C'est que Rain ayant choisi la solution de la facilité, c'est à dire obéir passivement, avec docilité. Elle gobait sans discuter ce qu'on lui disait. Mais elle s'était hasardée une fois à demander ce que c'était au juste, concrètement, la Magie. C'était le prétexte que Kefka attendait pour la faire retirer du projet, et la faire former à part. On avait dit aux Impériales comme Lia qu'elle était malade. Terra n'était même pas sûre que l'Empereur ait été averti…En tout cas le frère aîné de Rain avait été encore plus écœurant qu'elle : il n'avait pas dit un mot à Kefka au sujet de sa disparition, fait comme si sa soeur n'était rien. Numéro 122 (Kefka se piquait parfois d'appeler uniquement par leurs numéros les membres du programme, surtout ceux qui avaient complétés leur formation, comme lui. C'était vraiment pas un modèle à suivre, ce type-là,…) Bref, après un tel exemple, plus personne ne s'était hasardé à poser des questions , sur n'importe quel sujet…Par contre, cette Impériale là semblait beaucoup plus gentille, et elle avait même l'air enchantée qu'on lui pose la question.
En effet, Lia, qui souffrait du manque d'attention et d'intérêt que son projet suscitait dans l'Administration et le Haut Commandement, était positivement ravie que son truc intéresse quelqu'un (ah, si c'était un haut fonctionnaire du Trésor…Mais, un public, c'est un public…)
-C'est pour envoyer quelque chose en orbite…Dans l'espace…Dans l'Océan Infini, poursuivit Lia en utilisant la métaphore habituelle. La charge utile sera un petit satellite artificiel d'observation (Lia appuya sur une autre touche, montrant un assemblage métallique de quelques dizaines de kilos…) Évidemment, c'est un début. Le satellite tiendra au maximum quelques semaines, mais devrait pouvoir nous rapporter des données très intéressantes sur le voisinage immédiat de la planète…Ensuite, je suis à peu près sûre que dans un délai d'une dizaine d'années, on pourra envoyer des sondes plus avancées sur Lune ou LuneNoire….
Terra ne voyait pas exactement l'intérêt de la chose, mais entre envoyer des sondes sur les satellites naturels de leur monde ou entamer un autre programme de recherche militaire…D'autant plus que, selon Kefka…elle était une arme vivante, quoi. Peut-être que s'ils coupaient les fonds dans les programmes d'armement, ils allaient la laisser tranquille…Ou la tuer, pour qu'elle ne dise rien. Là où elle était rendue, cette dernière hypothèse ne la dérangeait pas tant que ça…Terra avait ce genre d'idées noires depuis des mois, mais elle ne les partageaient avec personne, sachant que ceux qui disaient des trucs comme ça attiraient trop l'attention…Et le traitement semblait surtout consister en des médicaments (Lia, Riina et Cid auraient été scandalisés des doses d'antidépresseurs qu'on donnait plus ou moins secrètement aux enfants classés «à problèmes », en suivant les ordres donnés par Kefla en personne...) qui faisaient plus assommer qu'autre chose…Heureusement, Kefka ne lui en avait jamais fait prendre…Mais elle était sûre que dès que Kefka trouverait quelque chose permettant de la contrôler qui n'aurait pas trop d'effets secondaires sur ses facultés, comme il disait, il allait s'en servir, peu importe que cela la rende malade ou folle…
Lia profita de la présence d'un auditoire pour tester discrètement si la dernière version de l'animation graphique du lancement l'impressionnait. Réponse évidente : pas tellement Damnation. Si ça ne marchait pas avec une petite fille de huit ans, qui était émerveillée par ce qu'elle voyait, ça marcherait encore moins devant un parterre de bureaucrates blasés… Faudrait trouver autre chose pour obtenir du financement…La maquette fonctionnelle à l'échelle 1/100, peut-être ? L'avantage de la présentation informatique était que, au moins, Lia était à peu près sûre que ça fonctionnerait comme prévu, alors que la maquette, chanceuse comme Lia était, risquait soit d'exploser, soit de choir sur un haut fonctionnaire…
Vers cinq heures de l'après-midi, Lia, qui en temps normal se contentait pour dîner de faire venir quelque chose de la cafétéria la plus proche, commanda un repas de qualité à un des bons restaurants du Palais. L'addition pour ce trois services pour deux personnes lui sembla particulièrement salée (un des sujets les plus courus dans l'Empire pour les plaisanteries cyniques concernait la modestie des salaires du personnel gouvernemental...), mais pour une fois qu'elle avait une invitée, elle pouvait bien se payer un petit luxe…Terra était plongée dans un autre livre, dans le salon. Lia en profita pour essayer d'appliquer son idée. Au cours des minutes suivantes, Terra entendit à plusieurs reprises Lia se qualifier d'une façon fort énergique, employant des termes qu'il valait mieux que Terra prétende ne pas avoir entendus.
Comme Terra était très souvent en punition, à l'écart, elle ne s'ennuya pas vraiment, voir pas du tout, de l'absence des autres pour le repas. Lia, qui essayait-maladroitement-de faire la conversation était presque comique dans son effort de lui plaire. Il fallait dire, à sa défense, qu'il y avait peu de sujets qui n'étaient pas minés avec Terra. Comment lui demander des généralités, comme ce qu'elle aurait aimé faire plus tard ? (On lui avait une fois posée cette question, dans un test pour l'évaluer…Terra, qui était encore un peu naïve à l'époque, avait répondu quelque chose comme enseignante, parce qu'elle aimait bien aider ceux qui étaient plus jeunes qu'elle-même si ces derniers étaient très méchants avec elle dès qu'ils comprenaient la situation...Elle avait appris que ce n'était pas une bonne réponse, et qu'il aurait été préférable qu'elle dise quelque chose comme ''officière dans l'Empire''…Le fait que Kefka pensait vraiment que des enfants pouvaient penser comme ça à cet âge montrait assez ses prodigieuses capacités…) Néanmoins, Terra fut intriguée par…la nervosité ? de Lia.
Elle en eut l'explication lorsque, au dessert, Lia revint avec un gâteau, manifestement fait maison (et manifestement aussi raté, à en juger par la forme…), couronné par huit bougies…
-Il est pas terrible, hein ? Je me suis dit que tu aimerais ça. En tout cas, moi, c'est ce que j'aime le mieux. C'est au citron et au chocolat…Mais j'ai jamais été très douée pour la cuisine, ce qui fait que ça ne sera sans doute pas très bon…Et…euh…(Lia se sentit particulièrement mal à l'aise pour la suite…Franchement, quelle idée stupide…) les bougies…ton dossier. Je me suis dit que…euh…comme tu n'avais pas de date de naissance…ben…on pourrait faire comme (En redisant cette phrase, Lia se promit de ne plus prendre aucune initiative dans ce genre avant d'avoir révisé des notions élémentaires de psychologie…)…comme si c'était ta fête, quoi…C'est…euh…vraiment stupide, je sais…
Terra dissimulait ses émotions depuis très longtemps. Aussi, Lia ne devina jamais ce qu'elle se disait…Soit, simplement, que c'était certainement la plus gentille attention qu'on n'avait jamais eut pour elle…D'accord, l'idée était un peu…mais quand même, l'intention…
Lia, à la suite de Terra qui semblait vraiment apprécier goûta à sa production. Elle fit la grimace. Un nouveau record personnel dans la catégorie désastres culinaires…
-Ah, excuse moi, ce n'est pas cuit, pas du tout. N'en prends pas plus, tu vas être malade…(Lia soupira, puis activa l'intercom) Qu'est ce que tu veux comme dessert ? On peut commander aux cuisines à peu près n'importe quoi (à vraiment n'importe quel prix, pensa Lia…)
-Je l'aime bien comme ça, madame, votre dessert. S'il vous plaît, je peux en ravoir un peu ?
-Ne te rends pas malade par politesse, Terra, dit Lia, plus que touchée par la phrase…
-C'est pas une question de politesse, madame, c'est que c'est vous qui l'avez fait…Pour moi (Pour une fois, Terra sourit franchement) C'était vraiment gentil de votre part, ça.
-Eh, t'es nettement plus polie que mes anciennes colocataires, soupira Lia, qui se souvenait des commentaires Riina et Madonne (qui n'entendaient pourtant pas grand-chose à la cuisine)
-Vous savez quoi, madame ? J'aime bien plus être avec vous qu'en train de visiter l'usine avec les autres…C'est beaucoup plus agréable…et très intéressant aussi.
-Merci. Si jamais tu veux faire quelque chose demain-je ne sais pas, moi, apprendre la programmation de base, que je t'emprunte un livre, ne te gêne pas…
-Je…vais y penser, Madame…Honnêtement, comment dire….il y en trop…vraiment trop.
Lia nota avec plaisir que Terra était maintenant beaucoup plus à l'aise avec elle ; demain serait sans doute une journée moins tendue…Elle la laissa lire encore plusieurs heures après le repas, avant d'aller dormir. Elle laissa à Terra le divan-lit, au demeurant très confortable, et nota qu'elle ne semblait pas trop à avoir de difficultés à dormir…Elle ferait sans doute moins de cauchemars dans cette pièce…Terra était en effet plutôt rassurée de dormir ici…
Car, en effet, Kefka ne viendrait certainement pas ici…Il lui faisait tellement peur…
Vers minuit, quelqu'un commença à sonner à la porte de l'appartement, avec insistance. Lia eut un assez mauvais pressentiment. Terra, heureusement, restait endormie. Refermant la porte de la chambre avec soin, Lia alla répondre…Elle ne fut pas tout à fait surprise lorsqu'elle tomba sur Hartz…qui lui fut un peu mal à l'aise de la voir en déshabillé/peignoir (Hartz, sur le point des relations avec l'autre sexe, ressemblait de façon presque comique au stéréotype du scientifique maladroit dans ce domaine…À une exception près, cependant…)
Si elle ne savait pas pourquoi il était venu, Lia aurait trouvé la réaction de Hartz amusante…voir charmante. Surtout en se rappelant de la fois où, à la base d'Ixia, Hartz et Cid étaient tombés par accident sur elle et Madonne en train de se changer...Deux des plus grands scientifiques de l'Empire, spécialistes des théories les plus avancés en physique, génétique, chimie…qui avaient alors fourni des excuses/explications passablement pathétiques…Elles en avaient ri durant des heures…Et surtout, Madonne avait trouvée la lettre d'excuse passablement alambiquée d'Hartz plutôt touchante…ce qui avait fait que, par la suite…
-Lieutenant Narkel. Arrêtez les frais. Je la ramène immédiatement au complexe.
-Hartz, elle dort, et je ne vais pas la réveiller. Tu comptais faire quoi, la laisser toute seule durant tout ce temps ? Pourquoi tu l'as empêchée d'aller avec les autres ? Tu détruis la vie de cette petite…. Tu n'étais pas comme ça avant…C'est…c'est la mort de Madonne qui t'as…
C'était une des rares fois que Lia et Hartz étaient en tête à tête depuis la mort de Madonne, dans une situation où ils pouvaient se dire franchement ce qu'ils pensaient. Hartz en profita…
-Disons que cela n'a pas aidé…Lia, toi, tu as la chance d'être dans une branche où tu n'as pas vraiment de problèmes éthiques (Exact. Et encore, ça pouvait changer si l'Empire décidait de trouver une application militaire à la conquête spatiale…) Moi, non. 999Quand je pense que Cid et Riina osent me dire que ce que je fais n'est pas éthique ! C'est surprenant, de leur part.
-D'accord, j'admets qu'une de leurs expériences...Mais tu ne peux pas oser comparer ce que tu fais à Terra et ce que Cid fait…Il la voit vraiment comme sa fille ! Riina aussi. Et c'est bien pourquoi ils ne te pardonneront jamais cette injection. Tu t'es fais manipuler par Kefka…
-Évidemment, je le sais. C'était le prix à payer pour avoir son support…pour pouvoir financer Magitek. Je ne devais plus être du côté de Cid…Si je fais ça…c'est…c'est pour Madonne…
-Quoi ? Est-ce que tu viens de perdre la carte ? Hartz ! Comment est ce que rendre misérable cette pauvre gamine plairait à Madonne ? Si elle était ici, tu sais comme moi ce qu'elle ferait ! Elle serait indignée, et ferait tout en son pouvoir pour sortir Terra de cette situation…
Pour une raison que Lia ne saisit pas, l'argument sembla toucher Hartz au plus haut point…
-Cette…ne mérite pas qu'on s'occupe d'elle. Elle n'est même pas vraiment Humaine-
-Bon, raciste en plus maintenant, déclara avec un mépris sans limite Lia. Kefka est l'individu le plus méprisable de l'Empire…et tu t'en rapproches dangereusement, Hartz. Fous le camp.
-Lia…Je…pardon, sincèrement. Ce n'est pas ça que je voulais dire…je veux dire que génétiquement, elle n'est pas un être humain…Quand à Madonne…eh bien, comment dire…
Hartz regarda un long moment Lia…Est-ce qu'il devait lui dire ? Au sujet de…Terra… ? (Hartz la détestait tellement qu'il n'employait jamais son nom, préférant des choses humiliantes comme ''sujet de test'') Probablement inutile. Lia était l'incarnation du rationalisme scientifique, et ne croyait pas à la Magie…Et encore moins aux Espers. Toute explication dans ce genre lui semblerait grotesque. À elle…et à Hartz aussi…Pour se sortir de cette situation, Hartz essaya une phrase choc, pour rallier Lia….Il avait été toujours très maladroit dans les relations sociales, et la suite le montra d'une façon indiscutable
-Tu penses que ce que tu fais est mieux ? Tu la prends pour ta fille, Lia ! Elle n'est pas Lara-
Hartz n'eut pas le temps de finir sa phrase. Lia le gifla, et referma la porte. Il l'entendit sangloter…Hartz n'avait jamais eut le moindre scrupule à faire ses expériences…Néanmoins, il se sentait très, très, très coupable en ce moment. Sa conscience, qui se manifestait de moins en moins avec les années (Hartz avait souvent le sentiment qu'il allait droit à sa…damnation…) lui dit que c'était peut être sa dernière chance de quitter cette voie…
Lia, elle, en larmes (Hartz l'avait blessé cruellement…entre autres parce qu'il y avait du vrai là dessous. Lara…c'était le nom qu'elle avait donné, de façon posthume, à sa fille…) rentra dans la chambre, et regarda longtemps Terra, qui dormait paisiblement…Cela faisait deux fois dans la journée qu'on lui disait quelque chose dans le genre, et, franchement, cela commençait à l'affecter…Mais pas de la façon qu'on pouvait penser. L'association entre Terra et Lara…Si elle la traitait comme elle aurait traité Lara…était-ce vraiment une si mauvaise chose ? Pour Terra, en tout cas, pas tellement…Pour elle non plus. Elle se rendormit peu après, calmée…
Le lendemain matin, tôt, Lia et Terra furent réveillées par une série de coups frappés à la porte de l'appartement…encore une fois. Lia regarda le réveil. Huit heures du matin. Beaucoup trop tôt pour une visite normale, même désagréable (comme par exemple un agent de recouvrement fiscal…) Cela devait être Hartz qui revenait. Terra, qui avait des doutes, se résigna, se disant qu'elle avait eu au moins quelques heures de détente hors du complexe…
-Oh, non…Reste ici, ne bouge pas, je vais régler ça (Lia se sentit particulièrement absurde en disant ça. Elle allait faire quoi, si Hartz était revenu avec une section de troupes de choc ?)
Fermant la porte de la chambre, Lia alla dans la pièce de séjour et fouilla rapidement dans un tiroir, tandis qu'on continuait de frapper à la porte. Comme on ne menaçait pas encore de défoncer la porte (et qu'on ne l'avait pas fait non plus…) il y avait des chances que ses adversaires ne soient pas encore en force…Peut-être que Hartz n'était là qu'avec quelques assistants ? Mais en tout cas, cette fois, cela prendrait peut-être plus qu'une gifle pour le faire partir. Peut-être un peu d'intimidation, sans rien faire d'irréparable, suffirait à les convaincre de ne pas insister (Lia se sentait un peu mal quand elle considérait que, peu importe ce qu'elle ferait, il faudrait bien qu'elle ramène Terra au complexe dans moins de 48 heures….Car elle n'avait vraiment pas le choix…du moins pour l'instant. Lia avait pensé à quelque chose cette nuit, une solution beaucoup plus définitive…) Elle trouva ce qu'elle cherchait. Son arme de service, qu'elle n'avait pas utilisée depuis l'entraînement obligatoire biannuel…
-HARTZ ! Je t'avais dit de ne pas revenir (Lia, à ces mots, ouvrit brutalement la porte, et pointa son arme, ne comptant nullement l'utiliser. Elle tirait très mal…quoique Hartz était encore pire qu'elle à ce chapitre. Elle se sentit vraiment ridicule lorsqu'elle vit qui était là)
Dans la chambre, Terra écoutait ce qui se passait, ne comprenant que très partiellement….
-Oh ! Excuse moi…Tu es nerveuse, Lia ? fit une petite voix, qui semblait plus ou moins surprise de se trouver en face d'une arme Tek (cette enfant, probablement pas vraiment plus vieille que Terra à en juger par la tonalité de sa voix, devait avoir un self-control assez marqué…Elle n'était pas seule, par contre…Terra entendit un cri à demi-étouffé de surprise. Une autre personne était avec la nouvelle venue, mais à en juger par le commentaire qu'elle fit par la suite, elle ne semblait pas prendre la chose particulièrement au tragique…)
-Bon, on le sait maintenant…Elle est de mauvaise humeur quand on la réveille trop tôt.
Lia, rouge de honte, murmura quelques excuses au sujet qu'elle avait eu une visite désagréable la nuit dernière, et que c'était une erreur lamentable. Elle était d'autant plus gênée que cette visite n'était nullement surprenante, ou désagréable. Lia était une amie de Cid et de Djalier, et leurs enfants venaient la voir, une ou deux fois par mois, ce que Lia adorait….
-Il nous faut pour nos cours de la documentation, Lia…On peut utiliser ton ordinateur pour faire une recherche sur la base de données centrale ? Ce sera vraiment pas trop long.
-Bien sûr, fit Lia, littéralement enchantée de cette double visite (Avant de réaliser quelque chose. Son interlocutrice avait l'air un peu mal à l'aise, gênée, en demandant ça) Tahiri, mon ange, dis moi quelque chose…Pourquoi vous ne prenez pas l'ordinateur de Cid, hmm ?
-(Ton très embarrassé de ''Tahiri''-la deuxième des visiteuses)…Ben…j'ai comme fait une petite gaffe récemment…J'ai…euh…comme qui dirait utilisé l'ordinateur de Cid pour fouiller un peu….Ce qui fait que ni moi ni Célès on a le droit de l'utiliser pour quelques jours…
-Et comme tu as fait planter celui de ton père avec ton dernier logiciel, ça fait que nous sommes sans ordinateur pour nos recherches, poursuivit la deuxième avec bonne humeur. Mais je dois admettre que ce jeu que tu avais trouvé en valait la peine, malgré tout…
Lia sourit. La nouvelle génération Impériale maîtrisait nettement mieux que la précédente les nouvelles technologies, et elle était à peu près sûre que Tahiri et son amie, qui avaient vues de telles choses toutes leurs vies, se débrouillaient mieux avec un ordinateur à sept ans qu'un scientifique de haut niveau de cinquante ans, qui avaient commencé sa carrière en classant ses résultats sur des fiches, et pour qui le passage à la machine à écrire avait été pénible…Si les données très sensibles étaient décemment protégées sur les serveurs centraux, elles l'étaient très peu sur les ordinateurs personnels des scientifiques…Tahiri pouvait très bien être tombée sur les affectations des budgets en R&D, avec nom et description des projets. Pas étonnant que Cid ait préféré lui retirer ses permissions d'accès pour quelques jours…(Qu'il lui rendrait sans aucun doute…Tahiri et son amie étaient inséparables, et Cid était complètement incapable de refuser quoi que ce soit à la deuxième, qui était loin d'abuser de cette faculté…)
-Bon…hmm….C'est bien parce que c'est vous deux ! Vingt minutes, et pas plus…
-Merci, répondit la première, en s'installant au clavier de l'ordinateur et en activant la connexion pour la base de données civiles de l'Empire, et en commençant la recherche…
Lia marchait littéralement sur des œufs. Elle était dans la pire situation possible. Cid et Djalier allaient lui arracher les yeux (au strict minimum. Et elle le mériterait !) si jamais il arrivait quelque chose à ces deux adorables petites chercheuses… Or, Terra…risquait de poser problème à ce sujet. Si elles la voyait, elles poseraient des questions, comme d'habitude. La curiosité était un trait souvent admirable chez les enfants, et on n'avait vraiment rien fait pour la limiter chez ces deux là, qui avaient toutes deux l'esprit assez porté vers le questionnement…Lia se rappelait d'une fois où Tahiri avait spontanément demandé à son amie, lorsqu'elles avaient toutes les deux six ans, lors d'une réception officielle, si l'Empereur savait que Kefka était si bizarre….Gesthal avait trouvé la question franchement amusante, et la réponse, soit quelque chose comme ''Peut-être qu'il l'a engagé comme une sorte de bouffon, ou de clown'' encore plus. Il n'y avait pas eu de conséquences dramatiques, mais c'était vraiment un impair majeur, qui n'avait pas exactement contribué à une réduction de l'hostilité que Kefka portait à ces deux là…) Ces questions parviendraient aux oreilles de Kefka. Il en profiterait sans doute une fois encore pour pousser l'Empereur à faire mettre au secret une des deux…et ferait tuer dans un coin l'autre, qui n'avait pas la moindre aptitude pour Magitek. Les chances qu'il réussisse étaient minimes. Cid n'avait jamais pardonné à l'Empereur…l'injection…que Hartz avait fait, sur la suggestion de Kefka, et Gesthal ne se risquerait pas à perdre la bonne volonté de son meilleur scientifique. Sauf s'il jugeait que Kefka valait plus que Cid. Mieux valait ne pas prendre de chances à cet égard…Et, même si cela lui brisait le cœur, cacher Terra. Cette dernière se sentirait encore un peu plus à l'écart…Elle finirait par croire qu'elle n'était pas un être humain, si on ne la laissait pas en contact avec d'autres…Lia lui expliquerait plus tard, et essaierait de lui faire comprendre. Mais pour l'instant, elle pouvait uniquement espérer que Terra comprenne la situation….
Elle la comprenait. Elle avait l'habitude de se faire mettre à l'écart…Lia ne devait pas vouloir que ces deux Humaines normales voient…voient un monstre comme elle. Elle ne ferait pas un esclandre…Néanmoins, Terra ouvrit la porte de la chambre de quelques millimètres, juste pour voir qui était là. Elle ne vit pas grand chose. Une des deux intruses, très enjouée, aux yeux verts et à la peau cuivrée, parlait de façon enthousiaste avec Lia, au sujet d'un projet qu'elle et son amie devaient faire pour leurs cours, quelque chose sur le système solaire. La deuxième, était de dos, ce qui faisait que Terra ne voyait guère que sa nuque, et le fait qu'elle avait les cheveux dorés…Terra ne se souvenait pas de l'avoir vue (Logique : elles n'avaient que quelques mois à l'époque…) Mais on parlait souvent d'elle ; on donnait son cas en exemple aux enfants du Projet Magitek, pour leur donner un peu d'espoir malgré tout…
Évidemment, on ne la connaissait pas personnellement, dans le complexe, ni son apparence, ni son nom. Terra aurait été face à face avec elle et ne l'aurait jamais reconnue. C'était son histoire qu'on connaissait, pas elle…Cette fille était la seule qui avait quitté le programme, vivante et d'une façon réelle (c'est à dire, pas se faire envoyer dans un autre complexe, comme Rain et ceux qui n'attiraient pas l'attention de l'Empereur en raison de leurs «facultés» réduites…) Son cas était l'envie de tout les autres…Elle avait retirée du programme parce que le professeur Cid avait été touchée par sa tristesse et l'avait adoptée…(L'histoire officielle, ça. Avec quelques détails, elle demeurait parfaitement vraie)
-On va essayer entre autres de montrer comment la combinaison de Lune et Lunenoire, poursuivit Tahiri, qui n'avait pas remarqué le léger mouvement de la porte, rend les marées et le climat difficile à prévoir….On a même fait des diagrammes, pour être plus claires…
-Euh…vous êtes sûres, essaya Lia ? Le modèle des orbites est très, très complexe à expliquer.
-Entre ça et l'exposé stupide que Morel (Tahiri faisait référence au fils du général du même nom, qui n'était pas particulièrement doué au niveau intellectuel, comme son père…) va nous faire lundi prochain avec l'autre crétin de service…Tu sais sur quoi ils le font ? Sur les chocobos ! J'suis sûre que quand ce sera le temps de présenter un livre, ils vont prendre J'apprends à lire et à compter, ou un autre truc qui est bien adapté à leur niveau intellectuel…
-Vous avez un livre à lire ? Pour une critique ? Si vous l'avez choisi, c'est quoi ?
-Eh bien, on pensait, poursuivit la première visiteuse, toujours de dos, à prendre quelque chose qu'on a beaucoup aimé toutes les deux, Les Rois Maudits, mais on s'est fait dire que c'était pas de notre âge…Et aussi des tas de questions sur comment j'avais trouvé ce livre…
Lia, elle, le savait très bien. Un des cadeaux que Riina lui envoyait. Riina s'intéressait beaucoup à la littérature ancienne (ce terme évoquait les très nombreux textes provenant d'avant la Guerre de la Magie, décrivant souvent des nations, parfois imaginaires, parfois sans doutes réelles à une certaine époque. C'était difficile à classer. Le Mordor, le Royaume du Prêtre Jean, l'Empire Inca, Rome, Atlantis, parmi tant d'autres…c'était des vrais pays, ou pas ? On mettait tellement d'emphase dans les descriptions que c'était très difficile à dire, surtout que personne n'avait jamais pensé à mettre une note explicative disant si c'était une version romancée de quelque chose, ou une invention complète…) et tenait vraiment à ce que sa…pupille, pour reprendre la version officielle…connaisse le plus possible de ces choses. Riina avait été plus qu'enchantée d'apprendre qu'elle adorait la lecture (comme Tahiri, d'ailleurs….) En conséquence, dès qu'une édition traduite et corrigée (il y avait eut des centaines de déformations. Par exemple, pour le livre de Terra, deux équipes de traducteurs s'étaient battus à coup de lettres dans des revues spécialisées durant sept ans au sujet de la meilleure transcription du nom du héros…Il fallait souvent employer des techniques d'exégèse pour restaurer les manuscrits…) d'un de ces livres sortait, Riina lui en envoyait une. Résultat, la bibliothèque personnellede sa pupille était incroyablement fournie…
-Je comprends pas pourquoi, répliqua Tahiri, c'était très bien cette histoire-là, non ? Tu l'as lue, Lia ? (Réponse affirmative) D'accord, y'a quelques scènes un petit peu…euh…difficiles…mais quand même….Finalement, on va prendre l'Enfer de Dante, après tout. Des démons, des monstres…ça devrait plaire à tout le monde, et le prof ne nous dira pas, comme pour le Seigneur des Anneaux que c'est pas assez intellectuel…
Les deux parlèrent de choses et d'autres avec Lia durant une bonne demie-heure, avant de quitter la pièce, emmenant une quantité impressionnante de documentation papier imprimée…
Terra eut un pincement au cœur…sans exagération, pour elle, les dernières heures avaient été…avaient été certainement parmi les meilleures qu'elle avait jamais eues. Elle en était très contente, même si elle savait que ça ne pourrait pas durer. Néanmoins, elle ne pouvait pas s'empêcher de se demander pourquoi ces deux là pouvaient être heureuses, alors que sa propre vie était un enfer…Peut-être que Kefka et Hartz avaient raison, et qu'elle avait fait quelque chose de très mal quand elle était petite, et qu'elle devait être punie pour ça ?
Mais ils ne lui avaient jamais dit ce qu'on lui reprochait…Lia arriva et s'excusa de la situation auprès de Terra, avant d'essayer de lui remonter le moral…ce qui ne marcha pas.
-C'était qui, demanda Terra, au bout de plusieurs minutes. C'est juste par curiosité…).
-Les filles de deux de mes collègues…Elles avaient besoin de documentation pour un travail, comme tu as entendu (Lia hésita fortement pour la suite de la phrase. Terra n'était pas idiote, et elle savait très bien que sa vie n'était pas normale. Mais, maintenant, elle avait la preuve indiscutable. Que pouvait-on dire ? Lia se décida finalement….pour le silence. Mieux valait ne pas empirer encore la situation. De toute façon, Terra se vida le cœur toute seule…)
-J'aimerais bien dire que ça me dérange pas, que je suis contente pour elles…Mais c'est pas vrai…Pourquoi est ce qu'elles ont le droit à ça…Pourquoi, moi, j'ai le droit à rien…Qu'est ce que j'ai fait, pour mériter ça…Je suis là-bas depuis que je suis née. J'ai rien fait de mal, à personne. Je suis juste née…Maman n'aurait jamais dû me garder, Hartz avait raison.
La phrase sembla un peu bizarre à Lia-la logique commandait que Hartz, s'il avait voulu blesser Terra, aurait dit plutôt quelque chose comme «ta mère s'est débarrassée de toi». Il n'y avait aucun doute, par contre, que cette phrase blessait Terra au plus haut point…
-Je suis sûre, Terra, essaya Lia, que ta mère ne t'a pas abandonnée…Elle…doit être morte (Lia se disait que mieux valait dire à Terra que sa mère était morte-ce qui était sans doute vrai-que lui dire qu'elle était partie, qu'elle l'avait abandonnée, qu'elle ne l'aimait pas…)
-Non, vous ne comprenez pas, madame, dit Terra, qui n'avait jamais semblé aussi démoralisée …C'est pas ça que je veux dire. Il me disait que quand j'étais pas née… Que Maman aurait dû se débarrasser de moi…Se faire…avorter. Ça aurait été mieux pour tout le monde, que je sois pas là du tout. Pour elle, pour moi, pour les autres…Je…pense que c'est vrai, des fois….
Il fallut une bonne minute à Lia pour avaler ça. Elle ne croyait pas que Hartz ait tombé si bas. Une telle haine…c'était impossible. Hartz voulait vraiment la rendre folle, la pousser au suicide, ou quoi ? Et le fait que Terra puisse penser comme ça à son âge indiquait assez clairement que le programme…était en train de la tuer, au niveau mental. Cela devait cesser.
-Hartz ne t'as pas dit ça, c'est…c'est impossible ! fit Lia, qui était complètement scandalisée.
Terra ne répondit rien, se contenta de baisser les yeux…Lia fut persuadée que c'était vrai. Ce n'était même plus de la cruauté mentale, à ce stade. Hartz était devenu complètement fou…
Lia, hier encore, était plutôt d'avis qu'elle pouvait raisonner Hartz….Plus maintenant.
Les jours suivants passèrent sans autre interruption, sans autres incidents. Et, accessoirement, Terra fut mille fois plus heureuse là que durant toutes ces années passées dans le complexe de recherche…Malheureusement au bout de deux jours, après avoir attendu aussi longtemps que possible, Lia fut contrainte de ramener Terra au complexe, à son corps défendant. L'atmosphère était plus que tendue….Kefka en personne l'attendait aux portes, et fit emmener Terra en isolement aussitôt, ne laissant pas le temps à Lia le temps de dire grand-chose pour la consoler….Ensuite, Kefka regarda Lia Narkel d'une façon fort meutrière….
Lia Narkel n'était pas très grande, et Kefka était de taille supérieure à la normale…Il la dépassait donc largement question taille (question intelligence….) Néanmoins, comme les autres fois, elle ne se montra pas du tout intimidée, et ne recula pas d'un centimètre.
-Tu ne m'impressionnes pas, Kefka, déclara Lia très calmement, avant de tourner les talons. Et ne crois pas que tu puisses faire ce que tu veux à Terra. Je ne vais pas la laisser tomber.
Lia étant intouchable en raison de ses capacités, Kefka alla passer sa rage sur Terra, qui ne fut pas très surprise de le voir arriver dans la cellule d'isolement ; il faisait souvent ça…
-Ne pense pas, petite sorcière, que parce que tu as réussi à toucher cette idiote, que ta vie changer…Je peux faire tout ce que je veux avec toi, et ce n'est pas elle qui va m'en empêcher.
Terra, qui comme les autres fois que Kefka était seul avec elle, était complètement morte de peur, mais elle se sentait un peu mieux que les autres fois…Même si ça n'avait pas duré, Lia lui avait quand même montré un meilleur côté de la vie, mieux que la noirceur habituelle.
Ni Terra, ni Kefka, ne s'attendaient le moindrement à ce que Lia tentait en ce moment…
L'Empereur Gesthal avait soupiré lorsqu'il avait appris l'initiative de Lia Narkel d'amener chez elle Terra. En dépit des apparences, l'Empereur était en fait…indifférent, à tout le moins, aux enjeux éthiques. Il n'avait aucune propension réelle pour la cruauté, au contraire de Kefka. Il n'avait pas non plus de grandes préventions contre les agissements de Kefka, si ce n'est que dans une perspective de relations publiques : ce n'était pas tant le projet Magitek qui le dérangeait que la très forte réaction que le public Impérial risquait d'avoir lorsqu'il apprendrait son existence. Son attitude par rapport à cette question était surtout de savoir comment s'y prendre pour éviter que Hartz et Lia ne sabotent leur travail mutuellement, ou que Kefka fasse assassiner Lia pour cette histoire ridicule. Car, dans le petit cercle des scientifiques de très haut niveau de l'Empire, dire que les relations étaient tendues tournait à l'euphémisme. Par exemple, deux des assistants rapprochés de Cid, Bérénice et Richelieu (tout juste diplômés, les meilleurs de leur promotion…) s'étaient attirés l'hostilité d'un des subordonné de Hartz, qui avait organisé, probablement avec l'appui de son chef, trois complots pour les faire éliminer (pathétiques, les complots). Ou bien Gesthal l'envoyait dans un centre de recherche écarté…ou bien, il faudrait prendre des mesures plus radicales ; le type devenait de plus en plus sénile…Autre problème, le meilleur «cerveau» de tout l'Empire, Riina, refusait systématiquement depuis des années de faire de la recherche, tant que Kefka et Hartz n'auraient pas été destitués. C'était du chantage, purement et simplement. Mais Riina avait largement les moyens de faire du chantage…Si elle refusait de coopérer, qu'est que Gesthal pouvait faire ? Menacer de la tuer ? Ridicule. S'il la tuait, elle pourrait encore moins travailler pour lui…La torturer ? Trop risqué…Tenter de la manipuler, d'exploiter ses désirs de recherche ? (Riina était, comme de très nombreux Impériaux, littéralement fascinée par la science…) Riina était des plus méfiantes à ce sujet (beaucoup plus que Lia, Cid, et Hartz…) et ne tomberait pas dans le panneau…Faire pression sur des proches (I.E, insinuer qu'un accident regrettable pourrait arriver…) ? C'était risqué en général, et dans le cas de Riina, il était impensable de menacer avec un minimum de crédibilité la personne la plus proche d'elle, qui serait sans doute dans quelques années une Impériale très, très brillante…Le problème, c'est que l'Empereur ne pouvait pas vraiment se débarrasser de Kefka…même s'il le désirait.
Le plus ironique, c'est que l'Empereur avait une sympathie réelle pour Lia, Riina, et Cid. Également, d'une certaine façon pour Hartz. Mais strictement aucune pour Kefka…Et pourtant, il était obligé de lui céder sur certains points…Tous savaient dans les hautes sphères de l'Empire que Kefka et Gesthal étaient en lutte sournoise depuis longtemps, pour le pouvoir (ce qui avait un avantage marqué pour Gesthal. Il pouvait dire que les crimes de l'Empire étaient dus à son général…Mais Gesthal ne considérait pas assez que certains de ses officiers, techniciens, administrateurs, scientifiques, étaient de moins en moins dupe de la situation…)
Pourquoi l'Empereur faisait cela ? Il avait besoin de Kefka. Le général était détesté par l'Armée, l'Administration, les Ministères…mais il leur faisait peur, et empêchait toute tentative de coup d'état. L'Empereur s'était dit, plus ou moins, qu'il était préférable d'avoir un ennemi qu'il connaissait plutôt que dix qui étaient inconnus. Une attitude…dangereuse.
Gesthal s'attendait à une nouvelle demande de subventions pour les recherches de Lia et de son groupe, qu'il devrait encore, à son grand déplaisir, refuser, les ressources financières de l'Empire étant limitées. Mais dès qu'il y aurait quelques millions disponibles sur les fonds secrets, il lui en accorderait une bonne partie, à elle et au reste des membres du projet Polaris…Cela l'intéressait réellement, et coûterait moins cher que Magitek, qui pompait une partie gigantesque des budgets, pour des résultats souvent douteux…et donnait de l'importance à Kefka. Mais Lia ne venait pas pour obtenir des budgets supplémentaires. Le dossier qu'elle donna à l'Empereur comprenait un formulaire tout à fait standard du Ministère Impérial des Affaires Sociales, méticuleusement rempli par elle, avec tous les documents auxiliaires requis par l'administration. Geshtal fut stupéfait de voir qu'il s'agissait de la première étape pour que Lia adopte tout à fait légalement et très officiellement Terra…
La première réaction de l'Empereur fut de se dire qu'il n'aurait jamais dû autoriser ce programme de support au projet Magitek ; Lia semblait s'être beaucoup trop attachée à cette petite. Si au moins cela avait été un autre enfant, il n'y aurait pas eu de problèmes insurmontables. Mais Terra-Kefka refuserait catégoriquement de la laisser partir…Maintenant, il risquait de s'aliéner durablement le support de Lia Narkel. Quelle tuile.
-Une demande d'adoption ? Je dois admettre que je suis plutôt surpris, Lieutenant Narkel. À mon grand regret, je ne pense pas que cela sera possible…Le programme Magitek-
-Sire. Excusez moi, mais…vous savez comme moi qu'avec les…interférences…qu'il y a dans le programme, qui à mon avis était une très mauvaise idée à la base, risque de tourner à la catastrophe. Parlons franchement. Vous croyez vraiment que Kefka est capable de mener à bien un projet pareil ? Vous voyez le résultat s'il forme à son image les membres du projet ?
-C'est en effet un point qui m'inquiète assez (Pas tellement pour l'impact que Kefka avait…bien plus pour les problèmes que cela risquait de poser si ces futurs officiers Impériaux manifestaient plus de loyauté à l'endroit de Kefka qu'envers l'Empire…Gesthal était positivement sûr que Kefka leur faisait du lavage de cerveau…Restait, heureusement, les recherches de Hartz sur la question. L'Empereur jugea bon de ne pas évoquer les expériences de Hartz au sujet des Reapers-le sujet était explosif. Si Riina ou Lia étaient au courant, c'était suffisant pour les faire passer à la dissidence ouverte…Elles, et une bonne part de l'armée Impériale….De toute façon les Reapers pourraient, en effet, donner à terme une solution efficace pour s'assurer de la loyauté-ce qu'on nommait dans l'Empire la Couronne d'Esclave -mais qu'elles était la garantie que cette solution ne serait pas pour Kefka ? L'Empereur avait certes trouvé une solution plus…classique…à ce problème, mais qui était difficilement possible de reproduire à grande échelle-déjà assez difficile de contrôler une personne…De toute façon, Kefka en était la preuve, la Magie avait un rôle majeur sur la santé mentale…)
-Mon Empereur, voyez la chose objectivement, continua Lia En qui auriez vous plus confiance ? Entre quelqu'un éduqué par Kefka, ou quelqu'un comme Célès ? Ou Tahiri ?
Gesthal admettait que Célès et Tahiri seraient sans doute dans quelques années d'excellente officières Impériales (personne ne les forçait vraiment à prendre cette voie, mais elles se montraient très intéressées à le faire…) Elles seraient sans doute un peu trop indépendantes d'esprit, pour accepter sans discuter des ordres, mais rien n'était parfait en ce monde…
Lia sentait l'Empereur hésiter…Parfait. C'était le moment d'utiliser son argument clé.
-Mon Empereur, vous avez la réputation de récompenser la fidélité de vos serviteurs…tout ce que je vous demande, c'est de dire un mot à la bonne personne. Je vous assure que ce sera très bien pour votre image publique ! (Lia lâcha sa flèche du Parthe, une insinuation dissimulée dans un compliment) Vous avez déjà agi plus que correctement dans une histoire antérieure.
Lia faisait référence à une histoire bien connue. Gesthal, il y avait des décennies, avait affronté une conspiration majeure. Alors que la majorité des conseillers avaient optés pour l'attentisme, un seul membre du conseil avait suggéré à Gesthal de tenir ferme…Ce qui lui avait valu bien des ennemis, mais aussi le respect et l'amitié de l'Empereur. Après la mort du conseiller, Gesthal avait tenu scrupuleusement sa promesse de s'occuper des enfants…La dernière descendante, une certaine Tashia, un peu plus jeune que Terra et Célès, disposait d'une fortune personne plus que appréciable. Évidemment, il y avait un détail manquant à cet histoire touchante, mais personne n'en parlait…l'Empereur était très prudent sur ce point, ayant tout fait pour dissimuler le point concernant le conseiller expliquant toute l'affaire…
Gesthal trouvait, décidément, que Narkel aurait pu faire une excellente diplomate…un brin retorse. Lia avait soulevé, sans l'avoir d'y faire attention, exactement l'exemple qu'il fallait. Se demander si elle savait la vérité sur Tashia était inutile. Mais Lia ne menaçait pas pour autant Gesthal de faire des révélations à ce sujet…Il était beaucoup plus plaisant de négocier avec elle qu'avec Kefka, qui se serait contenté de menaces voilées…Lia avait uniquement souligné. que Gesthal aurait agi de façon différente si Terra été née dans une autre situation…
C'était justement ce point qui inquiétait le plus Gesthal. Est ce que Lia ignorait vraiment qui était la mère de Terra ? La ressemblance physique entre les deux était très nette, mais Lia ne semblait pas avoir réagi….Manque de sens d'observation…ou sens de la comédie ? Logiquement, Lia devait l'ignorer. Après tout…la mère de Terra était une de ses meilleures amies ! Elle ne serait pas capable de dissimuler à ce point….Du moins, Gesthal le pensait.
Parce que, à réflexion, Lia avait de très grandes capacités pour dissimuler. (Même à elle-même. Surtout à elle-même). Elle pouvait très bien avoir décidé de jouer une comédie pour sauver Terra. Cette demande, à réflexion, ne lui semblait plus aussi difficile. L'Empereur avait une conscience très élastique. Mais il en avait une. L'Empereur se sentait parfois coupable, à l'endroit de la mère de Terra. Plus que coupable. Et il avait maintenant une chance de réparer. Si, après tout, il laissait Terra à Lia ? Terra entre les mains de Kefka risquait de devenir une sorte d'arme vivante entre les mains de ce dernier. Pas une mauvaise chose, sauf si on pensait que Kefka risquait de l'utiliser comme «instrument de négotiations politiques», pour prendre un euphémisme….Quoique Geshtal avait aussi sa propre arme vivante en formation/entraînement…les utiliser l'une contre l'autre serait peu productif.
Il y avait un problème, cependant. Il y avait deux petites taches sur le dossier impeccable de Lia Narkel. Comme ce n'était nullement lié à la loyauté par rapport à l'Empire, cela ne dérangeait pas particulièrement Gesthal en temps normal. Après tout, le premier cas était un cas flagrant de légitime défense. Il n'y avait certes pas eu de témoins réels, quoique Lia Narkel avait eu quantité de témoignages en sa faveur question caractère, psychologie….Elle n'avait même pas été considérée comme suspecte, et le verdict n'avait été rendu qu'après une enquête en règle, sans intervention d'en haut…S'il n'y avait pas eu le deuxième événement, qui n'était pas exactement sanctionné par la loi mais nettement plus inquiétant au niveau mental, Gesthal ne se serait jamais demandé si Lia était vraiment la personne appropriée pour une adoption (Encore qu'elle serait certainement plus recommandable que Kefka) Sa démarche actuelle montrait assez clairement qu'elle ne souvenait vraiment de rien…Si Lia Narkel voulait remplacer sa vraie fille par Terra (action qui était des plus…ironiques…si on savait certaines choses), ça ne ferait sans doute guère de mal ni à l'une, ni à l'autre. Et puis, ce serait une excellente façon de damer le pion à Kefka. Finalement, il y avait un dernier point. Un bon geste envers Lia disposerait assez bien Riina, sa meilleure amie, envers l'Empereur. Peut-être qu'il y aurait moyen, après tout, de la faire revenir sur décision.
-Lieutenant Lia Narkel, je vais examiner votre demande…Mais…ce sera oui !
De joie, Lia Narkel oublia un moment devant qui elle se trouvait…Elle embrassa l'Empereur d'une façon fort peu protocolaire…avant de se confondre en excuses. L'Empereur, évidemment, n'était pas particulièrement vexé de cette brèche flagrante du protocole….
-Je crois, finit-il par dire, que vous feriez mieux de ne pas rester dans la région…Kefka risque de ne pas très bien prendre la situation. Vous savez, il est un peu impulsif par moments…
«Un peu impulsif» voulait dire qu'il n'aurait surpris personne, protection personnelle de l'Empereur ou non, que Lia ait un accident…Lia en était très consciente…Mais elle en dehors de Vector avait aussi ses avantages pour l'Empereur. Cela limiterait fortement les heurts entre Gesthal et Kefka…Cela dit, cette situation ne déplaisant pas pour autant à Lia….
-Pas de problème, sire. Je vais m'installer à la campagne avec elle (Par «campagne», Lia, en bonne Vectorienne, voulait dire une ville secondaire. En l'occurrence, Maranda. Seulement un million d'habitants. Une plaisanterie comparée aux trente millions de Vector) Je continuerais à travailler pour vous, dans les laboratoires locaux ; avec les nouveaux ordinateurs, il n'y aura pas de problèmes pour transmettre les données. Et puis, l'atmosphère sera plus respirable…
Gesthal savait très bien que Lia ne faisait pas référence à la pollution (une Impériale native de Vector remarquait en général à peine le smog, même lorsqu'il était à faire pleure-dans le sens direct du terme…) mais plutôt au climat psychologique…Elle avait tout à fait raison…
Restait à expliquer la chose à Kefka. Sa réaction serait très intéressante à voir…
