Lia Narkel avait peut-être le grade de lieutenant, mais elle n'avait pas la moindre responsabilité militaire. Elle était dans la recherche scientifique. Pour avoir accès aux installations gouvernementales, il était plus simple, pour des raisons administratives, d'être un membre des forces armées. D'où l'accord tacite passé avec les militaires pour que les scientifiques reçoivent un grade nominal, sans être pour autant le moindrement responsable devant la hiérarchie. Lia avait ainsi participé à nombre de projets, surtout en recherche pure, qui avaient permis aux hauts responsables Impériaux de la classer parmi leurs meilleurs techniciens…ce qui lui avait donné une liberté pour ses affectations indéniables (Gesthal, au contraire de Kefka, préférait laisser un peu de ''corde'' aux scientifiques, considérant à juste titre que des pressions directes sur eux ou sur leurs familles pouvaient s'avérer fort contre-productives) Récemment, un poste à temps partiel plutôt particulier s'était ouvert, et même s'il était bien en dessous de ses qualifications, Lia avait aussitôt posé sa candidature…Ce poste était lié, par la tangente, au fameux Projet Magitek, que la majorité des techniciens qualifiés impériaux, y compris Lia, nommaient sarcastiquement : Projet Piegabudgek (Piège à Budgets…) Lia avait rempli des dizaines de mémoires au sujet des possibilités infinies de la recherche pure, et trouvait que Polaris, le projet de sa division était bien plus prometteur que les absurdités de Kefka : avec le dixième des sommes consacrées pour la recherche sur des absurdités monumentales comme la Magie, il y aurait eu des résultats concrets très vite…Mais Lia n'avait rien à faire avec cette ''recherche'' proprement dite. Sa fonction était auxiliaire, liée aux…membres, très involontaires de Magitek…Soit, concrètement, des enfants dont les plus âgés avaient à peine dix ans.
Le co-responsable du projet, Cid, qui avait accepté qu'on l'affecte là qu'à regret, avait maintes fois soulevé lors de rencontres avec l'Empereur qui si on laissait ses collègues carte blanche pour la formation, ce ne serait pas des officiers exceptionnels qu'on obtiendrait, mais des gens très, très, instables. Il était certain que Kefka était la dernière personne à qui on pouvait confier, même de loin, des choses liées somme toute à l'éducation, et que la fille adoptive de Cid semblait, et de loin, beaucoup plus stable, normale (mais surtout, point qui comptait pour Lia et Cid, mais pas pour l'Empereur) heureuse) que les ''candidats'' du Projet Magitek. Aussi, en fait de compte, l'Empereur avait accepté (et fait admettre le principe par Kefka) d'essayer une approche un peu moins froide, c'est à dire que les responsables du projet s'occupent, au moins partiellement, des enfants pour eux-mêmes, plutôt que pour leurs facultés éventuelles. Quelques postes avaient donc été ouverts, pour n'importe quel Impérial disposant des autorisations requises (assez élevées, Magitek étant top-secret) qui y avait un peu de temps à consacrer…Autrement dit, quelques heures par semaines, Lia devait essayer de remonter le moral, souvent plutôt bas (dire que les membres du projet étaient poussés à bout, même seulement au niveau académique, était un euphémisme) des enfants. Un poste vraiment ''social'', qui aidait peut être un peu les membres du projet à ne pas sombrer dans la dépression, sans plus. Qui lui faisait infiniment plaisir, pour des raisons personnelle…Lia avait perdu sa propre fille, morte de maladie quand elle avait deux mois, ce qui avait très dur pour elle (au niveau familial, sa vie n'avait vraiment pas été terrible…Une relation vraiment…désastreuse…avec sa mère, pas de père, ce qui aurait été vrai également pour sa fille, et finalement cette tragédie…Et en plus, la naissance ayant été assez pénible. Lia ne pouvait plus avoir d'enfants). Elle avait pris ce poste pour ''compenser'', évidemment, comme, d'ailleurs une bonne partie des autres volontaires (en majorité des Impériales) Pour faire accepter mieux sa décision, elle avait prétendu qu'elle pourrait également ''apporter un regard extérieur sur le programme de recherche'' Ce qu'elle faisait, en produisant rapport sur rapport illustrant le fait qu'au niveau éducationnel, sociologique, psychologique, le programme, comme elle l'avait toujours pensé, conduirait au désastre, si on n'en changeait pas, dans les plus brefs délais, ses bases et ses responsables.
Lia, justement, était de ''service'' ce matin. Et elle se qualifiait intérieurement de tout les termes en courant dans les couloirs du Palais : de toutes les journées pour oublier son réveil-matin, elle avait vraiment pris la pire. Pour une fois qu'il y avait quelque chose…
Une des deux sentinelles gardant l'accès de l'ascenseur menant au secteur réservé pour le projet hocha la tête en voyant Lia arriver. Celle ci eut un assez mauvais pressentiment…
-Ah, Lieutenant, vous arrivez trop tard. Ils sont partis il y a une dizaine de minutes.
Lia se qualifia de façon encore plus poussée. C'était son idée, et elle venait de la manquer. Elle s'était littéralement battue contre Kefka et son collègue (et ancien ami) Hartz durant plusieurs semaines pour qu'on organise, histoire de changer les idées un peu des membres du projet Magitek, une activité extérieure. Lia avait proposé un des musées de la capitale (bon, d'accord, des enfants de sept ans normaux auraient trouvé une visite au Musée d'Art Classique passablement ennuyeuse, mais c'était mieux que rien…) mais on avait catégoriquement refusé pour des raisons de sécurité (Sans parler des commentaires très méprisants que Kefka avait fait à son endroit, la trouvant ''trop sensible''. Mais Cid l'ayant appuyée, il ne pouvait l'ignorer…) En fait de compte, le lieu de la visite serait une usine stratégique Impériale, complètement isolée (le fait que l'immense majorité des membres du projet aient manifesté une joie indéniable à l'annonce de cette visite, prodigieusement ennuyante, était un signe clair de combien leur vie pouvait être difficile…) avec transport aérien pour l'aller comme le retour. Vraiment le strict minimum. Mais mieux que rien…
Lia entra dans le complexe, déserté à l'exception de quelques gardes. Qu'allait-elle faire en attendant ? Elle se décida pour préparer une fois de plus un document à l'intention des professeurs pour tenter de les encourager à exercer leur ''art'' d'une façon un peu moins…glaciale. Et compétente. Kefka avait, dans la majorité des cas, choisi les professeurs, évidemment plus pour leur loyauté par rapport à lui que pour leurs capacités pédagogiques. Ils n'étaient pas particulièrement incompétents (encore que Kefka trouvait que l'éducation était superflue par rapport à la loyauté. Mais sur ce point, il avait rencontré une opposition constante et ouverte de tout le monde, l'éducation de qualité gratuite et universelle étant une des fiertés légitime de l'Empire) mais ils n'étaient pas du tout formés pour enseigner à des étudiants si jeunes, ce qui augmentait encore la pression sur ces derniers. Il y avait certainement une façon de leur enseigner qui serait un peu plus vivante…Bon, d'accord, de la trigonométrie, même avec la meilleur volonté du monde, c'était particulièrement indigeste, mais d'autres matières, présentées correctement, comme l'histoire, la biologie, pouvaient être très intéressantes…et moins pénibles pour des enfants sans la moindre distraction…
En allant chercher un des manuels scolaires, pour illustrer son propos, Lia réalisa que tout le monde n'était pas parti…Il y a une personne qui restait. Elle était assise très tranquillement dans une des salles d'étude, essayant de comprendre quelque chose à un livre de biologie beaucoup trop avancé pour elle (Lia avait lu quelque chose de ce niveau à quinze ans, pas sept) Lia sut très vite c'était qui…Une des plus gentilles, mais aussi des plus tranquilles, membres du projet. Son moral était en général très faible, sans doute parce que les autres se tenaient à l'écart d'elle, la trouvant ''bizarre'' (rumeur que Kefka, pour Dieu seul qu'elle raison, faisait circuler…Il semblait la considérer comme ''spéciale'' et cherchait à la faire expulser du projet, pour pouvoir s'occuper d'elle sans les ''stupidités humanistes'' (opus citato, qui en disait long sur ses orientations) que des gens comme Lia et Cid avaient…
-Terra ! Qu'est ce que tu fais ici, toute seule ? Tu n'es pas partie avec les autres ?
Terra répondit calmement à Lia, mais dissimulant mal qu'elle était au bord des larmes..
-Je…je sais pas. On m'a dit que j'étais punie, par ce que j'avais pas assez travaillé, que j'étais méchante avec les autres, que je ne méritais pas de venir avec eux…Mais c'est pas vrai. Je travaille tout le temps, madame…je fais de mon mieux, mais ils ne sont pas justes avec moi…Et je vois pas comment je pourrais être méchante avec les autres…ils ne me parlent même pas…ils font comme si je n'existais même pas, comme si j'étais pas un être humain…
Lia fut très peinée pour Terra. Elle se promit d'aller voir Hartz et essayer de le convaincre d'être un peu plus souple. Il avait été un de ses meilleurs amis durant des années, et, même s'il vivait un drame épouvantable à l'époque, il l'avait aidée à tenir le coup après la mort de sa fille…Ce n'était que quelques années après que les liens entre eux avaient commencé à devenir de plus en plus distants, surtout parce qu'Hartz était maintenant sans équivoque du côté de Kefka, avec tout ce que cela impliquait au niveau éthique ou moral. Mais, quand même, il restait que, parfois, Hartz écoutait les suggestions de Lia, sur des points mineurs…
-Je sais, répondit Lia, le général est parfois-je dirais même souvent-très…méchant oui.
-C'est pas Kefka, madame…Lui, ce qui me fait mal, c'est quand il rit de moi, qu'il dit que je suis juste une sorcière, une esclave…(Lia se disait en ce moment que Kefka n'avait aucune notion de psychologie, ou même de simple humanité. Dire de telles choses à une petite fille de sept ans ! Sans parler du fameux rire, déstabilisant pour Lia…ce devait être pire pour Terra) Et il est toujours méchant avec moi, oui, mais…c'est pas lui qui m'a empêché d'aller avec les autres. C'est Hartz…Il…me déteste encore plus que Kefka. Je…je ne lui ai jamais rien fait, madame…Je ne sais pas pourquoi il me hait tant…Mais il…il fait tout pour…pour me rendre malheureuse. Je…je suis sûre qu'il dit aux professeurs de…de faire exprès pour me donner des mauvaises notes, qu'il veut juste se débarrasser de moi, que ce soit Kefka qui…
-Voyons, pourquoi…pourquoi il ferait ça, fit Lia, d'un ton absolument pas convaincu.
Elle avait réalisé il y a un moment que Hartz avait…vraiment une dent contre Terra. Kefka voulait en faire…en faire quoi au juste ? Dans son délire quand il parlait du sujet, il était difficile de savoir concrètement, ce que Terra représentait pour lui. Sorcière…plutôt vague comme terme (on comprenait le concept, mais qu'est ce que Terra était supposée faire pour Kefka ? ) Une chose faisait particulièrement froid dans le dos de Lia, par contre : la fréquence avec laquelle Kefka employait des termes faisant de Terra sa ''chose''…Lia avait trop peur de penser à ce que cela pouvait dire. Kefka était…vraiment, vraiment un malade. Mais pour Hartz…c'était autre chose, vraiment. Il la détestait, et semblait réellement chercher à lui rendre la vie la plus pénible possible. L'histoire de Terra au sujet des professeurs qui la notaient mal pouvait bien sûr être une exagération. Mais Terra était tellement sérieuse en temps normal que Lia était bien prête à la croire sur parole sur ce point précis. Hartz avait…changé, mais il ne pouvait pas être devenu si dur…Lia se promit mentalement d'aller lui parler, très sérieusement, pour tirer les choses au clair, dès que possible. C'était infernal pour Terra cette situation…et c'était sans doute le symptôme que quelque chose n'allait vraiment plus chez Hartz, et…et que lui aussi avait besoin d'aide, pour ne pas devenir fou…
Il était nettement plus facile d'avoir pour ennemi quelqu'un comme Kefka plutôt qu'un ancien ami, comme Hartz…Elle le trouvait monstrueux maintenant…mais ne pouvait pas s'empêcher de penser à comment il était poli, aimable, avec elle, Riina, Cid et bien sûr la troisième femme de leur petit groupe, celle dont la disparition et la mort l'avait vraiment dévasté…Est ce que côté de sa personnalité existait avant, ou était-il né de la tragédie ? Question insoluble…
-Et en plus, fit Terra à voix basse, ils nous utilisent comme des jouets…une sorte de poupée…
-Qu'est ce que tu veux dire, fit Lia, complètement surprise par cette phrase inattendue
Terra ne dit rien et détourna la tête. Lia réalisa pourquoi. Terra parlait d'elle. Et elle était loin d'avoir tort. Parce que, concrètement, Lia venait autant pour elle-même que pour les enfants en général…Pour oublier sa propre fille. Terra ne savait pas les détails, évidemment, mais elle était plutôt observatrice, et avait bien dû réaliser que les efforts de Lia pour être sympathique, gentille, étaient peut-être sincères…ce qui n'enlevait rien au fait qu'elle utilisait tout de même Terra, comme Hartz et Kefka le faisait. La seule différence, c'est que Lia le faisait d'une façon moins cruelle, moins directe, plus douce, quoi…Poupée…Terra avait raison. Beaucoup d'Impériales, y compris elle, ''jouaient'' plus moins avec ces pauvres enfants, s'occupant gentiment d'eux durant quelques heures par semaine…puis les laissant seuls par la suite L'intention derrière ce programme auxiliaire était vraiment excellente, mais…
Dans tout les cas, les prochains jours seraient plutôt pénibles pour Terra. Les autres ne reviendraient pas avant 48 heures (le complexe industriel était assez étendu, et loin de Vector). Cela voulait dire que vraiment personne ne lui dirait un mot durant tout ce temps.
Lia hésita un peu, puis prit une décision. Hart et Kefka étaient inutilement durs avec cette petite, ce qui contrevenait aux règles du programme qu'ils avaient eux-mêmes créé. Aussi, moralement, Lia ne se sentait pas du tout coupable de contrevenir elle-même aux susdite règles, dans le sens opposé (sans parler que ce programme suscitait des doutes en elle…)
-Eh, tu ne vas pas dormir dans un dortoir vide, ni rester toute seule durant deux jours. Viens avec moi…On va faire des choses beaucoup plus intéressantes que visiter une vieille usine…
-Madame, sans vous vexer, c'était pas comme ça que vous avez présenté la visite, fit Terra, avec une pointe de sarcasme (Exact. Lia avait fait appel à toutes ses capacités de…présentation créative de sujet, qu'elles avaient utilisées dans le passé surtout pour se faire donner des crédits pour ses projets de recherche, pour parler de cette visite aux enfants, dans l'espoir de leur rendre la susdite visite intéressante. Encore une fois, pour Terra, cela avait été une de ces bonnes intentions dont l'enfer est pavé, vu qu'elle regrettait de ne pas y aller).
-Disons que j'avais un peu exagéré…tu es vraiment intelligente, tu devais t'en douter un peu.
-Un peu, oui, madame…Un peu beaucoup, même. Mais…je ne voulais pas vous faire de la peine…on voyait tous que vous vous disputiez beaucoup avec Hartz et Kefka à ce sujet…
Lia sentit son propre moral chavirer en entendant ces mots. Terra…ne voulait pas lui faire de peine ? Elle avait vraiment fait fausse route, au moins avec elle. Quand la personne qu'on est censé aider se sent obligée de dissimuler des choses comme ça, c'est vraiment mauvais signe.
-Merci, fit-elle au bout d'un moment. Prends tes affaires : je vais t'installer dans mon appartement de service pour deux jours. C'est pas le grand luxe, mais c'est mieux qu'ici.
Terra fut manifestement incrédule, pensant que c'était une sorte de test…Hartz et Kefka, encore une fois d'une façon incroyablement cruelle et inutile, lui avait fait, à elle et aux autres, plusieurs choses du genre, comme la ruse (vraiment transparente pour un adulte, mais pas du tout pour des enfants) de leur permettre d'écrire des lettres à leurs parents, pour ensuite leur reprocher sévèrement de se plaindre, dans leurs susdites lettres, du programme qui faisait tant pour eux…En ajoutant perfidement que si les parents ne répondaient pas, c'était parce qu'ils ne se souciaient plus du tout de l'auteur de la lettre (Alors que la réponse était passablement aléatoire, pour deux raisons évidentes : bien sûr, la lettre ne quittait même pas le secteur, et en plus, la majorité du temps, les parents étaient morts…) En général, après une ou deux pseudo-lettres, les enfants comprenaient la situation, et acceptaient d'écrire des généralités, qu'on pouvait montrer à Gesthal, qui avait des crises de scrupules, parfois (qui, comme on le voit, n'étaient vraiment pas très difficiles à calmer…) Terra, cependant, avait refusé de jouer ce petit jeu, et refusait systématiquement d'écrire ''des choses fausses'', ce qui lui coûtait souvent cher. Plutôt que de se faire punir à chaque fois qu'elle disait ce qu'elle pensait du programme, elle avait décidé de ne plus rien écrire du tout…ce qui était aussi sanctionné, hélas. Elle était sûre que ce Lia lui proposait était un test pour la mettre au pied du mur. Ne tenant pas, encore une fois, à se faire mettre en isolement durant des jours (ça ne changeait pas grand chose à sa vie quotidienne, mais le simple fait d'être en contact avec les autres, même s'ils l'ignorait, était un peu réconfortant), Terra répondit, en essayant de son mieux d'avoir l'air sincère, qu'elle préférait ne pas quitter les lieux…Cela prit une bonne demie-heure à Lia pour la convaincre de la suivre. Les gardes du secteur furent surpris…
-Euh ! Lieutenant ? Qu'est…qu'est ce que vous faites ? (La sentinelle réalisa que la question était plutôt rhétorique très rapidement) Je…je ne pense pas que vous avez l'autorisation pour..
-Eh, c'est une barrette de lieutenant, que tu vois. C'est moi qui devrait poser les questions. Mais, t'inquiètes pas. Tu penses que je vais fuir avec cette petite du Palais ? Pourquoi je ferais ça ? Je peux t'assurer que si jamais j'ai une idée comme ça, je ne commencerais pas par sortir par la grande porte avec elle…Si vous voulez confirmer, contactez Kefka ou Hartz
Lia fut plutôt contente d'elle même en disant cette phrase. La possibilité qu'un simple soldat prenne le risque d'entrer en communication avec Kefka était très faible, celui ci ayant une tendance marquée à tirer sur le messager. Quand à Hartz, elle savait très bien qu'il était parti pour Albrook pour quelques jours, pour une inspection d'une usine de matériel médical…
La sentinelle essaya de contacter Hartz, et comme Lia le pensait, il tomba sur une boîte vocale…Il laissa bien un message, espérant que ça serait suffisant pour être ''couvert'', puis laisser passer Lia et Terra, en se disant qu'il faudrait sans doute qu'il se fasse affecter de nouveaux aux divisions de première ligne ; franchement, c'était moins dangereux à terme…
Le programme Magitek était top-secret, cependant, et Lia ne pouvait pas emmener Terra comme ça à travers le Palais…du moins, pas dans les secteurs à accès limité, comme ceux des divers administrations militaires. En revanche, dans les secteurs civils (ministères, zones d'habitations…) Terra n'attirerait pas trop l'attention : des Impériaux résidaient avec leurs familles au Palais. Il suffisait d'emprunter quelques passages pas trop fréquentés pour sortir de la tour Zêta, où elles étaient. Le Palais était divisé en plusieurs immenses secteurs, aux utilisations diverses. La ''tour'' Alpha était pour le Haut-Commandement des Forces Armées, la Gamma pour certains projets de Kefka-il voulait transférer Terra là, où Cid serait incapable d'intervenir (pas étonnant que Terra se sentait mal quand on mentionnait cet endroit devant elle. Kefka n'hésitait jamais à lui dire comment elle serait complètement seule là bas, comment personne n'entendrait si elle criait…comment elle devrait faire ce qu'il dit…)…L'appartement de Lia était dans la Delta, qui abritait dans ses étages supérieurs des logements de fonction modestes (Lia avait un trois pièces et demi, ce qui n'était pas très grand, mais qui aurait coûté une fortune à louer à Vector en raison de la crise du logement) et aussi divers ministères civils (Agriculture, Commerce Intérieur, Transports…) à l'accès pratiquement libre (d'éventuels espions rebelles ne s'intéresseraient probablement pas au fait que la production d'œufs dans le troisième district du gouvernement de Maranda avait subi au dernier trimestre une hausse de 4.3 suite à la mise en place des nouvelles couveuses recommandées par le Ministère…) Elle était à peu près sûre de pouvoir se rendre dans la Delta en ne passant qu'une poignée de points de contrôles et dans des zones à peu près désertes…Restait, hmm, la question des cheveux de Terra…Lia était sûre que c'était un minuscule problème de pigmentation, mais cela attirerait les regards quand même…Comment dire diplomatiquement à Terra d'essayer de les cacher un peu ? Surtout qu'elle même-
Lia n'eut pas à lui dire ça…Terra semblait y être habituée. Même quand il n'y avait personne en vue, elle restait dans les coins les plus sombres des corridors, où la faible lumière rendait la teinte de ses cheveux nettement moins visible. Kefka lui avait dit à plusieurs reprises que cela voulait dire qu'elle n'était pas vraiment un être humain, et Terra avait bien remarqué que même les gens les mieux intentionnés-Cid, Lia-avait une réaction de surprise lorsqu'ils voyaient ses cheveux…Pour une fois, ça devait être vrai, ce qu'il disait…Autant se cacher.
-Tu sais, Terra, dit Lia au moment où elles prenaient un des derniers ascenseurs, je…pense comprendre ce que tu sens, comment tu te sens mise à l'écart, qu'on ne t'aime pas…
-Je ne pense pas madame…On ne doit pas vous dire les mêmes choses qu'on dit à moi…
-Pas dans l'Empire, non, Terra, tu as raison (Lia allait dire que l'Empire était un régime progressiste, ouvert, ce qui était vrai…Mais comment expliquer ça à Terra ? Comment lui expliquer que les Impériaux n'étaient pas, dans leur majorité, comme Kefka ou Hartz ?) Tu vois, Terra, mon nom de famille est Narkel, tu le savais ?…Je viens de Nisen…Enfin, façon de parler….Ma famille venait de là. Il y a des gens qui…qui n'aiment pas vraiment ça.
-Nisen ? Je n'en ai jamais entendu parler, madame, sans vous faire de la peine…C'est où ?
-D'après ce qu'on dit, c'était une très belle ville au bord de l'Océan…Évidemment, pour ceux qui y vivaient, c'était sans doute la ville la plus magnifique de tout les temps. On ne pourra jamais savoir si c'était vrai…il n'en reste que des choses infimes, des fragments…Parce que Nisen a été détruite complètement, rayée de la surface…Durant la Guerre de la Magie….
-Oh…Pourquoi c'est arrivé, madame, fit Terra, réellement intéressée à ce que Lia disait ? (l'histoire était certainement la matière la moins…barbante…qu'elle avait à étudier)
-On ne sait même pas où était Nisen, ce qui fait que les détails…Bref, tout simplement, beaucoup de gens ont survécu à la destruction de Nisen, peu importe la raison…On les appelle les Hasais depuis ce temps. Le mot devait vouloir dire simplement ''apatride''…
-Ah. Mais pourquoi, comme vous dites, y'a des gens qui ne vous aiment pas ?
-Il n'y a pas de raison réelle. Comme pour toi. Des gens ont dû se dire à un moment donné que c'était pratique de mettre tout sur le dos des Hasais. En tout cas, à part en Cilicie, dans l'Empire et dans Figaro, c'est souvent très difficile d'être d'origine Hasai, même aujourd'hui…Ta famille peut-être là depuis des siècles, ils te diront toujours que tu n'es pas vraiment comme eux, parce que t'es selon eux une Hasai. Charmant, hein ? Que tu n'a pas les mêmes droits…Dans plein d'endroits, c'est pratiquement légal de faire à peu près n'importe quoi à des Hasais. Je vais te donner un exemple. Une fois, quand j'étais plus jeune, je suis allée pour une mission diplomatique à Doma…À l'hôtel où le personnel devait descendre, j'ai inscrit mon vrai nom au registre. Narkel, c'est typiquement Hasai (Lia pointa évasivement son visage) Les gens qui ne nous aiment pas peuvent bien dire que nous avons tous le visage ''fourbe'', des yeux de sorcière-tiens, un trait qu'on a en commun, toi et moi-, ce genre de choses comme tu dois le voir, y'a aucune différence réelle, sauf quand on veut en voir une. Ce qui fait que c'est en général seulement les noms et les prénoms qui disent l'origine Hasai…
-Je comprends votre histoire, madame, fit Terra, mais…ça ne s'applique pas à moi, non ? Je veux dire…j'ai vraiment quelque chose de particulier, qui n'est pas du tout normal…
-C'est la même chose Terra…Ils ne t'aiment pas à cause de quelque chose dont tu n'es pas du tout responsable. Dire que les Hasais sont de la vermine qu'il faut tuer, c'est aussi stupide, méchant, cruel, que de te dire que t'es pas un être humain. C'est le même raisonnement idiot. Regarde…moi, Cid, on n'a jamais pensé ce genre de choses sur toi. Celui qui dit des choses comme ça, c'est Kefka, qui n'est pas exactement un modèle. Pourquoi le croire ?
-Madame, je sais que vous êtes très sincère, mais, franchement, si vous me dites que j'ai juste à ne pas écouter Kefka pour me sentir mieux, je vais trouver ça pas très utile…
-T'as raison…ça ne suffira pas…Ce que…ce que je veux te dire, c'est que la solution du problème, ce n'est pas toi qui l'a, ce sont les autres…C'est pas de ta faute, si les gens ne t'aiment pas, si tu ne leur a rien fait. Tu ne dois pas te sentir coupable, avoir honte de toi… C'est ça qui m'es arrivé à Doma. Y'a des gens qui ont dû se dire qu'ils avaient tombé sur le gros lot, quand ils ont vu mon nom…Une femme qui ne restait pas dans sa cuisine où à l'église, une Impériale, et une Hasai. Trois raisons pour, comme ils disent, me «mettre à ma place»…Je me suis fait coincée un soir dans une ruelle par quelques Domasiens. Ils m'ont craché dessus, insultée, battue. Comme pour toi, ils m'ont dit que je n'étais pas vraiment un être humain, que j'étais de la vermine Hasai, que je ne méritais pas de vivre…
-Comment ça s'est terminé ? déclara Terra, qui semblait soudainement très, très pensive.
-Ces gens là avaient un autre petit défaut : ils pensaient visiblement qu'une femme ne peut que prendre des coups, pas en rendre. Je m'en suis sortie avec un œil au beurre noir, quelques blessures (eux, c'était plus sévère…)…mais aussi, une grosse dépression nerveuse.
Terra ne rajouta rien, pensant à ce qui était arrivé quand quelqu'un de particulièrement cruel avec elle l'avait surprise dans un coin pas trop fréquenté du complexe, et s'était mis à la battre, sûr son impunité : Kefka avait dû lui dire que c'était bien, et en plus, elle avait six ans, et lui neuf…Pourquoi il avait arrêté ? Terra criait, suppliait qu'on la laisse tranquille, et était complètement à bout, quand elle s'était soudainement sentie très, très mal…L'autre avait crié et était subitement tombé par terre. On n'avait jamais dit à Terra ce qu'il lui était arrivé, et Hartz l'avait mise en isolement pour deux mois, pour cruauté et mauvais traitements. Terra pleurait à chaque fois qu'elle y pensait…surtout parce qu'elle avait l'idée complètement stupide que…qu'elle avait peut-être fait quelque chose…Ce que Kefka disait qu'elle faisait…
De la Magie…Si elle était vraiment une sorcière…est ce que ça voulait dire qu'elle allait devenir complètement folle, comme Kefka ? Qu'elle serait obligée de faire ce qu'il dit ? Terra préférait ne pas trop y penser. Mais, en tout cas, l'histoire de Lia, qui ne prétendait pas être mieux qu'elle, avait au moins le mérite de lui montrer qu'elle n'était pas seule dans son cas…
-Dites, madame, fit Terra au bout d'un long moment de réflexion…La Magie…c'est le mal ? Je veux dire, on parle tout le temps de la Guerre de la Magie…Et Kefka dit qu'il la contrôle…
-C'est surtout une c…euh ! une…chose, c'est ça, passablement stupide, si tu veux mon avis, fit Lia, qui était certainement l'incarnation du scepticisme (comme Hartz, en fait, elle était positivement sûre qu'il y avait une explication naturelle pour tout, même l'inexplicable…)
-Dans ce cas, madame, pourquoi on nous met tous à l'écart, pour une chose qui existe pas…
Lia fut très contente qu'ils soient enfin arrivés dans son appartement…Car elle n'aurait vraiment rien trouvé à répondre à cette question, qui elle aussi la tourmentait….
-Tiens ! Fais comme chez toi, dit Lia avec enthousiasme en ouvrant la porte (Encore une fois, mauvais commentaire. Terra avait passé toute sa vie dans un dortoir qui n'était certes pas sordide, mais qui n'avait certainement aucune personnalité. Elle n'avait pas de ''chez elle'')
Elle le montra bien en allant s'asseoir docilement sur une chaise à côté du coin cuisine, et en se remettant à lire la brique de biologie qu'elle regardait dans la salle d'études avant de partir.
-Hé, Terra, tu n'es pas obligée de faire ça…Regarde, si tu veux, j'ai des livres que tu devrais aimer (Lia lui pointa sa bibliothèque, assez bien fournie) Ça va te changer les idées…
Terra se leva, à peu près sûre qu'elle allait tomber sur les mêmes choses que d'habitude…Elle fut très agréablement surprises. Les livres de Lia n'étaient pas uniquement de gros livres de références, de manuels difficiles à comprendre, mais aussi des trucs qui avaient l'air vraiment intéressants à lire, qu'elle aurait pu avoir envie de regarder même si on ne la forçait pas…Elle en prit plusieurs, qu'elle se mit à feuilleter, complètement absorbée…
Voyant que Terra serait occupée pour un bon moment, Lia s'occupa d'assurer ses arrières. Elle activa son ordinateur, et envoya un message à Cid le prévenant de la situation, ''oubliant'' d'activer l'option prioritaire…Elle faisait cela pour deux raisons. D'abord, Terra aurait évidemment entendu un message vocal, ce qui aurait pu l'inquiéter…Ensuite, Lia savait très bien que Cid ne penserait pas avant plusieurs heures de vérifier ses messages-textes, ce qui le placerait encore un peu plus devant le fait accompli…Le message plutôt machiavéliquement, mettait simplement le professeur Cid au courant de la situation. Les chances que Cid lui dise de la ramener dans le complexe frôlaient le minimum absolu…Cid pouvait difficilement lui dire de ne pas ''interférer'' avec Terra, avec ce qu'il avait fait pour Célès…Même si Lia savait très bien que l'histoire touchante de la petite fille retirée du programme Magitek puis adoptée par Cid avait peut-être quelques éléments véridiques, mais que les choses étaient loin d'être aussi simple…En effet, quand Cid, plus de trois heures après, répondit à Lia, il se contenta de dire que Lia risquait, tout au plus, d'avoir rendu encore plus hostile à son égard Hartz et Kefka (ce qui n'était pas nouveau !) Mais que, il l'approuvait et était pleinement de son avis. Tant qu'elle ne sortait pas du Palais et ramenait Terra au complexe, il n'y aurait pas trop de problèmes à long terme, selon lui. Excellent, vraiment. Lia était maintenant couverte par la hiérarchie, ce qui serait utile si Hartz faisait des vagues.
Lia, tout en s'inquiétant vaguement que Terra puisse tomber sur quelque chose qui n'était pas de son âge (sans qu'elle s'en inquiète particulièrement…De sa propre expérience, un livre recommandé pour le groupe d'âge huit-dix ans avait une tendance à ''barber'' prodigieusement des enfants de sept. Et puis, damnation, même Germinal risquait plus approprié pour elle que de l'étude forcée à ce point…) commença à travailler sur son moniteur, se disant qu'elle venait, franchement, de faire quelque chose de très bien. Avant de s'arrêter et de réaliser que, d'accord, elle donnait des vacances de quelques jours à Terra, mais que tout recommencerait pour elle dans quelques jours…Quelqu'un comme Hartz ou Kefka, ou n'importe quel idiot suivant leurs ordres aurait dit qu'elle allait donner à Terra des idées…
Mais ce n'était qu'un sophisme. Ce que Lia faisait à Terra, c'était lui accorder une vie normale durant quelques heures. Comment quelqu'un pouvait, logiquement, trouver ça injuste ? (Encore que la logique, c'était pas le point fort de Kefka…pas du tout…) Peut-être que quelques jours normaux aiderait Terra à tenir le coup…Ou peut-être qu'ils ne feraient à terme que la déprimer davantage. Sauf si elle faisait quelque chose pour qu'on la traite mieux.
Lia accéda à la base de données centrale de l'Empire, avec pour objectif de voir dans le dossier de Terra s'il n'y avait pas quelque chose qui pourrait l'aider à faire pression sur Hartz (Lia aurait pu le faire, aurait dû le faire il y a longtemps, mais avant, elle n'avait que vaguement conscience de ce qui arrivait à Terra. Et pour être parfaitement honnête, elle préférait ignorer que Hartz était capable de faire ça) Comme de raison, le dossier était lourdement protégé, pour éviter qu'un éventuel hacker du dimanche (après tout, les ordinateurs commençaient à se démocratiser. Les dernières statistiques faisaient état d'une machine pour cinquante foyers…Lia se demandait souvent si les éventuels espions Rebelles que le Haut-Commande craignait savaient se servir d'un ordinateur ?) Lia, qui était une Impériale très sincère et convaincue, n'avait presque jamais cherché à aller ''plus haut'' que ses autorisations de niveau moyen lui permettait…Malheureusement pour Hartz, la sécurité était encore embryonnaire, et il n'était pas particulièrement un adepte des nouvelles technologies…Lia fouilla dans ses disques de programmes un moment et trouva un petit programme qu'une de ses amies (enfin, il aurait été plus exact de dire, son amie. Elle n'en avait plus qu'une, maintenant, l'autre était disparue…), Riina, avait mis au point pour tester la sécurité des serveurs utilisés par Cid. Lia était à peu près sûre qu'elle en avait gardé une copie, même si elle ne l'avait jamais utilisée vraiment…Elle mit finalement la main dessus, et l'activa. Comme pour les protections initiales de Cid (et les suivantes n'étaient pas significativement meilleures…) le programme de Riina ne fit qu'une bouchée de celles de Hartz, l'opération ne durant qu'une fraction de seconde : il était manifeste que la technologie informatique Impériale, qui progressait à vitesse exponentielle, avait cependant besoin d'un peu de rodage pour devenir complètement fonctionnelle…Quoique, concrètement, cet hacking sauvage ne donnait aucun résultat. Hartz était loin d'être stupide, et avait appliqué une règle des plus élémentaires : quand on veut garder quelque chose secret, on ne l'écrit pas…Comme c'était prévisible, le dossier de Terra ne comportait que des généralités, des commentaires sur son comportement…Les données utiles, celles qui répondraient à la question ''pourquoi Terra a été choisie pour le programme Magitek'' ? devaient uniquement se trouver dans les cerveaux de Kefka ou Hartz…et peut-être de Gesthal (Lia était convaincue que l'Empereur n'était pas aussi pire que son lieutenant…Au contraire, Lia avait toujours eu une certaine admiration pour Gesthal, qui était toujours fort poli, aimable même, avec elle…Néanmoins, elle ne se leurrait pas, ne croyait pas que les fautes de l'Empereur étaient uniquement dues à Kefka…) Elle consulta le reste du document, espérant vaguement trouver quelque chose qui l'éclairerait. Rien. Si ce n'est une autre preuve de la haine que Hartz avait envers Terra, à voir les commentaires que techniquement, il était le seul à lire ! ''Très agressive'', ''à mettre en isolement'', ''à traiter aux sédatifs'', ''Sujet parfait pour le projet Genesis''…
Ça ne serait pas très utile. Père/Mère inconnus, présumés morts, date de naissance inconnue…À vrai dire, il y avait beaucoup plus d''inconnus'' que de mentions quelconques. Lia s'apprêtait à refermer le dossier lorsqu'elle eut une idée, qui enchanterait sans doute Terra…Date de naissance ? C'était une idée un peu…(C'était quoi, le terme qu'une des nouvelles employées de son secteur employait à tout bout de champ pour un concept très proche…Hentai ? Kawai ? Probablement le deuxième terme que le premier, selon elle…)
Terra était maintenant plongée dans un des livres qu'elle avait trouvé dans la bibliothèque (très bon livre selon Lia, en dépit de quelques contradictions logiques dans le titre. D'abord, il y avait quatre personnages, et pas trois, et puis, en dépit de leur fonction, ils se battaient constamment à l'épée, et pas au mousquet. Cela restait un chef d'œuvre, par contre…)
-Tu le veux ? Garde le, ça me fait plaisir ! Tu me feras signe si tu veux lire la suite…
Pour la première fois, Lia vit que Terra eut…comme l'ombre d'un sourire. Très vague, mais réel. Terra doutait fortement que Hartz ou Kefka lui laisse en sa possession un livre, surtout si elle disait qu'elle l'appréciait (peut-être que si elle bluffait et disait qu'elle le trouvait ennuyant ? ) mais tout de même, c'était très gentil de la part de Lia…Maladroit, mais gentil.
De toute façon, Terra était vraiment fascinée par ce qu'elle voyait, entre autres, la baie vitrée de l'appartement, qui donnait une vue (au demeurant, très moyenne) sur Vector La perspective était assez impressionnante vue la dimension du Palais, mais les autres tours obstruaient partiellement le champ de vision, comme le smog venant des nombreuses industries. Néanmoins, même avec ces restrictions, on voyait bien que Vector était une fourmilière d'activité, qui faisait ressembler même les plus grandes villes en dehors de l'Empire (sauf peut-être Kholingen et Figaro) à de gros villages endormis….En ce moment, par exemple, des trains en provenance d'Albrook, Tzen et Maranda étaient déchargés de leurs marchandises, au milieu de la Gare Centrale toujours en construction (à titre de comparaison, la Gare Central complétée serait nettement plus grande que certaines petites villes…)
L'idée de Lia n'ayant pas à être mise en application avant la soirée, elle se remit au travail. Elle avait une présentation visuelle à faire dans quelques jours, auprès de fonctionnaires pour essayer d'avoir de nouveaux crédits financiers pour son projet…Terra, qui n'avait jamais vu que d'assez loin des ordinateurs, regardait ce qu'elle faisait avec un intérêt non-dissimulé…
Elle vit entre autres sur le moniteur s'afficher un graphique complexe, représentant une machine qu'elle n'arrivait pas à identifier, très effilée. Une sorte de très grande tour….Lia, voyant que Terra était intéressée, appuya sur quelques touches, qui firent apparaître un moyen de comparaison-une silhouette humaine stylisée en bas de la tour (l'engin mesurait au bas mot une centaine de mètres de haut, si c'était à l'échelle) et également une vue en coupe de la machine, qui semblait passablement compliquée. À quoi cela pouvait bien servir ?
-C'est quoi, madame, ça ? Ça ressemble…ça ressemble…à rien, en fait. C'est une lance ?
-Ça ? C'est un des projets de Polaris…C'est un lanceur orbital. Classe Porte de l'Infini (un nom assez optimiste, l'engin étant à peine assez puissant, théoriquement, pour se rendre en basse orbite…Mais c'était un début. L'orbite d'abord, la conquête spatiale ensuite) Je travaille dessus depuis des années avec mon équipe (et parfois, pensa Lia, les conseils de Riina) Il est pratiquement opérationnel maintenant…Si seulement ces (Lia employa, sans réfléchir, un terme qui n'était pas du tout approprié devant une petite fille…qui, heureusement, ne semblait pas comprendre….) acceptaient de nous donner un tout petit peu plus de crédits….
Terra comprenait les termes, vaguement. Lanceur Orbital. Porte de l'Infini. Une machine pour faire…tourner…quelque chose. Mais quoi ? Et où ? Infini…C'était gros, mais…vague…Et ce n'était pas ses connaissances scientifiques qui pourraient l'aider. Terra, comme d'autres enfants du programme, était plutôt curieuse, mais ce trait de personnalité était particulièrement mal vu de la part de Kefka, qui associait de façon systématique une question (sur n'importe quoi) à une remise en cause de l'autorité. Sans parler qu'il était plutôt…obscurantiste, sur le fond…et que l'éducation, si pénible, qu'il faisait donner aux enfants se limitait à de l'apprentissage par cœur, soit quelque chose de très stérile (Lia ne pouvait s'empêcher de faire une comparaison entre les études selon Terra, et les études selon les filles de ses deux collègues, Cid et Djalier…Elles adoraient ça-enfin, avec des nuances…Tahiri n'aimait pas certains de ses professeurs, idem pour l'autre. C'était vraiment stupide, cruel, ce qu'on lui faisait subir. Si on l'avait laissée tranquille, il n'y avait aucun doute que Terra serait devenue une Impériale parmi des millions, qu'elle aurait mené une vie normale…Et dire qu'à cause de quelques tests complètement stupides, on lui brisait la vie…) À ce sujet, Terra se rappelait très bien de quelqu'un un peu plus jeune qu'elle, Rain, qui était aussi…méchante que les autres avec elle. À vrai dire, Terra ne l'aimait pas du tout (comme tout le monde, en fait…La…servilité dont Rain faisait preuve avait de quoi lever le cœur).
