Un mois après, Lily envoyait son œuvre à divers éditeurs moldus et sorciers. Elle avait écrit le livre sans presque se relire, si ce n'est pour changer un peu les noms et les rendre moins immédiatement révélateurs. Son « héros » était devenu « Luke Mefides», et la secrétaire était devenue « Lilas Lyderus » et l'ex-femme « Rose ». Rien d'immensément original, mais ce n'était pas le but.
Lily ne se faisait guère d'illusions sur ses chances d'être publiée, en fait elle avait longuement hésité avant de gaspiller des timbres et enveloppes pour ça. Mais elle avait fini le livre après tout, alors autant aller jusqu'au bout du délire.
Et puis, en utilisant les timbres et enveloppes du bureau, c'était rentable. Elle avait même réussi à soudoyer le hibou Grand-duc de Lucius, à coup de biscuit pour hibou. Avec un clin d'œil au volatile, elle dit : « Prochaine étape : ton maître ! ».
Elle aurait juré que l'oiseau avait souri…
Et voilà, ça faisait deux semaines qu'elle était retournée à la morne routine du bureau, avec Malfoy qui lui jetait de temps en temps un regard méprisant, et beaucoup plus souvent une tonne de paperasses à trier. Et sans projet plus drôle, elle s'ennuyait un peu, en fait elle s'ennuyait comme un rat mort. Peut-être devrait-elle écrire une autre histoire… au moins ça l'occuperait. Elle soupira et se remit au boulot.
Le soir venu, elle rentra chez elle, put s'occuper de son fils, et enfin, quand ce dernier fut couché et Dobby renvoyé dans ses quartiers pour la nuit, elle put s'occuper un peu d'elle-même… et de la maison, dont le courrier. Ah le plaisir de découvrir facture sur facture et de voir l'argent du mois se réduire comme peau de chagrin !
Mais au milieu des factures, il y avait aussi une lettre d'un éditeur. Certainement encore une lettre de refus. Lily l'ouvrit, déjà prête à la jeter et à aller se coucher. Mais ce qu'elle lut la réveilla : un éditeur avait accepté son livre ! Enfin, plutôt une éditrice, une Cracmol qui se proposait de le distribuer dans les mondes moldu et magique. Elle ne comptait pas en tirer beaucoup d'exemplaires, et de fait son entreprise était plus une association d'auteurs : Lily devrait mettre la main au portefeuille pour éditer son livre… mais son livre intéressait quelqu'un ! Il ne devait pas être si nul que ça après tout !
Lily aurait pu danser de joie. Elle préféra aller se coucher, et se promit d'appeler dès le lendemain, pendant la pause-déjeuner (histoire d'utiliser la Cheminette du bureau), « son » éditrice pour prendre rendez-vous.
Le lendemain, Lucius partait en pause-déjeuner quand il la vit encore travaillant à son bureau :
- Que faites-vous encore là, Miss Evans ? Vous savez bien que je ne veux pas que le personnel reste dans les bureaux pendant le déjeuner !
- Oui, M. Malefoy, je sors tout de suite, je veux juste finir ce rapport.
Il la regarda avec suspicion, mais Lily avait l'air aussi innocente que l'agneau qui vient de naître… mais c'était en faitun loup déguisé en agneau : dès que Lucius eût refermé la porte, elle alla jusqu'à la Cheminette pour appeler l'éditrice :
- Bureau des Éditions Crac-Boum-Hue !
Bientôt un rendez-vous pour le samedi suivant était pris, Mme Bookling viendrait prendre le thé chez Lily.
Lily sortit déjeuner toute ragaillardie.
L'entretien avec Mme Bookling se passa sans incident majeur, et Lily se surprit à apprécier grandement la vivacité d'esprit de la quadragénaire. Bientôt le contrat fut signé, et la date de parution fixée pour dans un mois. La dernière signature apposée, Mme Bookling se pencha vers Lily, le regard brillant, et lança :
- Bon, maintenant que ça c'est fait, si on passait aux choses sérieuses. (Lily l'a regarda confuse.) C'est vrai cette histoire ? Vous avez vraiment séduit Malfoy, Je-Suis-Un-Sang-Pur-Et-Jamais-Je-Ne-Dérogerai-À-Ce-Rang ?
- Bien sûr que non ! Je veux dire, je pourrais, sans doute, mais je n'en ai pas vraiment envie ! C'est un sale raciste arrogant !
Histonia Bookling eut l'air déçue
- Non, parce que vous comprenez, c'est le genre de publicité qui aurait été géniale. Peut-être que vous devriez lui en parler…
- Quoi !
- … le convaincre de faire semblant d'être en couple, avec vous, vous savez, pour des raisons marketing…
Lily ne put s'en empêcher : elle éclata de rire. Franchement, comme si Lucius accepterait de faire semblant de sortir avec une née de Moldue, quelles qu'en soient les raisons !
Mais Histonia insista :
- Il suffit de bien présenter les choses, de jouer sur ses points faibles. Par exemple, pourquoi vous a-t-il engagée, alors que vous êtes née de Moldus ?
- Pour des questions de respectabilité auprès du Ministère, pour mieux faire avaler aux juges que non non, il n'était pas un Mangemort, qu'il avait été manipulé, qu'il n'avait rien contre les Moldus. Et puis, comme nous sommes spécialisés dans l'« import » de vêtements moldus, je suis son gage de crédibilité.
- Vous voyez, vous pourriez jouer de ça !
- Non, je ne crois pas. …
- Et puis vous pourriez lui dire que « travailler » avec vous pourrait l'aider à se venger de sa femme ! Que ça serait une dénégation évidente des allégations de celle-ci sur son passé de Mangemort, une façon de la tourner en ridicule et un rappel qu'ELLE, elle n'arrive pas à finir son livre.
Lily fit encore non de la tête.
- Et vous pourriez aussi lui dire que sa femme sera morte de jalousie de le voir au bras d'une belle jeune femme…
Encore une fois, elle éclata de rire :
- Narcissa Malfoy, jalouse de moi ! Elle avec son sang de Vélane et moi avec mon côté terre-à-terre ! -
- Vous êtes plutôt une jolie femme, vous savez. Et puis ce n'est pas seulement une question de beauté mais de possessivité des Malfoy.
- Ca ne marchera jamais ! Je veux dire, il ne m'a jamais lancé un regard ! Pas comme ça, en tout cas.
- Mais il suffirait de très peu pour qu'il vous regarde « comme ça », si vous le vouliez.
- Justement je ne veux pas !
- Ce n'est pas vous qui il y a cinq minutes prétendiez que vous pourriez le séduire si vous le vouliez ? Là vous avez une bonne raison de le faire ! Et même plusieurs : faire la promo de votre livre, vous venger de ses regards froids et lui faire ravaler sa fierté de sang-pur !
- Oh si vous le dites…Je-Je vais y réfléchir.
Mais le moins que l'on puisse dire, c'est que le ton était dubitatif.
- Oh, je vous aurais cru plus audacieuse, plus courageuse .
- Mais je le suis ! Je veux dire j'étais à Gryffindor ! Et-et c'est juste que ça ne m'intéresse pas.
Histonia leva les yeux au ciel :
- Alors faites-le par amour du challenge, du défi.
- Non, ce ne serait pas honnête, ce serait jouer avec lui. Je ne suis pas comme ça.
- Donc vous admettez que vous vous croyez capable de le séduire, de jouer avec lui.
- Je n'ai pas dit ça !
- Donc vous avouez que vous en êtes incapables !
- Mais non ! Enfin, je ne sais pas ! Je m'en fiche !
Histonia leva encore les yeux au ciel, mais décida d'abandonner l'idée pour le moment. Elle amena la conversation sur un sujet plus sûr, la dernière collection printemps-été de La Reldu, l'entreprise de Lucius. Peu après, Mme Bookling s'en fut, sur un dernier « Séduisez-le, vous le valez bien ! » et un clin d'œil.
Le lendemain, dimanche, Lily décida de se faire plaisir et de s'occuper d'elle-même toute la journée (enfin, pendant que Harry faisait sa sieste : elle le voyait trop peu en semaine pour le délaisser le dimanche !). Elle s'offrit masque, gommage, crèmes, vernis à ongle, massage des pieds, la totale quoi ! Pas pour Lucius, oh non, cette idée de promo était absurde, juste pour elle, pour le plaisir. Oh et puis zut ! oui, d'accord, elle voulait voir si la « théorie » d'Histonia était vraie….Pouvait-elle vraiment amener Lucius à la regarder « comme ça » ?
Le lundi, elle arriva toute guillerette au bureau, toute pouponnée aussi, et dans une tenue certes décente, mais bien plus sexy et légère qu'à son habitude.
Et à son grand étonnement, Lucius lui jeta son regard habituel, se replongea dans les dossiers avant de brusquement relever la tête et de la regarder de la tête au pied. Lily hésita entre être vexée par son air incrédule (eh ! elle pouvait être une vraie bombe quand elle voulait !) ou flattée par son regard inhabituellement appréciateur. Peut-être que finalement le séduire ne serait pas si dur… et ça pourrait être amusant…
- Eh bien, Mlle Evans, je vois que vous avez tenu compte de mes recommandations, et décider d'adopter une tenue qui met plus en valeur nos produits ! C'est bien, vous commencez enfin à comprndre qu'il faut obéir à son patron.
