Je vais plutôt vite moi en ce moment... Ce chapitre est long, très long, trop peut-être pour certains... J'avoue, à la base, il était censé être moitié moins long. Mais lisez, et rendez-vous compte par vous-même : ça aurait été dur de faire moins long, et moi, j'aime quand il y a un minimum de détails...
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Chanson d'un Soir
Chapitre XVIII : Retour dans le Passé, 2ème Partie
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Découvrant son visage, Shizu déclara :
- Il est temps que je vous révèle ce qui s'est passé il y a plus de mille ans.
Ses yeux reflétaient un grand sérieux. Malgré la chaleur, elle était restée enveloppée dans sa cape, comme si elle voulait cacher quelque chose. Passée la surprise, vint le moment des questions.
- Shizu ! s'écria Tea. Mais… que faites-vous ici ?
Le seul à ne pas être surpris était Yugi. Il savait qu'elle viendrait. La jeune femme s'avança vers lui, le regard reconnaissant.
- Merci Yugi, dit-elle, de m'avoir permis de reporter une nouvelle fois le Collier du Millenium.
Le jeune garçon hocha la tête, alors que les souvenirs lui revenaient en mémoire.
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Flash Back
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Le matin même
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Yugi fut tiré de son lit plus tôt que d'habitude. Bien que n'étant pas un lève-tard, son grand-père était venu le tirer du lit.
- Yugi, réveille-toi ! Quelqu'un veut te voir !
A moitié endormi, le petit garçon se leva machinalement, et bailla longuement. Il ne semblait pas avoir entendu –ou compris- ce que son grand-père lui avait annoncé.
En descendant les marches qui menaient dans le salon de l'arrière boutique, il grommela, d'une voix ensommeillée :
- Grand-père…qu'est-ce qui te prend…
Mais un simple regard en face de lui lui rendit tous ses esprits.
- Hein ? Shizu ?
La jeune femme était assise sur l'un des fauteuils, alors que était en train de lui servir du café. Elle se leva alors, et s'inclina respectueusement. Le pharaon remplaça Yugi.
- Je suis désolée de vous déranger à une heure si matinale, s'excusa-t-elle.
- Oh, ce n'est rien, fit le grand-père, l'air joyeux. Nous avons l'habitude de nous lever tôt.
Elle sourit, puis lui demanda :
- Pardonnez-moi, mais… pourrais-je parler à votre petit fils en privé ?
- Bien sûr, acquiesça M. Muto. Je suppose qu'il doit s'agir une fois de plus de toutes ces étranges affaires tournant autour du Puzzle du Millénium.
Puis, quittant le salon :
- Si vous avez besoin de quoi que ce soit, je suis dans l'autre pièce.
- Merci grand-père, dit Yami.
Shizu lui adressa un sourire bienveillant, puis reprit son habituel air sérieux.
- Pharaon, je suis venue te demander une faveur, dit-elle.
- Tout ce que tu voudras Shizu, répondit Yami. Tu as tellement fait pour moi, à présent, c'est à moi de t'aider.
- Merci, mais je ne sais pas si cela m'est permis…
Marquant une pause, elle décida de se lancer :
- Pharaon, je souhaiterais utiliser le pouvoir du Collier du Millenium à nouveau. Je sais que je ne devrais pas, mais c'est le seul moyen de savoir…
- Shizu, demanda Yami, pourquoi crois-tu que cela te soit interdit ?
- Je te l'ai offert, en jurant de ne plus jamais l'utiliser… Ce serait un manque à ma parole.
- Shizu, je connais ton attachement aux anciennes valeurs, mais ici, ce n'est plus le monde d'il y a cinq mille ans, ni ton pays, l'Egypte. Suis-moi.
Ensemble, ils gravirent les escaliers qui conduisaient à la chambre de Yugi. Là, le jeune homme se dirigea vers la commode, et en sortit le Collier du Millenium. Puis, allant vers Shizu, il lui tendit l'objet.
- Mon roi…, murmura-t-elle, hésitante.
- Il faut que tu saches, dit Yami, que j'ai, il y a quelques semaines, utilisé ce collier. (1)
Shizu eut l'air surprise, mais le laissa continuer :
- Je voulais moi aussi savoir… Lorsque tu es venue ici la dernière fois, tu m'as dit que des événements étranges se produiraient, mais que nous devrions les encourager à se poursuivre. J'ai voulu mettre des noms sur ce que tu m'as dit. Pour cela, j'ai utilisé le Collier du Millenium, mais, bien que je sois un puissant esprit, je n'ai pas la compétence nécessaire pour lire l'avenir. Je n'ai pu qu'entrevoir des ombres et des sentiments.
Elle le regarda une nouvelle fois, ne sachant que dire.
- Ce Collier te revient Shizu. Personne ne le mérite plus que toi, car tu es la seule à pouvoir t'en servir. Je te l'offre. Considère cela comme un cadeau de remerciement pour tout ce que tu as fait pour moi.
Emue, elle saisit l'objet que lui tendait Yami, puis leva les yeux vers lui :
- Merci, Pharaon.
Yami hocha la tête, tandis que Shizu attachait le Collier autour de son cou, comme avant. Aussitôt, les flashs l'assaillirent, et son corps se mit à trembler pendant quelques secondes, ce qui inquiéta son ami. Finalement, elle tomba à genoux sur le sol, et Yami se précipita auprès d'elle.
- Tout va bien ?
Elle se releva avec difficulté, un sourire aux lèvres. Silencieusement, elle redescendit les escaliers, suivie par un Yami dubitatif. Au seuil de la porte de la boutique, elle se tourna vers lui :
- Maintenant, je sais, dit-elle. Tout s'éclaire enfin.
- Que veux-tu dire ?
- Je n'ai que quelques heures devant moi, Yami. J'ai quelques recherches à faire, je dois vérifier certaines choses. Cet après-midi, je viendrai.
- Mais où ? interrogea le jeune homme, qui avait un peu de mal à comprendre.
- Au manoir Kaiba.
Sur ces mots, elle partit.
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Fin du Flash-back
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Il comprenait à présent. Shizu savait dès le matin même, grâce au Collier, qu'un duel aurait lieu chez Seto Kaiba.
- Content de te voir Shizu, il était temps, dit Yugi.
Restés sur le terrain, incrédules, Kaiba et Joey ne pouvaient qu'observer la scène. Joey, dont la patience était à bout, intervint. Après tout, il était sur le point d'anéantir son adversaire.
- Hé, vous deux ! Qu'est-ce que ça signifie ? Qu'est-ce que Shizu a à voir avec ce duel ?
Seto ne le savait que trop bien, et resta tout d'abord silencieux. N'était-elle pas venue lui annoncer quelques semaines plus tôt qu'un lien l'unissait à Serenity ? Néanmoins, toutes les prédictions abracadabrantes de cette femme le mettaient hors de lui.
- Il ne manquait plus que ça… maintenant la bande de fous est au complet…
- Ca suffit Kaiba, ordonna Shizu, et celui-ci fut surpris par cet ordre ; personne ne s'adressait jamais à lui comme ça. Tu es le principal intéressé dans ce que je m'apprête à vous montrer.
Cette fois, les regards se dirigèrent droit sur Kaiba, et il n'y avait pas que des regards gentils. Un mépris grandissant, bien que mêlé à une certaine curiosité, animait les visages de Joey, Duke et Tristan.
- J'ai un duel à gagner moi ! grogna Joey. Et je n'ai pas de temps à perdre avec ces histoires !
- Tu serais surpris d'apprendre que ta sœur y joue un grand rôle, répliqua Shizu.
- Quoi ? Serenity ? Mais qu'est-ce que…
- Bon, ça suffit Joey ! Arrête de poser des questions, c'est énervant ! s'écria Tea.
Du coup, le blond se tut.
Lorsqu'ils n'entendirent plus que les mouches voler, ou plutôt le bruit de la brise dans les arbres, ainsi que les bruits lointains de la ville, Shizu expliqua :
- Je vais vous replonger dans un passé ancestral, un passé qui date de plus de mille ans…
- Quel progrès ! railla Kaiba avec un petit sourire ironique. C'est toujours mieux que les cinq mille ans auxquels tu nous avais abonnés…
- … et qui pourrait répondre à toutes les questions qu'un certain nombre d'entre nous se posent aujourd'hui… termina la jeune égyptienne, ne prêtant aucune attention à l'interruption.
- Une sorte de mémoire, comme celle du Pharaon ? interrogea Tea
- C'est un peu ça, approuva Shizu. Il s'agit de souvenirs que mon collier m'a permis d'entrevoir grâce à une extrême concentration. Quelques bribes m'avaient tourmentée pendant des semaines, sans que je ne puisse savoir de quoi il s'agissait ; j'ai cru qu'une nouvelle menace avait fait surface, mais plus le temps passait, plus des visions m'apportèrent la certitude que c'était quelque chose de fort, de puissant certes, mais tout ce que je ressentais c'était…
- Quoi donc ?
Elle marqua une pause avant de continuer :
- Du désespoir, une tristesse sans nom et quelque chose… de plus fort encore…
- Comme ? insista Tea.
Mais était-il nécessaire d'insister, alors que tout le monde semblait avoir compris de quel sentiment parlait la jeune égyptienne ?
Ignorant Tea, Shizu poursuivit :
- Sans le Collier du Millenium, je ne pouvais comprendre d'où pouvait provenir ce flot de sentiments. Les quelques visions qui m'avaient été données de voir m'avaient permis de répondre aux questions « qui ? » « quoi ? » « quand ? » « Comment ? » mais pas « Pourquoi ? ». Dès que j'ai revêtu mon objet du Millenium, j'ai su. Et je veux vous faire voir ce que moi j'ai vu.
- Mais comment ? demanda Yugi.
- Grâce aux projections holographiques de vos disques de duel, répondit la jeune femme. Bien que je puisse lire l'avenir, je suis incapable de déterminer ce qu'il va se passer, car l'esprit d'une personne ici présente est trop embrouillé. Je suis ici pour l'aider à y voir plus clair.
Dans son coin, Kaiba était sur le point d'exploser. Il en avait assez de tout ceci. Assez de devoir faire face à des idiots pareils. Assez de combattre. Assez d'être humilié. Et il était certain que Shizu allait maintenant leur raconter une histoire à dormir debout sur le passé. Comment pourrait-elle faire ça avec les hologrammes des disques de duel ! Elle n'avait ni le matériel ni la compétence pour ! Un doute s'insinua dans son esprit…
« Pourrait-elle faire…de la magie ? NON ! C'est impossible ! »
« Combien de temps nieras-tu l'existence de forces surnaturelles ? Tout comme : combien de temps nieras-tu tes sentiments pour elle ? »
Il serra les poings.
- Shizu ! rugit-il. Je ne sais pas à quoi tu joues, mais ce ne sont pas tes petits tours de magie qui réussiront à m'impressionner. Qui plus est, mes disques de duel sont si parfaits que tu ne peux rien faire pour les pirater, parce que je suppose que c'est ce que tu comptes faire ?
- C'est vrai, renchérit Mokuba. Ces disques sont de la dernière technologie et leur système est complètement inviolable !
La jeune égyptienne haussa les épaules.
- Tu fuis, tu fuis et tu fuis toujours et encore… dit-elle. Tu ne pourras pas fuir éternellement.
« Ne t'avais-je pas dit la même chose autrefois, Seto ? » (2)
« Tais-toi ! »
- Je n'ai besoin que de mon collier et de tes disques de duel pour montrer la vérité, continua-t-elle. A présent, si tu veux bien, nous allons commencer.
Elle se dirigea vers le centre du terrain, de sorte à être à égale distance de Kaiba et de Joey. Les autres observaient curieusement. Puis, la jeune femme ferma les yeux, joignit les paumes de ses mains, et entra dans une profonde concentration. Quelques secondes plus tard, le Collier du Millenium commença à briller, faiblement d'abord, puis de plus en plus fort.
- Qu'est-ce que…commença Duke.
- J'y vois plus rien ! s'écria Joey.
Il avait raison. La lumière était si intense, qu'elle en était devenue aveuglante, et le blond, ainsi que toutes les personnes sur le terrain durent se protéger les yeux avec leurs bras.
- Quel est ce nouveau tour ? cria Kaiba.
Il n'eut aucune réponse, Shizu semblait être entrée en transe. Soudain, une décharge électrique émana du disque de duel du jeune homme et alla se connecter au collier de l'égyptienne, formant un fil électrique entre les deux objets. Le même phénomène eut lieu du côté de Joey.
Ce lien établi, une coupole de lumière se forma autour d'eux, englobant le terrain ainsi que toutes les personnes qui s'y trouvaient.
« Ca ressemble à ce qui s'est produit lors de mon duel contre Pegasus, sauf que là, ce n'est pas le Royaume des Ombres (3), pensa Yugi. »
« Je dois être en train de rêver, se dit Kaiba »
Cette sorte de bulle les coupa du monde extérieur, et ce fut lorsqu'elle fut complètement achevée que Shizu rouvrit brusquement les yeux.
- Maintenant, dit-elle, regardez et écoutez. Ces souvenirs ne sont pas les miens, mais ceux qui appartiennent au passé. N'essayez pas de briser le lien entre le collier et vos disques ; c'est impossible tant que l'histoire ne sera pas terminée.
Tout en parlant, un gigantesque hologramme était apparu au-dessus de leurs têtes, tel un écran géant de télévision, cependant, il n'affichait rien d'autre que des images floues, impossibles à discerner.
- Avant de poursuivre, je voudrais vous montrer quelque chose, dit la jeune femme.
Rejetant sa cape derrière ses épaules, elle découvrit un fourreau armé à sa ceinture. Devant des airs médusés, elle exhiba le katana qu'il contenait.
- Ce sabre est authentique, expliqua-t-elle. Mes frères l'ont trouvé en Egypte ; vous parleriez de hasard, moi je qualifie ça de destin. Sans lui, jamais je n'aurais pu faire la lumière sur les événements du passé. Il date de l'ère Heian (4), la période qui a vu l'apogée de votre pays, le Japon.
- Ca me dit rien, dit Joey, en baillant.
- Vraiment ? interrogea Shizu. Mais peu importe. Vous devez savoir que durant cette ère, la famille des Fujiwara qui était au pouvoir, en plus de repousser les attaques des clans rivaux, dut combattre à de nombreuses reprises ceux qui s'opposaient au nouvel ordre établi.
- Exact, acquiesça Kaiba, d'une voix neutre. Ces rebelles se cachaient dans les montagnes du nord de l'île de Honshu et attaquaient lâchement les villages des environs.
- Hé, comment tu sais ça toi d'abord ? s'exclama Joey.
- Si tu avais mieux suivi tes cours d'histoire, tu serais peut-être moins ignorant Wheeler, répliqua Seto.
Shizu hocha la tête et poursuivit :
- Ces rebelles – on les appelait les Ebisu – eurent également affaire aux soldats du pouvoir royal. Ce sabre appartenait à l'un d'entre eux qui avait rejoint l'armée de l'empereur, un Bushi (5) du nom de Seto.
Aussitôt, les yeux s'écarquillèrent, et, naturellement, tout le monde se tourna vers Kaiba. Celui-ci croisa les bras.
- Et alors ? dit-il. C'est courant comme prénom !
- Regarde plutôt par toi-même, répliqua Shizu, en levant les yeux vers l'hologramme géant.
A leur grande surprise, des images très nettes flottaient à présent au-dessus de leurs têtes, et ce fut sans peine qu'il virent le portrait tout craché de Seto, à la différence que le personnage dans l'écran holographique portait un casque et une lourde cotte de maille.
Kaiba observa son double avec incrédulité.
« C'est impossible. Comment fait-elle ça ? »
Satisfaite par la mine déconfite du jeune homme, la jeune égyptienne estima qu'il était temps de passer aux choses sérieuses.
- Maintenant, taisez-vous, et voyez plutôt.
Tout le monde retint son souffle.
De nouvelles images se formèrent alors sur l'hologramme, tandis que Shizu commençait sa narration…
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Note à lire impérativement : la narration de Shizu est indiquée en italique. Notez qu'il s'agit de ce qui apparaît sur l'hologramme, mais pour que ce soit plus simple, je vais faire comme si c'était un flash-back (c'en est un me diriez-vous, mais il est un peu spécial)
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Tout commença au début du 11ème siècle, lors, je vous l'ai dit, de l'ère Heian. Les Fujiwara avaient une fois de plus mené une campagne contre les rebelles du Nord. La bataille faisait rage, et bien que nettement supérieure en nombre, l'armée fujiwarienne était en déroute.
- Seigneur Seto !
Dans les cris de douleur ou de colère, l'homme interpellé trancha la gorge d'un ennemi de son magnifique katana, avant de se retourner vers le subordonné qui l'avait appelé. C'était exactement Seto, ses yeux d'un bleu profond contrastant avec le sang maculé sur son visage et ses vêtements.
- Quoi encore ? rugit-il.
Pas de doute, c'était bien la même voix autoritaire et glaciale.
- Seigneur, cria le pauvre homme, complètement affolé. Il faut battre en retraite.
- Jamais ! répliqua Seto. Tenez les rangs !
- Mais mon Seigneur…protesta l'autre, alors des hommes tombaient les uns après les autres tout autour d'eux.
- C'est un ordre ! Attaquez !
- Mais nos hommes sont…
La fureur s'empara du Bushi, et il se dirigea vers l'impertinent qui osait discuter, mais une flèche d'un des Ebisu l'atteint à la poitrine, et Seto s'effondra, tandis que l'autre prenait ses jambes à son cou, le laissant pour mort.
Bientôt, le champ de bataille, où ne régnaient que les hurlements et le bruit des épées qui s'entrechoquent, redevint silencieux, ne laissant que des centaines et des centaines de cadavres. Cependant, Seto n'était pas mort, et bien que très faible, il s'extirpa de cette boucherie.
Prenant son courage à deux mains, il arracha la flèche plantée dans sa poitrine, non sans pousser un hurlement de douleur. Puis, il se débarrassa difficilement de sa cotte de maille et de son casque, et vola quelques gourdes d'eau à des cadavres. Il s'éloigna dans les montagnes, portant avec lui le sabre qui ne l'avait encore jamais trahi.
Cependant, si intelligent qu'il était, il ne connaissait pas cette région du monde, et il se perdit aisément dans le dédale qui s'offrait à lui. Il erra de rochers en rochers, de cols en cols, pendant des jours, ses forces s'amenuisant un peu plus à chaque lever et coucher de soleil. Ses réserves d'eau diminuaient dangereusement, et pourtant, il se refusait à en finir avec la vie.
« Je vais mourir ici… NON ! Je dois…continuer… retrouver mon pays…et mon clan… pour qui j'ai tant sacrifié… »
Un jour vint où même sa volonté ne put supporter les blessures de son corps, et alors que la nuit tombait, il s'effondra, sans pouvoir prendre garde s'il était à l'abri de l'ennemi, qui résidait dans ces montagnes. Il entendit vaguement une voix, mais il ne put en tenir compte, et crut que la fièvre qui l'envahissait lui jouait un mauvais tour :
« Les années ont passé,
Je vieillis.
Cependant,
Quand je regarde les fleurs,
Je n'ai plus de soucis. (6)
Comme la mer... Oh kami ! (7) »
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Le noir prit possession de l'esprit de Seto, et ce ne fut que quelques jours plus tard qu'il se réveilla.
Le jeune guerrier ouvrit les yeux avec difficulté. Sa tête tournait, et il fut incapable de se souvenir des événements passés. Lorsqu'il reprit peu à peu conscience, et qu'il se rappela de son errance dans la montagne, la première chose qu'il vit fut de l'eau, qui ruisselait sur les murs… des parois de pierre…de la roche… Il se redressa brusquement. Une grotte ! Il se trouvait dans une grotte !
Il s'aperçut alors qu'il reposait sur un matelas fait de paille et de feuilles séchées, et qu'un feu le réchauffait près de lui, d'où émanaient quelques flammes, petites, à cause de l'humidité de la grotte. Sa chemise de soldat avait été ôtée, et reposait sur un petit tabouret en bois. Il observa son torse, et vit que sa plaie avait été pansée. Il voulut se lever, mais retomba aussitôt, sa blessure le faisant encore beaucoup souffrir.
Des bruits retentirent. Des pas. Désarmé, il ne savait que faire. Mais il n'eut pas besoin de bouger, tant la vision qui s'en suivit l'éblouit. Une jeune fille s'avançait vers lui. Elle portait une robe en lin, et était pieds nus. Elle avait de longs cheveux auburn, et des yeux noisette pétillants de vie. Seto fut frappé par la bonté et la douceur qui se lisaient son visage. Encore plus par la voix qui émana d'elle.
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Dans le monde réel, tout le monde eut un mouvement de surprise, quand ils reconnurent la jeune fille comme le sosie de Serenity. Kaiba sentit son cœur se serrer.
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Oui, il se trouve que Serenity est une des protagonistes de cette histoire, et vous allez bientôt savoir pourquoi…
- Vous êtes réveillé mon Seigneur ? Dieu soit loué !
Cette voix… C'était celle qu'il avait entendue juste avant de perdre connaissance ! Une voix…angélique. Il la regarda s'avancer vers lui. Elle portait un panier rempli d'herbes et de plantes diverses. Elle en prit quelques-unes de chaque sorte, et les plongea dans de l'eau, qu'elle mit à bouillir au-dessus du petit feu.
- Qui…es-tu ? demanda Seto, encore abasourdi.
Il ne faisait aucun doute que la beauté de la jeune fille l'avait laissé sans voix. Il tenta de se redresser pour s'assurer qu'il ne rêvait pas. Mais la mystérieuse inconnue posa sa petite main sur son épaule, lui intimant l'ordre de ne pas essayer de se redresser plus.
- Vous êtes encore trop faible pour vous lever, mais vous êtes hors de danger, c'est le plus important, dit-elle.
Sortant la potion qu'elle venait de préparer du feu, elle la tendit vers Seto. Le naturel méfiant de celui-ci le fit hésiter, mais la jeune fille eut un rire :
- Je vous rassure, ce breuvage n'est pas empoisonné ; si je voulais vous faire du mal, je ne vous aurais pas amené ici…
Sa voix rassurante eut raison des doutes du jeune homme. Après avoir bu la boisson, il la contempla.
- Comment suis-je…arrivé ici ? demanda-t-il.
- Je vous ai trouvé, expliqua–t-elle. Vous vous étiez évanoui à cause de la fièvre. Il était temps que quelqu'un vous soigne…
- Mais comment as-tu pu…me porter ?
- J'ai fabriqué un brancard, et je vous ai traîné jusqu'ici. C'était difficile mais j'y suis arrivée…
Il l'observa, admiratif.
- Tu vis seule dans cet endroit ?
Le regard de la jeune fille s'assombrit.
- Si seulement je le pouvais… mais je vis dans un village, plus bas dans la vallée. J'aime tellement la nature, je ne peux m'empêcher de fouler ces montagnes… Et puis… j'ai mon jardin ici…
- Ton jardin ?
- Oui mon Seigneur ! Quand vous irez mieux, je vous le montrerai, dit-elle, d'une voix enjouée.
Seto se surprit à sourire. Il avait tué des hommes quelques jours plus tôt, et le voilà qui se prenait d'affection pour une jeune fille…dont il ne connaissait même pas le nom.
- Comment t'appelles-tu ? demanda-t-il.
- Mon nom est Shizuka, Seigneur Seto, répondit-elle.
- Tu connais donc mon nom ! s'exclama-t-il.
- Vous n'avez pas cessé de murmurer pendant votre sommeil, c'est comme ça que j'ai su comment vous vous appeliez…
Seto ne dit rien. Avait-elle découvert autre chose pendant qu'il dormait ? Son passé le tourmentait tant… Il ne savait pas pourquoi, mais il sentait qu'il pouvait faire confiance à cette jeune fille.
- Mon Seigneur…me permettriez-vous…de… d'examiner votre blessure, demanda-t-elle, timidement, le visage rougissant.
Seto la regarda. Il ne la connaissait que depuis quelques minutes, et pourtant il se sentait euphorique à sa simple vue. Et elle était si adorable quand elle rougissait. D'un hochement de tête, il approuva.
D'une infinie délicatesse, elle dénoua les bandes qui pansaient la blessure du jeune homme, révélant une vilaine plaie, qui avait cicatrisé certes, mais qui était encore visible et surtout, fragile, entravant ainsi la mobilité de Seto. Celui-ci se surprit à frissonner lorsque les doigts de Shizuka touchèrent sa peau. Elle trempa un morceau de tissu dans un deuxième récipient que Seto n'avait pas remarqué plus tôt.
- Cela risque de vous faire un peu mal mon Seigneur, prévint-elle.
Il hocha la tête, signe qu'elle pouvait continuer, mais son visage se crispa lorsque le tissu entra en contact avec sa peau. Elle se fit le plus douce possible, mais la douleur était intense, et Seto agrippa la première chose à sa portée : le bras de la jeune fille. Par chance, celle-ci finissait sa tâche, mais la poigne du jeune homme était puissante, et elle eut un petit gémissement, ce qui eut pour effet de le faire desserrer son étreinte. Il murmura :
- Shizuka… Merci.
Il la relâcha, et celle-ci eut un sourire bienveillant, puis elle se leva.
- Je dois retourner dans la vallée, dit-elle. C'est là-bas que j'habite. Mais je vous en prie, n'essayez pas de descendre, vous seriez en danger.
- Demô… (8)
- S'il vous plaît, restez dans cette grotte et n'essayez pas d'en sortir. Un véritable labyrinthe se dresse entre cet endroit et la sortie, et je suis la seule à connaître le chemin. Vous êtes en sécurité ici, personne ne peut vous trouver.
Etonnamment, il ne protesta pas plus. C'était la première fois qu'il suivait les recommandations de quelqu'un. C'était aussi la première fois que quelqu'un prenait autant soin de lui.
Shizuka revint tous les jours pour le soigner. Elle lui apportait des vivres, de l'eau ainsi que des vêtements. Parfois, elle s'enfuyait précipitamment, mais il savait pourquoi. Elle seule devait être au courant de son existence.
Les aubes et les crépuscules se succédèrent. Les jours passèrent et devinrent des semaines. Seto guérissait progressivement. Lui et Shizuka ne se parlaient pas beaucoup, mais ils avaient, sans le vouloir, noué une étroite relation. Il ne savait rien d'elle. Elle ne savait rien de lui. Et pourtant, ils se faisaient confiance mutuellement. Un jour vint où Seto put se lever et marcher. Ne supportant pas de rester dans la grotte, et ignorant les recommandations de Shizuka, il tenta d'en trouver la sortie.
« Elle avait raison, cet endroit est un véritable labyrinthe, pensa le jeune homme, qui s'était engagé dans le dédale »
Des entrées, des sorties, il y en avait partout et il ne savait laquelle choisir. Pourtant, en tendant l'oreille, il entendit quelque chose… comme une voix lointaine, nulle part et partout à la fois. Il n'en comprenait pas les paroles, mais il se concentra sur cette voix, pour savoir d'où elle provenait. Après avoir erré un moment, il vit la lumière devant lui, avec la voix qui se faisait de plus en plus distincte.
- Même si l'on vient me chercher, Comment, abandonnant la rosée, De pareils lotus, Retournerai-je…
- Dans le monde changeant et frivole… (9) acheva-t-il, en sortant de la grotte.
Shizuka, car c'était elle, sursauta. Il s'avança vers elle, avec difficulté. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas vu la lumière du jour. Elle se tenait sur un rocher, ses cheveux volant dans le vent.
- Mon Seigneur ! s'écria-t-elle. Comment avez-vous fait pour…
- Ta voix m'a guidé, dit-il avec un sourire.
De la falaise qui surplombait la vallée, une forêt dense s'étendant sur des kilomètres était visible. A sa lisière, un petit village, qui paraissait minuscule tant il semblait loin. Au-delà, la mer recouvrait l'horizon. Et à la droite des deux jeunes gens, on pouvait observer le soleil qui s'élevait dans l'aube.
Seto rompit le silence gêné qui s'était installé entre eux.
- Shizuka… D'où connais-tu ce poème ?
- Je l'ai lu dans un livre que mon père a ramené de Heiankyô (10)
Il fut surpris et il ne put s'empêcher de lui poser la question qui lui taraudait l'esprit depuis des semaines.
- Shizuka… tu es une Ebisu n'est-ce pas ?
Elle hocha la tête, tout en souriant.
- Et tu sais qui je suis, n'est-ce pas ?
Une nouvelle fois, elle fit un signe de la tête. Il lui prit les deux mains.
- Si tu sais qui je suis et ce que j'ai fait, pourquoi m'as-tu laissé vivre ?
Laissant ses mains dans les siennes, son visage angélique s'éclaira une nouvelle fois dans un sourire.
- Parce que le destin a voulu que je vous trouve. Parce que la nature a décidé de vous laisser vivre, peu importe vos actes. Mon village ne sait pas ; s'ils le savaient, ils ne comprendraient pas. Ils te tueraient…
Le tutoiement était venu naturellement, alors que les larmes embuaient ses yeux.
- ... et je ne veux pas qu'ils te tuent, acheva-t-elle, dans un souffle.
- Shizuka…
Il se tut, complètement déstabilisé. Personne ne s'était jamais montré aussi attentionné avec lui, personne. L'affection qu'il ressentait pour elle se renforça encore, et il glissa une main dans ses cheveux. Puis, son attention se dirigea vers une corniche de la falaise. Au lieu de roche sombre et humide, il ne vit que des couleurs.
- C'est mon jardin, expliqua Shizuka, à nouveau maître de ses émotions. Voulez-vous le voir ?
Seto accepta avec joie, et elle le mena vers son paradis à elle, là où elle faisait pousser la vie qui normalement ne pouvait pas y grandir. Des fleurs et autres plantes vertes recouvraient une vaste surface. Impossible aurait-on cru, et pourtant… Il avait oublié pendant quelques instants que sa poitrine lui faisait mal. Il se trouva bercé par cette douce atmosphère, et la jeune fille lui apparut comme un ange tombé du ciel. Elle s'assit parmi les fleurs, et il vint la rejoindre. Tous deux restèrent silencieux un moment.
- Quel idiot je fais… murmura Seto.
- Pourquoi ça ? demanda Shizuka.
Il fixa l'horizon un moment avant de répondre.
- J'étais persuadé que les Ebisu n'étaient que des barbares avides de mal et de souffrance, et qu'ils étaient des ignorants. Au lieu de ça, j'ai à côté de moi la personne la plus intelligente et lucide que je connaisse, et qui me dit que son père se rend à la capitale pour en ramener des livres…
- Seto…
- Je ne devrais pas vivre pour avoir de telles pensées… Toute ma vie… j'ai cru servir de nobles causes, et maintenant j'en doute. ..
- Ne dites pas ça mon Seigneur…
- Je suis un Bushi, Shizuka. J'ai infiltré les rangs de l'armée fujiwarienne à la demande de mon clan, qui veut récupérer ce que l'Empereur a accordé à d'autres, nous dépossédant de droits et de richesse. Je jouais le rôle d'informateur. J'étais animé d'une haine pour les Fujiwara et l'Empereur, mais maintenant, quand je vois de quoi vous vous contentez pour vivre, vous les Ebisu… Vous savez si bien vivre en harmonie avec la nature, que cela fait peut-être de vous les hommes les plus riches de cette Terre...
La jeune fille l'observa, touchée par de telles paroles. Il lui rendit son regard, plongeant ses yeux dans les siens, et l'attira contre lui.
- Shizuka…murmura-t-il. Je ne veux pas retourner d'où je viens… Je veux vivre ici… avec toi.
Avec douceur, il posa ses lèvres sur les siennes, l'emmenant dans une tendre étreinte. Coupés de la réalité, leurs cœurs et leurs âmes se mêlèrent, et n'en formèrent plus qu'une. Lorsqu'ils se séparèrent, Shizuka enfouit sa tête dans le creux de l'épaule du jeune homme.
- La Terre est si grande, il y a tellement de monde vivant sur cette planète et il faut que ce soit vous… murmura-t-elle.
Il la serra fort contre lui.
- Shizuka…
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Le Seigneur Seto, homme important de son clan, les Bushis, choisit ainsi de tout abandonner pour vivre au contact de la nature, avec la jeune fille qui l'avait sauvé et dont il avait fini par tomber amoureux. Malheureusement, le reste du village Ebisu d'où était originaire Shizuka ignorait l'existence de Seto, et lui et la jeune fille savaient qu'ils ne pourraient plus le cacher bien longtemps…
Pendant quelques semaines, ils vécurent leur bonheur sans aucun nuage, et plus le temps passait, plus leur amour se renforçait. Ce qui n'avait été jusqu'alors qu'une relation pure et chaste, prit un tournant lorsqu' un soir, Seto et Shizuka se donnèrent l'un à l'autre. Mais dans leur passion, ils en oublièrent l'heure ; Shizuka, bien que sauvageonne, ne passait jamais la nuit dehors, et lorsque son père ne la vit pas rentrer, il alla à sa recherche, avec quelques hommes du village.
Innocents du danger, les deux amants avaient trouvé refuge dans la grotte…
Après leur étreinte passionnée quelques minutes plus tôt, Seto se mit sur le dos ; Shizuka se blottit contre lui, mais le jeune homme ne sentit que de l'humidité sur son torse. Il se redressa, et s'aperçut que la jeune fille pleurait. Il lui caressa la joue.
- Qu'y a-t-il, mon amour ? C'est à cause de ce qui vient de se passer…
Mais elle secoua la tête, et ses beaux cheveux furent rejetés derrière ses épaules. Puis, ses pleurs redoublèrent de plus belle, et elle se jeta à son cou.
- Veux-tu me parler de ce qui ne va pas ? chuchota-t-il à son oreille, d'une voix douce.
- Oh Seto, sanglota-t-elle. Qu'allons-nous faire… je ne veux pas te quitter… je veux rester avec toi… pour toujours.
- Chuuuut, la rassura-t-il, en la serrant contre lui. Personne ne nous séparera jamais, je te le promets.
- Tu ne comprends pas, murmura-t-elle, entre deux sanglots.
Elle observa une pause, et se dégagea de son amant et s'assit en face de lui. Evitant son regard, elle prononça ces mots :
- Je dois m'en aller… dit-elle.
Seto se redressa lui aussi.
- Que veux-tu dire ?
- Ils…ils veulent que je m'en aille, sanglota-t-elle. Mon père… il veut… me marier…
Seto reçut cette annonce comme un coup de poignard dans le cœur. Il s'approcha d'elle, et la prit à nouveau dans ses bras, mais ne parla pas.
- Il dit... continua Shizuka, qu'ils m'ont trouvé un mari, un homme respectable d'une contrée du sud… Je ne peux pas… Je ne veux pas !
- Calme-toi, dit Seto, en s'efforçant d'être rassurant. Nous allons trouver une solution…
Mais elle secoua à nouveau la tête, et sa voix se fit murmure :
- Je dois partir…demain…
- Comment ? s'exclama-t-il, incrédule. Mais pourquoi ne m'en as-tu pas parlé ?
- Je pensais que mon père se raviserait en voyant l'homme en question… Mais il est venu avant-hier et… il m'a dit qu'il ferait de moi une femme heureuse…
Seto serra les poings, la jalousie commençant à s'insinuer lentement en lui. Shizuka se jeta sur lui.
- Je suis tellement désolée Seto ! J'aurais dû t'en parler ! J'ai eu tort !
- Ne t'en fais pas…murmura-t-il, gentiment. Tu n'y es pour rien…
- Qu'allons-nous faire ? sanglota-t-elle.
Il ne dit rien. Il ne connaissait que trop bien les mariages forcés : combien de jeunes filles avaient été mariées de force au sein de son clan, sans même avoir rencontré leur mari ? Seto sentit son cœur se serrer. Il ne voulait pas la perdre. Pas celle qui lui avait tant donné. Pas celle qui avait brisé la glace de son cœur. Pas celle qu'il aimait et qu'il chérissait plus que tout et pour qui il serait capable de n'importe quoi. Elle était tellement belle, tellement parfaite… Jamais il ne la laisserait s'en aller. Ils seraient ensemble, quoi qu'il en coûterait.
- Partons… finit-il par dire.
Elle ne comprit pas.
- Partons, répéta-t-il. Enfuyons-nous quelque part où ils ne pourront jamais nous retrouver, quelque part où nous pourrons vivre heureux et au grand jour.
Il n'avait jamais fui, mais que ne ferait-il pas pour elle…
Elle acquiesça, et se leva, mais il la retint.
- Nous pouvons attendre jusqu'à demain, dit-il avec un sourire.
Elle allait lui rendre ce sourire, et se rallonger auprès de lui lorsqu'ils entendirent des éclats de voix lointaines. Se sachant recherchés, ils se rhabillèrent rapidement et cherchèrent à s'enfuir. Mais si Shizuka connaissait les moindres recoins de cette grotte, elle savait aussi qu'il n'y avait qu'une seule sortie. Et cette sortie était à présent gardée par son père, et par d'autres hommes du village. Les deux amants coururent longtemps, mais ils se firent surprendre par le propre père de la jeune fille. Seto résista mais ils furent forcés de sortir de la grotte, grâce au fil que le vieil homme avait pris soin de dérouler derrière lui.
A la sortie, Seto et Shizuka furent séparés, et le jeune homme fut mis à terre.
Le vieil homme s'avança vers sa fille, et la gifla violemment. Un filet de sang s'écoula de ses lèvres.
- Catin ! C'est comme ça que tu me remercies ! Toute ma vie, j'ai veillé à ta santé et t'ai toujours permis de vagabonder en liberté. J'ai été un bon père et voilà ma récompense !
Il gifla Shizuka de nouveau, puis examinant le sabre que Seto avait emporté avec lui, il alla la gifler une troisième fois.
- Et avec l'ennemi, qui plus est ! rugit-il. Tu t'es donnée à l'ennemi !
Il leva la main une nouvelle fois, mais Seto réussit à échapper à ses geôliers et se jeta sur le père.
- Comment osez-vous porter la main sur elle ? s'écria-t-il. Ouch !
L'un des hommes accompagnant le père de Shizuka l'avait violemment frappé à la tête, et le jeune homme s'effondra, inconscient.
- Seto ! hurla la jeune fille. Père, s'il vous plaît !
Le vieil homme se releva, et se tourna vers sa fille et la considéra un instant. Elle était en pleurs, et voulait aller vers celui qu'elle aimait. Mais il ne lui lança qu'un regard de mépris, bien loin de celui d'un père.
- Je la ramène au village, dit-il à ses hommes. Tout ceci doit rester secret bien entendu. Dès demain, elle s'en ira avec le Seigneur Ootogi, et ce ne sera plus qu'un mauvais souvenir.
Puis, se tournant vers Seto :
- Quand il se réveillera, tuez-le, lança-t-il froidement. Je veux qu'il soit conscient et qu'il voie sa mort arriver pour ce qu'il a fait à ma fille.
- Nooonnn père ! s'écria Shizuka, se débattant de l'emprise de ses gardiens. Non je vous en supplie !
L'homme ne tint pas compte de ses cris déchirants. En silence, il redescendit la montagne en ignorant ses maintes supplications, puis la vallée, suivie de Shizuka en pleurs, encadrée par deux geôliers. La jeune fille, une fois arrivée au village, se mura dans un mutisme total, et ce fut sans réaction qu'elle accueillit le beau jeune homme brun aux yeux verts venue l'emmener dans ses contrées à l'aube. Il fut si subjugué par la beauté de la jeune fille, qu'il voyait pourtant pour la seconde fois, qu'il ne se posa aucune question quant à son silence. Mais lorsque la jeune fille le vit, elle se réveilla de sa torpeur et le confondit avec Seto et se jeta sur lui ; il ne lui fallut que quelques secondes pour prendre conscience de son erreur, et elle lui jeta un regard dégoûté, avant de se tourner vers son père.
- Où est Seto ? Où est-il ? Père, répondez-moi !
Bien sûr, le Seigneur Ootogi ne comprenait pas un traître mot de ce qu'elle racontait. Le père de la jeune fille regarda cette dernière avec une expression impassible.
- Il est mort à l'heure qu'il est, dit-il.
Elle s'effondra, et ne parla plus. Ootogi la fit s'asseoir à l'avant de la charrette qui devait les emmener, et ils quittèrent le village, le regard de Shizuka vide de sens.
Cependant Seto n'était pas mort. Suivant les indications du père de la jeune fille, les deux hommes qui le gardaient attendirent son réveil. Et il ne se réveilla qu'à l'aube. Là, les deux hommes tentèrent de l'assassiner avec leurs couteaux, mais ils commirent l'erreur de ne pas ramasser le sabre de Seto. Celui-ci n'eut aucun mal à se débarrasser d'eux, mais lorsqu'il descendit la vallée, à la recherche de sa bien-aimée, il vit une charrette s'éloigner du village, et n'eut aucun mal à deviner que c'était Shizuka qui s'en allait.
Comme la mer
Sur le rivage d'Izumo
Il courut aussi vite qu'il le put, l'amour qu'il lui portait lui donna des ailes ; il rejoignit les deux jeunes gens en charrette alors qu'ils se trouvaient sur le pont qui enjambait une rivière. Shizuka, ignorant son amour juste derrière elle, observait l'eau et une pensée lui traversa alors l'esprit.
Quand monte la marée
Moi, mon amour pour vous
« Personne ne nous séparera jamais, je te le promets »
Un sourire aux lèvres, elle se dit qu'il n'avait pas tenu sa promesse. Alors, croyant son aimé disparu pour toujours, elle se leva pour aller le rejoindre, et se jeta de la charrette. Seto qui était derrière assista à la scène ; il la vit tomber, il la vit disparaître dans les flots.
- NOOOOONNNNN !
Est toujours, toujours plus profond. (11)
Il ne put que regarder son beau visage se noyer. Descendant le cours de la rivière, il la retrouva bientôt. Elle n'était plus. Les larmes aux yeux, il la serra fort contre lui, et puisqu'il lui avait fait une promesse, il se devait de la tenir. Il lui avait promis que personne ne les séparerait, pas même la mort. Alors il entra dans les flots, tenant Shizuka dans ses bras, et sombra bientôt, dans les eaux troubles de la rivière.
« Le cri des oiseaux me tire de mes rêves
Regarde! À l'est le jour se lève
L'azur brille et entre le large et la côte
Une flottille de voiliers repose dans la brume. » (12)
Il est dit que le soir même, alors qu'un pêcheur retirait ses filets, il vit une masse sombre dériver au gré du courant. Deux corps enlacés vinrent s'échouer auprès de lui. Ils avaient tous deux le sourire aux lèvres. Le brave homme reconnut en eux deux amants qui n'avaient pu s'aimer dans la lumière, et leur offrit sa barque, dans laquelle il les plaça, sans les séparer et regarda l'embarcation s'éloigner rejoindre l'embouchure de la rivière, qui se jetterait ensuite dans l'océan.
La Terre n'avait pas voulu de leur amour. Le pêcheur, fort de son attachement à la rivière, se dit que les flots, si généreux qu'ils avaient été envers lui, accepteraient l'amour de ces deux êtres, pour qu'ils soient ensemble…
A jamais.
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L'hologramme s'éteignit. La coupole de lumière s'évapora. Le lien électrique disparut. Un silence régnait. Tea avait les yeux braqués au sol. Yugi regardait dans le vide. Joey, Tristan et Duke aussi. Mokuba se tourna vers son frère.
Kaiba.
Kaiba était agenouillé.
Une larme, puis deux, puis trois, coulèrent le long de ses joues.
Kaiba pleurait.
Shizu s'avança vers lui et l'observa, l'air presque attendrie.
- Comprends-tu à présent ? murmura-t-elle.
Elle lui tendit la main. Il la repoussa.
Il avait mal ; il l'avait ressentie. Cette douleur qu'avait autrefois ressentie son autre « lui ». Elle était morte… pour lui.
« Pourquoi… pourquoi… »
Qu'avait-il fait ? Il avait combattu, il avait lutté pour ne pas l'aimer. Et là, son autre « lui » venait de la perdre. Que deviendrait-il s'il la perdait lui aussi ? Il ne vivrait plus… il mourrait…comme dans le passé. Pour être avec elle.
Au diable ces hologrammes. Il voulait bien y croire maintenant. A cette magie. La douleur dans son cœur était bien trop réelle.
- Comprends-tu à présent ? répéta Shizu. C'est grâce à cette mémoire, contenue dans le katana, que j'ai pu faire la lumière sur ces événements. Le souvenir de Seto est dans ton cœur, tout comme Shizuka réside dans celui de Serenity. C'est ton destin. Votre destin. Ton amour pour elle l'a tuée jadis. Aujourd'hui, si tu ne te reprends pas, c'est ton refus de l'aimer qui aura raison d'elle.
- Serenity… murmura-t-il.
Il finit par se relever. Le duel n'était pas terminé. C'était à lui de jouer. Il tira une carte de son deck.
- Kaiba ! s'écria Shizu. Tu ne comprendras donc jamais ! Arrête-ça pendant qu'il en est encore temps !
Seto avait fermé son esprit, et du coup, Shizu ne pouvait lire l'avenir. Le jeune homme ne répondit pas. Il observa ses cartes. Il possédait celles nécessaires pour gagner.
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Seto Kaiba : 1900 ; Joey Wheeler : 500
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Joey se tenait prêt, attendant ce que Seto jouerait. Tout le monde retenait son souffle. Le jeune président regarda longuement ses cartes. Il semblait déchiré.
« Je ne sais que faire… »
« Fais ce que tu as faire ! »
« Je ne peux pas perdre, ce serait mon déshonneur. »
« Serenity est bien plus importante que ton honneur ! »
« Je ne peux pas… »
« Tu dois le faire ! Pour elle ! »
« Serenity… Pardonne-moi… »
Il brandit une carte.
- Je pose une carte face cachée…
Il semblait vouloir dire autre chose. Mais il en fut incapable.
- … et je finis mon tour.
- QUOI ? s'écria Joey. Allons Kaiba, tu ne vas pas me faire croire que tu comptes me vaincre avec ça ?
Shizu sourit. Il avait choisi.
- Tais-toi Joey, répliqua Seto. Lance ton attaque et finissons-en.
Joey eut un mouvement de recul.
« Il bluffe, ce n'est pas possible ? »
Le souvenir de sa sœur, dans les bras de Seto, sur l'hologramme de Shizu, lui revint en mémoire, et la colère prit possession de lui.
- Bien, comme tu veux ! s'écria-t-il. Je tiens enfin ma revanche ! Dragon Noir aux Yeux Rouges, anéantis les points de vie de Kaiba !
Une boule de feu sortit de la gueule du Dragon, et se dirigea droit sur son adversaire. Celui-ci lança :
- Je révèle ma carte piège, Desserts seuls !
Puis une explosion assourdissante, accompagnée d'un hologramme de fumée, enveloppa Kaiba. Lorsque la brume se dissipa, les points de vie du jeune homme étaient tombés à zéro.
Et ceux de Joey aussi.
C'était un match nul.
- Comment est-ce possible ? s'énerva Joey, incrédule.
Yugi, après un moment de réflexion, lança :
- Mais oui ! Tu as attaqué Kaiba avec ton Dragon, qui avait 3200 points d'attaque, donc, logiquement Kaiba a perdu tous ses points de vie. Seulement, pendant l'attaque, il a activé sa carte piège, qui a la faculté d'infliger 500 points de dommages directs aux points de vie de l'adversaire… Et comme tu n'avais plus que 500 points de vie, tu as perdu toi aussi.
« Sacré Kaiba, pensa Yami, je suis persuadé qu'il avait en main les cartes pour renverser la situation. Il n'aura pas voulu faire de mal à Joey, et à Serenity indirectement. Seulement, c'est quelqu'un de si orgueilleux, qu'il ne voulait pas se voir infliger une défaite, donc il n'a joué que cette carte, pour que personne ne gagne le duel. »
Kaiba quitta le centre du terrain, et se dirigea vers Shizu.
- Tu as donc compris, dit cette dernière.
- Où est-elle ? demanda Seto.
La jeune femme hocha la tête et sourit.
- Je crois que tu le sais déjà, Seto Kaiba.
Il fut surpris, mais sut de quoi elle voulait parler.
- Mokuba, dit-il, à son frère qui accourait vers lui, va chercher nos employés et dis-leur de décharger la voiture. Nous ne partons plus.
Le visage du petit garçon s'éclaira, et il s'enfuit en courant vers le manoir.
Seto se tourna ensuite vers Joey, mais ça devenait trop dur pour lui.
- Wheeler…
- Kaiba… dit Joey d'une voix neutre.
Le blond, pour une fois dans sa vie, avait beau chercher ses mots, mais ils ne venaient pas. De même pour Seto, qui fut incapable de dire quelque chose d'autre ; de toute façon, il n'en avait pas la moindre envie. Alors il passa devant lui, mais ne le bouscula pas, comme à son habitude. Il comptait aller à la recherche de Serenity, mais Duke se mit en travers de son chemin.
- Alors, ça y est… Vous êtes tous devenus fous au point de confier la vie de Serenity entre les mains de ce snob !
Il serrait les poings. Elle aurait dû être à lui, il l'avait planifié depuis tant de temps.
Seto ne répondit pas, et le poussa sur le côté. Duke allait se jeter sur lui, mais la voix de Shizu l'en empêcha.
- Non ! Tu dois comprendre que tu ne lui es pas destiné. Il y a mille ans, ton ancêtre Ootogi a essayé de l'arracher de force à ce destin et elle en est morte. Ne commets pas la même erreur que lui ; si tu l'aimes vraiment, alors tu dois l'accepter ainsi.
Duke serra les dents, mais elle avait raison. Il l'aimait, mais trop pour la faire souffrir.
- Kaiba !
C'était Joey.
- Hmmmm ? fit Seto, en se tournant vers lui.
- Tout à l'heure, quand Serenity est arrivée, j'ai vu la manière dont elle t'a regardé. Et j'ai vu aussi la manière dont TU l'as regardée.
Il marqua une pause, et poursuivit :
- Je dois l'admettre… elle t'aime vraiment et tu l'aimes vraiment.
Seto fit un signe de tête et lui tourna le dos. Il ne voulait pas le regarder, mais il fallait qu'il le dise :
- Oui… murmura-t-il. Je l'aime…vraiment.
Joey brandit le poing.
- Alors prends soin d'elle ! Mais si jamais tu lui fais le moindre mal, tu ne résideras plus dans ton manoir mais dans une tombe !
Kaiba eut un sourire amusé, que personne ne vit.
- Ca va Joey, dit Tea, en abaissant le bras du blond. Je crois qu'il l'a compris depuis longtemps ça.
Seto ne leur accorda plus aucun regard et partit à la recherche de Serenity. Il l'avait tant rejetée. Voudrait-elle de lui à nouveau ? Il imagina le fait qu'elle le rejetterait à son tour. Il ne saurait comment réagir. Il pensait qu'il ne le supporterait pas.
Il lui fallait pourtant essayer. Et il savait où la trouver.
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« Le premier amour est éternel, le temps ne passe pas, c'est le principe amoureux. » (Camille Laurens)
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Notes :
(et oui, il y en a beaucoup cette fois-ci, mais je ne pouvais pas vous laisser sans explications)
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(1) Voir Chapitres 3 et 4, "Prédiction" et "Esprits Tourmentés"
(2) Dans le chapitre 8, intitulé "Pourquoi Elle ?"
(3) Première saison, au Royaume des duellistes, lorsque Yugi et son double ont du mener un duel contre Pegasus dans le Royaume des Ombres.
(4) L'ère Heian (794-1185) : j'ai déjà apporté quelques précisions là-dessus, mais il me faut approfondir. Il s'agit d'une période qui marqua en effet l'apogée de la culture japonaise. L'empereur était sur le trône, mais en réalité, c'est une famille noble, les Fujiwara, qui possédait le pouvoir. Les Fujiwara avaient de nombreux clans ennemis, notamment les Taira et les Minamoto. Cependant, d'autres clans, comme les Bushis étaient également ses rivaux.
(5) Bushis : Avant 1185, on ne les appelait pas « Bushis ». Cependant, cette caste existait bel et bien et était plutôt méprisée par la Noblesse et l'Empereur, qui accordait beaucoup de privilèges et de richesses à cette dernière. Ce sentiment de mépris exhorta les Bushis à prendre le pouvoir. Seulement, leurs tentatives échouèrent, au profit d'autres clans comme les Taira et les Minamoto, qui prirent le pouvoir vers 1160.
(6) Poésie tirée d'une anthologie poétique appelé Kokinshû (qui veut dire Poèmes d'hier et d'aujourd'hui) commandé par l'empereur du Japon au début du 10ème siècle. Cette poésie fut notamment publiée dans les Notes de Chevet, un livre écrit par une dame de la cour japonaise, Sei Shônagon, au tout début du 11ème siècle. Je me suis permise de faire une petite modification : dans la traduction française, il est traduit « J'ai vieilli », mais moi, j'ai transformé ça en « Je vieillis »
(7) « Mon Dieu ! »
(8) Mais…
(9) Poésie de Sei Shônagon, également tiré de Notes de Chevet.
(10) Heiankyô : littéralement « Capitale de la paix ». C'est l'actuelle Kyôto
(11) Ces cinq vers sont également tirés de Notes de Chevet. Mais ce n'est pas Sei Shônagon qui l'a écrit. Il s'agit d'une poésie inconnue.
(12) Variante de l'Iroha, un célèbre hymne japonais du 11ème siècle.
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Voilà... Et bien, que dire... Ceci est le fin mot de l'histoire. Comme vous avez pu le constater, Kaiba se secoue enfin. Il accepte ses sentiments, au bout de 26 posts et 18 chapitres (ça aurait pu être pire). Donc, il ne reste normalement plus qu'un dernier post, le chapitre 19, qui sera bien plus court que celui-ci je pense. Il sera dédié entièrement (ou presque) aux retrouvailles de Seto et Serenity, et qui sait, je rajouterai peut-être un petit épilogue, tout dépendra de comment je le sens. J'espère que votre esprit n'est pas trop embrouillé à cause de ce déballage historique sur le Japon :-s, si j'ai fait ça, c'est pour rendre le passé plus crédible (à part peut-être les fleurs qui poussent sur les rochers lol, mais Yu-Gi-Oh! est un monde magique non ? ;-).
Allez, je vous fais de gros bisous, et je reviens bientôt pour le dernier chapitre.
