Disclamer: rien n'est à moi, tout est à JK Rowling!

Je poste ce chapitre en même temps que le précédent, comme ça, ça compensera la longue attente que je vous ai infligée... Je me repentie! Bonne lecture!


Chapitre 8 : Invasion des ombres de l'âme

Hequilïn, sa tête blanche touffue coincée entre les pattes, observait d'un œil scrutateur une gerbe de feu agitée. Les cheveux de Ron, affalé dans un fauteuil de cuir usé de la salle commune de Gryffondor, un jus de citrouille glacé à la main, les yeux dans le vide, chemise à demi ouverte. Harry, accoudé à la fenêtre, admirait le crépuscule évanescent ; le soleil se noyait dans son sang, peu à peu figé, tableau éphémère, aux teintes dorés et roses. Nina fit son apparition, pâle et anxieuse. Elle portait une jupe noire très courte, une marinière moulante – l'uniforme stricte de Beaux bâtons -, une pince entortillée dans ses cheveux foncés et brillants. Ron daigna tourner la tête de quelques millimètres, sirota sa liqueur, puis se renfonça parmi les coussins. Il ne semblait pas l'apprécier du tout… Harry, en revanche, détacha ses yeux émeraude de l'horizon mourant pour reporter toute son attention sur la jeune fille. Elle était mignonne… Le Survivant se réprimanda intérieurement : il ne connaissait cette fille que depuis deux semaines. Nina servait uniquement de barrage entre lui et Lord Voldemort. Rien de plus. Rien.

- Bonsoir, vous deux, lança Nina.

- Salut… modula Harry, seul.

Ron but goulûment son jus orangé et s'étrangla avec. Hequilïn renifla dédaigneusement et se frotta contre les fines jambes de Nina. Elle le caressa machinalement, l'esprit accaparé par une chose qu'ignorait Harry.

- Tu… Ca va ?

Nina planta ses étranges yeux dans ceux du Gryffondor, embarrassé de l'aura qui s'en dégageait.

- Dumbledore m'a averti de l'arrivée d'un élève ce soir. Je crois qu'il s'agit d'un Serpentard, seulement je ne sais pas qui…

- Un quoi ! beugla Ron, d'humeur électrique.

Harry envoya un coup de pied rageur dans le canapé. Il renversa la tête en arrière, et des mèches obscures s'effrangèrent sur son front.

- Ils vont nous coller Malefoy, déclara – t il.

- Si cette pétasse blonde rapplique ici je me tire ! rugit Ron, écarlate jusqu'au bout du nez.

- Ah, c'est une fille ? se risqua Nina, étonnée.

- Non. C'est un garçon de sixième année, de Serpentard, mais surtout une sale fouine. Je le hais, jeta Harry avec une moue de dégoût si profonde que Nina s'écarta du Survivant, prudente. De toutes manières, les lions et les serpents ne peuvent cohabiter.

- Ce fils de mangemort coiffé d'un pot de gel… marmonna Ron entre ses dents… Dumbledore est cintré ou quoi ? On n'a pas besoin de ce serpent perfide !

- Ron… souffla Nina, apaisante.

- Ca se voit que tu ne le connais pas, ce…

- Tais toi ! s'emporta Harry. Même si cette traînée est la personne que je déteste le plus au monde après les Dursley – il se garda bien de prononcer le nom du Seigneur des Ténèbres -, si Dumbledore l'a fait venir, ce n'est pas pour nous embêter.

- C'est pour vous aider, acheva Nina. Malgré les apparences, ce garçon a l'air d'être doué, même excellent, d'après les dires des professeurs. Ils l'ont amené ici… au cas ou… si je ne suffis pas à… le…

La voix de Nina faiblit puis s'éteignit doucement, comme la cire d'une bougie. Ses mains tremblèrent imperceptiblement le long de son corps ; elle lissa les pans de sa jupe pour se donner une contenance. Harry grimaça, désolé de peiner la jeune fille, ébranlé par l'attitude de son meilleur ami à l'ignorer ostensiblement. Il amorçait un pas vers Nina pour la rassurer lorsque, dans un vacarme apocalyptique, Ginny déboula aussi brusquement qu'une chauve furie dans la salle commune, sa crinière rousse en désordre, le teint verdâtre, ses yeux noisette à l'iris craquelé exorbités de frayeur. Nina réagit aussitôt et, sans prêter attention à la compassion du Survivant envers elle, se jeta à la rencontre de la jeune Weasley. Ginny, instinctivement, apparemment glacée d'épouvante, enserra le cou de la jeune fille de ses bras constellés de pigments orangés. La scène se figea quelques secondes, durant lesquelles on n'entendit que les halètements précipités de Ginny, mortifiée contre son amie. La sœur de Ron contrôla au prix d'un effort de volonté ses tremblements convulsifs, déglutit difficilement et annonça d'une voix blanche :

- Il… il y a un rassemblement de détraqueurs… qui encercle le château… en bas…

- Comment ? vociféra Harry.

- Où est Dumbledore ? intervint Ron, subitement redressé. Il n'aurait jamais laissé des détraqueurs pénétrer dans l'enceinte de l'école.

- Au ministère, geignit Ginny, déboussolée. Appelé pour une affaire urgente… Nous sommes seuls… Tous les professeurs ou aurors présents à Poudlard ont déserté, soit pour l'Ordre, le ministère, ou un problème personnel grave !

- Nous sommes tombés dans un piège… souffla Nina, immobile, le visage fermé.

Personne n'eut le temps d'articuler le moindre son. Harry dégaina sa baguette de la poche de son jean, s'engouffra dans le couloir humide et démarra un sprint effréné, le sang battant à ses tempes. L'estomac douloureusement noué, il dévala les escaliers alternatifs, sans se soucier si les autres le suivaient ou non. Une certitude écrasait les milliers de questions en ébullition qui le frappaient brutalement : s'ils ne se défendaient pas, les détraqueurs profiteraient de leur crainte pour passer à l'action et aspirer leur âme.

Nina fut la plus rapide à réagir : immédiatement, elle succéda la fuite de Harry, sa baguette étincelante emprisonnée entre les doigts de sa main droite. Ron se jeta dans la mêlée, saisit le bras de Ginny au passage, et en un éclair la salle des Gryffondors se trouva vidée de tout contenu. Evidemment, aucun n'avait remarqué qu'Hequilïn, le tigre blanc de Nina, grâce à son instinct surdéveloppé, se fût depuis longtemps précipité au dehors pour se jeter dans la masse compacte et soyeuse des lambeaux sombres des détraqueurs.

Harry se rua vers la gigantesque porte qui faisait office d'entrée à Poudlard, dont les gonds de métal graisseux mesuraient la hauteur d'un homme, les poutres de bois rêches l'épaisseur d'un mur de béton armé. Soudain, il se paralysa en plein élan, comme s'il venait de se cogner à une vitre invisible. Une vague glacée envahit son corps, la chaleur de son sang se déroba, sa vue se confondit parmi un épais brouillard opaque. Harry perçut le crépitement ininterrompu d'une cascade résonner dans ses tympans. Les détraqueurs… Ils étaient tellement nombreux que leur aura mortelle traversait les parois du château, pareille à un spectre qui se faufile dans la pénombre. Un cri noyé de tristesse parvint aux oreilles bourdonnantes du survivant. Sa mère se déchaînait face à Voldemort, hurlait son prénom avec l'énergie du désespoir.

- Non… Je sais les vaincre… pensait faiblement Harry, toujours figé au beau milieu du hall. Ils ne m'auront pas !

Dans un geste brutal, Harry s'extraie de sa torpeur et tomba à genoux sur le sol gelé. Il entrouvrit ses yeux d'un vert semblable à celui d'un nénuphar, jura et se redressa laborieusement. Deux éclairs orange barrèrent son champ de vision. Fred, son balai brisé en deux gisant entre ses bras, le regard vide, les mains striées de ratures sanguinolentes ; Georges, l'épaule à moitié déboîtée, les vêtements en lambeaux, livide. Harry se précipita à leur rencontre, chancelant.

- Non ! s'écria Fred d'une voix rauque. Pas un geste ! Ces débris maladifs perçoivent chacun de nos mouvements. Si on veut avoir une chance de s'en sortir, nous devrons attaquer tous en même temps, pas un à un.

- Ces détraqueurs… Ils sont encore plus cruels et puissants que la normale, bredouilla Georges en s'empêchant de s'effondrer. Nous volions quand ils ont surgi de nulle part, par centaines. Le soleil a dépéri brutalement, on a atterri en catastrophe, horrifiés, presque tétanisés.

- Nous nous sommes jetés sur la porte, mais ils nous ont agrippé. J'ai brisé mon balai en essayant de les frapper – nous n'avions pas nos baguettes -, Georges a tapé de toutes ses forces pour faire céder le passage… C'est un miracle qu'on soit toujours en vie.

Les trois garçons demeurèrent immobiles et silencieux une poignée de secondes, puis Nina les rejoignit en basculant de l'autre côté de la rampe d'escalier, pour se réceptionner avec légèreté près de Harry. Elle cessa tout mouvement aussitôt rétablie. Les jumeaux lui coulèrent un regard désespéré en biais, mais elle se contenta de planter ses yeux pastel dans les leurs en signe d'encouragement. Ils ne baisseraient pas les bras tant que les sbires d'Azkaban ne déserteraient pas. Ron et Ginny, en revanche, arrivèrent avec fracas, la petite sœur blême, la gorge encombrée de sanglots, le grand frère l'air à la fois déterminé et déstabilisé. Il lança leurs baguettes à Fred et Georges, qui les interceptèrent d'un même geste, leurs réflexes parfaits acquis lors des entraînements intensifs de Quidditch durant six années consécutives. Harry avait le cœur serré : jamais il n'avait vu les jumeaux dans un tel état de stupeur, affaiblis, dénués d'espoir. La situation s'avérait critique.

Les adolescents s'adressèrent un unique regard appuyé, gorgé d'appréhension, de peur mal dissimulée… mais également de détermination. Tous empoignèrent leurs baguettes, luisante dans la semi pénombre provoquée par le souffle maléfique des détraqueurs. Ginny tremblait de tout son être, les yeux écarquillés, les doigts crispés sur son gilet au niveau de son cœur. Ron l'observait discrètement, plus inquiet à l'idée que sa petite sœur soit blessée que par celle du danger qu'il courait lui-même. Le groupe s'avançait à pas feutrés face à la gigantesque porte, terrifié. Ils n'eurent pas le temps de se placer en position de défense que, soudain, le bois de chêne épais céda subitement sous les coups répétés, d'une violence inouïe, des assaillants. Les détraqueurs s'engouffrèrent par dizaine dans le hall, pareils à des spectres noirs, couverts d'un voile de jais déchiré par endroits, d'où on apercevait leur peau visqueuse, rongée de croûtes craquelées. La température s'évanouit instantanément ; une fine rosée de glace s'abattit sur la création. Un hurlement effroyable s'échappa de la gorge de Ginny. Fred se jeta sur elle et la plaqua brutalement au sol, évitant à sa sœur une mort certaine : un détraqueur s'était propulsé vers elle dès son entrée. Ron, littéralement paniqué, lançait des sorts inutiles dans tous les sens, sans qu'aucun n'atteigne sa cible ; il semblait ne pas parvenir à prononcer correctement l'incantation du patronus. Les attaquants s'attroupèrent autour du rouquin, leurs bras squelettiques braqués vers lui, accompagnés de ce râle rauque si inquiétant. Ron, paralysé autant par la peur que par l'effet destructeur des détraqueurs, sentit ses genoux fléchirent mollement. Il s'effondra de tout son long sur la pierre froide, qui s'accordait parfaitement aux émanations des spectres de la mort. Georges ne prit pas la peine de réfléchir : il se rua parmi la masse noire qui les englobait, dirigea sa baguette sur l'amas vaporeux encerclé autour de son frère et rugit :

- Spero patronum !

Un renard menaçant jaillit de sa baguette brandie, percuta de plein fouet les démons amassés près de Ron, ce qui sauva la vie au meilleur ami de Harry. Cependant, il ne remua aucunement…

Le cerf de Harry, magnifique, aux ramures puissantes, démolissait les rangs de détraqueurs à l'appel, éclatant d'argent. Harry s'inquiétait à mesure que de nouveaux assaillants remplaçaient les précédents sans interruption. Ils étaient véritablement en mauvaise posture : Ginny sanglotait faiblement, blottie entre les bras de Fred, qui essayait tant bien que mal de se battre avec cette gêne. Ron, inanimé, gisait à terre, protégé par Georges, démené à obliger les assaillants de reculer. Quant à lui-même, l'énergie qu'il déployait par le biais de son patronus s'épuisait dangereusement, sans compter que les pouvoirs psychiques des détraqueurs le torturaient sans relâche. S'il tenait encore debout, c'était par la seule force de son incroyable détermination. Son regard émeraude s'égara un instant vers un superbe tigre argenté, symbole d'une puissance divine. Il ne se contentait pas de repousser l'ennemi. Il le déchiquetait. Le félin éphémère, fruit du pouvoir de Nina, plantait ses crocs vacillants dans les corps fissurés d'entailles des détraqueurs, mené par les mouvements fluides de sa baguette. La jeune fille maniait cette arme mieux qu'un sabre, une lueur combative dansait dans ses grands yeux.

La concentration de Harry s'affaissa le temps d'un soupir. Le peu d'assaillants restants, les plus cruels détraqueurs, dont l'esprit maculé d'ombre dévorait presque tendrement les dernières pensées de bonheur ancrées dans son âme, fondirent sur lui d'un bloc. Sa baguette glissa lentement de sa main et s'échoua à terre avec un léger froissement mat. L'âme de Harry se tordit de douleur sous la pression que lui infligeaient les démons de la nuit. Sa mère. Ce cri. Ces yeux rouges. L'odeur du sang. Il lutta pour demeurer dans la réalité. Il entr'aperçut Fred et Ginny ; frère et sœur s'étreignaient avec force, la respiration saccadée, leurs paupières closes violemment, tremblants tous deux. Le regard vitreux de Harry divergea vers Georges, qui plaquait Ron à demi conscient contre son torse, protecteur jusqu'à la mort, sa baguette broyée par la main putréfiée d'un détraqueur.

Les genoux de Harry fléchirent sous lui. A quatre pattes, le corps maculé d'une sueur glaciale, ses cheveux de jais fendus en mèches coagulées sur son front, ses yeux de jade transpercèrent la ronde de soie noire ; ses prunelles se posèrent sur Nina. Le patronus de la jeune fille se dissipait à mesure qu'elle se défendait. Chaque mouvement lui arrachait ses ultimes parcelles d'énergie vitale. Elle écarquillait son regard pastel noyé de larmes envers le corps inerte d'Hequilïn, désarticulé, étendu sur une cascade de marches, impérial. Sa fourrure blanche barrée de raies noires ne luisait pas. Ses pattes entremêlées s'agitaient de spasmes. Une rivière de sang frais se dérobait sous ses flancs.

La vue floue de Harry s'éteignit totalement, lumière émeraude d'une Terre soufflée par une nuit mortelle. Il perçut tardivement le cri désespéré de Nina adressé à son tigre. Cette image atrocement mutilée du gasc polaire s'ancrait dans son esprit vacillant.

- Non, faites qu'elle ne meure pas… Moi, ce n'est pas si grave… Je vous en prie, ils ne doivent pas souffrir à cause de moi… songeait Harry, suffoqué par le contact répugnant des doigts d'un détraqueur étroitement serrés sur sa gorge offerte.

L'atmosphère emprisonnée de glace se figea subitement. Les meurtriers de l'âme interrompirent leur danse funèbre, libérèrent les corps à l'agonie de Harry, Nina, Fred, Georges, Ron et Ginny. Un éclair couleur d'opale foudroya la pénombre étendue sur leurs vies. Tous s'éveillèrent du mieux qu'ils purent selon leur état, les yeux écarquillés, chacun oubliant presque le danger harassant prêt à frapper à n'importe quel moment. Les détraqueurs semblaient retenir leur souffle rauque : leur râle se suspendait dans les airs, ainsi que leur geste macabre. Harry plissa ses yeux de lierre pour distinguer d'où provenait le halo aveuglant. La surprise le paralysa. Une impressionnante panthère des neiges, scintillante d'argent et de pureté, irréelle de magnificence, surplombait les marches de grès menant au hall. Jamais Harry n'avait vu pareil patronus : celui-ci était… unique, éclatant de puissance. La panthère s'élança gracieusement, toutes griffes dehors ; en un bond spectaculaire, elle obligea à fuir les assaillants noirs, terrifiés, qui filèrent à l'extérieur avec une rapidité fulgurante, comme s'ils roulaient sur des patins à moteur. En l'espace d'un instant saisissant, le calme régnait de nouveau, la clarté perçait les ombres, plus aucune créature maléfique ne souillait les lieux. Le félin immatériel vacilla et s'éteignit doucement, dissipé dans un nuage de brume pailleté. Nina fixa son regard entre les deux gargantuesques portes massives de l'entrée du château. Les autres l'imitèrent, sans pour autant tenter de mouvement, leur visage marqué par la stupéfaction.

Une silhouette se dessina peu à peu à travers l'obscurité pâlissante. Un trait de lune blafard éclaira laborieusement ses contours indistincts. Un jeune homme élancé, mince, aux traits fins à la limite de la perfection, se tenait face aux six adolescents. Ses yeux de glace, striés de gris clair, étincelaient tel deux diamants de pluie. Ses cheveux blonds se perdaient en mèches fines devant son front tâché de sang. Sa peau, égale à la blancheur des étoiles, ruisselait de ce liquide fluide écarlate, qui imprégnait ses vêtements de part en part, saturés par cette cascade rouge incessante. Sa baguette gisait le long de son corps, il utilisait ses dernières forces pour maîtriser ses tremblements. Malefoy releva la tête, dévoilant entièrement son regard orageux impénétrable. Il souffla nonchalamment, arrogant comme jamais malgré ses profondes blessures.

- Je vous ai manqué ?


Les review sont toujours de mise!