Disclaimer: Ce chapitre, bien qu'il soit entièrement sorti de ma tête, ne me rapporte pas une once d'euro, pour la bonne et simple raison que les personnages et le cadreappartiennent à JKR, excepté ceux que j'ai inventés.

Remerciements: Ma chère Loufoca, mon baromètre des lecteurs, tu es une relectrice très précieuse, ne m'abandonne pas!

Résumé: Julia s'est remis en mémoire sa première rencontre avec Remus, et un détail la chiffonne. Elle a demandé l'aide de Dumbledore pour explorer ce souvenir plus en détail...

Conseil: Pour ce chapitre, la musique "Ruska" d'Apocalyptica est tout indiquée...

RAR:

Harana: Merci beaucoup, ça me fait plaisir que tu aimes! Et je suis contente de parvenir à faire passer les sentiments que je veux depuis les personnages jusqu'aux lecteurs. Et oui, c'est toute la question: comment n'est-elle pas devenue un lycan? Réponse... dans beaucoup de chapitres! Et ne t'inquiète pas, je continue sur ma lancée! D'ailleurs, voici le chapitre suivant, apprécie...

sandawn08: Merci beaucoup, tous ces compliments me font ressembler à une tomate! C'est le principe de ma fic, des réponses qui amènent d'autres questions, tu auras ça jusqu'au bout! Et voici la suite, un chapitre que j'aime beaucoup aussi.

Seconde Chance

Chapitre 9 Hors du Temps

"- Je devrais lui retirer des points pour la désobéissance dont elle a fait preuve !"

"- Mais vous ne le ferez pas car vous mettriez en péril les chances de votre maison de gagner la coupe."

"- Je vous rappelle à tout hasard que c'est vous qui lui avez donné l'accès."

"- Albus semblait l'attendre, donc j'ai bien agi ! Si vous faisiez plus attention à vos élèves…"

"- Taisez-vous tous les deux ! Regardez, elle reprend conscience…"

Julia ouvrit difficilement les yeux. Elle avait mal partout et se sentait terriblement désorientée.

"- Allez, reculez ! Cette enfant a besoin de soins et de calme."

« Je ne suis plus une enfant, » pensa Julia. Elle vit l'infirmière se pencher au-dessus d'elle. Encore l'infirmerie ! Elle regarda autour d'elle. Les quatre directeurs des maisons étaient là, Rogue et McGonagall se lançant des regards assassins. Chourave et Flitwick regardaient dans une autre direction. La jeune femme suivit leur regard et poussa un cri étouffé. Dumbledore était allongé sur le lit d'à côté, inconscient.

"- Miss McGregor, vous allez peut-être pouvoir nous expliquer…," dit Rogue avec une expression indéchiffrable sur le visage.

L'interpellée cligna des yeux, tentant de se rappeler ce qui s'était passé. Elle avait supplié Dumbledore pour une nouvelle tentative d'incursion dans ses souvenirs. Ça avait marché, jusqu'au moment crucial, le moment auquel Julia n'avait pas accès. Et puis c'était le trou noir complet.

"- Je… je ne sais pas," articula-t-elle péniblement. "Je ne me rappelle pas."

"- Comme c'est pratique," fit remarquer Rogue.

"- Vous êtes sûre de n'avoir aucun souvenir de cet accident ?" demanda McGonagall après avoir foudroyé Rogue.

"- Aucun souvenir," confirma Julia. "Pourquoi, vous pensez que c'est moi ?"

"- Nous ne pensons rien, nous nous en tenons aux faits," déclara Flitwick. "Que faisiez-vous à une heure si tardive avec le directeur ?"

"- Ça ne vous regarde en rien !" s'exclama Julia, sur la défensive.

Pourquoi tout le monde la traitait-il comme une gamine ? C'était tellement agaçant !

"- Bon, puisque votre mémoire vous joue des tours," reprit Rogue, "je vais vous aide à vous souvenir…"

Il sortit sa baguette de sa poche. Julia réalisa alors ce qu'il comptait faire.

"- Non !" s'exclama-t-elle. "Vous ne pouvez pas faire ça !"

Le directeur de Serpentard la dévisagea avec un air méfiant.

"- Vous êtes familière de la Légilimencie ?" demanda-t-il, soupçonneux.

"- Oui. Et je vous conseille de ne pas en faire usage sur moi."

"- Vous me conseillez ? En voilà, de l'arrogance…"

"- C'est dangereux, pour vous comme pour moi."

La jeune femme se redressa dans son lit, dissimulant sa fureur derrière un masque d'impassibilité. Que ce gus pouvait être ennuyeux !

"- Mais si vous pensez qu'une enfant telle que moi ne peut rien contre le grand Occlumens que vous êtes, allez-y, je suis curieuse."

Elle se délecta des émotions qui passaient sur le visage de Rogue. Le doute, la rage, la peur. Mais elle apprécia particulièrement la vague de déception qui déferla sur le professeur quand tous entendirent :

"- Ne faites rien, Severus."

Julia n'eut pas besoin de tourner le tête pour savoir qui avait parlé : Dumbledore venait de reprendre conscience. Rogue rangea sa baguette à contrecœur. La jeune femme avait du mal à ne pas éclater de rire. Ce qu'il pouvait être pitoyable…

"- Maintenant," reprit le directeur de Poudlard, "je vais vous demander de sortir, tous sauf Julia."

"- Mais…," commença McGonagall.

"- Ne vous inquiétez pas, Minerva, il n'y aura aucun problème."

La directrice de Gryffondor fronça les sourcils et serra les lèvres, mais ne dit rien. D'un pas digne, elle rejoignit les trois autres directeurs qui étaient déjà près de la porte, et ils sortirent. Julia jeta un coup d'œil à Mme Pomfresh. L'infirmière affichait un air de contentement que la jeune femme trouva exagéré au vu de ce qui allait se passer. Et comme pour confirmer ses prévisions, Dumbledore reprit la parole :

"- Pompom, je vous demanderai de nous laisser seuls."

L'expression sur le visage de l'infirmière passa par l'indignation avant d'atteindre la résignation. Elle rallia son bureau avec les pieds lourds et en claqua la porte. Un silence pesant s'installa dans l'infirmerie, qui eut pour effet d'augmenter la nervosité et l'irritation de Julia. Pourquoi ne disait-il rien ? Il avait demandé à rester seul avec elle, et maintenant il se taisait, où était l'intérêt ? La jeune femme hésita pendant un certain temps : « Je le regarde, ou je l'ignore ? Je lui dis ma façon de penser, ou je la garde pour moi ? Mais quel est le fond de ma pensée, en fait ? » Comme les choses s'embrouillaient dans son esprit, elle se secoua mentalement, et prit alors la décision de regarder le directeur. Elle tourna la tête et ses yeux se retrouvèrent directement dans ceux de Dumbledore. Elle ne cilla pas et garda un air impassible, mais son esprit s'emporta dans de violentes considérations à l'égard du directeur. Pourquoi se permettait-il de l'observer ainsi sans même s'expliquer ? Que cherchait-il ? Julia se sentait comme un volcan qui aurait été en repos depuis trop longtemps et qui à présent menaçait d'exploser à tout moment.

"- Julia, vous êtes une énigme pour moi," déclara soudain Dumbledore.

Leurs regards étaient toujours plongés l'un dans l'autre.

"- Qu'y puis-je ?" demanda la jeune femme d'un ton irrité.

"- Peut-être rien, peut-être tout, je ne peux pas le savoir, et vous non plus."

"- Ça, je m'en étais déjà aperçue !" s'exclama-t-elle avant d'avoir pu ravaler ses paroles.

Elle détourna les yeux, désorientée. D'habitude, la voix qui l'accompagnait lui aurait suggéré ces mots, et Julia les aurait rejetés avant de trouver autre chose à dire. À présent, la voix ne se manifestait plus, c'était elle-même qui pensait ces choses, et les disait. La jeune femme ne se reconnaissait plus. Mais elle n'était pas prête à présenter des excuses pour avoir dit ce qu'elle pensait.

"- Il serait intéressant," reprit Dumbledore comme si de rien n'était, "de demander son avis à Remus."

Sans qu'elle sût pourquoi, une lampe rouge s'alluma dans la tête de Julia.

"- Non !" s'écria-t-elle avec virulence.

Elle bondit de son lit, et se campa au bout de celui du directeur, face à lui.

"- Il a déjà donné sa version des faits ! Si cela m'avait apporté quelque chose, je ne vous aurais pas demandé votre aide !"

"- Quand vous en a-t-il fait part ?"

"- Le lendemain de l'accident…"

"- Vous aviez seulement dix ans, comment pouvez-vous vous rappeler avec exactitude…"

"- Il y a beaucoup de choses que je ne sais pas sur moi, mais ce dont je me souviens est très clair ! Pourquoi toujours mettre ma parole en doute ? J'en ai assez que l'on me traite comme une gamine ! J'ai grandi…"

Oui, elle en avait assez. Elle jeta un regard empreint de mépris au vieux sorcier, puis quitta l'infirmerie à grands pas. Dans les couloirs, elle ralentit quelque peu l'allure, ne cessant de repenser à l'accident. Qu'avait-il bien pu se passer en elle à ce moment-là pour que son corps parvînt à expulser le poison lycan ? Instinctivement, ses doigts parcoururent la fine cicatrice sur sa joue droite. Elle grimaça au souvenir de la douleur, pas quand le loup-garou ( elle se refusait à l'assimiler à Remus ) l'avait mordue, mais au moment où tout le sang contaminé avait reflué vers cet unique endroit de son corps, et l'avait brûlée au passage. La cicatrice était parfaite, presque invisible, pourtant Julia avait l'impression que la plaie était encore ouverte, que l'accident venait de se produire. Elle sourit. « Au moins, je comprends mieux Harry Potter. »

"- Sang Noble," dit-elle à l'attention du mur de pierre.

La salle commune se remplissait doucement avec les lève-tôt, mais Julia ne leur prêta aucune attention, et rejoignit sa chambre, avec la ferme intention de ne pas aller aux cours. Elle y trouva ses camarades, à l'exception de Pamela, ce qui ne la dérangea nullement. Alors qu'elle s'apprêtait à s'asseoir sur son lit, les trois autres l'assaillirent de questions.

"- Pourquoi tu n'as pas passé la nuit ici ?" demanda Lucy.

"- C'est parce qu'elle était avec quelqu'un, qu'est-ce que tu crois ? N'est-ce pas, Julia ?" dit Victoria.

"- Avec qui étais-tu ?" s'enquit Kimberley.

"- Tu penses vraiment qu'elle a envie de le dire ?" rétorqua Victoria.

Et ça ne s'arrêtait pas. Julia sentit la rage qu'elle avait cru évacuer revenir en force et commencer à bouillonner à l'intérieur d'elle. Elle n'en supporterait pas davantage. La jeune femme s'éloigna doucement du petit groupe sans qu'aucune des trois autres ne s'en rendît compte, trop occupées qu'elles étaient à se chamailler. Elle fut bien vite de retour dans les couloirs. C'était une froide matinée d'octobre, et Poudlard n'était pas ce qui existait de plus imperméable au vent glacial agrémenté de l'humidité pluvieuse caractéristique de l'automne. Il en résultait que les couloirs de l'école n'étaient pas vraiment hospitaliers pour y passer beaucoup de temps, mais Julia s'en fichait. Pour elle, cela signifiait qu'elle ne risquait pas de rencontrer beaucoup de monde, et c'était bien là tout l'intérêt. La jeune femme se laissa porter au gré des intersections et des artères les moins fréquentées. Elle se délectait du silence qui l'enveloppait, entrecoupé par le bruit de ses pas, quand une voix criarde vint tout gâcher. Julia tendit l'oreille afin de distinguer les paroles prononcées. C'était un caquètement ininterrompu, rien de cohérent. Mais ça se rapprochait très vite, et la jeune femme n'avait aucun moyen d'échapper à la rencontre, se trouvant au beau milieu d'un couloir sans aucune porte. Quand elle vit à qui appartenait la voix, elle se dit que se réfugier dans une classe n'aurait servi à rien. Peeves était en train de déblatérer des insanités quand il l'aperçut.

"- Tiens, mais c'est la petite McGregor !" s'exclama-t-il. "McGregor, tu ne vaux pas de l'or ! McGregor, tu…"

"- Peeves," dit tranquillement Julia, "je pense que tu cherches les ennuis."

"- Moi je veux savoir ce que tu penses de ma jolie chanson ! McGregor, tu ne vaux pas de l'or !"

La jeune femme sortit sa baguette de sa poche et la brandit lentement en direction de l'esprit frappeur, qui se tut à l'instant.

"- Avant de prévenir le Baron Sanglant du fait que tu insultes des Serpentard," déclara-t-elle, "je vais te faire une petite démonstration de ma capacité de te mettre hors d'état de nuire si tu ne disparais pas tout de suite."

Le petit fantôme lui fit une de ses plus belles grimaces avant de s'enfuir rapidement par le mur le plus proche. Julia ressentit alors une intense satisfaction, et le sentiment de pouvoir qui s'était manifesté dans le bureau de Rogue de façon extrêmement fugace se manifesta à nouveau, emplissant la jeune femme d'une soif qu'elle avait toujours refoulée. Sa respiration s'accéléra et ses yeux s'enflammèrent. Jamais elle ne s'était sentie aussi puissante, en pleine possession de ses moyens grâce à une assurance nouvelle. Elle pouvait tout faire, elle le savait, rien ne lui résisterait à présent. Ce fut une Julia survoltée qui repartit en direction de la Grande Salle, bien décidée à reprendre les choses en mains. Elle marchait d'un pas décidé et rapide dans les interminables couloirs du château, quand, au détour de l'un d'eux, elle renversa quelqu'un qui débouchait en sens inverse. La jeune femme fit mine de tendre la main à l'autre personne mais se ravisa lorsqu'elle la reconnut.

"- Tu ne peux pas faire attention !" s'exclama Pamela en se relevant. "Espèce de…"

Elle s'interrompit quand elle se rendit compte de qui se trouvait en face d'elle. Puis un sourire machiavélique s'afficha sur ses lèvres.

"- Tiens, mais c'est McGregor ! Il parait que tu ne vaux pas de l'or…"

Julia fronça les sourcils. Si ses yeux avaient été des armes, Pamela serait déjà morte. Mais cette réaction l'encouragea seulement à continuer.

"- Et je suis bien d'accord. C'est Peeves qui me l'a apprise. Jolie chanson, tu ne trouves pas ?"

Julia avait déjà dépassé le stade où elle aurait fulminé. À présent, elle était complètement tendue, la main sur sa baguette, prête à rendre muette cette imbécile en face d'elle.

"- Tu n'as pas l'air d'aimer ça ?" reprit Pamela. "C'est bien dommage. Mais, il me semble que tu perds ton calme…"

Cette petite écervelée n'allait pas tarder à comprendre ce que signifiaient les mots « aller trop loin ». Une image floue commença à apparaître dans la tête de Julia.

"- Tu vois, McGregor, quand on veut jouer à la plus maligne et qu'on ne l'est pas, on finit toujours par perdre."

L'image était en train de se préciser. C'était Pamela qui se roulait par terre, grimaçant de douleur. La vision était réjouissante, Julia s'en délectait.

"- Et comme tu n'as plus ton petit professeur Lupin pour te protéger…"

Elle n'aurait pas dû dire ça. Avant d'avoir pu s'en empêcher, Julia avait tendu sa baguette vers Pamela et prononcé le mot qui n'aurait jamais dû franchir ses lèvres. « Endoloris ». Il résonnait encore à ses oreilles. Pamela se tordait de douleur au sol, et Julia en ressentait une immense satisfaction. Cela faisait trop longtemps qu'elle attendait le moment où elle pourrait remettre cette idiote à sa place. Mais bien vite, la réalité reprit ses droits, et la jeune femme baissa sa baguette. Sans pour autant regretter son geste, elle réalisa qu'elle avait tout intérêt à ne pas rester dans les parages. Elle devait même disparaître pour un certain temps, car Pamela ne se priverait pas de raconter comment Julia McGregor avait utilisé un Impardonnable sur elle. La jeune femme laissa son adversaire sur le sol et prit la seule direction qui s'imposait : celle de la sortie du château. Tout en marchant rapidement, elle se repassait le fil des évènements qui l'avaient conduite à faire l'irréparable. Des images confuses défilaient devant ses yeux, sans qu'elle parvînt à en faire le tri. Balayant toutes les idées confuses qui lui venaient en tête, elle se concentra sur son but actuel : disparaître. Et il valait mieux commencer tout de suite. Elle se cacha dans un coin et se Désillusionna. Il était heureux qu'elle n'eût encore rencontré personne. Se hâtant de nouveau, elle atteignit finalement la grande porte et se précipita à l'extérieur. Dans un état proche de la panique, la jeune femme traversa le parc en courant et franchit bientôt la lisière de la forêt. Elle ne prit pas la peine de s'arrêter pour s'orienter, mue par un instinct qui la dominait et la dirigeait. Elle courait à en perdre haleine, entre les arbres de plus en plus serrés de la forêt, trébuchant ça et là sur les grosses racines, le visage fouetté par les branches trop basses, les vêtements déchirés par les buissons épineux. Puis elle déboucha sur la clairière, et s'arrêta net, désorientée. C'était tellement bizarre de s'y rendre de jour. Inondée de clarté, elle semblait moins accueillante, moins chaleureuse. Julia avança lentement vers les troncs d'arbres morts, légèrement tremblante, et s'assit à sa place habituelle, celle de l'élève. Mais cette fois, le maître n'était pas là, il n'y avait aucune leçon à apprendre, juste des évènements à ressasser. Elle était encore étonnée du fait que l'unique séance avec Rogue avait suffi pour lui permettre d'utiliser les Impardonnables à sa guise. Ou alors, peut-être que…

« Ne m'accuse pas, je n'y suis pour rien, tu as fait ça toute seule ! »

« C'est pourtant depuis que tu es là que j'ai des ennuis. »

« J'ai toujours été là… »

« Non, c'est à cause de toi que j'ai failli devenir un loup-garou, et que je suis depuis lors différente des autres. »

« Tu as toujours été différente des autres. Pourquoi t'évertuer à te faire des amis ? Tu es brillante, tu n'as pas besoin d'eux pour réussir. »

« Je ne les ai jamais cherché ! Ils sont venus d'eux-mêmes. »

« Et te voilà sur le point d'être renvoyée. Tu ne sais pas canaliser tes sentiments. Tu les as toujours refoulés au lieu d'apprendre à vivre avec. À présent, ils t'éclatent à la figure. »

« Je… ne comprends pas… »

La colère de Julia s'était tournée vers cette voix qui l'accompagnait depuis la nuit fatidique. La jeune femme avait mille fois souhaité qu'elle n'eût jamais fait partie de sa vie, mais, dans le même temps, cette présence dans sa tête avait été la seule chose qui l'avait aidée à avancer. Julia avait une théorie pour expliquer ce drôle de phénomène. La nuit où la voix c'était manifestée pour la première fois précédait de quelques heures la découverte de sa condition de sorcière. Peut-être était-ce une sorte de conscience bien distincte, propre aux sorciers. Et même si ce n'était pas le cas, il était très pratique de converser avec une part de soi-même qu'on ne contrôlait pas, qui pouvait mettre en évidence des choses auxquelles on n'avait pas pensé. Comme en l'instant présent, où la colère de Julia s'était soudain transformée en incompréhension. La jeune femme secoua la tête comme pour chasser tout ce qui s'y trouvait, mais c'était impossible. L'image de Pamela sous le sortilège Doloris ne la quittait pas, et le sentiment de satisfaction qu'elle avait alors éprouvé se muait lentement en regret. La replongeant brusquement dans la réalité immédiate, le vent froid souffla violemment. Julia se rendit compte qu'elle n'avait que sa robe de sorcière pour la couvrir. Comme pour souligner ce point particulièrement ennuyeux, la pluie se mit à tomber. La Serpentard se leva précipitamment et courut s'abriter sous les arbres. Certes ce n'était pas parfait, mais c'était toujours mieux que de se laisser tremper au milieu de la clairière. Julia y jeta un dernier coup d'œil, quelque peu désemparée, puis se détourna et entreprit une marche au hasard dans la forêt. La densité des arbres augmentait au fur et à mesure qu'elle progressait, ainsi que les embûches devant les pas de la jeune femme. Des minutes, voire des heures s'écoulèrent, mais elle n'aurait su dire depuis combien de temps elle marchait à cause de l'obscurité permanente qu'imposait les arbres. Tout ce qu'elle savait, c'était que la pluie était assez forte pour l'avoir trempée jusqu'à l'os, et que tout son corps protestait contre le douleur due aux égratignures, à la fatigue et à l'engourdissement.

« Dis-toi que ce que tu as n'est rien à côté de ce que Pamela a subi avec le Doloris, » murmura la voix.

« Oh, tais-toi ! »

Bientôt, Julia dut s'asseoir, grelottante de froid, son estomac réclamant de la nourriture. Elle n'avait rien à manger, mais cela ne l'inquiéta pas outre mesure, elle était déjà passée par de longues périodes sans se nourrir, ce n'était qu'une question de discipline personnelle. Installée en tailleur sur le sol, contre le tronc massif d'un arbre, Julia posa ses coudes sur ses cuisses et enfouit son visage dans ses mains. Elle sentait ses longs cheveux ruisseler contre le dos de ses mains froides, et elle assimila cette sensation aux bruits de la pluie dans le feuillage épais et du vent se faufilant dans les étroits passages que lui laissaient les gigantesques troncs. Elle voyait la pluie tomber dans ses cheveux à perte de vue, et le vent les agitait, leur faisant prendre des formes insensées. Puis, les gouttes grossirent pour devenir énormes et curieusement chaudes. Elles noyaient les cheveux, les collant grossièrement. Un crépitement se fit entendre, et une lueur rougeâtre emplit le décor : les cheveux prenaient feu !

"- Non !" s'écria Julia en se redressant, ne sachant trop ce qu'elle redoutait de la sorte.

"- Du calme, jeune humaine !" lui intima une voix profonde.

La jeune femme regarda autour d'elle. Elle se trouvait dans un genre de cabane qui lui sembla primitive. De très hauts murs avec un toit percé au centre pour permettre à la fumée d'un feu de s'échapper. En y regardant de plus près, Julia se dit qu'il devait y avoir de la magie dans cette bâtisse, car la pluie ne passait pas par le trou alors que la jeune femme venait d'apercevoir par l'immense porte qu'il pleuvait encore. La porte qui, d'ailleurs, ne laissait entrer aucun courant d'air. Réalisant qu'elle était encore à moitié redressée sur ses coudes, Julia se laissa retomber sur ce qui lui tenait lieu de couchette. Elle jeta un regard à la ronde et découvrit loin au-dessus d'elle la tête inversée d'un homme penché vers elle. Quand il se déplaça, elle le suivit des yeux et remarqua qu'il n'avait d'homme que le buste. En fait, c'était un centaure.

"- Où suis-je ?" demanda-t-elle.

"- Au cœur de notre habitat," répondit-il, volontairement énigmatique.

"- Comment suis-je arrivée ici ?"

"- Mes compagnons et moi-même t'avons trouvée et amenée."

"- Je croyais que vous n'aimiez pas les humains…"

Au moment où elle prononça cette phrase, Julia le regretta. Il n'était pas judicieux de se mettre à dos ses hôtes.

"- Tu n'es pas comme les autres," déclara le centaure.

C'était la dernière chose à laquelle elle s'attendait. Tandis qu'elle tentait de réfléchir, elle prit conscience de l'état dans lequel elle se trouvait. Elle se sentait fébrile, avait très chaud et très froid dans le même temps, sa tête lui faisait mal, et sa vue se brouillait de temps à autre.

"- Tu dois te reposer, tu es malade," reprit le centaure.

"- Pourquoi vous occupez-vous ainsi de moi ?" se révolta Julia. "Je ne comprends pas…"

"- Tu dois accepter ton destin, et moi le mien. Ainsi vont les choses. Maintenant dors."

Et il sortit de la cabane.

« Tu n'es pas diplomatique, » lui glissa la voix.

« Il n'a pas l'air d'en faire grand cas, » répliqua Julia.

Trop fatiguée pour continuer à penser, elle décida de faire ce qu'on attendait d'elle, et se laissa couler vers un sommeil agité et fiévreux.

Quand elle rouvrit les yeux, elle se sentait aussi épuisée qu'avant d'avoir dormi. Pire, son visage était couvert de sueur et elle tremblait de tout son corps. Le feu dansait toujours sous ses yeux mais il ne l'aidait en rien à se réchauffer. Elle était recroquevillée sur elle-même, allongée sur son côté. Quatre pattes apparurent dans son champ de vision, puis se replièrent. La jeune femme se força à regarder plus haut et vit le centaure à qui elle avait déjà parlé. Il tenait un bol fumant dans ses mains.

"- Il faut que tu boives ceci," lui dit-il. "Tu guériras plus vite."

Julia n'avait la force de manifester son assentiment d'aucune manière. Le centaure plaça une de ses mains sous la nuque de la jeune femme, l'aidant ainsi à se relever, et de l'autre main, il porta le bol à la bouche de Julia qui avala doucement le liquide dont la température était idéale. Quand elle eût fini, il s'éloigna, et elle se rendormit bien vite.

"- Debout, jeune humaine !" entendit-elle au loin.

Elle ouvrit péniblement les yeux, avec l'horrible impression que seulement cinq minutes s'étaient écoulées depuis que le centaure lui avait apporté le breuvage.

"- Je m'appelle Julia !" déclara-t-elle d'un ton dur, avec la voix la plus caverneuse qu'elle eût jamais eue. "Ce n'est pas la peine de me traiter comme un animal domestique…"

« Tu vas le regretter…, » commenta la voix.

« Peu importe ! » répliqua-t-elle.

"- Très bien… Julia," reprit le centaure. "Suis-moi."

La jeune femme s'assit sur la couchette et dévisagea ostensiblement son hôte.

"- Et vous, quel est votre nom… si ce n'est pas indiscret ?" demanda-t-elle.

Il la dévisagea à son tour, mais elle ne cilla pas sous son regard dur. Elle savait qu'il avait eu tout le loisir de la détailler pendant qu'elle dormait.

"- Je me nomme Benaja. Maintenant suis-moi."

Julia se leva, non sans difficultés.

"- Très bien," dit-elle, "allons-y."

Benaja sortit et elle lui emboîta le pas. À l'extérieur, elle put constater qu'il ne pleuvait plus, et que la nuit était tombée. Curieusement, le ciel était complètement dégagé et l'on y voyait scintiller des millions d'étoiles. Julia eut l'impression que certaines d'entre elles tentaient de lui faire signe, mais elle mit ces manifestations bizarres sur le compte de la fièvre qu'elle sentait encore bien présente. La jeune femme nota qu'elle se trouvait dans une vaste clairière, mais celle-ci était dissimulée car ça et là, un arbre énorme coupait l'espace vide. Il y avait également beaucoup de cabanes semblables à celle qu'elle venait de quitter. Benaja la conduisit vers ce qui lui sembla être la plus grande bâtisse. À l'intérieur, il rejoignit le cercle formé par une quinzaine de centaures tous plus impressionnants les uns que les autres. Julia s'immobilisa à l'entrée, sa petite taille lui rappelant qu'elle avait tout intérêt à se tenir tranquille.

"- Approche, jeune humaine !" lui intima un centaure au pelage brun.

"- Julia !" s'exclama-t-elle en s'avançant au milieu du cercle pour lui faire face. "Je m'appelle Julia !"

Il fronça les sourcils.

"- L'appellation que j'ai utilisée est correcte," dit-il, hautain.

"- Je ne suis pas d'accord !" répliqua-t-elle.

Mais elle n'osa pas continuer, se souvenant qu'elle aurait dû rester à sa place.

"- Exprime ton avis," lui dit le centaure d'un ton autoritaire, le regard méfiant.

"- Et bien," reprit Julia, à moitié sûre d'elle, "vous pouvez appeler n'importe quelle chaise, « une chaise », pace qu'il y en a des milliers d'autres comme elle et que c'est un objet inanimé. Mais les humains, les centaures, tous les êtres doués de conscience sont différents les uns les autres au sein de leur espèce. Je suis l'unique Julia McGregor de mon espèce, même si j'ai des caractéristiques semblables à des milliers de « jeunes humaines ». voilà pourquoi je tiens à mon nom."

Le centaure la toisa pendant un instant, puis il reprit la parole.

"- Bien, Julia. Mon nom est Magorian. Assieds-toi entre Benaja et Ronan. Nous allons commencer."

Sans demander son reste, la jeune femme se plaça dans le seul espace libre que lui faisaient les centaures. À sa gauche se trouvait Benaja, ce devait donc être Ronan à sa droite. Julia lui jeta un bref coup d'œil avant de reporter son attention sur Magorian, ayant réalisé que sa curiosité était réciproquée. Tous les centaures s'assirent, ou du moins, ils replièrent leurs pattes sous leur corps. Même lorsqu'ils étaient dans cette position, Julia était encore plus petite que certains d'entre eux. Néanmoins, par respect, elle s'assit en tailleur. Magorian fit quelques gestes, et soudain, toute la voûte étoilée fut à leur portée. Peu importait que le toit fût devenu transparent ou eût tout simplement disparu, le spectacle était magnifique, selon Julia.

"- Pose ta question, Julia McGregor," dit Magorian.

La jeune femme se figea.

"- Ma question ? Quelle question ?"

"- Il y a dans ton cœur une question qui n'a pas son pareil dans ce monde," reprit le centaure. "Mais comme bien des questions, sa réponse ne sera pas univoque. Pose ta question."

Julia s'apprêtait à demander de plus amples explications, quand Benaja prit la parole.

"- Elle la connaît, mais elle l'ignore, car c'est ainsi qu'elle l'a voulu. Elle ne peut poser la question, mais elle peut en recevoir la réponse."

Ça ou du chinois, c'était la même chose, Julia n'avait rien compris.

"- En es-tu sûr, Benaja ?" demanda Magorian.

"- Je l'ai lu dans ses yeux."

"- Bon, ce sera plus compliqué, mais cela nous…"

"- C'est une perte de temps pour une humaine !" s'emporta un centaure au pelage noir.

"- Nous avons déjà pris la décision, Bane," répondit Ronan, "et tu le sais. La discussion sur ce point est close."

Le dénommé Bane afficha un air révolté mais n'ajouta rien.

"- Ainsi que je le disais," reprit Magorian, "cela nous permettra de renouer avec les niveaux fondamentaux."

Julia sentait qu'ils étaient presque tous de son côté, se préparant à accomplir quelque chose de difficile pour elle. Mais elle ne comprenait pas l'origine de ce dévouement. Au risque de donner du crédit à Bane, elle décida de leur demander ce qu'ils comptaient faire. Pourtant, elle n'eut pas l'occasion de formuler sa requête. Magorian se mit à parler, mais Julia ne comprit aucun mot de ce qu'il dit. Les autres centaures l'accompagnèrent dans cette suite incohérente de syllabes aux oreilles de la jeune femme, mais bientôt, cela n'eut plus la moindre importance. Julia fixait le ciel rempli d'étoiles, bercée par le murmure des voix. Les étoiles commencèrent à se rapprocher, de plus en plus, jusqu'à finalement former une sphère. La jeune femme flottait dans cette sphère, s'y déplaçait, consultait les points lumineux dans un ordre précis, se laissant guider par un instinct inconnu, notant mentalement tout ce qu'elle voyait. C'était si simple, comment n'y avait-elle pas songé plus tôt ! Mais là… il y avait un autre élément dont elle n'avait pas tenu compte. Tout devint confus, sa tête commençait à bourdonner, elle ne comprenait plus, que pouvait signifier cet élément, quel impact… ? Julia ferma les yeux et plongea dans l'abîme de ténèbres.

§X§

"- Julia McGregor, lève-toi, tu dois manger," dit une voix profonde.

La jeune femme ouvrit les yeux. Lorsque le flou habituel se fut dissipé, elle distingua Benaja qui avait de nouveau un bol dans les mains. Il avait replié ses pattes sous son corps et fixait Julia d'un air patient. Elle s'assit sur sa couchette et tendit les bras pour prendre le bol. Elle mangea doucement, en silence, tentant de remettre de l'ordre dans les souvenirs de la veille.

"- Benaja, combien de temps suis-je restée dans la sphère des étoiles ?" demanda-t-elle à mi-voix.

"- Presque toute la nuit."

"- Et qu'y ai-je fait pendant tout ce temps ?"

Elle se souvenait d'avoir déchiffré un tas de choses, mais leur signification lui échappait à présent.

"- Posé ta question. Mais la réponse est encore incomplète, c'est pourquoi tu dois y retourner cette nuit."

"- C'est long pour une seule question."

"- Ta question est simple de forme, mais la réponse doit tenir compte de toute la complexité sous-tendue."

"- Je ne comprends toujours pas comment je peux poser une question que j'ignore, et recevoir une réponse dont je n'ai aucun souvenir."

"- En temps utile, tu te souviendras, Julia McGregor."

Le sujet était clos. Julia ne chercha pas à en savoir plus, mais discuta avec Benaja tout l'après-midi car elle avait dormi la matinée entière. Lorsqu'il ne répondait pas tout le temps par énigme, il était assez simple de parler avec Benaja. La jeune femme en apprit ainsi énormément sur l'ancien peuple qu'étaient les centaures. De son côté, Benaja admit qu'il voyait les humains au travers de beaucoup de préjugés que Julia s'empressa de rectifier. La soirée tomba bien vite, les journées d'octobre n'étant pas réputées pour leur longueur. Bientôt, Ronan apparut à l'entrée de la cabane pour les appeler. Ils allèrent tous trois dans la grande bâtisse et reprirent leur place de la veille. Magorian parla.

"- Nous allons terminer ce que nous avons commencé hier. Es-tu prête, Julia ?"

"- Heu… oui," dit-elle sans trop de conviction.

"- Alors ne traîne pas, tes forces s'amenuisent."

Et il enchaîna avec le même langage incompréhensible qu'il avait utilisé la veille. Julia fut emportée plus vite que la première fois et se retrouva à nouveau dans la sphère céleste. Elle se reporta directement à l'élément qui l'avait perturbée et en chercha les raisons. Les étoiles répondirent à toutes ses questions, il suffisait de les poser correctement. Mais c'était compliqué. Les réponses étaient longues et apportaient de nouvelles questions. Julia sentait qu'elle faiblissait, mais elle ne pouvait pas renoncer. Elle était tellement proche de la solution. Et comme de fait, celle-ci apparut. La jeune femme la contempla pendant presque une éternité pour être sûre d'avoir bien compris. Puis elle ferma les yeux et hurla.

"- Noooon !"

Elle aurait voulu s'enfuir à toutes jambes, mais des poignes de fer l'agrippèrent à chacun de ses bras et la maintinrent immobile.

"- Ça ne se peut pas, ça ne se peut pas," ne pouvait-elle s'empêcher de répéter, "ça ne se peut pas…"

Alors elle sentit une main l'empêcher de secouer la tête en signe d'impuissance.

"- Ouvre les yeux," lui ordonna Magorian, ce qu'elle fit. "Qu'est-ce qui ne se peut pas ?"

Elle le fixa, absente, remettant en ordre les mots pour qu'ils eussent un sens. Quand elle comprit la question, elle hésita :

"- Je… je ne sais pas."

"- Très bien. Ton séjour parmi nous est fini. Benaja va te raccompagner jusqu'à la lisière de la forêt. Adieu, Julia."

La jeune femme hocha la tête.

"- Adieu," dit-elle.

Et elle suivit Benaja hors de la grande cabane, hors du village. Ils marchèrent en silence pendant longtemps, facilement quelques heures, mais Julia n'avait aucune envie de parler. Songeuse sans toutefois penser à quoi que ce fût, elle suivait docilement son guide, pas plus loquace qu'elle-même. Quand ils atteignirent la lisière de la forêt, près de la cabane de Hagrid, le jour commençait déjà à se lever. Benaja se tourna vers Julia.

"- J'enseignerai tout ce que tu m'as appris sur les humains à mon peuple," déclara-t-il.

"- Je ne révèlerai aucun des secrets des centaures à mes semblables," répondit-elle.

"- Ça, nous le savions déjà. Adieu, Julia."

"- Adieu, Benaja."

Et le centaure repartit au galop dans la Forêt Interdite. Julia continua son chemin seule vers le château.

Note de l'auteur (je ne peux plus m'en passer!)

A la base, la visite chez les centaures ne devait pas être si détaillée, mais l'inspiration faisant, voilà ce que ça a donné. Du coup, la fameuse question est devenu un point central. Des idées? Je parie ma chemise que personne ne trouve...

Lupin-le-Lycanthrope