Car Charles Xavier avait été Jean Grey dans ses derniers instants.

Scott se retourne et part, laissant le soutien, le pilier principal s'effondrer. Il ne pouvait plus rien pour Charles. Il n'a jamais rien pu faire pour Charles.

Il marche. Au bout du couloir, l'infirmerie. Fatigué de devoir faire face aux événements qui se précipitent, fatigué de tous ces politiciens qui instaurent des lois anti-mutantes, fatigué de tous les combats qu'il a dû mener et qu'il mènera encore, il appuie son dos sur le montant de la porte. Il croise les bras et entend des bribes de conversation.

« Je suis fatigué de vivre. Ma vie a été brisée en même temps que mes ailes. Personne ne peut m'empêcher de recommencer, d'aller jusqu'au bout, surtout pas toi, Wolverine… »

Warren pousse un long soupir. Scott réprime un frisson et une furieuse envie de s'enfuir. Il distingue à peine l'ombre de la jeune femme qui vient de se glisser dans l'entrebâillement de la porte. Logan reconnaît ses courbes et son parfum. Ses longs cheveux lancent des éclairs pourpres sous le néon. Des larmes silencieuses d'une étrange beauté sertissent ses joues plus pâles que le sommet du Fuji-Yama. Quand son regard croise enfin celui de Warren, les battements de son cœur accélèrent.

Logan les perçoit malgré lui, comme s'il pouvait lire les pensées d'Elizabeth.

Jean n'avait jamais laissé le professeur lire ses pensées. Elle en était morte.

« Pis qu'est-ce que ça peut bien te faire, ça ne la ramènera pas ! T'as rien pu faire pour Jean, tu feras rien pour moi… c'est pas ta présence qui me gênera… »

Jean l'a fait devant tout le monde, devant les mômes… Scott détourne le regard. Logan n'avait rien fait pour sauver Jean. Il n'était donc pas responsable de ce qu'il lui était arrivé.

Son côté samouraï raté avait ressurgi au contact de cette pseudo-geisha. Merveilleuse philosophie orientale ! Sauver la vie de quelqu'un, c'est en être responsable jusqu'à la fin de ses jours : on ne prolonge pas impunément la vie d'autrui. Elle devait savoir ça, l'autre. En choisissant d'intervenir, en s'opposant à la mort de Warren, elle a défié les dieux, la petite assistante. Il l'augmentera peut-être… il ne peut pas comprendre, c'est un occidental.

Scott part. Logan se lève et lui emboîte le pas. Sans se retourner, Scott lui lance :

« Ça va ?

- Hein ! Depuis quand tu t'inquiètes pour moi ? C'est pas moi qui ai besoin d'une mère poule ! »

Le coup part tout seul. Un filet de sang coule de son nez. Logan savait qu'ils en viendraient à régler leurs problèmes de cette manière, mais il ne s'attendait pas à ce que ce soit Scott qui porte le premier coup. Le pouvoir de régénération n'efface que la douleur.

Logan laisse place à Wolverine et empoigne la chemise impeccable de Scott.

« T'as un problème, Summers ! Tu veux qu'on règle ça d'homme à homme ? Ou tu préfères peut-être la configuration de la Salle des Dangers ? »

Scott répond d'un signe de tête désignant une porte blindée.

Logan est devenu le protecteur des X-Kids ; il a pris la place de Scott dans l'institut, il l'a remplacé dans ses fonctions et dans le cœur de Jean. Il est temps que Scott succède à Charles pour redonner un petit peu d'espoir aux résidents de l'institut. Le dernier ordre que Scott a donné, c'était à Diablo… qui n'avait pas réussi à ramener Jean dans le Blackbird. Il est temps que Scott se réaffirme en temps que leader. L'unique leader.

Familiarisé avec cette table de commandes depuis son adolescence, et dévoré par l'attente d'un duel contre lui-même, Scott programme la Salle des Dangers. Ses gestes sont précis et mécaniques. Un sacrifice ou un putain de suicide ? le prix à payer pour grossir les rangs des héros qui restent en arrière, surprotégés, laissés pour compte… Jean. Il pianote le code d'accès et le système s'enclenche. La tension monte. Il descend dans la salle où Logan l'attend. Il n'a plus qu'à valider. Il s'avance vers le petit panneau de contrôle à droite de la porte. Plus que quelques pas, l'adrénaline monte et le courant se coupe. Obscurité totale. Scott se fige. Il distingue le souffle régulier de Wolverine quelque part derrière lui. Snikt !