29 octobre

Prompt : Bisou contre un mur (Up against the wall kiss)

Fandom : Les Rois maudits


Le mois d'octobre touchait à sa fin. Il commençait donc à faire vraiment froid, dans la venteuse Angleterre, et Édouard referma les pans de son manteau en fourrure autour de lui. Le sol était spongieux, boueux, ses chaussures royales s'enfonçaient dedans, mais ça ne l'empêchait pas de continuer à avancer vers les ouvriers qui avaient déjà commencé leur travail. Cette atmosphère, c'était revigorant. C'était frais, calme, stimulant… simple. Beaucoup plus que sa vie de roi au château. Il avait besoin de ces moments d'échappatoire. Il aimait se tenir au milieu des travailleurs. Vêtus de vêtements simples et solides et le visage plein de poussière, ils étaient déjà au travail. Une autre silhouette masculine, plus élancée et plus élégante, se trouvait avec eux.

Hugh n'aimait pas du tout la boue et la chaux. S'il était là, c'était uniquement pour Édouard. Ses chaussures précieuses se gorgeaient de terre, il avait froid, de la poussière blanche et crayeuse tâchait ses vêtements et ses cheveux… Non, vraiment, il n'aimait pas ça ! Le seul avantage de ces escapades, c'était qu'il pouvait se comporter en amant avec son roi de manière un peu plus libre et sans craindre le regard scrutateur des conseillers et des prélats. Eux, ils ne se rendaient jamais sur les échafaudages.

En entendant un bruit de pas spongieux derrière lui, le courtisan se retourna. Édouard était en train d'arriver vers lui, tenant le bas de son manteau à deux mains pour ne pas le salir. Hugh soupira, sentant venir la catastrophe. Ce roi était tellement maladroit, ce n'était qu'une question de secondes avant qu'il ne trébuche. Alors, il se lança à son secours.

« Prends ma main, dit-il laconiquement en se penchant le plus près possible depuis la rive de la flaque de boue. Fais attention. Tu vas tomber.

-Non, ça va…, répondit le roi en refermant ses doigts sur les siens, soucieux de lui prouver qu'il n'était pas un incapable. Merci.

-C'est bon, je te tiens. »

D'un mouvement de bras, Hugh ramena Édouard contre lui. Leurs yeux respectivement bruns et verts se croisèrent et le courtisan se pencha pour l'embrasser, mais un bruit derrière eux détourna l'attention du roi. Des ouvriers étaient en train de descendre des échafaudages vers eux. Même s'ils avaient une relation extrêmement atypique avec lui, familière et joueuse, ce n'était pas une raison pour leur laisser voir ses pêchés avec un autre homme. Alors, Édouard s'éloigna de Hugh et alla les saluer.

Le courtisan grommela dans sa barbe, frustré, et resserra les pans de son manteau de fourrure autour de lui avant de lui emboîter le pas. Qu'est-ce qu'il faisait froid ! Il serait beaucoup mieux devant un bon feu de cheminée. Ou, encore mieux, dans le lit, sous les couvertures et les fourrures avec Édouard ! Mais bon, il ne fallait pas espérer. Son amant était beaucoup trop enthousiaste en ce qui concernait les choses de la maçonnerie et des travaux manuels. Et les ouvriers, accessoirement.

En jetant un coup d'œil par-dessus son épaule, le roi vit Hugh revenir vers lui en marchant dans la boue comme s'il y avait des fosses garnies de pieux en-dessous. Il sourit. Faire du charme aux artisans était vraiment quelque chose qu'il aimait, qui faisait battre son cœur, mais Hugh était le seul dont il était vraiment amoureux. C'était toujours beaucoup plus agréable d'être avec lui. Quand son amant le rejoignit, en feignant d'apprécier la situation, en haut de l'échelle et sur la plateforme de travail, le roi se pencha pour l'embrasser. Le courtisan cligna des yeux le temps de comprendre ce qu'il voulait, puis tendit le cou et entrouvrit la bouche. Encore une fois, on se chargea d'interrompre leur petit moment : un prêtre arriva pour demander si les ouvriers avaient bien suivi le service à la messe ce matin-là. Et il était bien évidemment hors de question de montrer de façon trop évidente à un religieux le lien qui les unissait.

Un peu plus tard, alors que Hugh avait fini par se réchauffer et ouvrir son manteau, les deux hommes firent une nouvelle tentative. Ils attendirent que les maçons avec lesquels Édouard comptaient fleurette se détournent et le roi prit le visage de son courtisan dans ses mains. Pendant un instant, il appuya son front contre le sien, les yeux fermés. Son rôle de monarque lui pesait tellement par moments et il ne savait pas quoi faire d'autre, dans ces cas-là, que se serrer contre Hugh comme il pouvait, en touchant sa nuque, ses cheveux, son front, ses joues… Et cette fois-là ne fit pas exception à la règle. Le courtisan se laissa faire, retournant le contact de son front contre le sien, et ferma les yeux en entrouvrant les lèvres. Mais encore une fois, quelqu'un se chargea de les interrompre. C'était Isabelle, qui se promenait en contrebas avec son cousin Robert d'Artois. Son arrivée entraina un brusque mouvement de tête de la part d'Édouard, qui se détourna pour la regarder. Hugh soupira, exaspéré. Mais ça ne cesserait donc jamais ?

Non, en effet, ce manège continua durant tout le reste de la journée. Même ici, où ils croyaient avoir enfin la paix, on ne leur laissait même pas le loisir d'échanger un baiser ! C'en était trop. Hugh finit par être impatienté et il attrapa Édouard par le bras pour l'entraîner derrière un pan de mur en construction. Le roi, qui était en train de parler avec des ouvriers, le dévisagea de ses grands yeux surpris et n'eut même pas le temps de prononcer une parole quand Hugh l'appuya contre le mur et l'embrassa passionnément. Évidemment, le premier moment de surprise passé, Édouard se laissa aller avec plaisir. Ils échangèrent de nombreux baisers enfiévrés avant de quitter leur abri aussi vite qu'ils s'y étaient réfugiés et de rejoindre le chantier.

Ces moments étaient vraiment durs à obtenir, mais qu'est-ce qu'ils étaient bons.