« Eh ! La nouvelle ! » m'interpelle la chef de rayon.
Je me retourne.
« Des gens importants vont arriver d'Angleterre. Ils veulent parler aux caissières. Avec ton accent anglais, c'est toi qui va leur parler. Fais attention ! Nous ne supporterons pas l'échec sur cette transaction ! »
Je hoche la tête. Ces américains. Tellement stressés. Je prends ma caisse. Les grands magasins moldus sont très pratiques pour vivre. On se fait engager, hop, on a un travail simple qui nous permet de louer une chambre et de payer la nourriture.
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Je suis maudite. Il n'y a pas d'autre terme possible. Ce client anglais venu négocier n'est autre que le jumeau de l'homme avec qui j'ai vécu. Merlin, fallait-il vraiment que le sort s'acharne sur moi ?
Georges ouvre de grands yeux étonnés, mais son professionnalisme prend le dessus. Il veut connaître les conditions de travail du magasin. Une histoire de respect du personnel. Je réponds honnêtement. Georges finit l'entretien en me demandant mon numéro de téléphone, histoire de rassurer son associé sur la véracité des réponses.
Je me sens obligée de dire que je n'ai pas de téléphone. Il me demande alors mon adresse. « Ce n'est pas du harcèlement, mais il est pointilleux. » En voyant le regard de la chef, je sais que j'ai intérêt à obéir.
« Je vous contacterai pour vous donner notre réponse définitive. »
Georges parle à la chef, mais c'est moi qu'il regarde. Je n'aime pas ce regard. Il dit clairement qu'on ne va pas en rester là. Il serre la main à la ronde et prend congé.
« Tu lui as tapé dans l'œil, petite. Profites-en. » me sourit la chef en ricanant.
Manquait plus que ça.
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Le soir est là. Je rentre du travail. Arrivée à la chambre que je loue, je me précipite sous la douche. En laissant glisser le poids de la journée sur ma peau, je pense à Fred. Je n'ai pas eu de nouvelles de Georges, à mon plus grand étonnement.
Quelqu'un frappe à la porte. Vêtue d'un short et d'un débardeur informes, je vais ouvrir. Georges … Je te déteste. Fred est sur le palier, l'air aussi étonné que moi. Je n'ai le temps de rien faire qu'il m'embrasse passionnément, sous les yeux ébahis de la voisine qui rentre de son travail.
Je réponds à ce baiser comme si ma vie en dépendait. Peut-être est-ce le cas. Je ferme la porte au nez de ma voisine qui reste là, comme un flan. Je serai civilisée plus tard.
Mes vêtements se trouvent vite éparpillés au sol, traçant un chemin jusqu'au lit, rejoints en cela par ceux de celui que j'aime. Le couvre-lit reçoit le même traitement.
Je me retrouve allongée sur mon lit, bloquée par son poids, son odeur, ses lèvres, ses caresses. Je me détends au bout de ses doigts. Je me rassasie de la douceur de sa peau. Je le sens vivre en moi.
J'oublie les interdits. J'oublie la douleur. Je savais déjà n'être qu'à lui.
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Je me réveille contre un corps chaud qui m'enserre. J'ouvre les yeux et vois une tignasse rousse contre ma nuque. Je ne peux pas bouger sans le réveiller. Il l'a sûrement fait exprès. Je ne dois pourtant pas me faire d'illusions. Je ne devrais pas être là. Lui non plus. Je ferme les yeux. Quand il aura bougé, je partirai.
Une odeur de thé me réveille. J'ouvre les yeux et vois un plateau chargé de tout ce que je mange au petit-déjeuner. Le plateau bouge et se pose par terre. Je tends la main pour attraper un toast en grognant quand un rire me retient.
Je m'enfouis sous les couvertures. Fred me rejoint et me serre contre lui.
« Qu'est-ce qui ne va pas, ma belle ? »
Je me recroqueville.
« Ça a un rapport avec la visite que tu as reçu quand je t'ai trouvée mal ne point ? »
Je l'embrasse pour le faire taire. Il rompt le baiser rapidement.
« Ça ne marchera pas. Je veux savoir. Si tu veux, après je pars … »
Il semble sérieux. J'acquiesce.
« Tu dois partir après. Sans poser de questions. Sans vouloir me faire changer d'avis. Sans rien dire. »
Je sais. Ce n'est pas sérieux pour lui. Ca ne peut pas être si grave. Il promet quand même.
« J'ai promis … promis de partir. Je ne voulais pas qu'ils vous fassent du mal. Je partais et vous restiez en bonne santé. J'ai accepté. »
Son regard me fait mal. Trahison, je ne lui ai rien dit. Tristesse, je ne lui ai pas fait confiance. Amour, j'ai cherché à le protéger. Espoir, je ne suis pas partie de moi-même.
« J'ai vu des gens souffrir. Je ne pouvais pas supporter de me dire que tu aurais pu avoir mal par ma faute. Tu dois refaire ta vie. Oublie-moi. Va t'en. Tu as promis. »
Il se lève et se rhabille. Rassemble toutes ses affaires. Ouvre la porte. Se retourne. Me regarde.
Je me suis levée. Habillée. L'ai suivi vers la porte. Je la ferme sur lui avec deux dernières phrases.
« Oublie-moi et refais ta vie. Adieu. »
Je m'appuie contre la porte. Je viens de laisser partir mon amour une deuxième fois.
« Je t'aime. »
Mon murmure n'a aucun témoin. Je suis seule, maintenant. Désespérément seule. J'ai fait ce qu'il fallait.
Quelqu'un frappe à la porte. J'essuie mes larmes et ouvre.
« Luna Patrizia Gaïa Lovegood, déclare Fred un genou à terre, voulez-vous m'épouser ? »
