Chapitre 5 : La cruauté d'une promesse

C'était lundi matin. Clémence, qui avait repris des forces, transplana à son travail. D'un pas décidé, elle se dirigea vers le bureau d'Huntington. En chemin, elle fut interceptée par Harry.

- Qu'est-ce que tu fais ? s'exclama-t-il.

- D'après toi ? répliqua l'Auror d'un ton glacial. Je vais vous dénoncer. Toi et Tonks. Tu croyais peut-être que j'allais t'envoyer des chocolats ? Pour ton information, le syndrome de Stockholm ne m'a pas affectée. Vraiment dommage.

Elle le dépassa.

- Austen, c'est sur toi que ça va retomber ! dit le Survivant d'une voix forte alors qu'elle continuait de marcher d'un pas rapide.

Clémence leva les yeux au ciel. Qu'est-ce qu'il n'allait pas inventer pour sauver sa carrière ! Comment cette histoire pouvait-elle retomber sur elle, la victime ? Son désir d'écraser Potter s'était agrandi pendant sa courte captivité. En ouvrant la porte du bureau d'Huntington, l'Auror songea avec une pointe de satisfaction qu'elle allait enfin rouler Harry James Potter dans la boue… et s'en sortir les mains propres.

- Austen ? dit-il d'un ton surpris en levant la tête d'un document. Que voulez-vous ?

- Avant-hier soir, dit-elle sans prendre la peine de s'asseoir, j'ai été attaquée à mon domicile par Potter et Tonks, qui visiblement voulaient que je leur dise ce que je sais sur Drago Malefoy. En d'autres termes, ils m'ont enlevée, et il y a au 12 square Grimmaurd un elfe de maison qui sait que je dis vrai. Hermione Granger a également été mise au courant, c'est elle que Potter a ramenée pour me tirer les vers du nez. Le seul problème, c'est qu'il n'y a rien à tirer de moi de ce côté-là, et je serais encore retenue là si je n'avais pas eu la présence d'esprit de me servir de l'elfe pour prévenir Drago.

Elle marqua une pause pour lui laisser le temps d'assimiler avant de conclure :

- Et je suis enceinte.

Le règlement stipulait qu'une Auror de sexe féminin était tenue de prévenir ses supérieurs de son état de grossesse aussitôt qu'elle s'en rendait compte. On lui confiait du travail de bureau, pour ne pas prendre de risques quant à la sécurité de l'enfant à venir.

- Vous êtes enceinte ?

- Je vous dit que Potter et Tonks sont pénétrés dans mon domicile, qu'ils m'ont agressée, enlevée et séquestrée, et tout ce que vous trouvez à dire c'est « Vous êtes enceinte ? » ?

Embarrassé, l'homme ne répondit pas. En un éclair, elle comprit.

- Ils l'ont fait avec votre accord, articula-t-elle avec dégoût.

- Austen…

- Non. Je ne veux rien entendre ! Vous ne valez pas mieux que les Mangemorts, cracha-t-elle en ouvrant la porte.

La jeune femme sortit s'enfermer dans son bureau. Après une heure, on cogna à la porte de son bureau.

- QUOI ? aboya-t-elle.

- Austen, j'ai une affaire pour vous.

- Pourquoi MOI ?

- Parce que tous les autres en ont déjà au moins une !

Clémence grogna. Elle n'avait pas le choix.

- Entrez.

La porte s'ouvrit et le directeur du service fit entrer un homme aux longs cheveux roux, à l'allure un peu débraillée, qui semblait vaguement familier à la jeune femme. Clémence haussa un sourcil, comme pour demander à son patron ce que ça signifiait.

- Il a exigé de s'entretenir avec un Auror à propos d'un cas très urgent.

- C'est bon, je vais me charger du reste.

Traduction : « sortez de mon bureau, vieux débris ». Jack Huntington quitta la pièce, laissant l'Animagus seule avec l'homme, qui jouait nerveusement avec un anneau d'or à son doigt. Marié, sans doute. Clémence se leva de derrière son bureau et alla lui serrer la main.

- Clémence Austen.

- Bill Weasley, répondit l'homme d'une voix peu assurée.

- Asseyez-vous, dit-elle en reprenant place derrière son bureau. Que puis-je pour vous ?

L'Auror regarda Bill s'asseoir en se disant que s'il s'agissait d'un canular ou d'une idiotie du genre « mon chien a disparu », elle le faisait passer par la fenêtre.

- Ma… ma femme a disparu. Et ma fille…

Clémence sortit un morceau de parchemin et une plume, sans quitter du regard l'homme assis devant elle.

- Quand les avez-vous vues pour la dernière fois ?

- Hier matin. Quand je suis rentré du travail, Fleur n'était pas là. Pas de note, rien. Fleur ne serait pas partie comme ça avec Rose sans me prévenir… elle sait que je m'inquiète facilement avec ce qui se passe dehors. Et tout était en désordre…

- Des traces de lutte dans la maison ? demanda l'Auror tout en écrivant.

- Oui.

- J'aurai besoin que vous m'emmeniez sur les lieux une fois que j'aurai fini de vous interroger.

- Si ça peut aider, dit Bill en avalant de travers.

- Le nom de votre femme ?

- Fleur Delacour.

Les yeux de Clémence s'arrondirent. Elle connaissait ce nom. Fleur Delacour avait été la Championne de l'Académie Beauxbâtons pour le Tournoi des Trois Sorciers. À l'époque, Clémence l'avait beaucoup admirée d'être la seule fille du Tournoi. L'ayant vue combattre une dragonne, elle ne s'étonnait pas qu'il y ait des traces de lutte dans la maison.

- De quoi a-t-elle l'air ?

La question était superflue. L'Auror se rappelait très bien de la magnifique jeune fille, à la chevelure d'or blanc, qui se mouvait avec une incroyable prestance et une élégance innée en faisant tourner bien des têtes, mais il fallait bien se conformer à la procédure. Elle ne put s'empêcher de sourire en voyant l'air à la fois rêveur et triste de Bill lorsqu'il dit :

- Fleur a vingt-huit ans. Elle a de longs cheveux d'un blond argenté, des yeux d'un bleu profond, la peau plutôt pâle. Elle est grande pour une femme, et mince. Elle est très belle, d'une beauté surnaturelle, même. Elle est en partie Vélane, si ça peut vous aider à imaginer.

Ah bon, se dit la jeune femme. Ceci expliquait donc cela…

- D'autres signes particuliers, en dehors de son ascendance ?

- Elle a…

Il baissa les yeux.

- Oui ? l'encouragea l'Auror.

- Un tatouage.

- Qu'est-ce qu'il représente et où est-il ?

- Une rose, dit-il avec un sourire triste. C'était pour la naissance de notre fille… il n'est pas très grand. Trois centimètres de haut, peut-être quatre. Il est à l'intérieur de son poignet. Le gauche. (NdA : On dirait pas, comme ça, mais j'ai mis 20 min à décider de l'endroit où il serait…)

- Très bien. Et en ce qui concerne votre fille, de quoi a-t-elle l'air ?

- Elle est comme Fleur, soupira-t-il. La même couleur de cheveux, la même couleur d'yeux…

- Quel âge ?

- Bientôt un an.

Il leva ses yeux brun-vert vers l'Auror, qui ressentit un pincement au cœur en y lisant tant de détresse, en pensant à une femme et son enfant retenues par quelqu'un de malfaisant.

- Vous les retrouverez, n'est-ce pas ? Fleur et Rose sont tout pour moi…

En général, Clémence ne se laissait jamais envahir par les sentiments, et elle ne faisait pas de promesses aux familles des personnes victimes d'enlèvement. Mais là, les mots sortirent de sa bouche sans qu'elle puisse les retenir :

- Je vous le promets, monsieur Weasley.

Elle marqua une pause pour reprendre son instinct professionnel.

- Est-ce qu'il y a des gens qui auraient un intérêt à enlever Fleur, ou à lui faire du mal ?

Encore une fois, la réponse à la question lui était connue, mais elle devait suivre la procédure réglementaire. « Pour ce que les supérieurs en font », songea-t-elle avec amertume.

- Les Mangemorts, répondit instantanément Bill. Elle fait partie de l'Ordre du Phénix et elle… enfin, vous voyez, c'est la femme d'un Weasley. Et, bien sûr, c'est une Sang-Mêlée…

- Je vois.

Elle posa sa plume et se leva, lui tendant la main.

- Emmenez-moi.

Bill lui toucha la main et ils transplanèrent.

Ils arrivèrent devant un petit cottage. Clémence s'approcha de la porte et l'observa. Elle avait été presque arrachée de ses gonds, comme si on l'avait ouverte par un sortilège particulièrement puissant. Baguette en main par mesure de sécurité, la jeune femme pénétra dans les liens, son regard passant d'un objet à l'autre à une vitesse surprenante, son cerveau mémorisant chaque détail.

- Est-ce que vous avez modifié quelque chose ? Déplacé ou réparé un objet, un meuble ?

- Non, répondit-il. Je n'en ai pas eu le courage.

L'Animagus essayait d'imaginer la scène en observant l'état des lieux.

Pour attaquer une femme bien connue dans la communauté magique pour être une puissante sorcière, il devait y avoir plusieurs Mangemorts. Huntington avait envoyé deux de ses meilleurs Aurors pour s'en prendre à elle. Le chef des Mangemorts avait dû prendre la même précaution en ce qui concernait Fleur.

Ils avaient vraisemblablement enfoncé la porte avec un sort. Une femme comme Fleur, qui avait attaqué une dragonne dans le cadre d'un Tournoi, devait s'être battue pour elle, pour sa fille. Plusieurs meubles étaient brisés, soit par des maléfices, soit parce que quelqu'un y avait été projeté, prouvant la thèse de l'Auror : la jeune femme s'était battue. Clémence se pencha sur les restes d'une baguette. Un long cheveu argenté était visible parmi les débris de bois. Était-ce ce qui restait de la baguette de Fleur ou de l'un de ses agresseurs ?

- Que contient la baguette de votre femme ? demanda-t-elle à tout hasard.

- Un cheveu de sa grand-mère, répondit Bill.

- Une Vélane ?

- Oui…

D'un air sombre, elle se releva et se tourna vers lui.

- Alors votre femme a été débarrassée de sa baguette à un moment où l'autre du combat.

Une mère aux prises avec des Mangemorts. En admettant que Rose ait été dans sa chambre à ce moment, Fleur avait dû s'y précipiter en voyant sa baguette brisée. Transplaner était sa seule chance de survie, mais aucune mère ne se serait enfuie sans son bébé. Clémence ramassa les débris de la baguette de bois de rose. Ils seraient peut-être utiles.

- Où est la chambre de votre fille ?

D'un mouvement de tête, il lui indiqua une pièce au fond du couloir. Clémence s'y dirigea. Là aussi, il y avait des traces de bataille. Elle avait donc vu juste. À un moment où à un autre, le combat s'était déplacé vers cette pièce. Pourquoi une femme aurait mené ses attaquants dans la pièce où se trouvait son enfant ? Elle devait vouloir s'enfuir avec. C'était la seule explication possible.

Elle vit quelque chose briller au sol et se pencha. Une bague d'argent, avec un serpent comme motif (NdA : Vous voyez celles portées par certains Serpentard dans HP3 et HP4 ?). Ce n'était pas la première fois qu'elle la voyait. Avec espoir, elle montra le bijou à Bill.

- C'est à vous ?

Comme on pouvait s'y attendre, l'homme secoua la tête.

- Non. Ni à Fleur.

L'Animagus observa la bague d'argent luire au creux de sa main.

- Alors elle appartient à l'un des agresseurs.

Pièce à conviction numéro un. Et elle croyait savoir à qui elle appartenait…

Drago Malefoy, assis confortablement dans un fauteuil de son salon, regardait les flammes de la cheminée d'un air songeur. Il effleura son pendentif du bout des doigts, un dragon d'argent aux yeux d'émeraude. Il esquissa un léger sourire. C'était un cadeau de Clémence, indéniablement un clin d'œil à son prénom.

Clémence. Ce n'était pas les Mangemorts qui l'avaient enlevée, mais Potter. Cependant, les Mangemorts ne l'avaient pas fait avant simplement parce qu'Elle avait sous-évalué les capacités de l'Auror. Elle avait cru qu'un seul Mangemort en viendrait à bout. C'était une erreur qu'Elle ne commettrait pas deux fois. La prochaine fois, Elle enverrait plus d'hommes. Et si ce n'était pas suffisant, Elle allait lui demander de tuer sa femme. Il refuserait. Soit la maîtresse le tuerait, soit elle l'y forcerait. Aucune des options n'étaient réjouissante.

Drago laissa sa tête aller contre le dossier de son fauteuil. Il fallait cesser de se leurrer, de se voiler la face. Clémence était en danger, doublement en danger. Potter allait sûrement tenter de l'enlever à nouveau. Cette fois, il prendrait la précaution de l'emmener ailleurs. Là où Kreattur ne serait pas. Il la ferait mieux surveiller. Le Survivant n'aimait pas Clémence. S'il avait eu l'audace de l'enlever une fois, il pourrait recommencer. Et si elle l'énervait trop, il était parfaitement capable de lui faire du mal. Et si ce n'était pas lui qui l'enlevait, ce serait les Mangemorts. Et là, ce serait vraiment horrible. Pour Clémence. Pour leur bébé.

L'homme ferma les yeux. C'était lui qui mettait Clémence en danger. Plus précisément, ses activités de Mangemort la mettaient en danger. Il redressa la tête et regarda la Marque sur son bras. Ça allait au-delà de sa propre personne, désormais. Une autre personne risquait de… non. Deux autres personnes risquaient de connaître une fin horrible dans un avenir assez rapproché simplement parce qu'il avait fait le mauvais choix lorsqu'il était en sixième année. « Il t'aurait suffit d'accepter l'offre du vieux cinglé, bon sang ! » hurla (pour la centième fois) une voix dans sa tête. Mais que pouvait-il faire d'autre que de vivre avec son erreur, désormais ?

Déserter ? Igor Karkaroff avait eu de la chance de tenir un an et demi. Drago ne verrait aucune raison pour laquelle il ferait mieux. Et déserter était loin de garantir la sécurité de Clémence et de leur enfant. Ça les protégerait des Aurors, tout au plus. Et encore. Potter continuerait de les rechercher. Potter qui avait, selon les rumeurs, assisté à la scène de la mort de Dumbledore. Drago savait qu'il avait une cape d'invisibilité, c'était donc possible. Avait-il entendu la proposition de Dumbledore ? Si c'était le cas, une question d'une importance vitale se posait : était-elle encore valable ? Harry Potter était-il capable d'honorer les promesses d'Albus Dumbledore neuf ans après la mort de ce dernier ?

Clémence venait de finir de recopier la description de Fleur et de sa fille. Elle glissa le parchemin dans une enveloppe et inscrivit « St-Mangouste » sur l'enveloppe avant de la donner à une chouette du service des Aurors, qui s'envola par la fenêtre ouverte. La jeune femme la referma. Si une femme ou une bambine correspondant aux descriptions était emmenée à l'hôpital, Clémence le saurait.

L'Auror était en train de faire du classement dans la montagne de paperasse qui se trouvait sur son bureau lorsqu'une tête apparut dans les flammes de sa cheminée. Elle sursauta.

- Vous m'avez fait peur ! Que voulez-vous ?

- Je suis le docteur Lane, dit le jeune homme. Médicomage à St-Mangouste. Je crois que nous venons d'avoir les personnes que vous recherchez.

- J'arrive, dit-elle.

Oubliant tout son travail, elle transplana, juste à temps pour voir le docteur Lane se relever.

- Suivez-moi, dit-il en la guidant dans les couloirs. J'ai reçu votre chouette à peine une minute avant qu'elles n'arrivent.

- Vous avez la femme et l'enfant ?

- J'en ai bien l'impression, dit-il en poussant une porte.

L'Animagus y entra et dut bousculer trois ou quatre médicomages pour être en mesure de voir la personne allongée sur le lit, qu'on examinait.

La femme était d'une pâleur fantomatique, ses longs cheveux d'or blanc entouraient avec grâce son visage parfait. Elle était couverte de blessures superficielles et d'une ou deux plus sérieuses, mais aucune ne semblaient avoir causées sa mort. C'était probablement un Avada Kedavra qui l'avait fait.

- L'enfant est en train de se faire soigner, mais elle vivra. J'ai pris la liberté de contacter le mari, dit le médicomage dans son dos.

- Vous avez quoi ?

Elle sortit en coup de vent et se retrouva justement nez à nez avec le sorcier à la chevelure de feu.

- Est-ce qu'ils ont retrouvé Fleur ? Et Rose ? Comment elles vont ?

Clémence retint une grimace. C'était la partie de son travail qu'elle détestait le plus. Celle où elle devait briser une vie en piétinant tout espoir. Celle où elle devait admettre, à l'autre comme à elle-même, qu'elle avait échoué.

- Elles ont été retrouvées, Monsieur Weasley, répondit-elle. Mais…

- Où sont-elles ? Je veux les voir !

Il n'avait pas entendu son « mais », et tentait désormais de passer devant Clémence pour entrer dans la pièce.

- Monsieur Weasley, commença-t-elle. Monsieur Weasley, j'ai bien peur d'avoir une mauvaise nouvelle…

- Quoi ? dit-il en cessant de s'agiter.

- Rose est en train de se faire soigner par des médicomages. Elle va s'en tirer.

- Et Fleur ? demanda Bill avec anxiété.

Clémence baissa la tête et se mordit la lèvre. Pour une raison inconnue, les mots « votre femme est morte » n'arrivaient pas à franchir ses lèvres.

- Vous ne l'avez pas retrouvée ?

Il y avait une lueur de folie dans son regard. C'était celle d'un espoir qu'on sait utopique et dérisoire.

- Nous l'avons retrouvée, Monsieur Weasley. Mais…

Soudain, Bill la bouscula et entra dans la pièce d'un pas vif.

- Monsieur Weasley ! cria-t-elle en le suivant vers le lit de Fleur.

L'homme repoussa vivement les personnes autour du lit de la défunte et se figea. Lentement, il glissa sur le sol, tombant à genoux près du lit où reposait le corps de sa femme.

- Fleur, murmura-t-il avec douceur en caressant son beau visage. Fleur, allez, réponds-moi…

Clémence ferma les yeux. Elle n'imaginait que trop bien ce qu'elle ressentirait si c'était Drago qui était allongé sur ce lit… mort.

- Tu ne peux pas être morte ! Mon amour… non, tu es trop forte, tu ne peux pas… pas… pas comme ça…

Sa voix s'étrangla lorsqu'il réalisa qu'elle était bel et bien partie pour toujours. Alors, il s'assit à côté d'elle dans le lit et la serra dans ses bras, lui murmurant Merlin sait quoi à l'oreille. Sans qu'elle sache pourquoi, une autre scène sembla se superposer mentalement à celle qui se déroulait présentement. Ce n'était pas Fleur qui était morte, c'était Drago. Ce n'était pas Bill Weasley qui pleurait en serrant son amour contre son cœur, c'était elle. Et, pour la première fois de toute sa carrière, Clémence Austen posa une main qui se voulait rassurante sur l'épaule d'une victime du Mal, un geste familier qu'elle ne s'était jamais autorisée auparavant. Il fallait dire à sa décharge que c'était aussi la première fois qu'elle sentait son cœur s'attendrir devant une telle scène.

On voulut faire sortir Bill, mais il résista farouchement, refusant qu'on le sépare de sa bien-aimée. L'Auror dut intervenir auprès des médicomages pour qu'on le laisse tranquille. Les employés de St-Mangouste s'éloignèrent, ne souhaitant pas se frotter à l'Animagus.

- Vous n'avez personne à soigner ici, dit-elle après avoir repris son visage dur à l'expression impénétrable. Sortez, laissons-le.

Ils sortirent. Avant de les suivre, Clémence murmura à l'oreille de Bill qu'elle serait dehors et qu'elle attendrait le temps qu'il faudrait. Encore une fois, c'était la première fois qu'elle faisait une telle chose. La jeune femme fit apparaître une chaise près de la porte, s'assit et attendit. Après de longues minutes, une infirmière arriva avec une enfant dans les bras.

- C'est l'enfant qui était avec la femme ? demanda Clémence en se relevant.

- Oui. Nous avons guéri ses blessures, elle va parfaitement bien.

- Donnez-la-moi, ordonna l'Auror en tendant les bras.

Elle prit la bambine dans ses bras. L'enfant avait des cheveux du même blond argenté que ceux de Fleur et de grands yeux bleu sombre, des yeux qui semblaient sonder jusqu'au plus profond de l'âme de celui qu'ils regardaient. Même l'occlumens sentait son esprit fouillé par ce regard. La Sang Pur entra dans la pièce. Bill avait cessé de pleurer mais était toujours assis à côté de Fleur, dont il caressait tendrement les cheveux.

- Monsieur Weasley ? dit Clémence avec une douceur inhabituelle.

Il leva ses yeux rougis vers elle.

- C'est l'enfant qu'ils ont retrouvé avec Fleur. Est-ce que c'est Rose ?

- Oui, affirma immédiatement l'homme en prenant sa fille que lui tendait l'Auror.

Bill regarda tristement sa fille avant de serrer contre lui l'enfant qui était beaucoup trop jeune pour comprendre ce qui se passait. Clémence décida de les laisser seuls. Ce moment de douleur appartenait à Bill et à Rose, et elle avait l'impression, par sa simple présence, de violer l'intimité de la petite famille brisée. Elle s'en alla.

Clémence reprit sa place derrière son bureau et prit la bague qu'elle y avait déposée. En temps normal, elle se moquait bien de ce que faisait ou ne faisait pas Drago en tant que Mangemort. Mais, de façon inexplicable, en regardant le bijou d'argent au creux de sa paume, elle se surprit à prier Merlin que son mari n'ait pas participé à l'enlèvement et à la mort de Fleur Delacour.

La porte de son bureau s'ouvrit sur Harry.

- Merci de frapper, Potter, dit-elle d'un ton glacial.

- Je veux te parler.

- Je suppose que je n'ai pas le choix, soupira-t-elle sans se donner la peine de lever les yeux vers lui.

Il s'assit en face d'elle après avoir refermé la porte.

- Austen, je veux que tu saches…

La jeune femme consentit à regarder son collègue d'un air blasé.

- En ce qui concerne le… l'événement de…

- Ça s'appelle un kidnapping, Potter, dit-elle d'un ton plus que glacial. J'aurais supposé qu'un Auror comme toi le saurais. J'aurais également espéré qu'une personne qui me faisait la morale en me disait qu'être mariée à Drago constituait une trahison à mon serment d'Auror se garderait de commettre un acte de cette nature.

- Je ne voulais pas, dit-il soudainement.

- J'ai plutôt eu l'impression que l'idée ne te gênait pas.

- Écoute, répliqua l'ancien Gryffondor d'un ton agacé. Quand tu es partie, Huntington m'a fait appeler avec Tonks dans son bureau, et nous a fait clairement comprendre que si nous ne te tirions pas les Veracrasses du nez, pour reprendre son expression, ou que nous ne lui ramenions pas Malefoy…

- Laisse-moi deviner : il a dit qu'il vous virerait.

- Exactement.

- Et, évidemment, vous n'avez pas trouvé mieux que de…

- On n'était pas assez cinglés pour attaquer Malefoy de front sur son terrain. Lorsqu'il n'est pas chez vous, on ne sait pas où il est. Notre temps était limité. Alors je me suis dit qu'en t'enlevant, je pourrais te faire dire ce que tu savais, par Hermione.

Il était inutile de lui demander pourquoi il avait eu un tel raisonnement. Comme elle, il avait appris qu'un kidnapping déstabilise la victime et la pose en position de faiblesse. Après un moment, elle est plus encline à céder aux marchés vaseux du genre « Tu parles, on te libère ».

- Et sinon quoi ? Vous vous seriez servi de moi pour le piéger ?

- J'ai commencé à y penser lorsqu'Hermione est venue me parler avant de partir, admit le jeune homme. Alors voilà, dit-il en se relevant. Nous ne sommes pas amis et je ne souhaite pas vraiment que nous le devenions. Mais je suis une personne honnête, Austen, alors je vais te dire ceci : Huntington n'abandonnera pas simplement parce que Tonks et moi avons échoué. Il enverra plus de gens s'il le faut. Fais attention. Au risque de sonner comme Maugrey, je dirais : vigilance constante.

Harry se dirigea vers la porte et se retourna avant de l'ouvrir.

- C'est la bague de Malefoy ?

- Non. C'est la bague trouvée sur le lieu du crime de l'une de mes affaires.

- Mais c'est la bague de Malefoy.

- Encore une fois, non, Potter. Plusieurs Serpentard avaient cette bague.

- Si tu le dis, soupira-t-il en sortant.

Oui, en effet, songea-t-elle lorsque la porte se referma. Il y avait plus d'un Serpentard à posséder une telle bague. Drago, bien sûr. Mais sa bande aussi. Clémence tira un morceau de parchemin et commença à faire la liste. Blaise Zabini en avait une. Vincent Crabbe également. Qui d'autre ? Ah, oui, Gregory Goyle, l'autre idiot de service. Et Pansy Parkinson. À contrecœur, Clémence compléta la liste par le nom de son mari. Bon. Elle avait une liste non exhaustive de suspects potentiels.

Elle biffa immédiatement le nom de Blaise Zabini, qui était en détention provisoire à Azkaban en attendant d'être jugé pour agression envers un Auror et participation active à l'organisation des Mangemorts. Bien fait. Suivants ! Vincent Crabbe et Gregory Goyle étaient d'une telle stupidité qu'il serait étonnant que l'un deux ait été envoyé, même accompagné, pour exécuter une tâche de cette importance, mais il s'agissait de Mangemorts actifs reconnus par le Ministère. L'Animagus ne les élimina donc pas de la liste. Restait Pansy Parkinson et Drago Malefoy. Il serait facile à Clémence de vérifier si Drago possédait toujours sa bague.

Quant à Pansy Parkinson… l'ancienne Serpentard se rappelait très bien de cette fille, qu'elle avait toujours trouvée vicieuse et mauvaise, même pour une élève de la maison de Salazar. Malgré les apparences, elle n'était pas idiote. Non, elle était au contraire d'une intelligence redoutable, sadique. Il s'agissait aussi d'une Mangemort reconnue. Sa présence sur les lieux serait logique. D'une part, elle était sans pitié et brillante. De l'autre, Clémence était à peu près sûre qu'on avait envoyé au moins une femme pour attaquer Fleur, afin de s'assurer qu'elle ne fasse pas usage de son charme magique pour neutraliser ses attaquants.

Clémence se leva et marcha vers le bureau d'Harry. La porte étant ouverte, elle entra sans se faire prier.

- C'est toi qui enquêtes sur Pansy Parkinson, je me trompe ?

- Non, c'est exact. Pourquoi ?

L'Auror montra la bague.

- Parce qu'elle vient de passer en suspect numéro un dans mon affaire actuelle.

- Quel rapport avec la bague de Malefoy ?

- Ce n'est pas « la bague de Malefoy » ! s'outra la jeune femme. C'est une bague que portaient pas mal d'autres élèves de Serpentard ! Crabbe, Goyle, Zabini, Parkinson ! Et peut-être d'autres dont je ne me souviens pas ! Ils avaient tous cette bague, et ce sont tous des Mangemorts reconnus ! Le crime sur lequel j'enquête a été commis alors que Zabini était à Azkaban, mais en ce qui concerne les autres…

- Y compris Malefoy ?

- Y compris Drago, dit Clémence. Mais il me sera très simple de vérifier s'il a toujours sa bague ou pas.

- Et s'il ne l'a pas ?

- Je verrai à ce moment-là.

- Qu'est-ce que tu veux ?

- L'adresse de Parkinson.

- Que veux-tu en faire ?

- Je comptais l'inviter au salon de thé. Abruti, je veux voir si elle a sa bague !

- Et si elle ne l'a pas ?

- Je vais l'arrêter, quelle question.

- Dans ce cas, je t'emmène.

- Quoi ?

- Je ne te laisse pas y aller seule.

- Je suis touchée par ta confiance.

- J'ai confiance en toi, dit Harry. Mais pas en Parkinson.

Il lui tendit la main. À contrecœur, l'Auror prit la main de son collègue dans la sienne et se laissa emmener par transplanage assisté.

La maison en face d'eux était de pierres gris sombre. Sans être un manoir, il s'agissait d'une grande maison, imposante par son aspect austère autant que par sa taille. Les deux Aurors allèrent frapper à la porte et attendirent. Aucune réponse, aucun bruit.

- Potter ? dit Clémence qui s'était étiré le cou pour regarder par la fenêtre du salon.

- Quoi ?

- Ça te semble un motif suffisant ?

Par la fenêtre, on voyait nettement que quelqu'un était allongé sur le sol, inerte.

- Affirmatif, répondit-il en sortant sa baguette.

Clémence fut la plus rapide : d'un puissant sortilège, elle enfonça la porte avant de pénétrer dans la maison, baguette levée. Le salon était vide, à l'exception de la femme allongée sur le sol, sans mouvement. Dans sa main droite, elle tenait une baguette magique.

- Aucune trace de lutte, observa Harry alors que l'Animagus s'approchait de Pansy. Étrange.

La jeune femme s'accroupit près de son ancienne condisciple.

- Elle respire encore, dit-elle en prenant son poignet pour tâter le pouls. Pouls normal et régulier…

- Austen, dégage ! cria soudain Harry.

Travailler en équipe voulait dire qu'on devait parfaitement obéir à des ordres tels que « cours », « cache-toi » ou « baisse-toi », et ce, sans poser de questions. Faire confiance à l'autre même si c'était un vieil ennemi était un principe crucial pour quiconque voulait survivre, et encore plus pour les Aurors. Et c'est ce que fit Clémence en se jetant vers l'arrière, évitant d'un cheveu l'éclair vert que projetait la baguette de Parkinson. Aussitôt, Clémence se releva, baguette levée, prête à parer ou éviter le prochain maléfice. Pansy aussi s'était relevée. Et elle allait parfaitement bien.

- STUPÉFIX !

Elle avait crié la formule en même temps que la Mangemort. Les deux rayons lumineux rouges se frappèrent et retombèrent en gerbes d'étincelles rouges.

- Endoloris !

Harry plongea pour éviter le terrible maléfice.

- Incar… commença Clémence, mais son ennemie disparu en un crac sonore.

Frustrée, l'Auror poussa un rugissement de colère avant de se diriger vers Harry.

- C'était un piège, pesta celui-ci en se relevant. Et on est tombés dedans comme de vulgaires…

- On a au moins découvert une chose, dit Clémence.

Un sourire se dessinait lentement sur ses lèvres.

- Elle n'a plus sa bague. Ce qui fait qu'elle est toujours suspecte.

- Austen ?

- Oui ?

- Je veux voir Malefoy.

- Pourquoi ? demanda-t-elle avec une méfiance extrême.

- Je t'ai emmenée voir Parkinson, emmène-moi voir Malefoy.

- Non.

Et elle transplana. Lorsqu'elle entra dans son manoir, elle se dirigea immédiatement vers le salon, où Drago se trouvait encore. Le Mangemort leva lentement les yeux vers sa femme.

- Je veux voir Potter.

Clémence cligna des yeux. Il voulait quoi ?

- Excuse-moi, j'ai dû mal entendre. Tu veux quoi ?

- Voir Potter.

- Dis-moi que tu plaisantes.

- J'ai l'air de plaisanter ?

L'Animagus se frappa le front du plat de la main.

- Je viens de lui refuser la même chose, Drago ! dit-elle en tentant de cacher son exaspération. Pourquoi tu veux le voir ?

Qu'est-ce qu'ils avaient aujourd'hui à vouloir se voir à tout prix, ces deux-là ?

- De toute manière, je viens de l…

On cogna à la porte.

- De l'inviter ? suggéra-t-elle. Brillant. Vraiment brillant.

Elle marcha jusqu'à la porte, qu'elle entrouvrit.

- Je peux entrer ? demanda Harry.

- Aussi étonnant que ça puisse paraître, Potter, la réponse est…

Avant qu'elle puisse achever sa phrase, Drago avait ouvert la porte entièrement pour laisser son vieil ennemi entrer.

- Je te préviens, Malefoy, si c'est un piège, tu vas le regretter amèrement.

- Ce n'en est pas un, affirma Drago.

Le regard interrogateur de l'Auror, qui baignait dans l'incompréhension la plus totale, passait de son mari à son collègue. Et Clémence Austen n'aimait pas lorsqu'elle ne comprenait rien à la situation.

- Très bien, dit-elle, les bras croisés, debout entre les deux hommes. Vous seriez gentils de me mettre au parfum.

- Je quitte, Clémence.

Elle n'eut pas besoin de lui demander ce qu'il quittait. Elle savait ce que Drago voulait dire. Il désertait.

- Qu…

- Je t'expliquerai plus tard, si tu veux bien.

Il leva son regard d'acier vers le Survivant.

- J'ai écrit à Potter pour lui demander d'honorer une vieille promesse.

- Plaît-il ? Je ne t'ai jamais rien promis, Malefoy.

- Dumbledore l'a fait.

- Tu parles du directeur que tu as tenté de tuer ?

« Oh, Seigneur », songea la jeune femme en se dirigea vers le bar du salon, les deux protagonistes bien en vue. C'était bien parti pour un combat de coq. Elle se servit un verre d'eau minérale et se pinça l'arête du nez pour stopper la migraine qui menaçait sévèrement d'éclater dans sa tête. Dans le hall d'entrée, le ton montait.

- Comment est-ce que je peux te faire confiance, Malefoy ?

- Qu'est-ce que tu veux que je fasse, bon sang ?

Se retenant de pousser un soupir capable de créer une tornade en Australie, Clémence les rejoignit.

- Fais le Serment Inviolable, décréta Harry d'un ton glacial. Jure de cesser de servir le Mal, jure de le combattre !

- À toi ? Dans tes rêves, Potter.

- Très bien. À elle, dans ce cas.

Le regard de l'ancien Serpentard se tourna vers sa femme.

- À Clémence, je veux bien.

- Non ! protesta l'intéressée.

- Tu n'as pas confiance en moi, Clémence ?

- Si, mais…

Elle se tut et détourna le regard. Elle songeait à l'Imperium, elle songeait aux moyens dont disposait le chef des Mangemorts pour obliger les gens à agir contre leur volonté.Mais avant qu'elle puisse confier ses craintes à Drago, il s'était agenouillé devant elle et avait joint leurs mains droites.

- Non, murmura Clémence.

Elle voulut retirer sa main, mais la poigne de Drago était plus forte que la sienne et, en croisant la lueur de détermination dans son regard gris, elle comprit que rien de ce qu'elle pouvait dire ou faire ne le ferait changer d'avis. Harry posa la pointe de sa baguette sur leurs mains jointes, attendant qu'elle commence.

- Drago…

Sa voix s'étrangla et il y eut quelques secondes de silence. Puis, une idée jaillit dans l'esprit de Clémence, la lumière parmi les ténèbres, et elle sut exactement ce qu'elle devait dire.

- Drago, t'engages-tu à cesser de participer aux activités de Mangemort de ton plein gré ?

- Oui.

Un mince filet de flammes sortit de la baguette du Survivant, s'enroulant avec lenteur et grâce autour de leurs mains droites.

- Et t'engages-tu à cesser de servir le Mal de façon volontaire ?

- Oui.

Un second fil enflammé jaillit de la baguette d'houx et alla s'entortiller autour du premier.

- Et t'engages-tu à le combattre, Drago ?

La main de son mari trembla dans la sienne, mais sa voix était claire lorsqu'il répondit :

- Oui.

Une troisième flamme quitta la baguette de l'Auror, s'enlaçant autour des autres, formant un étrange bracelet autour de leurs mains jointes.

Et le mot de la fin : Je crois que c'est dans ces cas-là qu'on dit : OUF. Ce BIP de chapitre a changé je ne sais combien de fois de titre (en tout cas, il a changé de titre 3 fois dans la journée où je l'ai fini, et j'ai mis une semaine à l'écrire, si ça peut vous donner une idée…), j'ai failli l'appeler « sans titre » tellement j'en avais marre, lol ! Donc voilà je vous ai publié les 5 premiers chapitres d'un coup, je m'en vais commencer le 6ème de ce pas (on ne chôme pas, par ici !). Cette fic a, boh… 2-3 semaines. C'est celle qui a mariné le plus longtemps dans mon PC, lol. Donc, comme d'habitude : reviews s'il vous plaîîîît !