Bonjour, bonjour !

À présent voici la partie 3 !


Partie 3

Tajima porta le deuil de Butsuma le temps d'une coupe de saké qu'il partagea avec ses deux fils. Ni Izuna ni Madara n'étaient vraiment d'humeur à la fête, cependant. Le premier ne parvenait pas à réaliser ce qu'il avait vu, encore à moitié persuadé qu'il l'avait rêvé alors même que son sharingan avait été actif.

Oh bien sûr, il n'avait pas une seule seconde pensé que Tobirama cherchait à le protéger de son père quand il l'avait assassiné. Non. Il connaissait son rival. Pensait le connaître. Et jamais Tobirama ne l'aurait sauvé. L'apparition d'Izuna avait uniquement créé une opportunité qui avait été saisie. Et cette seule idée était terrible.

Autrefois, il avait eu du respect pour Tobirama. C'était un ennemi et bien entendu il n'aurait jamais la moindre pitié pour lui s'il parvenait à prendre le dessus dans un de leur combat.

Parfois, quand il y repensait à deux fois, il se disait que peut-être Tobirama lui témoignait de la miséricorde, qu'il essayait de se montrer honorable en le frappant de son pied plutôt que de son épée. C'était une idée un peu réconfortante : à défaut d'avoir une âme sœur, il avait au moins un rival, une personne qui aurait pu prendre plaisir à l'affronter dans une situation moins antagoniste.

Mais les traîtres et les parricides sont tous à ranger dans le même sac et à jeter au fond du ravin.

Le respect qu'avait éprouvé Izuna s'était changé en chagrin et en colère. Il n'était pas triste que Butsuma soit mort. Parfois, sans le vouloir, Izuna réveillait le film de ses souvenirs. Il avait capturé toute la scène, aussi bien le visage sans émotion de Tobirama qui assassinait son père que l'expression figée dans une profonde surprise de Butsuma, le vague geste de la main qu'il avait fait vers Izuna comme si ce dernier allait l'aider.

Il était triste parce qu'il avait l'impression de perdre quelque chose qu'il pensait précieux, de n'avoir jamais réussi à percer à jour le masque froid de Tobirama Senju, le démon blanc et de s'être fourvoyé des années durant. Bien sûr qu'il le détestait, mais si on lui avait demandé quelques jours auparavant, il aurait juré sur ses yeux que jamais Tobirama Senju n'aurait porté la main sur un membre de sa famille, ni de son clan.

Jetant un regard en coin à son frère, il eut la surprise de découvrir le même air mitigé sur son visage. Sans doute que les pensées de Madara étaient aux côtés de son ancien ami. Étrangement, Izuna aussi se retrouva à penser à lui.

Hashirama Senju avait une voix profonde, pleine d'énergie, qui portait loin. À présent familier des champs de bataille, restant parfois dans le sillage de son frère, Izuna avait eu l'occasion d'entendre les discours d'illuminé du pacifiste d'en face, de l'homme suffisamment fort qu'il parvenait à handicaper sans tuer, de ce shinobi tellement puissant qu'il pouvait se permettre de laisser un adversaire vivre, sachant que même une centaine d'entre eux ne serait pas une menace. Celui qui croisait les yeux des Uchiha sans trembler.

Savait-il, cet homme-là, admirable, ce que son frère cadet avait fait ? Était-il impliqué dans l'assassinat de leur père ? Avait-il conscience que sa place de chef de clan lui avait été offerte, une graine arrosée de sang ?

Et cette paix avec les Senju, dont Madara rêvait encore en secret, ce village magnifique, fleuri et coloré qu'il avait raconté à Izuna quand ils étaient plus jeunes, pouvaient-ils être possibles, s'il fallait marcher à côté de ceux qui portaient la main sur les leurs ? Pouvait-on se fier à un clan dont le chef avait usurpé sa place grâce au meurtre de son propre père par personne d'autre que son frère cadet ?

Et si Hashirama ignorait tout, si c'était une initiative de Tobirama, pouvait-on, alors, faire confiance au chef des Senju ? S'il n'était pas capable de lire dans les intrigues de son frère, était-il possible d'avoir foi en lui pour ériger un village ?

Était-ce à ça que réfléchissait Madara ? Ou pensait-il seulement au chagrin que son ami devait ressentir à l'annonce du décès de son père ?

Il avait été dit que Butsuma était mort des suites d'une maladie. C'était la version officielle qui leur avait été servie. Seuls Izuna et Tobirama savaient que c'était faux. Devait-il, dès lors, surveiller ses arrières sans cesse et craindre pour sa vie ?

Devait-il emporter ce secret dans la tombe et considérer que les intrigues politiques des autres ne le concernaient pas ?

Il ouvrit la bouche, attira l'attention de son père, mais finalement ne dit rien quand il vit que le chagrin de Tajima était réel.

— On s'habitue à un bon ennemi, murmura Tajima dans un souffle fébrile.

Ses deux fils burent à ces mots, l'un comme l'autre très familier du concept. Mais il n'y avait guère qu'Izuna qui pouvait comprendre le vide étrange laissé par la disparition de cet ennemi.


La mort de Butsuma accéléra beaucoup de choses, en modifia un nombre certain. Si Tajima faisait tout pour garder la guerre comme il l'avait toujours connue, le sacre du nouveau chef de clan en face se faisait sentir. Les batailles frontales s'espacèrent et, comme l'avait prédit Izuna, la guerre changea de secteur.

Autrefois faite de grands combats où tous pouvaient dévoiler un éventail de techniques ninjutsu impressionnantes, elle devenait petit à petit beaucoup plus vicieuse et stratégique : avec le nouveau chef de clan, les Senju avaient aussi choisi un autre numéro deux, et cela se ressentait dans leurs façons de lutter.

Tout était composé de sabotage, d'espionnage, d'extorsions et de trafic d'influence. Ce n'était plus à celui des deux qui serait le dernier debout sur un champ de bataille, mais à celui qui parviendrait à prendre le contrôle de la zone la mieux informée, la plus riche, la plus cultivable.

Tajima était dépassé. Madara aussi. Pas pour les mêmes raisons. Tajima n'avait jamais connu cette forme de guerre et il n'avait pas affuté son esprit pour. Il vieillissait, aussi, et la mort de son ennemi de toujours lui avait fait prendre conscience de sa mortalité. Ses décisions étaient plus timorées qu'avant, plus hésitantes. Au bout de quelques mois, il abdiqua de sa position de chef de clan pour y placer son fils aîné, gardant un œil attentif sur les agissements et les choix de Madara, prétendant ainsi le former à prendre sa suite.

Madara, lui, ne reconnaissait pas la patte de son ancien ami dans ce qui se dessinait. Et pour être franc, Izuna se demandait parfois si son frère n'adhérait pas à l'hypothèse affirmant que le plus court chemin pour terminer une guerre était de la perdre. Un proverbe ridicule, si quelqu'un avait voulu de l'avis d'Izuna : pour les vaincus, la guerre ne finit jamais, la capitulation n'est que l'étape suivante, certainement pas une paix.

Il n'y avait guère qu'Izuna, du haut de ses seize ans et demi, qui dessinait des tentatives de réplique plus ou moins fructueuses à l'ensemble des coups portés par Tobirama Senju et son frère aîné.

Bien sûr, souvent, il se trompait. Parfois, il échouait à ramener les siens à la maison. Cependant, les morts se comptaient en moins grand nombre et, s'il ne pardonnait pas à son rival d'être un parricide, il en voyait au moins l'avantage, il pouvait presque le reconnaître du bout de la langue.

Ce qu'il fallait, à présent, c'était percer ce foutu code.

Tout ce qui lui manquait, c'était la clé. Quand il aurait décrypté le code, la guerre pourrait prendre fin une ou deux années plus tard, en choisissant soigneusement les prochains déplacements de ses troupes.


Tajima trépassa l'été après les dix-sept ans de son fils cadet et si triste qu'il puisse l'être, Izuna était surtout en colère contre son père d'être mort si stupidement.

La bataille avec les Senju avait été titanesque, d'après ce qui lui avait été rapporté. Tajima s'était tout simplement lassé d'attendre les prochains affrontements, lassé de ne pas pouvoir retrouver la guerre qu'il avait toujours connue et qui ne lui laissait pas la sensation d'être perdu dans un monde nouveau où il ne possédait plus le contrôle.

Avant d'embarquer avec lui quelques-uns des anciens qui regrettaient aussi le temps des combats glorieux, il avait rageusement expliqué à Madara ce qu'il pensait de cette guerre molle et sans conviction qu'il menait contre le clan Senju. Il avait tempêté, longuement, accusé Madara de se rebeller encore, de rêver à cette paix impie avec ceux qui avaient tué ses frères, qui avaient volé à Tajima son âme sœur. Puis il avait enfilé son armure, attrapé ses armes et était parti.

Et, à vrai dire, Tajima et son groupe de kamikazes n'étaient pas les seuls à penser ainsi. Alors que la crémation finissait à peine, les murmures commençaient déjà à gonfler, plaçant la responsabilité de la mort de Tajima et des autres sur les épaules de Madara.

Pire encore : sur les épaules d'Izuna.

Et c'était pour cette raison ridicule, parce que Madara voulait prouver au reste des Uchiha qu'il ne prenait pas le passé par-dessus la jambe, qu'il ne considérait pas le clan comme moindre et qu'il n'avait pas oublié les anciens combats, c'était à cause de tout ça qu'Izuna se retrouvait à ce moment sur un champ de bataille improvisé qui foutait en l'air la plupart de ses calculs.

Et, à en croire le visage fermé qu'arborait Tobirama face à lui, sous les cernes, le sang et la poussière, il en était de même pour lui.

Leur différence de taille ne se voyait pas dans cette position, pourtant Izuna savait que Tobirama le dépassait de dix bons centimètres.

Assis à califourchon sur les hanches de son rival, le bloquant de toutes ses forces, Izuna sourit d'un air mauvais. Finalement, peut-être que cette stupidité lui permettrait d'abattre le stratège du camp d'en face. Sans Tobirama, Hashirama perdrait cette guerre, c'était certain.

Et puis, n'était-ce pas ironique pour ce monstre parricide de mourir égorgé comme il avait égorgé son père ? Izuna accentua la pression de la lame sur la paume d'Adam de Tobirama. Il n'eut pas le temps d'aller au bout du geste.

La main droite du Senju cessa de tenter de ramper en direction d'un kunai à la lame mate, puis frappa deux fois au sol, emplie d'un chakra qui courut, s'infusa dans la terre, puis une colonne de limon durci jaillit de l'endroit où le chakra s'était accumulé. Elle se courba et fonça sur Izuna qui n'eut qu'un instant pour esquiver, relâchant sa prise.

Le temps qu'il se remette de ses émotions à l'idée qu'il se tenait sur un foutu champ miné de sceaux dangereux, Tobirama s'était replacé en position de combat à mains nues.

C'était une nouvelle victoire. Izuna avait réussi à dépouiller son adversaire de toutes ses armes, hormis ce qui ressemblait à une épée brisée dont il ne resterait que la garde et qui pendait à sa ceinture, clairement inutile.

Il se concentra et malaxa suffisamment de chakra pour pouvoir réaliser son attaque suivante. La foudre jaillit, lui répondant docilement, des années d'entraînement et une bonne dose de talent étaient nécessaires pour parvenir à ce niveau de maîtrise.

L'attaque cibla directement Tobirama. Elle arrivait sur lui, fulgurante, et toute sa sacro-sainte vitesse ne lui permettrait pas de se déplacer assez rapidement pour l'esquiver. L'encaisser serait mourir. Izuna avait enfin gagné.

Il triompha par avance, son sharingan activé pour pouvoir saisir toutes les nuances de désespoir qui apparaîtraient sur le visage de son adversaire quand il comprendrait qu'il était fait comme un rat.

Pourtant, il ne vit rien sur le masque de glace que Tobirama portait sans cesse. Il se contenta de saisir l'épée brisée, d'y concentrer du chakra et d'encaisser l'attaque électrique, ses appuis se modifiant pour pouvoir supporter l'impact sans ployer.

L'épée n'avait pas de lame de métal. Elle était faite de foudre et elle absorba sans le moindre souci l'attaque d'Izuna. Tobirama fit un geste plein de grâce, déchargea la lame de l'excédent d'électricité un peu plus loin, rendant caducs les sceaux qui étaient dissimulés dans cette zone, mais Izuna n'en avait cure.

Il n'avait d'yeux que pour cette épée. Que pour les arcs électriques qui dansaient tout autour, s'enroulaient sur la poignée et répandaient une lumière crue et sèche sur le visage de Tobirama, rajoutant du contraste sur les joues blanches striées de rouge, sur l'air sévère.

Elle semblait parfaite.

Et il la voulait.

Il passa le reste de l'affrontement à écarter cette idée ridicule qui revenait le frapper à intervalles réguliers, bien après que Tobirama l'eut rengainée et rangée, saisissant à la place un kunai semblable à celui qu'il avait abandonné au sol.

Depuis qu'Izuna était assez vieux pour garder une partie de l'argent gagné en mission, il n'avait plus utilisé d'objets ayant appartenu à quelqu'un d'autre avant lui. Tout ce qu'il possédait avait été fait pour lui, comme s'il tentait de compenser son Artefact d'Âme, fait pour lui mais dysfonctionnel. Il n'y avait aucune raison pour laquelle il devrait vouloir un objet appartenant à Tobirama Senju.

L'idée même de la lui arracher des mains, pourtant, revenait souvent : ce monstre était indigne de posséder un tel bijou, cette épée de foudre était un trésor pour lequel Izuna serait capable de tuer.

Le raiton n'était même pas un des éléments principaux de Tobirama, pensa-t-il âprement en évitant la lame du kunai qui mordit quand même le haut de son bras. Et ce n'était pas juste qu'il possède telle merveille.

Les Senju finirent par sonner la retraite et, comme à leur habitude, les deux adversaires restèrent à se toiser, assurant le bon déroulement du retrait des troupes, se défiant sans un mot.

Le bilan fut bien trop lourd pour une bataille inutile, d'un côté comme de l'autre.


Madara regagna la confiance du clan Uchiha après cette bataille et Izuna devait retenir son envie de hurler sur ces idiots qui n'avaient rien compris, absolument rien.

Il se contenta de marmonner auprès de Setsuna et Hikaku qui l'écoutaient sans rien dire, observant tranquillement les progrès totalement nuls de l'équipe de décryptage qui planchait sur les codes secrets des Senju.


Setsuna tapa à la porte du bureau en même temps qu'il y pénétra, s'attirant un regard rapide d'Izuna qui se replongea aussitôt dans son activité principale du moment. Il tentait par tous les moyens de casser le code que les Senju utilisaient avec l'aide des anciens qui, sous les ordres de son père, avaient tout fait pour réaliser cet exploit.

D'après ce qu'Izuna avait compris, au fil des années, les codes des Senju s'étaient complexifiés. Les anciens se souvenaient avec un sourire suffisant de l'époque où il leur suffisait d'activer leurs sharigans pour décrypter les missives de leurs ennemis.

Mais depuis, ils étaient inutilisables.

Setsuna et Hikaku avaient souvent entendu leur ami s'agacer des réflexions qui regrettaient le temps d'avant, de l'époque où il était plus facile de simplement ne pas se servir de son cerveau. Il se frotta les paupières, irrité au seul souvenir, et changea de missive, lisant de nouveau le charabia qui s'affichait sous ses yeux.

Setsuna s'approcha suffisamment pour que son ombre finisse par s'étendre sur le bureau où Izuna s'était installé, le forçant à relâcher sa concentration un instant pour foudroyer du regard cette zone sombre sur ses papiers.

— Hé, interpela Setsuna, tu devrais faire une pause. Hikaku m'a dit que tu n'avais pas bougé depuis hier matin.

— J'ai dormi sur le bureau, répondit Izuna en se redressant légèrement, et Madara m'a apporté à manger. Que se passe-t-il ?

Il esquissa un sourire quand Setsuna tira la chaise la plus près pour finalement s'asseoir, appuyant son coude sur le bureau, posant son menton dans sa main.

— Tu vas finir par t'épuiser, Izu. On veut gagner la guerre, je suis d'accord, mais ça n'aurait pas la même saveur, si tu n'étais plus là pour le voir.

Izuna reçut l'affection avec un sourire ravi, mais il ne pouvait pas se permettre de prendre la moindre pause. Il ne le dit pas, cependant, parce que Setsuna rétorquerait probablement que rien ne méritait qu'il y laisse la vie.

Izuna n'avait toujours pas parlé du mariage prévu pour lui ni à Madara ni à ses amis. Il n'avait par conséquent pas évoqué les conditions fixées par l'aîné Imaizumi. Il se trémoussa sur sa chaise, passa une main dans sa poche pour saisir sa boussole et jouer avec, ouvrant et fermant le clapet à un rythme régulier. Le cliquetis métallique était étrangement apaisant, il lui permettait de se recentrer, de garder son esprit présent dans un moment donné, lui évitait de s'égarer.

Parce que ça lui arrivait souvent, ces temps-ci. Plus souvent qu'il n'aurait dû, son esprit s'attardant sur l'épée de foudre.

Il passa une main sur son visage et interrogea Setsuna du regard.

— Momo est rentrée, affirma-t-il avec une grimace. Apparemment ses sources n'ont jamais entendu parler de quelque chose comme une épée avec une lame façonnée par du chakra.

Izuna grogna sourdement, referma le capot.

— Bordel, il a bien dû la faire fabriquer quelque part…

Setsuna haussa les épaules.

— Arrache-la à son cadavre, suggéra-t-il.

Izuna grogna encore et les yeux de Setsuna pétillèrent d'amusement face à la retenue que son ami montrait à cette idée. Il garda son sourire quand il insista :

— Elle s'est renseignée dans toutes les régions. Elle a rencontré quelques personnes au Pays du Vent qui modélisent le chakra de vent en forme de lame, mais il épouse un métal récepteur spécial.

Il tendit la main et en jeta une sur le bureau. Izuna la considéra un instant, son intérêt flamboya dans ses yeux puis disparut quasiment aussitôt, alors qu'il rangeait cette curiosité à plus tard.

— J'en veux une, formula-t-il à haute voix pour la première fois depuis des semaines. S'il a pu s'en procurer une, c'est bien que quelqu'un l'a forgée.

— Peut-être, mais c'est sans doute un secret de clan, parce que tu connais Momo, elle peut être drôlement persuasive, donc si elle avait rencontré quelqu'un qui possédait cette information, tu l'aurais. Ta meilleure solution pour l'avoir, cette épée de foudre, ce serait d'aller enfin sur le champ de bataille, de croiser le fer avec le démon Senju et de l'abattre.

Izuna roula des yeux, posa sa boussole à côté de la lame que Setsuna lui avait ramenée et saisit cette dernière pour l'examiner de plus près. Elle était plus lourde qu'il ne l'aurait cru et n'était pas polie, gardant un patin mat et sombre.

Raffermissant sa prise, il essaya d'y insuffler de petites touches de chakra électrique, regardant les éclairs tenter de ramper le long du métal et s'évanouir sitôt qu'ils franchissaient quelques centimètres.

Ses sourcils se haussèrent alors que son intérêt était ravivé.

Était-ce un alliage qui ne répondait qu'au chakra de vent ? Ou fallait-il modeler le chakra au moment de son entrée en contact avec le métal ? Et s'il essayait avec le feu ? Quelle était la température de fusion de ce métal ? Serait-il possible de faire forger une lame pour Madara, pour qu'il puisse intégrer ses techniques de feu à sa maîtrise du kenjutsu ?

— Tu ne vas pas t'y mettre aussi, n'est-ce pas ? soupira-t-il. À regretter le temps d'avant ?

Setsuna haussa les épaules.

— Non pas vraiment, je suis bien content d'avoir augmenté mes chances de survies. Un shinobi efficace est avant tout un shinobi vivant. Cependant… Les batailles frontales servaient aussi à faire des démonstrations pour attirer les clients. Les civils raffolent des récits épiques de shinobis qui s'affrontent à grands coups de techniques colorées et destructrices.

Il tapota ses doigts sur le bureau.

— Depuis que tu as repris le commandement, il y a moins de batailles, donc moins de récits épiques à colporter, donc moins de contrats. Donc moins d'argent. J'ai pas besoin de te faire un schéma, je pense.

D'un geste agacé de la main, Izuna repoussa cette réflexion qu'il savait juste. Il exhala, contrarié, puis hocha la tête.

— Je vais y réfléchir.

C'était tout ce que voulait Setsuna. Il se rejeta sur son siège, lançant son menton en direction des piles de lettres interceptées.

— Tu t'en sors ?

— Même pas un début de piste. J'ai beau me creuser la tête, je ne trouve pas la solution.

— Peut-être que tu creuses trop ? proposa Setsuna avant de continuer quand Izuna l'y incita d'un regard. Ce sont des messages qui sont délivrés à des personnes qui doivent les déchiffrer parfois vite et loin de leur territoire. Ça doit être élaboré, mais suffisamment accessible pour que n'importe qui parmi les officiers Senju puisse le lire, non ? Je sais que tu es un mec brillant et que tu…

Il hésita sur le mot suivant puis murmura presque « estimes » avant d'enchaîner plus fort :

— … l'intellect du démon Senju, mais ce code n'est pas pour lui seul. Il doit être compris par des gens sacrément moins brillants que vous.

Izuna cligna plusieurs fois les paupières, faillit protester, mais dut finalement admettre que Setsuna avait raison.

— Je devrais demander son avis à Madara, finit par lâcher Izuna. Et je devrais rentrer à la maison. Ça peut bien attendre demain.

Il se leva, rangea la boussole dans sa poche, souffla les bougies sur le bureau, abandonnant la lame étrange là où elle se trouvait pour une analyse ultérieure plus poussée.

Quand il passa près de Setsuna, celui-ci bondit sur ses pieds, le rattrapant rapidement pour lancer son bras contre ses épaules et l'entraîner avec lui.

— Venez manger à la maison, Kagami et Momo seront ravis de vous voir, Madara et toi. Ça fait longtemps qu'on n'a pas dîné tous ensemble, avec Hikaku !


Discuter avec son frère lui fit du bien. Madara choisit de parler de ses faucons, de ce qu'il s'était passé à la cour quand il était allé voir le Daimyo, échangeant avec Momo sur les différences qu'ils avaient constatées.

Madara lui avait manqué. C'était d'autant plus dur de le constater qu'ils vivaient sous le même toit et passaient une grande majorité de leur temps ensemble.

Setsuna et Hikaku acceptèrent de s'allier avec Madara pour coincer Izuna et lui chatouiller les pieds jusqu'à ce qu'il en rie, Momo le grondant à chaque fois qu'il faisait mine de prononcer une grossièreté devant Kagami.

Quand, deux heures plus tard, l'enfant finit par s'endormir lové contre lui, Izuna se sentait apaisé et il n'eut pas le cœur à ramener la conversation sur des sujets plus graves.

— Hashirama Senju va se marier, annonça Momo. J'ai appris ça en écoutant les rumeurs.

Elle rejeta une brassée de cheveux châtains et ondulés, ses yeux marron en amande effleurant avec douceur la silhouette de son fils qui dormait profondément.

À côté d'Izuna, Madara se crispa légèrement et le cadet porta un regard à son frère, examinant en détail ses réactions à cette annonce. Le visage de marbre de Madara ne montrait rien de particulier, mais il y avait une tension certaine dans ses épaules. Izuna haussa les siennes, avant de revenir vers Momo.

— Tu as des précisions ?

— Pas tant, soupira-t-elle en interrogeant Hikaku du regard.

Il était présent, lui aussi, quand elle avait appris cette nouvelle. Peut-être avait-il entendu plus qu'elle. Il reposa sa tasse de thé fumant en hochant la tête.

— J'ai un nom. Uzumaki Mito.

Madara hoqueta, redressa la tête avec fougue.

— La fille d'Ashina ? demanda-t-il. Hashirama va épouser la première-née du chef de clan Uzumaki ?

Izuna se distancia de la conversation, l'esprit un peu embrumé, sa main effleurant les boucles souples de la tête de Kagami. Le nom de Mito lui évoquait très vaguement quelque chose, mais il ne parvenait pas à se souvenir où il l'avait entendu. Cependant, la nouvelle annonçait un franc déséquilibre pour les Uchiha : c'était Ashina qui avait envoyé un Uzumaki à la capitale, pour les Artefacts d'Âme du clan. Les prix avaient sacrément monté, d'ailleurs.

L'annonce si franche d'une alliance entre les Uzumaki et les Senju, revendiquée si nettement, allait jouer sur le moral des troupes.

— Quand ? finit-il par lancer, coupant sans le vouloir la parole à Momo qui lui balança un regard torve. Oh, pardon, je ne voulais pas t'interrompre.

— Il n'y a pas de date précise pour le moment, répondit Hikaku en grimaçant. Apparemment, Ashina aurait affirmé à l'envoyé Senju qu'il n'y aurait pas de mariage tant que la guerre serait en cours.

— Je vois, soupira Izuna. Il va falloir surveiller le maître des sceaux de la capitale, alors. S'assurer qu'il est neutre et qu'il ne fait pas exprès de monter les prix de son art uniquement parce qu'il sait que nous n'accepterons pas qu'un de nos jeunes soit sans Artefact. Ce serait… pragmatique de nous attaquer là-dessus. Les Senju sont de toute façon convaincus que les âmes sœurs ne sont que du folklore.

Les paroles qu'il avait surpris des années plus tôt le mettaient encore en colère, même si lui-même n'avait pas la chance d'en avoir une. Puis il fronça les sourcils.

— Hashirama est allé à Uzushio ? Le voyage jusqu'à là-bas dure au moins un mois, quand ce n'est pas la saison des tourbillons ! Est-il déjà parti si longtemps ?

Madara secoua la tête avec assurance.

— Non, son chakra n'a jamais quitté les terres Senju plus de quelques semaines.

Cela sous-entendait qu'il le surveillait encore, mais Izuna était prêt à passer l'éponge pour cette fois. Momo exhala par le nez.

— Ce n'est pas rare d'inclure la première-née d'un chef de clan dans les clauses d'une alliance. Je ne vois pas pourquoi vous vous étonnez.

— Sans aller jusqu'à s'étonner, grommela Madara, ce ne sont pas des âmes sœurs, c'est contraire à nos lois.

Quelque chose n'allait pas dans cette phrase, mais Izuna ne parvint pas à mettre le doigt dessus. Madara enchaîna.

— Et de ce que j'en savais, je pensais que les Uzumaki aussi accordaient une grande importance à l'âme sœur. Ce serait drôlement cynique qu'ils soient les seuls à forger des Artefacts d'Âme s'ils ne croient pas à l'absolu de l'âme sœur.

L'ensemble des adultes hocha la tête, tout à fait d'accord avec ça. Dans un mouvement généralisé, tous saisirent leur Artefact pour le caresser doucement, comme pour y trouver un réconfort.

Cette nuit-là, pour la troisième fois consécutive, Izuna rêva de l'épée de foudre. Il se voyait la brandir, la manier et la posséder. Il n'avait jamais été aussi désireux de posséder quelque chose, aussi envieux de quelqu'un qu'il ne l'était de Tobirama Senju qui détenait cette merveille. Pour se réconforter, il se passait en boucle ses souvenirs, inaltérables, dans lesquels elle apparaissait glorieuse et meurtrière.

Il se noya tant et tant dans ses souvenirs de l'épée qu'il finit par trouver son bretteur beau à sa façon et, dans le secret de sa chambre, il finit même par le trouver honteusement désirable, chose qu'il nierait farouchement si on lui posait la question.

De toute façon, ce qui se passait à l'abri des regards dans son intimité ne concernait personne d'autre que lui et sa conscience.


Se plonger si souvent dans ses souvenirs délicieux de l'épée de foudre, quoi qu'il fasse du reste de son corps dans ces moments, lui permit de trouver une sorte de paix. Il y avait véritablement quelque chose d'apaisant dans les courbes pleines et les traits secs qu'il observait les paupières closes, un léger sourire sur ses lèvres, des frissons glissant le long de son échine.

C'était une sensation unique, absolument incroyable, quelque chose qu'il n'avait jamais ressenti auparavant. Plus doux qu'il n'y paraissait. S'il avait dû le traduire en mots auprès de quelqu'un, il n'aurait sans doute pas pu exprimer correctement la chaleur qui enveloppait son âme dans ces moments. Ce n'était pas le feu ardent d'une brûlure, c'était beaucoup plus proche de la douce vague réconfortante d'une couverture serrée contre soi, mais lovée contre son cœur.

Comme la plus petite coquille contenant la plus magnifique des perles du monde.

Engourdi par le demi-sommeil qui le saisissait, il souleva sa main pour l'avancer jusqu'à sa boussole qui reposait à côté de lui, fermée. De son majeur, il l'effleura et le contact avec sa peau fit vibrer le métal. La sensation perdura sur la pulpe de son doigt et il finit par sourire tendrement.

— Je t'aimerai et te chérirai qu'importe la forme que tu prendras, murmura-t-il dans l'obscurité de sa chambre.

Les mots du serment qu'il avait prononcé avant de recevoir son Artefact revinrent dans son esprit et il ferma les paupières, enfouissant son visage plus profondément dans son oreiller, laissant le sommeil le réclamer enfin.


Les fêtes de l'Équinoxe étaient sacrées pour les Senju, encore plus depuis qu'un utilisateur de mokuton était né parmi eux. Durant cette semaine de liesse, les combats s'interrompaient.

C'était une courtoisie de Madara : pour leur chef de clan dont les mots étaient presque loi, il était hors de question de bafouer les rites et la culture d'un clan adverse au nom de la guerre.

Izuna avait approuvé pour une tout autre raison. Même s'il ne doutait pas qu'Hashirama ne donnerait jamais un tel ordre, le stratège des Uchiha avait remarqué que les convois menant leurs jeunes membres vers la capitale et vers la boutique Uzumaki n'étaient jamais attaqués. Jamais.

Rendre la courtoisie permettait d'assurer une petite tranquillité aux enfants qui allaient récupérer leurs Artefacts d'Âme, en évitant des représailles qui pourraient se révéler bien plus meurtrières pour eux que pour les Senju.

Les chasses aux enfants Uchiha avaient cessé quelques années avant qu'Hashirama ne prenne la tête du clan Senju, mais la prudence était de mise. Il était difficile d'expliquer pourquoi, soudainement Butsuma s'était décidé à condamner ces actes, pourtant rationnels : les jeunes étaient moins puissants et moins entraînés que les adultes, ils étaient envoyés sur des missions qui permettaient de garder reposée la force de frappe du clan et quand ils mouraient, il fallait les remplacer.

Izuna était formellement contre ce genre de pratiques, bien entendu, mais la morale n'avait rien à voir avec la pragmatique. La plupart du temps, il essayait de combiner les deux, mais jamais il n'aurait pu franchir ce pas précisément. Cela serait aller à l'encontre de toutes ses croyances, même s'il savait qu'autrefois, le clan Uchiha avait pratiqué la chasse aux enfants.

Il se souvenait vaguement de la fête immense qui avait été organisée quand des aînés avaient réussi à acculer Itama Senju, le troisième fils de Butsuma. Le jeune Senju n'en avait pas réchappé. D'après ce qu'Izuna avait compris, il n'en restait plus grand-chose quand ses aînés en avaient terminé avec le frère cadet d'Hashirama.

Malgré cela, celui qui était nommé le Dieu des Shinobis ne leur en tenait pas rigueur. Il avait maintenu la fin des chasses quand il avait pris la tête du clan, les condamnant, même. Sous le règne de Butsuma, elles étaient seulement tombées en désuétude, alors qu'Hashirama les avait bannies.

Alors, eh bien, ils pouvaient rendre la pareille une semaine par an.

En plus, cette trêve inopinée permettait aussi d'accorder un peu de repos aux shinobis actifs qui étaient toujours en tension. Les changements de méthode de guerre, quoique Izuna ait revu sa copie et autorisait un peu plus de combats frontaux, rendaient le prochain coup difficile à prévoir, requérant ainsi une attention de tous les instants.

Pendant cette semaine, il était certain que les Senju ne les attaqueraient pas. Et pour être honnête, c'était sûrement le seul des clans en guerre à être une réelle menace pour eux, les Hagoromo étant revenus à une servitude sereine depuis la mort de la Sorcière Écarlate.

Le retour du printemps assurait une douceur des températures qui incitait Izuna à vouloir aller se promener, l'esprit libre.

La canopée de la forêt bordant l'enceinte des Uchiha recommençait à verdir, filtrant les rayons de soleil les plus chauds et une odeur particulière envahit ses narines, alors qu'il contournait un arbre qui avait vraisemblablement souffert de l'hiver, un mélange qui le fit sourire joyeusement.

Il allait s'engager sur un sentier menant vers une clairière sur sa gauche lorsque le chant d'un passereau attira son regard. L'oiseau s'envola quand une branche craque sous le pied d'Izuna tandis qu'il quittait le chemin vers la droite et il leva les yeux au ciel pour suivre sa course, s'amusant à la pourchasser à travers bois.

Au bout d'un moment de ce jeu avec le passereau, le clapotis familier de la Naka le fit sourire de plus belle et il avoua sa défaite à la créature, avant de se diriger vers le rivage.

C'était à cette époque que la rivière était la plus belle, gorgée de l'eau de la fonte des glaces. Il aimait y passer un peu de temps quand il en avait la possibilité.

Quand il émergea d'entre les arbres, il fronça les sourcils et recula un peu pour retourner dans l'ombre en constatant qu'il n'était pas le seul à connaître son endroit préféré, au pied d'une cascade qui n'avait rien d'admirable par sa hauteur ou sa puissance. Sa dénivelée n'excédait pas les dix mètres, et la rivière ruisselait paresseusement la plupart du temps, sauf aux alentours de l'équinoxe, où son volume s'étoffait suffisamment pour que les éclaboussures capturent les rayons de soleil et projettent des gouttes arc-en-ciel partout.

Le clapotis devenait mugissement, un grondement bas qui rappelait silencieusement la puissance sourde que la rivière renfermait quand on la laissait se déchaîner.

Dans le lit du cours d'eau, du chakra concentré sur ses pieds, se tenait le démon Senju, auréolé de gouttes arc-en-ciel. Et, à vrai dire, à présent qu'il s'était délesté de son atroce armure bleue à fourrure, Izuna le trouvait méconnaissable, presque admirable.

Son ennemi portait un hakama et un haori verts d'eau, s'alliant bien avec ses cheveux clairs et humides. À sa ceinture, Izuna pouvait distinguer la poignée de l'épée de foudre et la soie colorée qui la tissait doucement ; il en connaissait les nuances, pour les avoir apprises et il se força à déglutir, à détourner le regard pour revenir vers Tobirama.

Il tournait le dos à Izuna, mais celui-ci ne rata pas les sceaux qui entouraient la zone et la protégeaient. Il n'oubliait pas non plus que Tobirama était un percepteur hors pair qui l'avait probablement senti approcher depuis longtemps.

Qu'il ne considère pas la présence d'Izuna comme une menace suffisante pour au moins l'interrompre dans ce qu'il était en train de faire sonnait comme une insulte dans l'esprit du stratège Uchiha.

S'il n'avait pas l'intention de désobéir à son frère qui avait interdit toute forme de combat avec les Senju durant les festivités – Izuna n'était pas assez fou pour risquer des représailles contre les processions Uchiha, il n'avait jamais oublié l'ordre de ses priorités –, cela ne l'empêchait absolument pas de s'installer contre un arbre et de garder ses yeux rivés sur son ennemi pour le surveiller.

Izuna était tenté de penser qu'il s'exerçait à une sorte de danse, mais les gestes exécutés par Tobirama ne lui étaient en rien familiers. Quand il vit l'eau répondre aux katas de Tobirama, il en conclut qu'il s'agissait d'un entraînement pour les utilisateurs de suiton, même si ce serait particulièrement risqué de présenter telle chose à Izuna.

L'agilité avec laquelle Tobirama manipulait le liquide translucide était sans nul doute inégalée. Même Izuna, avec toute la mauvaise foi dont il pouvait faire preuve quand il s'agissait de son adversaire, ne pouvait pas le nier.

Il croisa les bras, s'appuya plus confortablement contre l'arbre à l'ombre duquel il se dissimulait si mal. Il activa son sharingan pour capter et enregistrer chacun des mouvements et il resta là jusqu'à la nuit tombée.

Leurs yeux ne se croisèrent jamais, pas même quand les katas de Tobirama le conduisirent à faire face à Izuna qui ne prenait pas vraiment la peine de se cacher vraiment.

Si Tobirama restait ancré dans sa concentration visiblement à toute épreuve, Izuna se focalisait sur ses pieds, la façon dont il bougeait, le mouvement léger et précis et les ondes qui se répandaient sur l'eau au fil de la chorégraphie.

Finalement, quand seul son sharingan lui permettait encore de voir quelque chose, il choisit de tourner les talons pour rentrer chez lui.

Quand il arriva dans l'enceinte, ce fut pour tomber sur Momo qui le cherchait, un doux sourire sur les lèvres, Kagami dans les bras. Lorsque l'enfant remarqua Izuna, il tendit les mains pour changer de porteur et Izuna reçut la charge avec un plaisir non dissimulé, parlant à voix basse à Kagami jusqu'à lui tirer des éclats de rire.

— Je ne comprendrai jamais quel est le secret, s'étonna Momo, ses yeux écarquillés. Il n'avait jamais été aussi ouvert que lorsqu'il est avec toi.

Izuna haussa les épaules, replaçant Kagami correctement sur ses hanches, le laissant jouer avec ses longs cheveux tant qu'il le voulait – de toute façon, il pouvait même tirer, Izuna ne le sentirait pas vraiment.

— Je ne sais pas, dit-il en faisant pétiller des étincelles devant Kagami pour qu'il tente de les attraper. Le courant passe bien entre lui et moi.

Elle sourit avec amusement puis redevint sérieuse immédiatement alors qu'elle lui présentait un air concentré.

— Je te suivrai au bout du monde, Izuna, lança-t-elle d'une voix basse. Je voulais seulement que tu le saches. Je me fiche que les anciens pensent que tu n'as pas d'âme sœur et que tu n'es pas digne de ta place. Depuis que Madara et toi nous dirigez, je commence à croire à la possibilité d'une paix dans laquelle Kagami pourrait grandir.

L'aveu était inattendu, mais tout de même touchant. Une chaleur douce réchauffa les joues du cadet de Madara alors qu'il remerciait Momo d'un regard.

Elle récupéra son fils quand elle s'aperçut que Madara fonçait sur eux avec un large sourire sur les lèvres, bien déterminé à profiter de la trêve pour entraîner son frère avec lui dans une nuit de festivités bien méritée.

Clairement, si Izuna ne faisait pas la fierté des anciens, il pouvait annoncer sans trembler qu'au moins, il faisait celle de son aîné. Il suffisait de voir comment, même sans être ivre, il répétait à qui voulait entendre tout ce qu'il savait de son précieux petit frère, ne pouvant pas s'empêcher d'être en contact physique avec lui, le touchant l'air de rien, s'assurant qu'il était bel et bien là.

Alors Izuna abandonna le temps d'une nuit toute pensée sur la guerre, les âmes sœurs et l'épée de foudre pour profiter de l'affection sans borne que lui offrait son aîné et qu'il rendait au dixième près.


Ses rêves à propos de l'épée de foudre se teintèrent d'une pointe de vert d'eau étonnante.

Il se demanda vaguement pourquoi l'air serein qu'avait arboré Tobirama revenait le frapper parfois, comme dévoilant un aspect de ce monstre qu'Izuna avait toujours cherché à ignorer : cette idée même que le camp d'en face était également constitué d'êtres humains et que celui qui lui donnait tant de fil à retordre était lui aussi doté d'un cœur fait pour aimer.

Une nuit, les rêves se changèrent en cauchemar.

Le vert d'eau se colora en rouge et soudain, il n'y avait plus de sérénité sur le visage de Tobirama, plus que de la glace, plus que du sang, tandis qu'il tranchait la gorge de Madara avec un kunai de métal mat, la Sorcière Écarlate riant et criant alors qu'elle dansait autour d'Izuna en lui répétant que plus personne ne l'aimerait jamais, à présent que Madara était mort.

Quand il se réveilla, en nage, tremblant encore un peu, il mit du temps à se réinstaller dans son lit, gêné par l'humidité de ses draps et de son oreiller. Le froid s'insinuait partout en lui. Il roula sur le côté, emportant avec lui sa couverture et il se pelotonna tout autour de la boussole qui était posée à sa droite, se forçant à se calmer et à ignorer le rêve.


Indirectement, ce fut ce cauchemar qui lui donna la clé permettant de percer le code des Senju.

Après ce mauvais rêve qui l'avait arraché à son lit et forcé à se relever, incapable de se rendormir, il était tombé sur Madara qui lui avait strictement interdit de retourner à ses devoirs pour au moins trois jours, pour qu'il puisse se reposer.

L'inquiétude flagrante sur le visage de son frère aîné le poussa à accepter et, au lieu de se concentrer sur la guerre, sur l'approvisionnement, sur les missions à distribuer, il ressortit la lame que Setsuna lui avait donnée pour commencer à réfléchir.

Installé à son bureau, il fit tourner l'arme entre ses mains, les yeux fixés sur le plafond. La bibliothèque des Uchiha ne possédait aucun document mentionnant l'existence d'une telle possibilité et c'était absolument fascinant, en y regardant à deux fois.

Les techniques de forge du Pays du Vent étaient uniques, faisant d'eux les meilleurs producteurs d'armes au monde, suivi de près par le Pays de la Terre. Les Uchiha avaient quelques accords commerciaux avec certains clans du Pays du Vent qui leur permettaient de jouir d'une qualité supérieure de leur armement que les autres, toutefois, ce n'était certainement pas à la hauteur du bijou qu'il tenait entre ses mains.

L'aspect patiné du métal sombre réfléchissait la lumière d'une étrange façon, n'ayant pas l'éclat d'une arme traditionnelle. Pour faire une comparaison, Izuna se leva pour ouvrir un placard dans lequel il laissa le tanto qu'il avait utilisé dans son enfance, le dégainant doucement pour l'examiner au regard de la lame qu'il tenait.

Elles avaient des aspects réellement différents. Revenant vers sa chaise, Izuna s'y rassit, rengainant l'arme de son enfance pour concentrer son attention sur celle qu'il avait reçue. Il souffla et appela son chakra élémentaire pour l'infuser dans la lame.

Comme la première fois qu'il avait essayé, les éclairs parcoururent quelques centimètres avant de se dissiper et il fronça de nouveau les sourcils. La sensation différait de ce qu'il aurait éprouvé s'il avait tenté la même opération sur une lame normale. Il avait nettement ressenti le chakra être aspiré dans le métal, le parcourir de l'intérieur, quand il n'aurait fait que le traverser ou le frôler s'il s'était agi d'un alliage ordinaire.

Écartant les mèches trop longues qui tombaient devant son visage et ses yeux, il pensa qu'il avait peut-être été trop timoré dans sa tentative. Ses doigts bougèrent pour épouser au mieux la prise sur la lame, puis il força un peu plus, infusant une plus grande quantité de chakra dans le métal qui s'illumina sur toute sa longueur, brièvement, avec un léger décalage.

C'était donc ça. La lame absorbait le chakra et le restituait. C'était dommage qu'il n'ait aucun talent de percepteur, contrairement à Madara. Il aurait pu essayer de sentir le chakra dans la lame et analyser son parcours.

Comme s'il lisait ses pensées, Madara choisit ce moment pour entrer dans le bureau avec un peu trop de fougue pour simplement passer le saluer. Quand Izuna vit l'air sur le visage de son frère, il posa la lame puis se redressa à moitié, inquiet.

— Que se passe-t-il ?

— « Que se passe-t-il ? », répéta Madara d'un ton bourru. Je rêve ou tu te fiches de moi ?

Il s'avança dans le bureau, les poings résolument ancrés sur ses hanches, ses cheveux s'agitant presque sous l'impulsion de la colère.

— Je t'ai ordonné de te reposer, Izu, et je te retrouve ici en train de travailler. À ton avis, qu'est-ce qu'il se passe ?

— Oh.

Izuna retomba dans son siège, relâchant la tension, il désigna l'arme sur son bureau.

— Je réfléchissais à la lame que Momo a ramenée de mission, offrit-il. Elle absorbe le chakra.

Il ménagea une pause pour réfléchir à sa prochaine phrase, pour la tourner correctement. Madara en profita pour hocher la tête.

— Oui, j'ai entendu dire que tu avais demandé que nos shinobis récupèrent des informations sur une lame faite de foudre ?

— Et il semblerait que ce soit une cause perdue de plus, grommela Izuna dans un soupir.

Ça commençait à être une habitude pour lui, mais ça restait lassant.

Intrigué, son frère lui jeta un regard plein de questions qu'il rejeta d'un mouvement de l'épaule.

—J'aimerais savoir si tu parviens à percevoir un résidu de chakra dans la lame, demanda-t-il. Ça me permettrait de mieux comprendre le fonctionnement.

Madara émit un rire bas en s'approchant, avançant sa main gantée pour attraper l'objet que son frère lui tendait.

— Dire que quand tu étais petit, tu détestais la théorie du chakra, se souvint-il avec beaucoup d'affection.

La moue boudeuse d'Izuna ne fit qu'accentuer le rire de son aîné.

— Quand j'étais jeune, je ne savais pas que ça pouvait m'aider à devenir fort, de comprendre la théorie.

— Pourtant, c'est pas faute d'avoir essayé de te l'expliquer, ricana le plus vieux. Pourquoi n'as-tu pas demandé de l'aide à Oncle Ko ? Ses dons de perception sont autrement plus fins que les miens.

Izuna souffla par le nez alors que les doigts de Madara se refermaient sur la lame. Le cadet s'appuya contre le dossier de sa chaise, croisant les mains sur sa nuque. Le chakra de son frère s'éleva dans la pièce, d'abord puissamment, puis il diminua jusqu'à atteindre un niveau imperceptible pour Izuna et la plupart des shinobis. Le contrôle de Madara était d'une finesse sans égal parmi les Uchiha. C'était en partie dû à ses capacités de perception, mais aussi et surtout du talent à l'état pur.

Madara était un génie, une sorte de demi-dieu et ce n'était pas pour rien qu'il était le seul à pouvoir tenir tête à Hashirama Senju. Personne ne maîtrisait le katon ou le sharingan aussi bien que Madara. Même si Izuna possédait également le mangekyo sharingan – qu'il utilisait rarement, compte tenu des dégâts que cela engendrait sur le nerf optique –, il était indéniable que Madara s'en servait mieux : il parvenait à former un Susanoo complet quand Izuna peinait à dessiner plus que le squelette.

— Je préférerais que ces recherches restent entre nous, expliqua-t-il d'une voix pensive. Je ne voudrais pas donner de faux espoirs, je ne sais même pas ce que j'espère trouver.

Madara hocha la tête puis il retourna à sa concentration. Il se passa une poignée de secondes avant qu'il humecte ses lèvres et oriente ses yeux vers Izuna.

— Oui, je sens quelque chose.

Madara fronça les sourcils.

— Il y a ton chakra sur le dessus, je reconnais le picotement de ta foudre. Mais en dessous, il y a autre chose. C'est assez ancien, j'ai l'impression, et c'est coupant. On dirait un résidu de chakra de vent.

Logique, pensa Izuna. L'arme avait dû appartenir à un shinobi avec un chakra élémentaire de vent avant de se retrouver au fin fond du Pays du Feu. Il allait demander à son frère de se risquer à évaluer l'âge de la trace de vent, mais il n'en eut pas le temps. Madara fit tournoyer l'arme dans ses mains, l'empoigna et l'enflamma temporairement, observant le feu qui lécha l'extrémité de la lame avant de disparaître.

— À vrai dire, j'ai déjà ressenti une telle sensation, affirma Madara. Ce genre de traces de chakra qui reste et s'accroche, j'ai déjà senti ça.

Il secoua la lame pour achever de l'éteindre puis il se dirigea vers une des armoires pour en sortir un panier d'osier tressé dont il retira le couvercle. Intrigué, Izuna s'approcha prudemment, regardant son frère qui vidait le panier en grommelant.

— Shinso a ramené quelque chose, il y a dix mois ? Peut-être un an ?

Jetant une œillade par-dessus son épaule pour observer son frère entre ses mèches brunes, Madara interrompit ses mouvements.

— Il était tombé sur le cadavre d'un officier Senju qui était mort sans blessure apparente et il avait récupéré les messages qu'il transportait. Tu étais parti sur une mission d'escorte et c'était moi qui avais réceptionné les documents.

Il retourna à son panier et poussa un cri triomphant lorsqu'il trouva ce qu'il cherchait. Quand il montra à Izuna ce kunai à la lame mate, fier de lui, Izuna sentit ses paupières s'écarquiller. Quelque chose cliqua dans son esprit et il se précipita, tomba à genoux pour arracher l'arme des mains de son frère.

Plus lourd que la moyenne, la poignée enroulée dans un sceau, Izuna sentit ses pulsations cardiaques augmenter avant même que Madara ne continue :

— Il y a une trace résiduelle de chakra d'eau. Le sceau paraît en dormance, cependant, le chakra n'est contenu que dans la lame et ne circule pas pour activer le sceau.

— À quoi sert-il ?

— Aucune idée, personne n'a su comment le faire fonctionner, se lamenta Madara.

Izuna hocha la tête, cherchant dans sa mémoire où il avait vu une arme similaire. Dans la main de Tobirama Senju, sur un champ de bataille, le jour où il avait pour la première fois posé ses yeux sur l'épée de foudre.

Et puis… Quelques années auparavant, en fouillant les poches d'un cadavre. Il avait abandonné l'arme en jugeant qu'elle n'avait aucun intérêt et qu'un tel sceau pouvait être dangereux. C'était peu de temps après que l'aiguille de sa boussole eut bougé pour la première fois.

Il ferma les paupières, tremblant presque d'excitation.

— Quels étaient ces documents ? Est-ce que tu te souviens ?

— Pas vraiment, les trucs habituels… Le livre de prières Senju, quelques messages urgents, des instructions signées de la main d'un officier supérieur…

Le livre de prières Senju.

Je te tiens, exulta silencieusement Izuna. Je te tiens enfin, espèce de salopard.

Il se força à rester le plus calme possible, hochant doucement la tête, puis il laissa Madara l'entraîner loin du bureau pour une séance de taijutsu qui leur permit à tous deux de se vider l'esprit.

Quand ils se retrouvèrent à bout de force, haletants tous les deux depuis le sol où ils s'étaient laissé tomber, Madara tourna la tête vers son petit frère, les mains occupées à faire rouler son Artefact d'Âme sur son ventre. De ce qu'Izuna en savait, la pierre était toujours tiède. Parfois, il se demandait si Madara l'avait déjà senti brûler, si son frère avait trouvé son autre moitié. Il imaginait qu'il serait la première personne à le savoir si c'était le cas.

— J'aurais voulu que ce soit toi, mon âme sœur, avoua Madara d'un ton gêné.

— C'est un peu dégueulasse, non ? répondit Izuna avec une moue taquine.

Il avait très bien compris ce que Madara essayait d'exprimer. « Je ne vois pas comment je pourrais aimer quelqu'un plus que je t'aime ». C'était une chose de le deviner dans les gestes et dans les yeux de son grand frère, mais c'était autre chose de l'entendre le lui dire en ces termes. Tout l'amour et l'admiration qu'il éprouvait pour son aîné remontèrent dans sa gorge pour la serrer un peu.

Madara lui envoya sa main dans l'estomac, se vengeant du sous-entendu. Et Izuna évacua l'émotion dans un rire qui résonna dans la clairière qui leur servait de terrain d'entraînement.

— Mais sérieusement, tu penses qu'on est obligé de tomber amoureux de son âme sœur ? insista Madara d'une voix légèrement inquiète.

Izuna roula sur le ventre, s'appuyant sur ses coudes pour faire face à son frère. Dans la lumière décroissante, il était difficile de savoir si Madara rosissait de gêne ou si c'était seulement un reste des rougeurs dues à l'entraînement.

— Tu es inquiet à l'idée de ne pas aimer ton âme sœur quand tu la rencontreras, c'est ça ?

— Ouais, marmonna Madara à retardement. En quelque sorte.

Posant le menton sur ses paumes, Izuna réfléchit un peu. Tous les Uchiha étaient amoureux de l'idée même d'avoir une âme sœur. Peu importe la direction indiquée, la personne qui était choisie par la Destinée pour être la partenaire d'un Uchiha pouvait être certaine qu'elle avait été désirée et attendue, parfois pendant toute une vie.

Jamais Izuna n'aurait pu considérer l'idée de ne pas aimer son âme sœur. C'était un impensable de leurs coutumes : la personne désignée par l'Artefact d'Âme était parfaite en tout point, il n'y avait aucune raison de croire que les sentiments ne viendraient pas.

Il n'avait pas vraiment expliqué à son frère que la boussole ne fonctionnait toujours pas. Izuna n'avait pas voulu encombrer l'esprit de Madara avec ça, pas alors qu'il avait déjà tant à porter sur ses épaules. Il supposait que Madara avait considéré que l'Artefact s'était mis correctement en mouvement à un moment donné.

Et Izuna n'était pas très différent des autres Uchiha : il avait été un peu amoureux de son âme sœur avant de la rencontrer et il avait eu le coeur brisé quand il avait compris qu'elle n'existait pas.

— Il n'y a pas de raison que tu ne tombes pas amoureux de ton âme sœur, Mads. Elle est supposée être parfaite pour toi et te compléter au mieux.

Un silence tendu s'installa entre eux, puis finalement, Madara étendit sa main pour saisir l'avant-bras de son frère, l'incitant à s'allonger contre lui dans une étreinte.

— J'imagine que tu dois avoir raison, marmonna Madara en serrant son bras autour du corps d'Izuna.


Hébété, Madara s'affaissa dans son trône et cligna plusieurs fois des paupières avant qu'un sourire frémisse au bord de ses lèvres, un soulagement et une fierté immenses fleurissant dans ses rétines quand il comprit finalement ce qu'Izuna venait de prononcer.

— Tu as craqué le code des Senju, répéta-t-il pour demander confirmation.

Izuna hocha la tête, le sourire qu'il retenait difficilement s'épanouissant enfin sur son visage. Il y avait passé tant de temps qu'il parvenait à peine à y croire et entendre la voix de son frère énoncer les mots les rendait plus vrais, d'une certaine façon.

— J'ai craqué le code des Senju.

La joie de Madara s'entendit dans toute la salle du trône, quand il se fendit d'un rire repu, couvrant Izuna de compliments sur son intelligence, sur son acharnement et sur la façon dont il allait tous les sauver grâce à ça.

— On va pouvoir éviter aux nôtres de mourir ! s'exclama Madara. On va pouvoir tous les sauver.

Izuna mordit sa lèvre inférieure et se tortilla.

— Non, finit-il par prononcer. Il faudra que certaines personnes meurent quand même.

Il déglutit quand son frère arrêta de rire en lui lançant un regard plein d'incompréhension. Les yeux d'Izuna restèrent désespérément braqués sur ses pieds.

— Si on n'empêche tout, alors il comprendra que j'ai craqué son code et il en changera, il en prendra un encore plus complexe et on ne pourra plus rien faire.

Il s'attendait à devoir argumenter, mais Madara hocha durement la tête.

— Très bien. Je te fais confiance, mon frère.

La chaleur que ces mots réveillèrent dans l'estomac d'Izuna le suivit pendant les heures à venir.


Ils gardèrent cet arrangement secret, tout comme la bataille qu'ils avaient remportée en craquant le code.

Izuna et Madara étaient les seuls à savoir comment lire les missives que s'envoyaient les Senju, mais ce fut bel et bien Izuna qui se retrouva investi d'un pouvoir de vie ou de mort, équilibrant les défaites et leurs victoires, anticipant les mouvements des troupes ennemies.

Quand il comprit, quelques semaines plus tard, le pouvoir que cela lui donnait sur les Senju, sur le démon qu'ils comptaient dans leurs rangs, la tête lui avait tourné, sensation délicieuse qui l'avait fait sourire. Parce que c'était lui qui décidait si les Senju vivaient ou mouraient. C'était honteusement grisant.

Le sentiment de puissance qui se tapissait au creux de l'estomac du cadet était réprimé, contrebalancé par les opérations où il devait laisser mourir les siens.

Les nuits passées avant des missions de telle envergure le renvoyaient souvent dans sa chambre sans qu'il ne puisse parvenir à trouver le sommeil, le gardant recroquevillé en chien de fusil dans son lit, recourbé autour de son Artefact, feignant de ne pas sentir les larmes qui brûlaient au coin de ses yeux, dévalant sa tempe pour s'écraser sur ses draps.

La culpabilité qui l'avait saisi la première fois qu'il avait salué une escouade en sachant qu'elle allait tomber dans une embuscade et ne jamais rentrer enserrait toujours ses entrailles, malgré toute la rationalité dont il entourait ses actes. Il faisait ça pour le plus grand bien, pour gagner la guerre. Parce que c'était la seule solution pour parvenir à la paix que voulait Madara.

Et Madara encaissait bien plus mal que lui les décisions qui étaient prises. Izuna était certain que son frère comprenait, mais que sa bonté naturelle l'empêchait de penser plus loin, de voir sur le long terme. Il n'était donc pas rare que ce soit Izuna qui affecte les shinobis aux missions à la place de son aîné.

Heureusement, Madara avait suffisamment de devoirs en tant que chef de clan pour pouvoir déléguer cet aspect sans que ça paraisse suspect aux yeux de quiconque.


Puis, de longs mois plus tard, Momo mourut durant une de ces opérations fructueuses pour le camp adverse.

Dévasté, Setsuna pleura désespérément, serrant son neveu contre lui, suppliant Izuna de se dépêcher de résoudre l'énigme et de trouver un moyen de contrer les Senju.

Il dut y avoir quelque chose sur son visage qu'il ne parvint pas à dissimuler à cause de la culpabilité qui lui tordait les entrailles et qui s'additionnait au chagrin de la perte de Momo, parce que Setsuna fronça les sourcils, presque en même temps qu'Hikaku qui le soutenait comme il le pouvait.

— Tu l'as craqué, n'est-ce pas ?

Izuna aspira une goulée d'air, bégaya un peu avant de hocher la tête.

— Depuis combien de temps ?

— Dix mois, répondit finalement Izuna en déviant le regard partout ailleurs que sur ses deux amis qui l'observaient avec tant de déception et de colère qu'il n'était pas sûr de pouvoir le supporter.

— Tu aurais pu empêcher sa mort et tu n'as rien fait !

La révélation les heurta tous de plein fouet.

La voix de Setsuna était incontrôlable, elle partait dans les aigus alors que ses yeux se brouillaient de larmes et que le sharingan tournoyait, menaçant. Izuna fit un pas en arrière et détourna le regard, ravalant la tirade sur le mal nécessaire qui lui venait quand il vit la bouille brisée de Kagami qui se tenait près du corps de sa mère.

— Tu n'as absolument pas le droit de la pleurer, sanglota Setsuna en repoussant Izuna qui s'approchait pour tenter de l'enlacer, de lui apporter un maigre réconfort.

Il encaissa les mots durs sans un bruit et s'éloigna, laissant son meilleur ami aux soins d'Hikaku qui lança une œillade désapprobatrice à Izuna avant qu'il quitte la pièce.

Plus tard, quand les deux frères se retrouvèrent seuls dans le bureau de Madara, Izuna éructa auprès de Madara, la colère dominant totalement son chagrin. Izuna criait rarement. Il n'en avait pas besoin. L'aigreur qui corrompait sa voix quand il était en colère était plus efficace qu'un son fort. Aussi, lorsqu'il poussait sur ses cordes vocales, quand vraiment, il criait, Madara était obligé de lui prêter attention.

— C'est un mal nécessaire ! Je ne voulais pas qu'elle meure non plus et ça me chagrine, mais c'était– ça suivait un plan ! Heureusement que toi et moi comprenons !

Madara toussota et Izuna s'arrêta, se tournant vers lui, les sourcils froncés. Les yeux baissés vers ses pieds, esquivant la silhouette et le regard de son frère, Madara paraissait mal à l'aise et un doute le saisit à la gorge.

— Tu me comprends, n'est-ce pas ? Madara, tu sais que je cherche uniquement à gagner la guerre, pas vrai ? À obtenir la paix que tu recherches ?

À ces mots, Madara redressa la tête pour enfin affronter les yeux de son cadet.

— Très franchement, Izuna, non, je ne comprends pas. Je m'en remets à toi et je te fais confiance même si certains choix sont… douloureux. Parce que je sais que la guerre est faite de choix douloureux.

Il déglutit et baissa de nouveau les yeux.

— Mais clairement, ce n'est pas la paix que je recherche que tu finiras par obtenir, murmura-t-il en direction de ses pieds.

Suffoqué par ce qu'il comprenait des mots de celui qu'il admirait tant, de celui pour qui il faisait tant d'efforts, Izuna recula d'un pas, lançant un regard blessé à Madara qui releva la tête à ce moment-là. Quelque chose d'horrifié passa sur le visage du plus vieux qui se jeta en avant pour attraper son frère et le serrer contre lui.

— Oh non, non, pardonne-moi, je ne voulais pas– Je ne–, j'ai confiance en toi, Izu, je ne voulais pas dire ça comme ça, je ne voulais pas sous-entendre que tu nous conduisais à notre perte, pardonne-moi, oublie ce que j'ai dit, j'ai parlé sans réfléchir. Je te confierais la vie de mon âme sœur si je le pouvais, parce que je crois en toi.

Dans l'étreinte de Madara, Izuna finit par se détendre, par la rendre avec plaisir – avec désespoir –, appuyant le haut de son crâne contre la joue de son frère. Madara serra plus fort, caressa les cheveux de son cadet.

— Parfois, la seule chose que je vois, chez toi, c'est une volonté d'abattre Tobirama Senju. Et j'ai peur que cette obsession finisse par obscurcir ta raison et ton jugement, c'est tout. C'est presque comme si c'était personnel, entre lui et toi. Est-ce qu'il t'a fait quelque chose que j'ignore ?

Le souvenir de la lame qui tranche la gorge de Butsuma Senju força Izuna à fermer les paupières, puis il secoua la tête, enfouissant ses yeux dans l'épaule de son frère, raffermissant l'étreinte.

— Non, murmura-t-il. J'ai dû me laisser emporter, je suppose. Je ferai plus attention, je te le promets.

Et Izuna n'était pas du genre à prendre ses serments à la légère, si on lui laissait l'occasion de prouver sa valeur.

La boussole dans sa poche paraissait peser des tonnes. Le soir venu, incapable de trouver le sommeil sans se réveiller en sursaut, des images de Momo revenant le hanter, il observa le ballet magnifique et pathétique de l'aiguille qui sautait d'un point cardinal à un autre, associait ces mouvements frénétiques à ce balancement hypnotisant qu'il avait remarqué et il finit par s'endormir, la tenant toujours entre ses doigts.


Izuna attendit quelques semaines avant de coincer Setsuna dans un endroit à l'abri des regards. Il savait que s'il faisait ça en public, son ami n'y accorderait même pas un dixième d'attention. Ils arrivèrent dans le salon de la maison de Momo et, alors que Setsuna braquait une œillade dure sur sa silhouette, Izuna s'agenouilla et courbe l'échine jusqu'à ce que son front touche le sol.

— Je te demande pardon pour la peine que je t'ai causée avec mes agissements.

Sa voix était brisée par l'émotion. Il détestait être brouillé avec son meilleur ami, encore plus quand c'était parce qu'il était en tort.

— Momo était précieuse à mes yeux, elle était la sœur que je n'ai jamais méritée.

Il déglutit.

— Et si je pouvais faire les choses autrement, alors je le ferais. Je n'aurais jamais dû me laisser emporter comme je l'ai fait. J'ai laissé mon obsession pour le démon Senju prendre le pas sur tout le reste et je le regrette.

— Assez, grogna Setsuna.

Izuna leva à peine la tête pour pouvoir contempler la silhouette de son meilleur ami. Il n'avait pas bougé de l'endroit où il se tenait. Toute son attitude était fermée, son visage montrait une tristesse infinie, mais il n'avait pas lancé la moindre boule de feu sur Izuna, c'était déjà un progrès.

— C'est toi qui avais raison. Tu ne pouvais pas mettre en péril tout ce que nous avons accompli pour gagner uniquement pour la sauver, admit Setsuna à contrecœur. Et je suis persuadé que si Momo avait été au courant, elle n'aurait pas hésité une seule seconde, quitte à mourir. Et elle m'aurait probablement fait rôtir si j'avais essayé de l'en empêcher.

Il quitta son attitude fermée puis avança vers Izuna, se laissant tomber près de lui pour le forcer à se redresser et l'enlacer.

— En revanche, tu as intérêt à la gagner, cette guerre, pour Momo et pour que Kagami puisse vivre en paix.

Il hocha la tête avec fermeté, rendant son étreinte à son meilleur ami, soulagé du pardon qui lui était offert.


Les nuages qui s'accumulaient au-dessus du champ de bataille n'étaient pas assez chargés pour qu'Izuna puisse les utiliser pour déverser sur son adversaire une de ses puissantes attaques raiton et il était presque à court de chakra.

Face à lui, acculé contre un rocher, Tobirama Senju haletait, ses yeux rouges flamboyant d'agressivité et de haine. Il avait réussi à esquiver la plupart des attaques d'Izuna, hormis quelques-unes qui avaient pu l'atteindre et le blesser, mais pas assez pour faire pencher la balance du côté d'Izuna.

Ses rétines restaient résolument rivées sur le visage de son ennemi. Le quitter des yeux, même rien qu'une seconde, était une erreur qu'il avait faite par le passé et qui lui avait valu de presque frôler la mort à de nombreuses reprises.

Réactif, il exécuta quelques mudras, concentra le chakra dans sa gorge et le relâcha en l'embrasant, dirigeant sa boule de feu directement sur Tobirama qui contra en invoquant sa désormais célèbre technique du dragon d'eau. Les deux attaques se percutèrent, plongeant le périmètre dans une brume épaisse et imbibée de chakra qui brouillait quelque peu la perception du sharingan.

Devant lui, une salve de kunais surgit et, souriant, il fit un pas sur le côté pour les éviter. L'instant d'après, Tobirama était face à lui.

Rapide !

Il n'eut pas le temps de penser davantage avant que la douleur dans son flanc gauche ne brouille sa vue, le forçant à tomber à genoux alors que la brume se dissipait. Quelque part sur le champ de bataille, Izuna entendit le hurlement déchirant de son frère :

— NON, IZUNA !

Il n'eut que le temps de porter une main à son flanc, de voir le sang qui commençait à détremper ses vêtements, le trou béant dans sa chair et son armure, puis il sombra dans l'inconscience.


Voici pour la partie 3 ! N'oubliez pas de laisser un petit mot si ça vous a plu !