13 octobre

Prompt : Confidences sur l'oreiller (Pillow Talk)

Fandom : Robin des Bois, prince des voleurs


Gilles n'aimait pas les regards scrutateurs qui étaient posés sur lui et il n'aimait pas se dire que, quoi que pensaient ces gens, ils avaient raison. Il était le moins légitime de tous à être devenu aussi proche de Robin. Depuis le début, il n'avait fait aucun effort pour se rapprocher de lui et le connaître. En fait, il ne connaissait rien de son frère.

Heureusement, Robin était très à l'aise avec les gens, très attentionné et très gentil. Il n'avait aucun mal à se rapprocher de lui et à faire comme s'ils étaient frères depuis toujours. Sa douceur était vraiment sincère, elle n'avait rien de feinte.

« Tu vas bien ? demanda justement l'archer en s'approchant de lui dans la lumière fuyante du jour qui disparaissait à l'horizon. Tes blessures ne se sont pas rouvertes ?

-Non, je crois que ça va, répondit honnêtement Gilles, qui ne s'était absolument pas soucié de ses plaies de toute la journée. Et toi ?

-Moi aussi, répondit Robin en lui adressant un sourire gentil. »

Ils se turent tous les deux et Gilles ne put pas s'empêcher de se dire que, malgré le silence un peu embarrassé qui s'était installé, il ressentait aux côtés de Robin une proximité qu'il n'avait plus jamais eue avec personne depuis la mort de sa mère. Est-ce que c'était ça, la fraternité innée donné par le sang ? Est-ce qu'il avait eu raison, finalement, de toujours considérer l'archer comme sa famille malgré la rancœur et la colère qu'il lui vouait ?

« Toi, tu as la tête de quelqu'un qui se pose beaucoup de questions, remarqua Robin malgré la pénombre du soir tombant. Beaucoup trop, peut-être. Tu n'as pas envie d'aller te coucher ? Une bonne nuit de repos nous ferait du bien.

-Tu veux y aller aussi ? s'étonna Gilles en fronçant les sourcils. Je croyais que tu avais encore des tas de gens à voir pour te faire congratuler.

-Non, répondit Robin en riant. La nuit dernière a été plutôt préoccupante et riche en questionnements sans fin. Je n'ai pas beaucoup dormi. »

Le jeune voleur hocha la tête sans répondre. En effet, son frère était déjà en pleine préparation pour leur assaut du château de Nottingham quand il s'était réveillé, tôt le matin. Il commençait à fatiguer, ça se sentait dans la raideur de ses membres et son regard un peu fixe. Pour la première fois, Gilles ressentit l'envie de s'occuper de son aîné.

« D'accord, accepta-t-il. Allons nous coucher. Tu as une chambre double en tête ?

-Une chambre non, mais un lit oui. Allez viens. Ne le dis pas à Marianne, mais tout cet héroïsme m'a vidé de mes forces. »

Gilles laissa échapper un éclat de rire sincère et, d'un même pas, les deux frères de Locksley rejoignirent l'intérieur du château. Ils slalomèrent entre les familles qui s'organisaient dans l'espace et les hors-la-loi de Robin qui préparaient joyeusement les quelques jours qu'ils allaient passer sur les lieux.

« Surtout, baisse la tête, lui souffla l'archer à l'oreille, les mains posées sur ses épaules pour ne pas le perdre dans le couloir. Je n'ai pas envie qu'ils me reconnaissent et qu'ils m'entrainent dans leurs réjouissances.

-Tu plaisantes ? Personne ne se serait jamais attendu à nous voir nous adresser la parole sans nous battre, rétorqua le jeune voleur. Avant qu'ils associent ma présence à la tienne, crois-moi, il va leur falloir un peu de temps.

-Pas autant que tu le penses, le détrompa Robin d'un ton très sérieux qui le fit tiquer. »

Tous les deux, ils s'échappèrent vers les étages les plus hauts et les moins fréquentés et trouvèrent rapidement une chambre d'invité plongée dans la pénombre, une pile de bûches empilée dans la cheminée. Il y avait des tas de couvertures sur le lit et Gilles, hypnotisé par la douceur et la chaleur qu'elles promettaient, ne se le fit pas dire deux fois avant de s'enterrer dessous. Il venait de finir de délasser ses chausses et de jeter sa veste et sa ceinture au sol quand son aîné le rejoignit.

« Avec un feu dans la cheminée, c'est quand même mieux, souffla-t-il avec satisfaction tout en essuyant ses mains sur son pantalon. »

Il se glissa à son tour dans le lit et se blottit contre son cadet, qui ne put pas s'empêcher de ressentir une profonde familiarité quand l'odeur de Robin lui monta au nez.

« Je suis vraiment content d'être avec toi, Gilles, souffla l'archer. En fait… vraiment heureux que tu sois mon frère.

-Tu me l'as déjà dit hier, observa le jeune homme en haussant les sourcils. Mais tu sais… Eh bien, nous avons pas mal eu l'occasion de vivre ensemble, ces derniers mois, mais en fait, on ne se connaît pas.

-Je sais que tu t'emportes vite, Gilles l'Écarlate, rétorqua Robin en souriant. Je sais que tu n'as pas ta langue dans ta poche et que tu n'apprécies pas trop d'être entouré en permanence. Je sais aussi que tu es vraiment drôle et gentil quand je ne te mets pas de mauvaise humeur.

-D'accord, peut-être qu'on se connaît un peu, admit Gilles en appréciant encore plus cette proximité nouvelle. Mais pas comme… pas comme si nous étions deux frères qui se connaissaient depuis toujours.

-Et nous allons remédier à ça, ne t'inquiète pas, le rassura Robin. Nous pouvons même commencer maintenant. Après tout, au lit à huit heures du soir, nous avons le temps de parler.

-Tu ne voulais pas dormir ?

-Nous pouvons faire les deux. Douze heures, c'est long, tu sais, se moqua l'archer. »

Gilles hocha la tête et se blottit sous les couvertures pour écouter son frère lui raconter sa vie. Comme la chambre était petite, le feu réchauffa rapidement les vieilles pierres et le jeune homme n'eut bientôt plus besoin de se coller à Robin pour avoir chaud. Mais il le fit quand même, car plus ils se confiaient des choses l'un à l'autre, plus il se sentait proche de son frère. Et c'était étrangement facile de faire confiance à l'archer sur sa vie, sur les choix qu'il avait faits, pas toujours très bons, et sur les épreuves qu'il avait traversées. Et il sentait que, de son côté, Robin ressentait la même chose.

À la fin, les deux frères ne s'endormirent pas avant une heure du matin, blottis dans les bras l'un de l'autre, et l'esprit enfin plus léger. Sûrs qu'ils pourraient tout affronter, ensemble.