3 octobre

Prompt : Dimanches fainéants (Lazy Sundays)

Fandom : Robin des Bois, prince des voleurs


Robin sut, au moment même où il mit le pied dans la chambre, que réveiller son frère allait être extrêmement difficile. Pratiquement une cause perdue. Pas seulement à cause du sommeil profond dans lequel il semblait plongé. Mais aussi parce que ça lui faisait mal au cœur de devoir le tirer de cet état visiblement béni, où il n'avait pas à courir partout et à voir les problèmes s'accumuler en un froncement de sourcils préoccupé qui marquait irrémédiablement son visage pour toute la journée. Malgré tout, Robin soupira et s'approcha du lit.

Son frère dormait sur le ventre, la joue enfoncée lourdement dans l'oreiller et la bouche légèrement entrouverte, ce qui lui faisait échapper des petits bruits de ronflements qui ressemblaient presque à des bredouillements concentrés. Son bras gauche pendait largement le long du lit et son pied droit dépassait des couches de couvertures dans lesquelles il s'était enroulé jusqu'au menton. Il bavait un peu, aussi, ce qui indiquait assez bien la profondeur de sommeil qu'il avait atteinte.

« Gilles, il faut que tu te lèves, petit frère, l'appela l'archer en faisant glisser son pouce sur son front. Nous allons être en retard à la messe du dimanche. »

Le jeune homme ne réagit absolument pas. Il continua de ronfler et, sachant que lui caresser le font avait plus tendance à l'endormir qu'autre chose, Robin changea de place et posa sa main sur sa joue. Mais sans réelle conviction.

« Gilles, répéta-t-il en faisant bouger deux de ses doigts sur sa peau lisse et chaude. Il faut que tu te réveilles, même si je sais que tu n'aimes pas trop la messe. C'est un rendez-vous à ne pas manquer, tu le sais. »

Mais, en son for intérieur, il espérait que Gilles ne broncherait pas. Ça serait vraiment trop injuste de le faire se lever alors qu'il semblait dormir si bien et que son corps et son esprit en avaient clairement besoin. Des messes, il y en aurait d'autres… Des nuits de repos aussi profondes, peut-être pas de sitôt. Alors, Robin n'insista qu'une seule et dernière fois et, voyant que son frère ne bougeait toujours pas d'un cil, il se redressa.

« Gilles et moi allons manquer la messe, aujourd'hui, alla-t-il annoncer à Marianne, qui était déjà prête à partir. Je sais que nous pourrions juste y aller tous les deux pendant qu'il reste ici, mais avec ce que nous traversons en ce moment, je ne veux pas qu'il se sente mal de ne pas s'être levé.

-Bien sûr, je comprends, répondit sa femme en l'embrassant. Passez donc un dimanche ensemble, je m'occupe des prélats et des barons. »

En effet, les dimanches après-midis qui suivaient la messe avaient tendance à s'éterniser. Il valait mieux qu'il reste au château pour calmer et rassurer son frère une fois qu'il se réveillerait et le convaincre de faire la part des choses. Lui-même devait bien admettre qu'il était soulagé de pouvoir prendre un peu de repos. Les nobles des environs ne le lâchaient plus, en ce moment.

Vers midi et demi, alors qu'il s'était installé dans un petit salon pour pouvoir lire tranquillement un ouvrage qui n'avait rien à voir avec ses préoccupations nobiliaire actuelles, Robin entendit un grand fracas retentir au-dessus de sa tête. En tendant l'oreille, il pouvait même percevoir des jurons. Une cavale s'ensuivit bientôt dans les escaliers et Gilles déboula dans la pièce, les cheveux complètement décoiffés et la tunique à moitié mise. Il pila net en voyant son aîné, parut se demander s'il ne s'était pas, en fin de compte, trompé quelque part et finit par froncer les sourcils.

« Qu'est-ce que tu fais là ? lança-t-il d'un ton presque agressif. Je croyais qu'il y avait une messe très importante, aujourd'hui.

-C'est le cas, répondit l'archer en appréciant de le voir plus vif que les jours précédents. Mais nous n'y allons pas.

-Quoi ?

-Tu restes ici avec moi et nous nous changeons les idées après des semaines entières à courir en tous sens. Les dimanches fainéants ne sont pas un crime, tu sais. Nous en avons besoin pour pouvoir gérer notre domaine correctement.

-Mais…

-Gilles, tous les soucis qui te tracassent en ce moment peuvent attendre un jour de plus. Alors que toi, tu ne tiendras jamais plusieurs années à ce rythme-là. Pas même une seule. Alors viens t'assoir dans cette banquette et pense à autre chose.

-C'est plus facile à dire qu'à faire, renifla son frère avant d'obtempérer. »

Il se laissa tomber assis avec raideur au milieu des coussins et laissa son aîné arranger sa tunique. Robin lui adressa un sourire encourageant et fut satisfait de le voir se détendre petit à petit.

« Bien. Et maintenant, tu as faim ? le taquina-t-il en faisant signe à une servante d'approcher. Qu'est-ce qui te ferait envie ?

-Quelque chose de sucré, répondit son frère en croisant les bras. Uniquement des desserts. Je peux ?

-Bien sûr, les dimanches de paresse sont aussi faits pour ça. Uniquement des fruits et des pâtisseries pour mon frère ! Et moi, tu m'excuseras de ne pas t'accompagner mais je vais rester sur un bon rôti. Je te signale qu'il est plus de midi.

-Tu n'avais qu'à me réveiller, rétorqua Gilles en lui pinçant gentiment les cotes.

-Comment aurais-je pu ? se moqua Robin. Tu dormais si bien. Un vrai bébé ! »

Au grand soulagement de l'archer, son frère se fit rapidement à l'idée de laisser en plan les accords, compromis, planifications et prévisions sur lesquels ils travaillaient depuis des mois. Alors que, après le déjeuner, l'aîné des deux Locksley reprenait sa lecture, son cadet décida de prendre une feuille, une plume et de se remettre aux chansons et aux comptines qu'il aimait bien composer, avant, et auxquelles il avait renoncé depuis son entrée dans la vie noble. En milieu d'après-midi, ils se rendirent dans les grandes étendues d'herbe qui bordaient le château jusqu'à la lisière de la forêt et jouèrent un long moment avec le chiot que Robin avait offert à son frère pour sa fête, le 1er septembre. Après quoi, ils s'étendirent sur le sol pour faire la sieste, en plein dans les épais tapis de feuilles rouges, orange, brunes et or, le petit chien couché sur le ventre de son maître.

« Robin, merci, lança justement celui-ci en posant sa main sur celle de son frère. De m'avoir forcé à faire une pause. Je me sens vraiment bien pour la première fois depuis des mois.

-Ne me remercie pas, Gilles, répondit l'archer en serrant ses doigts en retour. J'aurais même dû y penser plus tôt. Je suis désolé de t'avoir laissé te tuer à la tâche. Maintenant, je propose que nous instaurions un dimanche fainéant par mois ! Tu les mérites bien.

-Je ne suis pas le seul, rétorqua Gilles en haussant un sourcil. »

Il poussa doucement le chiot pour qu'il descende de son ventre et se rapprocha de Robin pour s'allonger contre lui. Son frère passa son bras autour de son épaule et le serra contre sa poitrine. Ils se mirent à somnoler là, blottis l'un contre l'autre sous le vent d'automne. Et Dieu que c'était bon !