Chapitre 4 : Lueur d'espoir
Le lendemain matin, Drago grogna en se levant du canapé où il s'était laissé choir la veille, à bout de forces. Il se força à monter l'escalier dans l'intention d'aller prendre une douche et se figea en passant devant la chambre. La porte était endommagée, le lit n'était même pas défait et la brise fraîche entrait par la fenêtre ouverte, faisant voler les longs rideaux de soie. Le jeune homme sortit sa baguette. Quelque chose clochait.
- Clémence ?
Pas de réponse. Il inspecta l'étage. Rien. Il redescendit en bas et son regard se posa sur le mur, endommagé lui aussi. Comme si on y avait projeté quelque chose avec force. Ou quelqu'un… il regarda le plancher. Une baguette magique. Pas de doute possible, c'était celle de Clémence.
- Clémence !
Silence total. Il fit le tour du rez-de-chaussée et entra à nouveau dans le salon. Il se pencha devant l'âtre de la cheminée. Il y avait de la poudre sur le sol. Il leva les yeux. Le pot de Poudre de Cheminette, habituellement plein à ras bord puisqu'aucun d'eux n'avait l'habitude de voyager comme ça, n'était que partiellement rempli. Quelqu'un s'était servi.
Il voyait très bien le scénario. Pendant que la Maîtresse le torturait, on était entré dans la maison. Qui ? D'autres Mangemorts, sûrement. Qui d'autre avait intérêt à ce que Clémence disparaisse ? Ils étaient probablement arrivés par la cheminée. Ils devaient être plusieurs pour s'en prendre à une Auror de cette trempe. Si Clémence était dans le salon à ce moment, elle avait dû avoir l'intelligence de courir vers l'issue la plus près. De profiter de sa connaissance des lieux pour sauver sa peau.
Drago se mit à marcher sur le trajet qu'il supposait être celui de sa femme pour mieux se reconstituer la scène. Ils devaient l'avoir vue ou entendue courir et s'être lancés à sa poursuite. Il devait faire noir, puisque les débris d'un vase sur le sol montraient que quelqu'un avait percuté de plein fouet l'élégante petite table, désormais renversée, où il était jadis posé. Était-ce Clémence ou ses poursuivants qui avait fait ça ? Sûrement ses attaquants. Clémence connaissait le manoir par cœur. Elle en avait elle-même fait la décoration. Il secoua la tête pour empêcher ses pensées de divaguer. Ce n'était pas le moment.
Ils avaient dû lui jeter un sortilège dans le dos. Un Expelliarmus, quelque chose comme ça. Un sortilège qui l'avait projetée avec violence dans le mur et qui lui avait fait perdre sa baguette magique. Elle n'avait pas perdu de temps à tenter de récupérer sa baguette tombée sur le sol et était montée dans l'escalier. Elle avait dû se barricader comme elle pouvait dans la chambre, et ouvrir la fenêtre. Mais dans quel but ?
- Qu'est-ce que tu voyais ? murmura-t-il en se penchant à la fenêtre pour regarder.
Il regarda en bas et évalua la distance qui séparait la fenêtre du sol. Trop haut pour sauter et s'en sortir indemne. Clémence ne s'y serait jamais risquée, même en mauvaise posture. Son regard d'acier se posa sur le lierre qui grimpait le long des pierres du manoir. Pas assez solide pour supporter son poids, même si elle était menue et pas très grande…
Pas très grande. Ça devait être ça, l'idée de Clémence. Son dessein en montant s'enfermer dans leur chambre. Privée de sa baguette, elle ne disposait que de deux facultés magiques : le transplanage, impossible dans l'enceinte du manoir. Et son pouvoir d'Animagus. Si le lierre était trop peu solide pour supporter le poids d'une femme, il l'était sans aucun doute assez pour supporter celui du petit rongeur qui était sa forme d'emprunt.
Clémence aurait donc réussi à s'enfuir ? Non. Elle lui aurait donné signe de vie, de quelque façon que ce soit. Elle ne l'aurait pas laissé s'inquiéter de la sorte sur son sort. Et la Poudre de Cheminette manquante prouvait que quelqu'un s'en était servi pour partir. S'ils avaient eu pour mission de la capturer, ils l'auraient cherchée. Ils devaient l'avoir attrapée, humaine ou tamia rayé, avant qu'elle réussisse à partir.
Mais, justement, pourquoi se donner le mal de la capturer ? Si c'était sa mort qu'ils voulaient, pourquoi ne pas lui avoir jeté un Avada Kedavra dans le dos au lieu d'un simple Expelliarmus ? Si elle était un tel danger à leurs yeux, pourquoi ne pas l'éliminer lorsque c'était facile ? Le Mangemort avait une vague idée, et elle lui déplaisait fortement. La seule raison pour laquelle on se serait donné tant de mal pour prendre Clémence vivante, c'était que la Maîtresse voulait lui régler elle-même son cas.
Un immense frisson parcourut Drago. Il était un Mangemort. Par conséquent, il était très bien placé pour savoir ce qu'ils pouvaient faire à ceux que la Maîtresse voulaient vivants. Il se rappelait très bien du sort qu'avait subi cette Auror lorsque des Mangemorts l'avaient capturée. Il se rappelait comment la Maîtresse avait offert son corps délicat à ses Mangemorts avant de l'achever. Si Elle se mettait en tête de faire la même chose à Clémence, il ne répondrait de lui.
Clémence émergea lentement du sommeil sans rêves où la potion de sommeil l'avait plongée la veille. Elle sursauta légèrement en voyant la petite créature à côté d'elle. Kreattur.
- Kreattur, murmura-t-elle pour ne pas éveiller Tonks, est-ce que tu connais Drago Malefoy ?
- Si Kreattur connaît Maître Malefoy, le respectable petit-neveu au noble sang pur de sa vieille maîtresse ? dit l'elfe de maison avec une lueur proche de l'adoration dans les yeux. Oh oui, Madame, Kreattur connaît Drago Malefoy !
- Moins fort, s'il te plaît. C'est mon mari, et j'ai b…
Aussitôt, l'elfe de maison s'inclina devant elle, écrasant son nez sur le sol.
- Kreattur fera tout ce que la femme de Maître Malefoy voudra !
- Dans ce cas, va le prévenir que sa femme est au…
Elle fronça les sourcils pour se rappeler de l'adresse prononcée par Harry la veille lorsqu'il l'avait emmenée.
- Au 12, square Grimmaurd, où Harry Potter la retient captive. Allez, file, dit-elle en voyant Tonks remuer dans son sommeil.
L'elfe de maison disparut en un « CRAC » sonore qui acheva de réveiller l'Auror dont les cheveux avaient pris une teinte bleu électrique.
- Qu'est-ce que c'était ? demanda-t-elle.
- C'était seulement l'elfe, dit Clémence en haussant les épaules.
Kreattur apparut dans la chambre, où se trouvait toujours Drago. Le jeune homme sursauta.
- PIGMY, TU VEUX ME FAIRE AVOIR UNE ATTAQUE, ESPÈCE DE CONNARD D'ELFE DÉFAVORISÉ INTELLECTUELLEMENT ?
Il cligna des yeux en voyant que l'elfe de maison n'était pas le sien, mais un autre.
- Kreattur est navré d'avoir fait peur au Maître Malefoy, monsieur, mais Kreattur a un message de la femme du Maître Malefoy…
Le cœur de Drago se mit à battre à tout rompre. Clémence ?
- Vas-y, parle ! ordonna-t-il.
- La femme du Maître Malefoy est retenue par Harry Potter au 12, square Grimmaurd. Kreattur doit repartir avant que son absence soit remarquée, Maître Malefoy, est-ce que Maître Malefoy a un message pour sa femme ?
- Dis-lui que j'arrive.
L'elfe s'inclina une dernière fois avant de disparaître. Drago dévala l'escalier, ramassa la baguette de sa femme au passage et courut au salon. Il jeta une poignée de poudre dans la cheminée.
- 12, SQUARE GRIMMAURD ! s'écria-t-il avant d'être emporté par une bourrasque.
Il n'avait pas pris le temps de réfléchir, de se dire qu'il s'agissait peut-être d'un piège. Son cerveau ne se posait pas de questions alors que le réseau de cheminées l'emportait vers le 12, square Grimmaurd. Toute sa vie semblait dépendre de son unique volonté : sauver Clémence. C'était comme s'il était né simplement pour ça, comme si c'était son unique but. Il arriva à sa destination en roulant sur le sol, lançant la baguette de Clémence à sa propriétaire.
- Malefoy est là ! cria Tonks en sortant sa propre baguette.
- EXPELLIARMUS ! cria le Mangemort en envoyant l'Auror s'écraser dans le mur avec un bruit sourd.
Il courut jusqu'au canapé, d'où l'Animagus se relevait péniblement.
- Ça va ?
- J'ai déjà été mieux.
- Tu peux transplaner ?
Elle secoua lentement la tête. Elle se sentait à peine la force de se tenir debout. Pour le transplanage, on repasserait.
- Attention ! cria-t-elle en le projetant par terre pour éviter le Maléfice d'Entrave que lançait Harry.
- Mignon, dit l'ex-Gryffondor en aidant Tonks à se relever.
Clémence et Drago s'étaient relevés, l'Auror soutenue par le Mangemort.
- Qu'est-ce que tu lui as fait ? demanda Drago, menaçant.
- Relaxe, Malefoy. Je lui ai rien fait, à ta femme. C'est elle qui est de faible constitution et qui nous a tapé un sacré délire hier, du genre « j'ai mal, j'ai mal », même si personne ne l'avait touchée. Il lui manque une case. Remarque, pour t'épouser, fallait déjà qu'elle soit cinglée.
- Non, dit Clémence en s'avançant un peu vers lui, la main de Drago dans la sienne. Je n'avais pas mal. Nous avions mal.
- Et apparemment, ça laisse des séquelles, dit Harry avec indifférence.
Clémence jeta un regard à Drago, qui hocha la tête. L'Auror se retourna vers son collègue.
- Tu es un homme mort, Potter, dit-elle.
En un crac sonore, Drago transplana, emmenant la jeune femme avec lui.
Dès qu'ils arrivèrent dans leur salon, le premier réflexe de Drago fut de condamner la cheminée d'un puissant sortilège. Puis, il laissa tomber sa baguette sur le sol et serra Clémence dans ses bras. L'Animagus lâcha aussi sa baguette magique et lui rendit son étreinte, les yeux clos, respirant avec délice cette odeur unique qu'il dégageait et qu'elle aimait tant.
- J'ai eu si peur de te perdre, murmura-t-il à son oreille. Quand j'ai vu ce désordre, j'ai cru qu'ils t'avaient emmenée… après le coup de Zabini… je n'aurais pas supporté…
- Ils t'ont fait mal, chuchota-t-elle en lui caressant les cheveux. Je l'ai senti… et je t'entendais dire mon nom…
- Je t'entendais aussi, dit-il à voix basse en se souvenant de la voix qui répétait inlassablement son nom dans sa tête.
Il l'embrassa sur le dessus de la tête.
- Ils ne t'auront pas, dit Clémence, la joue collée contre son cœur. Demain, j'irai au bureau pour leur dire ce que Potter a fait avec la complicité de Tonks et ils vont être virés à coup sûr. Ce sera bien fait pour eux.
Drago ne répondit pas et l'Auror se dégagea de ses bras pour aller dans la cuisine dans le but de se faire une potion énergisante. Elle sortit quelques éprouvettes et un verre. Elle avait versé le contenu de trois d'entre elles lorsque la quatrième lui échappa. Elle se fracassa sur le comptoir, éclaboussant généreusement ce qu'il y avait autour. Clémence poussa un grognement et tendit la main vers l'armoire pour reprendre une autre fiole d'essence de jasmin… et se figea dans son mouvement.
Sur sa main, le liquide transparent venait de prendre la teinte d'un rose vif. De l'essence de jasmin qui prenait une telle couleur. Elle savait ce que ça signifiait.
- Chéri ? dit-elle.
- Oui ? dit-il du salon, où il vérifiait l'efficacité du sortilège jeté sur la cheminée.
- Tu peux venir ?
La jeune femme, dont les yeux ne quittaient pas sa main, l'entendit se déplacer dans la maison.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il en la rejoignant.
Sans dire un mot, elle lui montra le dos de sa main. Devant son air interrogateur, elle se sentit obligée de préciser :
- C'est de l'essence de jasmin.
Drago mit un certain temps à se rappeler que l'essence de jasmin prenait cette coloration lorsqu'on la mettait en contact avec la peau d'une femme enceinte. Sous le regard anxieux de l'Auror, il laissa la nouvelle pénétrer doucement en lui, s'insinuer dans chaque fibre de son corps. Lentement, sa bouche dessina un sourire et il souleva Clémence dans ses bras.
Qui aurait pu croire qu'une journée pouvait commencer de la manière la plus horrible qui soit pour devenir un si beau jour ?
