16 octobre
Prompt : S'endormir ensemble (Falling asleep together)
Fandom : Versailles
« Bon, je crois que nous sommes prêts à aller nous coucher, n'est-ce pas ? lança le duc d'Orléans avec un enthousiasme clairement forcé.
-Philippe, je t'interdis de me parler comme à un enfant, gronda son frère en jetant un coup d'œil nerveux à son grand lit, bien moelleux et aux couvertures défaites. Je n'ai pas besoin de cette… compassion condescendante !
-Ça n'a rien de condescendant, répliqua Philippe sèchement. C'est toi que je trouve plutôt pédant pour quelqu'un qui a peur de sa propre chambre !
-Ça suffit ! Laisse-moi tranquille, Philippe ! »
Le duc d'Orléans, encore une fois, faillit s'exécuter, par pure contrariété, mais se ravisa. Devant ses yeux dansaient encore les images de son frère, haletant, en chemise de nuit, le regard hagard, en train de tracer des lignes sur la carte de ses jardins avec son propre sang, qu'il extrayait de ses bras entaillés. Il avait eu si peur en le voyant comme ça, ça lui ôtait toute envie de se brouiller avec son frère pour le moment. Louis avait besoin de lui. Les tourments dans lesquels Madame de Montespan le plongeait, en réclamant son attention sans cesse, le vidait de son énergie et de sa clarté d'esprit. L'amour qu'il avait pour elle le rendait fou et le faisait souffrir, tant physiquement que psychologiquement. Il ne dormait presque plus et Philippe mourait de peur à l'idée de le retrouver encore une fois en train de se vider de son sang sur la table de son conseil. Alors, il passait ses nuits avec lui, malgré les querelles et les chamailleries, tant pour l'aider à s'endormir que pour le protéger.
« Mon frère, tu te compliques beaucoup trop les choses, souffla-t-il en s'approchant pour poser doucement sa main sur la poitrine de Louis. Je veux juste… que tu ailles bien. Est-ce que c'est si compliqué à croire ? »
Il savait que ses yeux larmoyants n'étaient pas des plus dignes, mais bon, il n'y pouvait pas grand-chose. Il avait quand même souvent des larmes qui lui montaient quand il était bouleversé. Mais, au moins, ça semblait toujours émouvoir Louis, qui cligna des yeux d'un air confus et dont le regard s'adoucit.
« Allez, va te coucher, maintenant, ajouta doucement Philippe en le faisant pivoter vers le lit. Tu as besoin de repos. Tes yeux sont injectés de sang et tu es tout pâle. »
Louis le regarda d'un air perdu et finit par hocher la tête. Il se dirigea pesamment vers ses couvertures et essaya de se blottir dessous, mais il était clair que sa propre couche ne le rassurait plus. C'était là qu'il faisait de terribles cauchemars, qu'il était pris de douleurs et de terreurs indescriptibles depuis des mois. Évidemment qu'il voulait s'en extraire. Mais Philippe n'avait pas du tout envie de le laisser dormir dans son lit à lui, avec sa femme et le chevalier de Lorraine juste à côté. C'était des moments trop intimes pour être vécus au su et à la vue de tous.
Le duc d'Orléans rejoignit son frère sous les draps et s'allongea à côté de lui. C'était toujours un peu étrange, ils ne l'avaient plus fait depuis qu'ils étaient enfants et leur fierté respective s'était développée, depuis le temps. Philippe aimait profondément son frère, mais pas au point de ne pas se sentir un peu gêné quand il devait laisser céder toutes ses barrières devant lui.
Heureusement, leur tendresse respective reprenait toujours le dessus. Doucement, Philippe se rapprocha de son frère et posa sa main sur sa joue pour l'apaiser.
« Tout va bien, grand frère, murmura-t-il. Je suis avec toi.
-Je ne suis pas faible, protesta le roi faiblement.
-Je sais. Mais même un monarque fort a besoin de se reposer et de passer des moments l'esprit serein de temps en temps. »
Louis ne répondit pas et détourna un peu la tête. Philippe continua de lui caresser doucement la joue avec le dos de sa main et écarta ses cheveux longs et bouclés loin de son visage. Son aîné le regarda de nouveau et Philippe tenta un sourire aussi furtif que rassurant.
« Ça va aller, répéta-t-il doucement, ça va aller, Louis. Je vais t'aider à t'endormir. »
Son frère hocha la tête et ferma les yeux, se laissant aller. Philippe se rapprocha et le prit dans ses bras, posant sa tête brune et emmêlée contre sa poitrine. Il s'installa un peu plus confortablement contre les oreillers et entreprit de caresser doucement ses boucles sauvages pour le rassurer. Le spectre de Madame de Montespan était très présent dans cette chambre, même le duc d'Orléans le sentait. Bien sûr, Louis retournerait immédiatement voir sa belle le lendemain, mais en attendant, il était hors de question que les tourments qu'elle lui faisait traverser l'empêchent de dormir ce soir.
Petit à petit, Philippe sentit la respiration de son frère se calmer et s'apaiser et ses muscles se dénouèrent. Il se détendit, puis se relâcha complètement, une main posée sur la poitrine de son cadet, et le duc d'Orléans sut qu'il s'était endormi. Le calme revint immédiatement dans la chambre obscure. Bontemps, étendu sur un lit d'appoint au pied de celui de son roi, s'était assoupi aussi. Philippe était le seul encore réveillé, le seul à sentir les pensées tourmenteuses tourbillonner dans sa tête. Il aimait bien Madame de Montespan, sincèrement, mais la détresse de Louis lui faisait mal au cœur. Il n'aimait pas le voir comme ça. Il n'aimait vraiment pas.
« Je suis désolé, Louis, souffla-t-il en appuyant son nez contre le crâne de son frère. Je ne sais pas encore ce que je peux faire, mais je te promets de t'aider. Par n'importe quel moyen… »
Louis, comme s'il l'entendait, poussa un petit soupir et fourra encore plus sa tête contre sa poitrine, frottant sa joue contre son haut de pyjama. Puis, il le serra un peu plus fort dans ses bras, toujours profondément endormi. Philippe posa une de ses mains sur sa tête.
« Je t'aime, Louis, murmura-t-il comme jamais il ne le ferait une fois éveillé – à moins de situations exceptionnelles. Je t'aime. »
Puis, ému par la proximité qu'ils avaient retrouvée depuis quelques temps, grâce – à cause – de Madame de Montespan, il s'endormit à son tour. D'un sommeil paisible et aux rêves agréables, durant lequel Louis, pour la première fois depuis longtemps, ne fit pas de cauchemars.
