réponse, elle vit le regard de Re-Destro se noircir et son corps petit à petit s'épaissir jusqu'à doubler en taille, ses muscles s'hypertrophier face à elle, laissant apparaître d'épaisses veines venant nervurer sa peau tendue. Son visage se gonfla, rougissant alors que ses dents étaient rendues plus acérées dans un rictus effrayant. Face à lui, Kagame semblait minuscule et fragile, à peine plus lumineuse qu'une luciole que l'on aurait décidé de capturer entre ses mains et de secouer jusqu'à son dernier clignotement. Le seul témoin de sa rage contenue et de la puissante déferlante qu'elle s'apprêtait à utiliser résidait dans sa masse capillaire que l'on voyait s'agiter derrière sa nuque, sa peau chargée d'énergie repoussant ses mèches et rendant ses yeux aussi blancs que si elle avait été aveugle. Mais elle le voyait clairement, lui et sa forme monstrueuse. Lui et son sourire confiant alors qu'il s'imaginait l'écraser sans problème.
«Tu vas mourir ce soir et les rejoindre, ne t'en fais pas pour cela,» gronda-t-il d'une voix différente et amusée avant de se tendre d'assurance et de se jeter sur elle, fonçant droit sur les paumes qu'elle tendit et qui lui permit de relâcher une déferlante d'électricité qui rendit la pièce si lumineuse qu'elle en provoqua l'éblouissement des deux adversaires. Ce fut comme si un véritable soleil venait d'être projeté contre les vitres, brûlant leur rétine tandis que leurs coups se faisaient plus hasardeux. Au contact de l'énergie sur le torse de Re-Destro, un vacarme assourdissant fit alors trembler toute la tour et avant même qu'elle ne puisse comprendre ce qu'il venait de se passer, Kagame fut propulsée en arrière et traversa violemment la baie vitrée, éclatant le verre en mille morceaux contre sa chair alors que son corps était absorbé par la nuit noire.
C'était comme des tâches qui dansaient devant ses yeux, de la même façon que le vent fouettait son dos meurtri et qu'elle sentait son coeur se tordre dans sa chute. Elle prit alors réellement conscience de toutes les lumières éteintes de la ville, l'électricité les parcourant ayant été totalement absorbé par son alter, tout comme l'épaisse ombre noir qui venait de traverser à son tour la fenêtre mais cette fois-ci avec la volonté de l'abattre. Aussi, quand la tâche se fit plus grande à mesure qu'elle se rapprochait d'elle et que le sol appelait à ce que son corps s'écrase sur le bitume, la jeune femme provoqua précipitement une bourrasque qui lui permit de se retourner in-extremis et d'arrondir son corps pour mieux amortir sa chute, roulant sur plusieurs mètres en serrant les dents. Kagame sentait les éclats de verre rentrer plus profondément et blesser sa peau, la dureté du sol qui raclait le long de sa colonne vertébrale et son cœur dont les battements se faisaient plus affolés.
Alors qu'elle relevait vivement la tête, elle vit le pied de Re-Destro enfoncer le sol en provoquant une légère onde de choc là où elle se tenait à peine quelque secondes avant et elle ressentit des sueurs froide en imaginant ce qui aurait pu être sa propre personne sous l'assaut meurtrier du vilain.
En vérité, il était aussi déterminé qu'elle à la tuer et la jeune femme se figea en ressentant petit à petit le venin de la peur s'insinuer dans ses veines. Il allait l'anéantir dans la douleur et il était maintenant certain qu'elle n'était pas de taille à l'affronter, condamnant l'issue qu'elle se réservait. Puis la jeune femme évita un nouveau coup de poing en se propulsant dans les airs mais il interprêta son geste et la rabatit sans pitié contre le mur de béton de l'épaisse tour. Tandis que son corps accusait le coup et que les graviers s'échouaient dans sa chevelure sombre, un bruit de sirènes retentit au loin, accélérant le combat. Pour l'homme, il n'était pas question qu'il se fasse attraper et il l'achèverait aussi vite que possible. Elle n'était qu'une poussière sur son chemin, après tout.
Et, dans la gestuelle des étincelles qui dansaient devant ses yeux, la brune se rendit alors compte qu'elle ne pouvait le tuer. Cela lui était impossible.
Le tuer aurait été s'abaisser à son niveau et condamner sa seule chance d'existence si seulement elle survivait à ce combat. Et malgré l'incertitude qui planait sur la fin de cette nuit, elle se promit au moins de tenir jusqu'à l'arrivée des autres super-héros pour voir ce monstre être enfermé pour toujours. Elle ne pouvait espérer retrouver ses parents si elle tuait encore, c'était maintenant une évidence. On ne lui pardonnerait jamais cette dernière erreur.
Je dois seulement encore tenir un peu. Le retenir.
Alors qu'elle essayait de se dégager, il se saisit une nouvelle fois de son buste, écrasant ses bras contre sa cage thoracique qu'elle sentit craquer douloureusement alors qu'elle étouffait une plainte. Elle était presque certaine de mourir de ses blessures même s'il ne l'achevait pas lui-même et son seul réconfort fut l'épaisse plaie fumante qui entravait ses mouvements et ne lui permettait pas de grossir davantage au risque d'élargir sa blessure. Lui aussi avait bien souffert de son attaque et la jeune femme entrevrit alors une ouverture. Concentrant de nouveau son énergie en elle, il ne lui fallut que quelques secondes pour relâcher un éclair d'un coup de pied, ressentant pour la première fois son alter passer dans sa jambe gauche en oubliant toute trace de peur. Le coup provoqua un nouveau grondement de tonnerre alors que l'homme la lâchait en grognant profondément de rage, son pied gauche dangereusement brûlé. Elle n'était pas certaine qu'il ressente réellement la douleur mais cela lui permit de se détacher de sa poigne et Kagame en profita pour prendre un peu de distance et évaluer la situation.
Les sirènes qu'elle avait entendues n'étaient peut-être pas celles qui arriveraient de sitôt et elle n'avait aucune idée du temps qu'il lui restait avant d'atteindre ses limites. Elle ne pouvait se permettre de relâcher son attention.
«Sale petite garce,» retentit sa voix caverneuse et l'adolescente fit ce qu'elle ne pensait jamais faire un jour quand elle déchira le bas de son pantalon, laissant apparaître sa prothèse. En la voyant faire, Re-Destro fut prit d'un rire tonitruant et les mains tremblantes de Kagame firent de son mieux pour ne pas se laisser déconcentrer et rapidement retirer sa prothèse. La voix d'Aizawa résonnait en elle alors que la silhouette monstrueuse du super-vilain se rapprochait tranquillement mais d'une démarche sensiblement boitillante. Il était assuré de sa victoire et aussi difficile était-il de prendre cette décision, la jeune femme savait qu'elle ne pouvait combattre de la même façon qu'il l'avait éduquée. Il pouvait prévoir toutes ses attaques, parer le moindre de ses coups et il connaissait toutes ses faiblesses. Elle n'avait pas le choix que de s'en remettre à son instinct qui lui dictait de retrouver dans sa mémoire les entraînements du camp.
Le bruit du métal solide sur le sol sonna comme le glas. L'équilibre de son corps devint précaire, son bassin se balançait douloureusement d'avant en arrière pour retrouver une certaine stabilité malgré ses blessures et Re-Destro commit sa première erreur lorsqu'il ne l'attaqua pas à ce moment-là. Elle était faible, complètement stupide et il était si persuadé qu'elle venait de signer son arrêt de mort qu'il se contenta de la toiser avec hauteur.
«Quelle gentillesse tu as de m'aider à t'achever,» s'amusa-t-il dans un sourire carnassier auquel Kagame ne prit pas la peine de répondre. Elle en était capable. Elle était capable de le maîtriser et ses deux alters l'y aideraient jusqu'au bout. Elle n'était pas simplement puissante, elle avait aussi développé des techniques.
Le premier coup surprit l'homme. Alors qu'il se délectait de la voir repousser ses limites dans l'espoir vain de l'anéantir, le vilain senti son souffle se couper et une force invisible compresser son épais cou de buffle. La pression était puissante, comme d'immenses mains qui ne laissèrent qu'un mince filet d'air passer. Ses cordes vocales émirent presque instantanément un son aigü en réponse à cette attaque et il vit alors la jeune femme serrer le poing si fort qu'il douta un instant qu'elle ne se fasse pas saigner avec ses ongles. Puis, perdant patience face à ce premier assaut, Re-Destro s'approcha avec agilité et vitesse de Kagame qui, avec son autre main, accentua la pression de l'air sur sa gorge.
Bientôt, il n'y eut plus aucune oxygène, rougissant progressivement le visage tordu de colère du PDG. Mais, loin de se laisser démonter, il balança sa jambe en direction de son ventre, obligeant la jeune femme à reculer précipitament pour ne pas être touchée et qui, sans aucune surprise, perdit l'équilibre et relâcha prestement la pression du vent. Son rire moqueur sonna comme un croassement irrité mais voir celle qui avait été comme une fille le fixer avec un regard empli de peur suffit à lui faire ignorer le désagrément.
«C'est tout ce que tu possèdes en toi ? Ces super-héros t'ont tant ramollie que tu ne peux désormais plus décemment te battre contre moi ?» la provoqua-t-il et, face à sa grimace, il ricana de plus belle. La mâchoire de l'adolescente était serrée, se retenant de perdre le contrôle. Elle devait croire en elle, ne pas écouter les remarques de l'homme face à elle. Mais, il avait raison. Elle s'était affaiblie, ramollie. Et, au milieu de tout ce combat, elle n'avait aucun nouveau coup à proposer. Les seules ébauches n'avaient jamais été vérifiées, testées. Il était presque certain que les tenter provoquerait un échec cuisant. Cependant, avait-elle seulement le choix ? «Je ne te pensais pas si lâche et pitoyable.»
«Toutes vos insultes n'arriveront pas à anéantir le désir de vengeance que je ressens à votre encontre,» cracha-t-elle du sang en évitant de se concentrer sur la douleur diffuse dans son estomac. Elle ne devait ni baisser sa garde, ni laisser s'échapper l'adrénaline qui la tenait encore en vie. D'un revers de bras, elle essuya sa bouche, étalant l'hémoglobine sur sa joue alors qu'elle se remettait en position de combat. Il lui offrit un sourire carnassier, qui s'agrandit lorsqu'il la vit plisser le genoux pour garder son équilibre. Elle allait mourir, ce n'était plus qu'une question de temps et l'issue semblait évidente après les nombreux coups qu'elle avait dû encaisser : trop nombreux pour qu'elle puisse espérer voir le soleil se lever sur Kamino.
«Comme tu voudras,» fit-il en reniflant de mépris. De son côté, Kagame avorta l'ébauche de larmes qui s'accumulaient alors qu'elle croulait sous la douleur et la peur. Était-ce le juste retour des choses après avoir échappé à la faucheuse une première fois ? L'électricité se concentra alors dans ses bras, la brûlant alors qu'elle serrait les dents et qu'elle s'élevait d'un seul coup dans les airs après avoir lancé une impulsion grâce à son alter. À plusieurs mètres du sol, la jeune femme lança des éclairs en direction de l'homme qui les évita. Loin de se démotiver, elle reprit de la hauteur quand le sol la rappela à lui et s'acharna, touchant le vilain plusieurs fois sans vraiment le blesser gravement. Ce ne fut qu'au bout du sixième éclair qui frappa un bitume vide de toute silhouette épaisse qu'elle s'aperçut au milieu de la fumée qu'il avait lui aussi pris de l'altitude et prenait de l'élan pour sauter sur elle.
La brune se rabattit, amortissant son retour sur terre en plissant le genou. Il semblait inatteignable. Inatteignable jusqu'à ce qu'elle découvre un flot de sang proche de sa nuque. Elle avait finalement réussi à entrouvrir une brèche. Le poing qu'il balança en sa direction fut contré alors qu'elle créait un puissant souffle de vent. Sans attendre une réaction de sa part, elle le prit à revers et le repoussa une seconde fois d'une salve d'air si précise et fine qu'elle entailla sa joue comme une lame.
Ce fut à ce moment précis où elle se rendit compte de la puissance et de la précision qu'elle pouvait mettre dans son alter qu'elle sentit plus qu'elle ne vit son corps être propulsé sur une trentaine de mètres et s'échouer comme une marionnette sur le pare brise d'une voiture. Le souffle coupé, Kagame suffoqua en sentant au creux de ses reins une douleur insupportable. Un morceau de verre de plusieurs centimètres, épais et tranchant, était enfoncé alors qu'elle ne pouvait plus bouger et qu'un gémissement de douleur pitoyable s'échappait de sa gorge. Elle avait l'impression que tous ses muscles étaient en feu et il lui était impossible d'esquisser un seul geste. La seule chose qu'elle réussit à faire à ce moment-là fut de tourner doucement sa tête, les larmes rendant sa vue floue alors que le moindre sanglot lui procurait une souffrance semblable à celle qu'elle avait ressenti dans les eaux troubles de l'océan bordant la base militaire.
Alors seulement, elle ferma les yeux en entendant le rire tonitruant de l'homme qu'elle combattait. Il était peut-être à dix mètres, peut-être à deux centimètres d'elle, elle ne savait plus. Seule la vague de froid dans son corps meurtri la tenait encore éveillée. Ça, et le déchirement qu'elle ressentit et qui la fit hurler de douleur quand il la prit par la gorge en soulevant son enveloppe charnelle comme une marionnette désarticulée.
«Tu aurais été parfaite,» marmonna-t-il en la lançant avec indifférence sur le sol.
Ses yeux jaunes roulèrent dans leur orbitte plusieurs fois et elle vomit une bile rouge carmin. Rouge. Elle ne voyait que du rouge. Rouge comme son sang. Rouge comme le visage de Re-Destro. Rouge, comme la bouche d'incendie dans son champ de vision. Elle se tenait face à elle, tendue et conquérante, excroissance d'un réseau souterrain sous pression. Son bras couvert de son propre sang s'étendit alors péniblement en sa direction et relâcha sans réfléchir un éclair sur cette dernière, brisant la barrière qui retenait l'eau et laissant s'échapper un flot puissant vers le sol.
Kagame n'était pas certaine de réellement voir les ombres, les silhouettes floues qui dansaient devant ses yeux. Elle était même persuadée que la réalité se mélangeait avec ses souvenirs alors que les cris de son père résonnaient dans son crâne. Elle les entendait pleinement, de la même façon qu'il aurait été à quelques centimètres de son oreille. Ce n'était d'abord qu'un brouhaha, qui se transforma progressivement en une phrase. Une phrase qui se répétait en boucle.
Aie confiance.
Alors, à cet instant précis, quand le poing de Re-Destro s'épaissit dans son champ de vision; quand tonna le dernier acte, qu'elle sentit ses poumons insuffler à son corps le dernier souffle et qu'une vague si forte d'énergie la traversa qu'elle sut que son alter ne l'aurait jamais trahie, elle écrasa la pulpe de ses doigts contre les phalanges de l'homme alors complètement imprégné d'eau et relâcha l'ultime salve de foudre en appréciant comme vision finale, l'éclair bleuté traverser son corps et sortir de sa plaie à la nuque, le faisant s'écrouler comme une masse alors que dans le ciel, le tonnerre grondait.
Son propre bras fumant retomba alors dans une flaque, pris de profonds spasmes, et ses yeux grands ouverts sur la voûte en admira la profonde noirceur qui, pendant un instant, avait été troublée par son simple geste. Elle contre l'Univers. Elle qui ne ferait bientôt plus qu'un avec ce dernier.
Puis, sans réussir à déterminer combien de temps elle avait passé dans cette position, allongée sur le bitume chaud à attendre que la mort vienne la cueillir alors que les larmes s'écoulaient sur ses joues en continu, ce furent le bruit de pas rapide en sa direction et des tapes modérées sur ses joues qui la firent entrouvrir ses paupières si lourdes.
«Gamine, hé, gamine,» réussit-elle à comprendre en s'apercevant de l'aube qui s'étendait progressivement. Alors elle était encore de ce monde ? Combien de temps était-elle allongée ? «Tu m'entends gamine ? Garde les yeux ouverts, ne t'endors pas. Les secours arrivent.»
«Aiz-... Aiz,» essaya-t-elle d'articuler, en vain. L'homme au-dessus d'elle approcha son oreille de sa bouche mais elle ne sentait plus son corps et chaque esquisse de mouvement était comme gravir une montagne en moins de cinq secondes : insurmontable.
«Garde tes forces, tu en auras besoin pour la suite,» fit abruptement l'ombre en récupérant, a contrario, délicatement son poignet pour garder une attention sur son pouls.
Re-Destro avait réussi à s'enfuir pendant qu'elle était dans l'inconscience ? Ne l'aurait-il pas achevée avant si cela avait été le cas ? Elle tourna petit à petit sa tête, de quelques centimètres à peine, pour apercevoir que la silhouette de son ancien mentor était toujours étendue au même endroit, simplement moins imposante alors qu'il n'avait plus aucun contrôle sur son alter. L'avait-elle tué ? Elle en doutait. Mais elle l'avait mit K.O. Cette simple idée était suffisante, elle voulait simplement se reposer, à présent.
«Eh, eh, non non, gamine. Ouvre les yeux, garde les grands ouverts. Tu dois t'accrocher. Regarde ça, c'est pas joli ? C'est sympa, ça impressionne les gosses au boulot. Quand c'est fait avec le cœur, ça ne peut être que meilleur,» la garda-t-il dans la conscience en faisant apparaître devant ses yeux de mini feu d'artifices. Ils ne faisaient pas de bruit, n'étaient pas plus gros qu'une poignée de sable qu'on lancerait dans les airs et semblaient simplement jouir de leur seule fonction esthétique. Pour autant, Kagame se promit de ne jamais oublier ces flashs colorés qui lui permirent de tenir le coup jusqu'à l'arrivée des secours, seules étincelles dans son champs de vision alors que son corps était transporté et que la douleur se ravivait comme une immense coulée de lave à l'intérieur d'elle, faisant s'échouer des larmes silencieuses sur ses joues tachées de sang.
Alors seulement à ce moment-là, une chevelure sombre familière apparut dans son champ de vision tandis qu'on lui posait doucement un masque sur le nez pour l'endormir.
La jeune femme ne songea pas un seul instant à l'idée d'un jour se réveiller et accueillit la plénitude avec soulagement.
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Note de l'auteur : Et voici le dernier chapitre qui cloture cette histoire ! On se retrouve très vite pour l'épilogue ;)
Karanese.
