Une ombre passe silencieusement dans le cimetière. Elle avait besoin de venir, de faire le point. Venir voir la tombe d'une de ses nombreuses victimes. Faire le point sur sa vie, vide de sens. Il sursaute soudain. Devant la tombe qu'il vient voir, il y a déjà quelqu'un.

Une fine silhouette agenouillée. Une jeune fille, les yeux cachés par des lunettes de soleil, des cheveux châtain lui tombant au milieu du dos, en jean et pull simples. Un chien, couché à ses côtés, la regardait.

L'ombre s'avança lentement, hésitante. La voix de la jeune fille s'éleva, douce et claire.

« - Vous pouvez vous avancer, je ne vous mangerai pas. Et si je vous dérange, dites le moi, je partirai.

- N ... non, vous ... vous ne me dérangez ... pas, bafouilla l'ombre. la jeune fille ne s'était pas retournée.

- Alors venez, n'hésitez pas. »

L'ombre s'agenouilla à côté de la jeune fille. Un silence régnait, mais il n'était pas oppressant, au grand étonnement de l'ombre. La jeune fille reprit la parole.

« - Comment t'appelles-tu ?

- Je ... Heero.

- Heero. C'est un beau nom. Tu es venu sur cette tombe spécialement ?

- Hai.

- Tu connaissais la personne ?

- Iie.

- Alors pourquoi t'es-tu arrêté ici ?

- Je cherche des réponses.

- Dans un cimetière ?

- Hai.

- Quel genre de question ?

- ...

- Tu peux me faire confiance, tu sais. Et puis, ce ne sont pas les morts qui pourront te répondre de vive voix.

- A quoi ... A quoi sert la vie si les hommes font la guerre ? A quoi servent les hommes qui ne connaissent que la guerre ? A quoi bon vivre, si c'est pour mourir un jour ? Pourquoi les hommes ressentent-ils autant ?

- Ce sont des questions que tout le monde se pose un jour. Tu ne connais que la guerre ?

- J'ai été élevé pour la faire. Je ne connais rien d'autre.

- Crois-tu que je puisse te donner une réponse ?

- Je ne sais pas.

- Je ne peux pas. Sais-tu pourquoi ?

- Iie.

- Parce que chacun a en lui ses propres réponses. Les réponses que tu cherches sont en toi.

- Elles ne peuvent pas être en moi.

- Pourquoi ?

- Je le saurais. Je n'aurais pas besoin de me poser toutes ces questions, je saurais les réponses.

- Tu n'en as tout simplement pas conscience. Ce que tu recherches n'est pas affiché, tu vas devoir réfléchir en ton âme, à tes motivations.

- Je ne sais pas faire ça.

- Je ne peux pas te donner les réponses, mais je peux t'aider à les trouver, si tu veux. Acceptes-tu ?

- Hai.

- Alors écoute bien. Une chose est importante : tu ne devras me donner ta réponse que lorsque tu seras sûr que se sera la bonne. Une réponse peut évoluer au fil du temps, elle n'est pas immuable. As-tu compris ?

- Hai.

- Alors prends ton temps pour répondre. Tu as dis que tu ne connaissais que la guerre. Pourquoi te battais-tu ?

- Libérer les colonies du joug de la Terre, répondit automatiquement Heero.

- Est-ce ce que tu penses vraiment ? Ou est-ce ce que l'on t'as appris ?

- On me l'a toujours dit.

- Donc au début, tu te battais parce qu'on te l'avait demandé. Mais après ? Quand tu as vu ce qu'était la guerre, pourquoi as-tu continué à obéir ?

- Je ... c'était les ordres.

- Mais tu pouvais désobéir.

- Non ! pas aux ordres !

- Les approuvais-tu ?

- Je suis un soldat, je devais obéir.

- Même si tu tuais des innocents ?

- Je ... je ne voulais pas.

- Mais tu le faisais. Et tu n'es pas parti.

- Je ne voulais pas.

- Pourquoi ?

- Je ne pouvais pas les laisser.

- Les ?

- Mes compagnons d'arme.

- Tu ne voulais pas les laisser ? Pourquoi ?

- Ils se battaient dans le même camps que moi.

- Les appréciais-tu ?

- Ils ... ce sont de bons soldats.

- Je parlais en tant qu'être humain.

- Je ne sais pas.

- Pourtant, tu devais les connaître, non ? Puisque tu te battais avec.

- Nous avons cohabité quelques temps ensemble.

- Et ?

- Pourquoi parles-tu d'eux ?

- Parce que c'est important. Sais-tu ce qu'est l'amitié ?

- Non.

- C'est quand tu apprécies énormément une personne. Quand tu lui fais confiance et que tu sais que cette personne sera toujours là si tu as besoin d'aide. C'est quelqu'un que tu es toujours content de voir. Connais-tu cette impression ?

- Je ... je ne suis pas sûr.

- Réfléchis. Prends ton temps. »

Un silence s'installa. Heero repensait à toutes les questions et à toutes ses réponses. L'amitié ... connaissait-il ? Des personnes qu'on est toujours content de voir ? Mais qui ?

Le temps passait, la nuit arrivait. La jeune fille se leva.

« - Je dois y aller. As-tu trouvé la réponse ?

- Iie. Pas encore.

- Continue à réfléchir. Et si tu veux de la compagnie, je suis là. Je viens régulièrement ici. C'est pour le moment une des seules choses que je puisse faire. Lazare, on rentre. »

Le chien s'était aussitôt relevé et se frottait aux jambes de la jeune fille. Il y avait quelque chose d'étrange, Heero s'en rendait seulement compte. Le chien n'avait pas qu'une laisse, il y avait aussi une sorte de poignée en harnais sur le dos. La jeune fille s'en saisit et commença à s'éloigner.

« - Attends ! » cria intentionnellement Heero

La jeune fille s'immobilisa.

« - Je ne sais pas ton nom.

- Mon nom ? Je ne te l'ai pas dit ? On m'appelle Li. Au revoir, enfant sauvage.

- Comment m'appelles-tu ? Ce n'est pas mon nom.

- Je sais. Mais tu es méfiant comme un chat sauvage et naïf comme un enfant.

- Que veux-tu dire ?

- Reviendras-tu demain ? Alors nous devrions nous revoir.

- Attends ! »

Mais la jeune fille partait. Heero renonça à la suivre. Après tout, elle pourrait lui expliquer le lendemain.

Le lendemain, quand il arriva, elle était déjà agenouillée, le chien toujours à ses côtés. Elle ne reparla pas de la veille, lui demanda des nouvelles comme à une vieille connaissance.

Les jours suivant se passèrent ainsi. En début d'après midi, quand Heero arrivait près de la tombe, elle était là, aussi immuable qu'une statue. Le silence régnait, calme, reposant. Parfois, il posait une question, mais elle ne répondait pas clairement, lui répétant que les réponses se trouvaient en lui.

L'automne passait. Les jours raccourcissaient, le froid arrivait. Le premier jour de pluie, Heero se demanda si elle serait là.

Elle y était. Mais au lieu d'être agenouillée, elle se tenait debout et l'accosta directement.

« - Ce n'est pas agréable, de réfléchir sous la pluie, viens-tu chez moi ?

- Chez toi ?

- Oui chez moi. Tu viens ? »

Heero se laissa conduire.