27 octobre
Prompt : « J'ai froid. » « Tiens, prends ma veste. » (« I'm cold. » « Here, have my jacket.»)
Fandom : Dinotopia
Karl et David étaient, encore une fois, en train de se chamailler bruyamment. Ils parcouraient les alentours de Ridaba à la recherche des arbres fruitiers dont les habitants de l'immense ferme faisaient leur ordinaire et ils s'étaient trop éloignés. Sur l'instigation du plus âgé des deux, encore une fois. Et David n'aimait pas du tout enfreindre les règles de cette façon et encore moins quand il se laissait aller à suivre son frère. Il ne comprenait pas d'où venait cette influence que Karl avait sur lui. Alors qu'il aurait très bien pu faire demi-tour, essayer de le convaincre de rentrer, lui dire de se débrouiller, il lui avait emboîté le pas en protestant. Et maintenant, ils étaient perdus.
« C'est fou ce que tu peux être une poule mouillée, David ! s'exclama Karl en faisant volte-face pour le toiser. Si tu as envie de rester planqué dans ton périmètre autorisé, grand bien te fasse ! Mais moi, je ne suis pas un gamin, d'accord ? Je refuse qu'on m'empêche d'aller où je veux !
-Pas un gamin ? Tu te comportes comme un sale gosse, oui ! rétorqua David. Il faut toujours que tu fasses ce que tu veux, comme tu veux et quand tu veux, sans te soucier des autres ! »
Pendant qu'ils se disputaient, ils s'étaient rapprochés d'une pente, assez perfidement camouflée par des herbes hautes et des arbres qui poussaient sur l'autre versant, à la même hauteur que le terrain sur lequel ils se trouvaient. Fatalement, le pied de David dérapa et il chuta dans la descente en poussant un cri de surprise. Karl cessa aussitôt de l'invectiver et cria à son tour, de peur :
« David ! »
En deux pas, il rejoignit le bord de la pente et eut juste le temps de voir le corps de son frère s'arrêter, dans un bruit d'éclaboussures, sur la rive d'un lac. Sans hésitation, il s'engagea dans la descente, prudemment mais rapidement, et s'arrêta sur les galets humides.
« David ! répéta-t-il en se penchant pour prendre son frère par les bras et l'aider à se relever. Ça va ? »
Son cadet ne répondit pas et se redressa en titubant, dodelina de la tête et cracha de l'eau, la tempe maculée de sang. Inquiet, Karl observa la blessure et parcourut des yeux le reste de son corps pour regarder si les autres contusions qu'il avait reçues étaient graves. Heureusement, ça n'avait pas l'air d'être le cas… Mais toujours était-il que son frère allait avoir de sérieuses douleurs dans tout le corps pendant encore quelques jours, lui qui se remettait à peine de leur chute récente dans les cascades de Waterfall City. Le cœur de Karl se serra, même si ce n'était pas à proprement parler de sa faute.
« Bon, ça a l'air d'aller, diagnostiqua-t-il en s'assurant qu'il était stable. On va te ramener à Ridaba, d'accord ?
-Il faut toujours que ça se termine comme ça avec toi, souffla David d'un air humilié, une expression de douleur sur le visage. Laisse-moi ! Je n'ai pas besoin de toi. »
Il retira brusquement son bras de la main de son frère et essaya de se mettre en marche. Mais il avait mal partout, bien sûr, et son pas se fit chancelant. Karl le suivit sans un mot et ils cheminèrent en silence dans le soir qui commençait à tomber. Avec la disparition progressive du soleil, l'atmosphère se fit plus fraîche. Il ne fallut pas attendre longtemps avant que David ne murmure :
« J'ai froid. »
Karl observa un instant ses vêtements trempés et collés à son corps, sa tête basse, le sang sur sa tempe, le léger boitillement de son pas… et défit son gilet.
« Tiens, prends ma veste, proposa-t-il en lui tendant le vêtement. »
David lui jeta un regard méfiant et toujours en colère mais son frère insista en agitant la veste devant son nez.
« Allez ! s'exclama-t-il. Tu veux mourir de froid ou quoi ?
-Ça ne rattrapera pas le fait que tu nous as perdus et que je suis tombé dans un lac à cause de toi, marmonna le blessé en prenant le vêtement avec réticence.
-Pourquoi est-ce que tu rejettes toujours la faute sur moi ? protesta Karl, mais il avait l'air de savoir que son cadet avait un peu raison. »
À la place d'entamer une nouvelle bagarre, il passa un bras autour des épaules de David, qui avait fini par enfiler sa veste, et le serra contre lui.
« Allez, je suis désolé de t'avoir convaincu de me suivre, s'excusa-t-il d'une voix douce. On va rentrer à Ridaba et je dirai à Rosemary que c'est de ma faute, d'accord ?
-J'imagine que je n'aurais pas dû accepter de t'accompagner non plus, admit David à voix basse. »
Au bout de quelques minutes, les deux frères admirent qu'ils ne parviendraient pas à retrouver leur chemin dans le noir. Ils n'avaient plus qu'à attendre que quelqu'un vienne les chercher, pour subir ensuite les remontrances de Rosemary avec qui Karl se disputerait sur son absence d'attachement à Dinotopia. Alors, les deux garçons s'assirent sous un arbre et se serrèrent l'un contre l'autre pour avoir plus chaud. Karl regarda son frère un moment, sans que David ne tourne la tête vers lui, et finit par murmurer :
« Est-ce que tu as très mal ?
-Ça va, affirma son cadet en haussant les épaules. Je n'ai pas trop l'habitude, mais… j'imagine que je vais m'y faire, avec toi.
-Tu sais que toutes mes promenades ne se finissent pas comme ça, pas vrai ? »
David sourit à la plaisanterie et, rattrapé par la fatigue, il laissa tomber sa tête sur l'épaule de son frère. Ce dernier marqua une pause, puis appuya sa joue contre sa tête et repassa son bras autour de lui.
« Laisse-moi réfléchir, je vais te retrouver un moment où nous nous sommes baladés avec Papa sans que ça dégénère, déclara-t-il pour cacher qu'il était ému.
-Hum, murmura David. Tu vas finir par faire des albums-photos. »
Karl sourit à son tour et frotta le bras de son frère. Et ils attendirent. Leurs liens de frères se resserrèrent un peu plus pendant ce temps-là, comme c'était si peu arrivé durant les vingt années précédentes… ou peut-être que si, finalement, mais sans qu'ils s'en rendent compte ?
