Bonsoir tout le monde ! Heureusement, nous sommes encore le 1, il est 23h30 donc mon objectif n'est pas brisé, ouf. Je suis actuellement en plein déménagement pour rentrer chez mes parents, d'où ce retard… Et mes partiels s'étant terminés hier, je suis officiellement libre et je vais enfin pouvoir avancer dans cette histoire qui était restée coincée à six chapitres depuis un petit moment ! Enfin ! Vive le temps libre !
Je ne me rappelle plus à quelle époque de l'année j'ai écrit ce chapitre mais une chanson en tout cas l'a marqué et que je vais donc vous conseiller comme musique de fond. C'est un classique que vous devez sûrement déjà connaître : L'été indien par Joe Dassin. Vous trouverez d'ailleurs une petite citation quelque part dans le texte qui ne devrait pas être bien compliquée à trouver. :)
Dans ce chapitre, on avance très peu dans le temps mais un peu plus dans la relation de nos deux compères. J'espère que cela vous plaira et bonne lecture !
Chapitre 3 : Réalité
Lorsque Harry lut la Gazette du Sorcier, ce dimanche matin, il fut étonné de ne pas y voir la photo de ce maudit journaliste. Que pouvait-il bien lui être passé dans la tête à celui-là ? La déduction de Harry fut que l'information allait passer ce lundi matin. Et il comprit alors que c'était à ce moment-là qu'elle aurait évidemment le plus d'impact. Il soupira. Il ne voulait pas avoir affaire à la presse…
Et, comme prévu, l'article parut le lendemain. Harry grommela en le lisant. Un ramassé de mauvaise foi de ce journaliste de pacotille et des suppositions rocambolesques. Ainsi, Harry était soumis à un puissant sortilège de Draco qui en faisait son chien de garde…
Ç'allait être une journée d'enfer, soupira-t-il. Lorsqu'il arriva au ministère pour suivre ses cours de la journée, ce furent les unes de la Gazette qui l'assaillirent de partout. Le journal allait encore faire des ravages. Immanquablement, on lui posa de nombreuses questions indiscrètes auxquelles il décida de ne pas répondre et il se fit poursuivre par quelques plumes à papote. À un moment, Neville vint le sauver d'une de ces situations où étaient présents nombre de ses camarades. En s'éloignant du groupe de personnes qui s'était agglutiné autour de lui, son sauveur lui glissa :
« Je comprends pas pourquoi ils t'assaillent de questions alors que ça fait déjà un long moment qu'on te voit souvent traîner avec lui.
- J'imagine que c'est le côté "officiel" qui les fait venir au galop.
- Peut-être bien. »
Il y eut un silence avant que Neville n'avoue enfin ce qu'il pensait depuis un moment :
« C'est étrange de voir que maintenant, tu vas même au musée avec lui.
- J'imagine…
- Tu as vraiment cassé l'appareil photo de ce pauvre journaliste ?
- "Pauvre"… J'étais énervé et je le suis encore. J'aimerais avoir une vraie vie privée. Des fois, j'ai l'impression que les autres en savent plus sur moi que moi. C'est… déroutant.
- Ahah, c'est sûr. Je n'ai pas la même renommée, je ne peux pas vraiment me mettre à ta place, mais je peux sans problème imaginer ce que tu ressens. Si jamais tu veux une oreille à qui parler, sache que je suis toujours là. »
L'émotion prit Harry à la gorge. Neville était toujours si bon avec lui.
« Merci, Neville. T'es un véritable ami. »
Le garçon laissa échapper un rire et posa une main sur l'épaule de son ami.
« Ahah, allez viens, on va manger. »
o0O0o
La journée avait été excessivement longue, comme Harry l'avait craint. Exténué, il se laissa tomber sur son fauteuil en poussant un soupir, désespéré. Après un moment à regarder le plafond, il porta finalement son attention sur les lettres posées sur la table par Kreattur. Il y en avait plus que ce qu'il avait l'habitude de recevoir mais pas un paquet énorme non plus. Quelqu'un avait-il fait le tri ? Qui donc ?
Harry secoua la tête, il dramatisait sûrement. En réalité, peut-être que l'article n'avait pas tant soulevé les foules que ça ? Cette question l'amena à se questionner sur la façon dont il devait y réagir. Devait-il laisser couler ? Devait-il rappeler à la presse qu'il avait demandé qu'on lui laissât son intimité ? Il rit de lui-même. C'était évident que les journalistes n'en avaient rien à faire de ce qu'il réclamait. Si cela ferait vendre, ils continueraient à écrire des coupons de presse sur lui. Comment avait-il pu imaginer un instant échapper aux chroniqueurs ?
Parmi les différentes lettres, aucune ne semblait venir de personnes inconnues. Il en trouva pourtant une sans expéditeur. Comment avait-elle pu arriver jusqu'à lui si quelqu'un avait fait le tri dans son courrier ? Le cachet n'avait pas été décacheté non plus… Mais la magie pouvait-elle remettre une enveloppe dans son état originel ? Une question qu'il ne s'était jamais posé avant. Il devrait demander à Hermione.
Intrigué, il prit le coupe-papier pour lire la lettre. Une délicate odeur de thym s'en échappa. Et pour cause, un brin avait été glissé dans l'enveloppe. Cette élégante attention surprit Harry. Qui pouvait donc bien être cette personne ? Il tira le papier – d'excellente qualité – et se mit à le lire.
Cher Harry,
C'est la première fois que je t'écris et je dois bien t'avouer que j'ai déjà fait des essais sur deux feuilles avant de me décider pour de bon. J'espère que mon écriture ne te déroutera pas et que tu arriveras à me décrypter.
Je ne savais pas trop à quoi m'attendre en réalité avec l'article d'aujourd'hui. Mais le fait est, qu'évidemment, rien ne s'est passé comme on pouvait le prévoir, n'est-ce pas ? Je pense avoir été trop présomptueux (comme toujours tu diras) sur ma capacité à y faire face.
Je comptais en discuter avec toi demain mais je me suis rappelé du jour que ce sera. J'imagine que tu ne viendras pas du tout au Ministère ? Après tout, tout ton emploi du temps doit être bouclé demain, ce n'est peut-être pas forcément le meilleur moment pour discuter avec l'homme qui bouleverse ton image de héros.
Je ne suis pas très à l'aise de parler de cela par écrit, par conséquent, pouvons-nous nous voir mercredi ? Je sais que tu manges avec Granger le midi (ah, mais étant donné que ce mercredi est jour de fête, ce ne sera peut-être pas le cas ?) mais peut-être auras-tu un peu de temps pour moi dans la journée ?
Avec tout mon amour,
Draco Malfoy
À la fin de sa lecture, Harry poussa un juron. Il avait complètement oublié que le lendemain serait le jour de la commémoration. Et qu'il avait donc trois mille choses à faire. Lui qui avait pensé passer du temps avec Draco… Ah, Draco, d'ailleurs ! Qu'est-ce qui lui prenait à ne pas marquer l'expéditeur sur l'enveloppe ? Il avait toute suite deviné que c'était lui en commençant à lire mais c'était une surprise dont il aurait préféré être prévenu ! Pourquoi lui envoyait-il une lettre ? Il aurait dû se présenter chez lui pour en parler directement, c'était plus simple. Habitué à voir Draco comme le garçon qui se moquait de lui, Harry avait oublié que c'était un homme éduqué.
Avec un soupir, il se leva pour rejoindre son bureau où il pourrait écrire sa réponse. Le brun n'aimait pas trop écrire. Il n'avait pas une aussi belle calligraphie que celle de Draco et il avait plus de mal à savoir quoi dire dans une lettre, quoique la lettre de Draco était assez confuse. Mais il ne pouvait pas faire irruption dans le manoir Malfoy sans y être convié, n'est-ce pas ? Il se ferait tuer, c'était sûr. Alors il se concentra plutôt sur ce qu'il allait dire pour pouvoir envoyer sa missive au plus vite.
Une fois terminée, il la confia à son hibou qui se chargerait de l'amener au manoir des Malfoy, dans le Wiltshire. Harry se demanda combien de temps il lui faudrait pour l'acheminer jusque-là. Deux heures ? Peut-être plus ? Il en conclut qu'il avait largement le temps de manger son dîner. Il verrait après si Draco répondrait à son invitation ou ne lui renverrait qu'un hibou.
Après son repas, il regarda les infos moldues et finit par s'endormir devant. Ce fut la sonnette de l'entrée qui le réveilla en sursaut. Le temps d'émerger et d'éteindre la télévision, Kreattur était déjà allé ouvrir. L'elfe fit entrer Draco dans le salon quand Harry se mit debout en bâillant. Voyant cela, le jeune aristocrate s'enhardit soudain :
« Je savais que je n'aurais pas dû venir. Je te prive de tes heures de sommeil.
- C'est comme ça que tu me dis bonjour ?
- Bonsoir tu veux dire.
- Tu m'as compris. »
Harry fit les gros yeux à Draco et se demanda encore les raisons pour lesquelles il avait commencé à sortir avec lui. Mais malgré cela, il se rapprocha du blond et prit sa main pour l'inviter à s'asseoir avec lui sur le canapé.
« Kreattur, tu peux aller te coucher maintenant, je m'occupe de tout, lança-t-il à la petite créature qui était encore dans le chambranle de la porte.
- Le maître en est-il sûr ?
- Certain.
- Dans ce cas, je vous souhaite une bonne nuit.
- Bonne nuit. »
Ceci fait, Harry se tourna vers Draco, dont il n'avait toujours pas lâché la main, qu'il tenait entre les siennes. Celui-ci semblait mal à l'aise.
« Draco, se lança Harry, tu aurais dû venir me voir dès que l'envie t'en a pris.
- Mais cela ne se fait pas, lui répondit-il.
- Cela ne me dérangera jamais que tu arrives sans avoir prévenu ! Il faut bien qu'il y ait des avantages à sortir ensemble, blagua le brun. Mais je suis sérieux, tu peux même débarquer en pleine nuit si tu sens que tu en as besoin.
- Je ne sais pas trop quoi dire…
- Un merci sera parfait. »
Il lui fit un sourire narquois et Draco lui répondit par un sourire blasé. Harry prit une de ses mèches et la replaça derrière son oreille. C'était inhabituel que le jeune homme n'ait pas sa coiffure tirée aux quatre épingles.
« Et si tu me disais ce qui ne va pas ? »
Draco prit une grande inspiration avant de le regarder dans les yeux.
« Je… je voulais te donner l'impression que je gérais et que je n'aurais aucun problème avec tout ce que pourraient dire la presse ou les gens, mais… eh bien, ce n'est pas vraiment le cas. En vérité, je ne suis vraiment pas à l'aise avec tout ça. Et j'ai eu un magnifique aperçu aujourd'hui de tout ce que je ne pouvais pas prendre sur moi. »
Sentant le sérieux dans le ton de Draco, Harry s'abstint de faire des blagues sur la perfection des Malfoy qui étaient capables de tout prendre en main. À la place, il dit plutôt ceci :
« Tu sais… lorsqu'on a recommencé à se parler, tu avais déjà laissé entendre que l'avis qu'ont les autres sur toi était important. C'est cette image de toi que j'ai gardé. Pas celle d'un Draco imperturbable face à tout ce qu'on écrit sur lui dans la Gazette. Je t'avoue que ça m'amuse un peu de voir que tu aies voulu faire le fier face à moi mais tu n'as vraiment pas besoin de l'être. Je comprends que cela soit dur à vivre. »
Son interlocuteur parut perturbé par ce qu'il venait de dire et ne sembla pas savoir quelle tête lui offrir. Pensant le mettre à l'aise, Harry caressa sa joue avec un sourire qui se voulait rassurant.
« Et… qu'est-ce que tu me conseilles de faire ? demanda le blond, gêné par toute la situation.
- Tu vois, tout à l'heure, je me posais exactement la même question ! Alors ce que je te propose, c'est qu'on réfléchisse ensemble à la façon dont on peut y faire face. Ça te va ?
- Oui… j'imagine.
- Ahah. »
Il caressa une nouvelle fois la joue de Draco et celui-ci prit soudain un air rassuré.
« Tu sais, ça me fait plaisir que tu aies décidé de me parler. Ça me donne l'impression de devenir plus proche de toi.
- J'aurais préféré m'en occuper seul… Je me sens risible. »
Draco avait honte de lui-même, il le voyait. C'était écrit dans ses yeux, dans sa posture.
« C'est ça de sortir avec quelqu'un, non ? Compter sur l'autre… Qu'est-ce qu'il s'est passé aujourd'hui ? »
Il réfléchit un moment puis finit par dire :
« Je préfère ne pas t'en parler. Ce n'était pas grand-chose non plus. Juste pas grand-chose en quantité.
- Eh ? Mais je veux savoir… »
Draco lui fit les gros yeux puis détourna le regard. Harry soupira.
« Bon d'accord… mais si jamais tu veux en parler, fais-moi signe ! Je sais ce qu'est la célébrité, je peux t'aider à gérer.
- Merci mais non merci. Je sais aussi ce que c'est, trancha-t-il d'un ton sans appel.
- Bon, si tu veux. Tu as mangé ? changea-t-il de sujet.
- Oui, ne t'inquiète pas. Il est tard d'ailleurs, je ferais mieux de…
- Tu ne veux pas rester dormir ? » proposa soudainement Harry.
Un silence surpris lui répondit. Puis des oreilles vermeilles devinrent le centre de son attention. Se rendant compte de ce qu'il avait demandé, il se mit à rougir à son tour. Il essaya de rattraper le coup en expliquant :
« J'ai… plusieurs chambres de libres, tu peux prendre n'importe laquelle. Et t'en fais pas pour les vêtements, tu peux prendre les miens. Vu… vu qu'on ne se verra pas demain, je me disais que ça serait bien de passer du temps ensemble aujourd'hui, tout ça. »
En face, ça réfléchissait dur. Harry sentait clairement que Draco était gêné et surtout, pas habitué.
« Je… O.K. Laisse-moi juste prévenir ma mère.
- Ta mère a vraiment besoin de savoir que tu passes la nuit ici ?
- Eh bien… elle va se demander où je suis.
- Wouah…
- Ne te moque pas.
- Je ne me moque pas. Je suis impressionné. Qui aurait cru que Draco Malfoy était si attentif envers sa mère et ferait tout pour ne pas l'inquiéter ? Pas moi en tout cas.
- Tu as terminé ?
- Oui bon, d'accord, je me moquais, pardon. Je ne pouvais pas m'empêcher de te comparer à Ron. Jamais il n'aurait prévenu Molly, lui. »
Il rigola en imaginant la situation.
« Encore heureux que je ne ressemble pas à Weasley… C'est quoi cette manie de me comparer à lui ?
- Ah, j'y peux rien ! On a partagé le même dortoir pendant des années. Et puis, niveau famille, je ne peux que me référer à lui.
- Ah…
- Fais pas cette tête voyons ! C'est moi qui ai amené le sujet.
- Je pensais à tout ce que j'ai pu te dire pendant nos années Poudlard. Je regrette un peu.
- Un peu ?
- Rah ! Je regrette tout court, ça te va ?
- Ahah, bien sûr que ça me va. »
Proche comme il était du blondinet, il se colla encore plus à lui et enroula un bras autour de ses épaules. Harry se montrait très câlin avec lui ces derniers temps. Ça lui venait naturellement. Mais Draco semblant mal à l'aise, crispé comme il était, il s'éloigna.
« Désolé, j'aurais pas dû ?
- C'est pas ça, essaya de s'expliquer l'aristocrate. C'est… je sais pas, je ne suis pas très à l'aise aujourd'hui. »
Harry soupira.
« Si tu veux vraiment pas dormir ici, je ne vois aucun problème à ce que tu rentres chez toi. Sincèrement. Je ne me vexerai pas ou quoi que ce soit.
- Non, c'est pas un problème… juste… ah, je ne sais pas comment te le dire.
- Écoute, c'est pas grave. On met ça de côté et toi, tu vas contacter ta mère. »
Draco hocha la tête.
« Les hiboux prennent du temps. Je pense que je vais me rendre sur place et récupérer en même temps des vêtements.
- O.K., ça me va. Mais tu reviens hein. Ne disparais pas en cours de route.
- Ahah, bien sûr que non. »
Sa voix traînante était chaude et Harry en fut tout chamboulé. Aussi, quand la maison redevint silencieuse, un étrange sentiment s'était niché au fond de son ventre, prêt à rugir à n'importe quel moment. Il lui fallut un moment avant de se décider à se mettre debout pour préparer une des chambres. Honnêtement, il aurait voulu que Draco dorme avec lui. Légèrement frustré, il lui donna la chambre la plus proche de la sienne. Ayant installé les draps et s'étant assuré qu'aucune araignée ne traînait dans le coin, il ne lui resta plus qu'à attendre que Draco daigne revenir.
Ce dernier reparut avec un sac à main qui contenait toutes ses affaires. Aux yeux de Harry, de quoi tenir une semaine, mais c'était de Draco dont on parlait. Ce garçon toujours tiré au quatre épingles avec aucun fil réfractaire ne dépassant de ses vêtements. Il était vrai qu'il aimait bien cette vision mais il se demanda alors combien de temps cela lui prenait pour se pomponner ainsi.
Harry montra sa chambre à Draco et l'enjoignit à y déposer ses affaires le temps de lui montrer les commodités. Il l'invita à utiliser la salle de bain autant de temps qu'il le voulait. En revenant là où dormirait Draco, il lui enseigna les dernières instructions.
« Par contre, la nuit, Kreattur est de repos. Donc ne t'avise pas à le réveiller, sinon tu goûteras à ma colère. La nuit, on se débrouille soi-même, compris ? »
Bien qu'étonné, Draco consentit à ses règles. Il était décidément bien élevé. Un bon petit fils de bonne famille.
« Mais si jamais il y a quoi que ce soit, tu peux venir me réveiller moi. Je ne te promets pas d'être frais comme un gardon mais je ferai d'mon mieux pour t'aider. Je suis dans la chambre juste à côté.
- Compris. Merci pour ton hospitalité.
- Assez de bonnes paroles, c'est moi qui ai insisté pour que tu viennes dormir ici. »
D'un geste vif, il l'embrassa sur la joue.
« Sur ce, bonne nuit.
- Bonne nuit. »
Tout en le saluant de la main, Harry referma la porte de la chambre. Seul dans le couloir, il poussa un soupir. Il était plus gêné qu'il ne pensait l'être. Son cœur manqua un battement quand la porte se rouvrit sur le visage de Draco.
« J'ai oublié de te demander à quelle heure tu te levais le matin.
- Ah, euh… vers huit heures généralement, les cours commençant à neuf heures. Je pense me lever à la même heure demain. Mais combien de temps tu mets le matin pour te préparer ?
- Une heure, ça me paraît bien. Je serai plus rapide que d'habitude, pour une fois.
- Ahah, tu mets combien de temps normalement ?
- Une heure et demi ou quelque chose comme ça.
- Oh, moins que je ne pensais.
- Tu me prends pour qui ?
- Quelqu'un qui prend soin de son apparence ?
- Ah… Je ne peux rien y redire. Mais il n'y a pas forcément besoin de beaucoup de temps pour s'occuper de soi, en réalité…
- Hm… tu rediras ça à mon moi matinal. Je mets une demi-heure avant de pouvoir émerger de mon bol de café.
- Ah, effectivement. »
Un petit rire resta collé au coin de ses lèvres. De ses longs doigts, il caressa le bras de Harry, ce qui le fit frissonner.
« Allez, cette fois pour de vrai, bonne nuit.
- Bonne nuit », murmura Harry, gêné.
La porte se referma entre eux deux. Revenant sur terre par la force des choses, le jeune homme se décida enfin à retourner dans sa chambre. Il s'y changea et se glissa sous les couettes après avoir retiré ses lunettes. Le temps commençait à se réchauffer, bientôt il finirait la nuit le ventre à l'air à maudire la chaleur de juin. Il contempla le plafond d'un air songeur. Cela lui faisait des grognements étranges dans le ventre de penser que Draco Malfoy, personne avec qui il sortait, se trouvait sous son toit. Pire, dans la chambre adjacente.
Et étonnamment, il ne fut pas surpris par l'apparition discrète du sujet de ses pensées au seuil de sa porte, l'ayant ouverte silencieusement et timidement. Ce n'est qu'après coup, qu'il osa trois petits coups sur le bois. Harry lui adressa un sourcil relevé.
« Désolé, je peux entrer ? »
Harry ne mit pas longtemps à réfléchir. Il se remit en position assise et invita le jeune homme à le rejoindre. Celui-ci s'installa sur le bord du lit. La main du brun alla se glisser sur celle du blond.
« Que me vaut cette visite ? Je croyais que c'était notre dernier bonne nuit.
- C'est ce que je pensais aussi, mais j'avais envie qu'on parle.
- Ah bon ? De quoi ?
- Je ne sais pas, de tout et n'importe quoi.
- Qu'est-ce que tu veux que je fasse avec ça ? rit Harry. Installe-toi plus près. »
Draco ne se fit pas prier et ramena ses jambes sur le lit tout se collant un peu plus à son petit-ami. D'un geste presque instinctif, Harry se mit à lui dessiner des ronds dans le dos. Leurs épaules se touchaient.
« Alors, de quoi veux-tu qu'on cause ?
- Je ne sais pas, répéta le blond. Est-ce que tu faisais ça avec Weasley aussi ?
- Ginny ? Faire quoi ?
- Les caresses dans le dos.
- Ah ! Eh bien… oui. Tu n'aimes pas ?
- Si, avoua-t-il à contre-cœur. Je me sens un peu jaloux.
- T'es si franc ! s'étonna Harry.
- Je l'ai toujours été que je sache, non ? »
Le brun le regarda avec circonspection, cherchant dans ses souvenirs si c'était bien vrai. Ne se rappelant de rien, il lâcha l'affaire. Un silence commença à étendre son emprise sur le jeune couple, doux et tranquille. Draco semblait commencer à se relâcher contre Harry. Ce dernier sentait la fatigue monter doucettement. D'une voix délicate, Draco murmura :
« Pourquoi n'es-tu plus avec elle ? »
Un air de tristesse s'installa sur le visage du jeune homme aux cheveux ébouriffés et brouilla ses émeraudes. Il prit son temps pour remettre ses idées en ordre avant de lui répondre :
« On s'est rendu compte que notre amour n'était pas si fort que cela.
- C'est-à-dire ?
- Après que tout soit terminé avec Tu-sais-qui, il a fallu reconstruire notre relation tout en pleurant nos morts. Et plus nous restions ensemble, plus nous nous en sentions incapables. Nous nous empoisonnions mutuellement. Cela a été très dur, on s'est mis en colère, on a beaucoup pleuré mais on en est venu à la conclusion qu'il fallait arrêter tout cela si on voulait avoir une chance d'être heureux. »
Draco respecta un moment de silence, alors que les ronds dans son dos avaient cessé. Quand il jugea le moment opportun, il demanda :
« Tu l'aimes encore, non ?
- Non, oui. Différemment. Elle est encore quelque part dans mon cœur, ça c'est sûr. Mine de rien, elle m'a aidé à me remettre sur les rails.
- Moi, je t'aime, tu sais. »
Harry sourit tendrement. Il passa une main dans les cheveux fins et doux du garçon.
« Je sais.
- Je peux t'embrasser ?
- Désolé, pas aujourd'hui. Je ne me sens pas d'humeur.
- Je comprends. Désolé, je t'ai ramené de mauvais souvenirs.
- Non… »
Harry posa sa main droite sur celle de Draco et laissa tomber sa tête sur son épaule. D'abord hésitant, le blond caressa de sa main gauche la joue de son amoureux qui ferma les yeux.
« Je suis assez fier de moi d'avoir pu te dire que je t'aimais ce jour-là.
- Ce jour-là ? Quand tu as débarqué chez moi sans prévenir ?
- Oui.
- Pourquoi ?
- Si je ne l'avais pas fait, je ne serais pas là, dans tes bras. J'ai attendu tellement longtemps, je tremblais tant à l'idée de te le dire en face, toute mon adolescence, je l'ai passée à avoir peur d'une réaction que je ne connaissais pas. Mais je ne pouvais juste pas. Mes sentiments bouillonnaient, se bataillaient et ne me laissaient jamais tranquille. Je voulais tant te les avouer et je craignais tout autant que tu me rejettes. Cela me bouffait de l'intérieur. Et avec ce qu'il se passait à ce moment-là aussi, c'était comme si le monde allait s'effondrer sous moi. Je ne pouvais pas tout contenir et si ce que j'ai fait à cette époque me fait honte aujourd'hui, je ne le regrette pas car ça a été un moyen de garder les pieds stables et de fuir ces sentiments qui me faisaient peur. Ils me font encore un peu peur aujourd'hui aussi. »
Harry accepta la confession en silence. Draco devait en avoir gros sur le cœur pour se décharger comme cela. Il ne savait ce qu'il devait répondre à cela. S'il fallait qu'il réponde. Draco sembla soudain mal à l'aise et gigota comme pour se remettre correctement.
« Je suis désolé, dit-il.
- Non, tu n'as pas à l'être. »
Ne sachant que faire d'autre, Harry caressa sa nuque et se colla encore plus si c'était possible de son petit-ami. Plus concrètement, il le prit dans ses bras, ce qui, étant donné leurs positions, l'amena à poser sa tête sur son épaule. Draco répondit à l'étreinte en passant également ses bras autour du jeune homme et serra. Harry entendit son cœur s'accélérer. Le sien était dans le même état.
Soudain, Harry sut que dire, quelles paroles prononcer.
« La peur est un sentiment terrible. On peut dire qu'elle s'immisce en nous à la manière d'une drogue. Et une fois sous son emprise, on ne peut plus en sortir. J'ai beau l'avoir tué, il est toujours là, à me hanter. À me souffler tout un tas de noires pensées. Je le vois parfois, quand je n'arrive pas à dormir le soir. Et c'est comme s'il me faisait vivre dans une éternelle peur qu'il émerge à nouveau au coin d'une rue. Alors je suis content de t'avoir fait confiance et de t'avoir fait rentrer dans ma vie car depuis que l'on est ensemble, je le sens qui s'éloigne. Merci d'être là. »
Rougissant de ses paroles, Harry était bien content de ne pas avoir regardé Draco tout du long de son discours. Il ne savait s'il n'aurait pas dû se taire plutôt. Le silence étant la meilleure des réponses. Non, se reprit-il. Ce n'était pas une réponse, c'étaient des réponses, interprétables selon chacun. Mouvantes et insaisissables jusqu'à ce que l'une d'entre elles ne soit prononcée.
N'en pouvant plus de la tension qui s'était installée avec cet échange, Harry ne put s'empêcher de sortir une boutade :
« C'était le genre de conversation que tu voulais avoir quand tu es venu me voir ? demanda-t-il avec un sourire qui ressemblait plus à une grimace.
- Je voulais qu'on apprenne à se connaître plus, répondit l'intéressé après un instant de réflexion. Et ce soir, j'en ai appris plus sur toi, tout comme toi sur moi j'imagine.
- Tu parles toujours si bien, soupira Harry.
- J'ai tendance à m'inventer des milliers de scénarios dans la tête et à trouver les paroles justes pour chacun d'entre eux. Je ne parle pas bien, je répète. »
Un léger rire parcourut le corps de Harry qui se releva brusquement pour embrasser le front de Draco.
« Je t'adore, tu sais ?
- N… non, je ne savais pas, bafouilla-t-il, les oreilles cramoisies.
- Eh bien maintenant tu le sais. Reste dormir avec moi, changea-t-il inopinément de sujet.
- … Si tu veux. »
Il avait repris son air suffisant de Malfoy.
« Yes. Alors mets-toi sous la couette avec moi. »
Le garçon hésita un moment, visiblement peu à l'aise avant d'obéir et de se cacher sous la couverture. Harry se colla immédiatement à lui, passant un bras au-dessus de son ventre pour enlacer sa taille.
« Il fait trop chaud, se plaignit Draco.
- Mets tes pieds à l'extérieur, ça ira tout de suite mieux. »
Avec répugnance, il obtempéra.
« Donne-moi ma récompense pour avoir écouté un Harry Potter. »
Celui-ci éclata de rire.
« Qu'est-ce que tu veux ?
- … Un baiser comme tout à l'heure, où tu veux. »
Harry lui sourit et remonta la tête pour s'approcher de sa cible. Elles l'intriguaient depuis un tel bout de temps qu'il embrassa une de ses oreilles. Il sentit Draco frissonner sous lui. Pour s'amuser, il lui mordilla le lobe ce qui fit survenir un bruit de surprise dans la bouche du blond.
« Hé, grommela-t-il.
- Désolé, j'ai pas pu résister », se moqua-t-il.
Pour se venger, Draco attrapa la nuque de l'impudent et lui mordit gentiment la clavicule. Harry rit et lui donna une pichenette au front.
« N'attaque pas mes points faibles.
- Merci pour cette précieuse information, je la garderai dans un coin de ma tête. »
Le blond lui offrit un sourire malicieux. Harry roula des yeux mais se laissa retomber dans le creux du cou du garçon.
« T'es lourd.
- C'est pas gentil. Alors que Kreattur fait tant d'effort pour pallier à mon manque de poids.
- Il n'empêche que tu es lourd. Bouge. »
Harry se releva et lui tira la langue puis alla se cacher à l'autre bout du lit, lui tournant le dos. Il entendit le froissement des draps alors que Draco se rapprochait pour l'enlacer avant de lui plaquer un bisou dans la nuque qui le fit frissonner.
« Je ne t'ai pas demandé de t'enfuir. »
Harry tourna la tête par-dessus son épaule et lui fit sa meilleure tête de celui qui n'en croyait pas un mot. Draco enfouit sa tête dans son cou en guise de réponse.
« Je suis fatigué et j'ai du travail demain.
- Eh bien dors. »
Mais malgré ses paroles, Harry posa sa main sur celle de son petit-ami. Ils discutèrent encore un moment de choses sans importance avant de s'endormir au plus profond de la nuit, bercés par la respiration de l'autre.
o0O0o
Harry fut réveillé par le froissement du tissu contre les draps. Il cligna plusieurs fois des yeux avant de comprendre que l'origine de ce bruit provenait de Draco qui quittait le lit. Il tourna sur lui-même en poussant un grognement pour lui faire face. Celui-ci s'était immobilisé. Puis voyant qu'il avait les yeux ouverts, il sembla reprendre sa respiration.
« Bonjour. Je t'ai réveillé ?
- 'jour… 'est-ce t'fais ?
- Tu semblais bien dormir alors je ne voulais pas te réveiller. Désolé.
- L'est quelle heure ? »
Draco regarda le réveil sur la table de chevet.
« Sept heures quarante.
- L'est encore tôt, 'eviens. »
Draco sembla réfléchir un instant avant de finalement replonger dans la chaleur de la couette et des bras d'Harry. Ce dernier poussa un soupir de contentement quand il put coller son bout de nez glacé dans le cou du blond. Celui-ci se mit à jouer avec les boucles de ses cheveux. Il rencontra beaucoup de nœuds mais fit de son mieux pour ne pas tirer trop brutalement dessus.
« Hmm… continue, chuchota Harry, qui appréciait la sorte de massage.
- Il va bientôt falloir sortir du lit.
- Le monde peut encore attendre.
- Mais pas les journalistes énervés de ne pas voir leur héros national faire son discours.
- Oh merde, le discours.
- Langage, corrigea Draco.
- Je n'y ai pas du tout réfléchi !
- Tu n'auras qu'à improviser.
- Je ne suis pas bon en improvisation, paniqua Harry. Qu'est-ce que je vais faire ?
- Eh bien tu vas te mettre debout, t'habiller et pendant qu'on mangera, on réfléchira à quelque chose, O.K. ?
- O.K… acquiesça Harry à contre-cœur.
- Bien. Alors, debout ! »
Et il initia le mouvement en lâchant tout d'un coup le jeune homme qui grommela de mécontentement. Celui-ci finit par rejeter les couvertures et se mettre debout. D'un pas branlant, il s'approcha de Draco pour l'enlacer. Ce dernier, surpris, y répondit peu après.
« Ah… ça va mieux. Bonjour ! déclara Harry.
- Bonjour… ?
- Tu te changes avant ou après manger ?
- Bah… avant.
- Ah bon. Bon… je vais me sentir ridicule si je suis le seul plongé dans mon café en pyjama. Je te prierai donc de rejoindre ta chambre. »
Et sur ces mots, c'est limite s'il ne poussa pas Draco dehors. Quelques minutes plus tard, ils étaient tous deux au rez-de-chaussée, dans la cuisine. Harry sortit assiettes et verres et mit la bouilloire en marche. L'aristocrate sursauta en entendant la machine se mettre à crachoter. Il la regarda avec des yeux ronds puis Harry. Voyant qu'il n'avait pas l'air d'oser poser la question qui lui trottait dans la tête, le jeune homme prit les devants.
« Ça sert à faire chauffer l'eau, expliqua-t-il.
- Je sais ce que c'est », s'insurgea Draco.
Harry lui fit son regard de celui qui savait tout. Cela fit détourner les yeux de son partenaire.
« Arrête de faire ton Malfoy, lui reprocha-t-il.
- Je ne…! se rebiffa-t-il.
- Si tu, le coupa le jeune homme. Ça s'appelle une bouilloire et non je n'utilise pas la magie pour faire chauffer mon eau. »
Draco lui fit signe qu'il laissait tomber. Il attendit avec anxiété que Harry fouille dans ses placards et lui dise ce qu'il lui était possible de manger.
« Thé ou café ?
- Thé, merci.
- O.K., je te sors ça. »
Harry lui sortit un sachet de thé que Draco regarda avec de plus grands yeux que la bouilloire.
« Qu'est-ce que c'est que ça ?!
- Bah, c'est du thé.
- Tu ne me donnes pas du thé dans un truc comme ça ! s'exclama-t-il. Où sont tes feuilles de thé ?
- Euh… je n'en ai pas. »
Draco ne sut qu'en répondre, tellement choqué par les propos de Harry. Il semblait définitivement perturbé, comme si son monde venait de s'effondrer.
« Tu… tu n'as pas de thé ?
- En sachet oui, mais pas en feuille… »
L'aristocrate inspira profondément et fit un geste de la main comme pour chasser une mauvaise idée. Après un temps de réflexion pendant lequel Harry se mordit l'intérieur de la joue pour s'empêcher de rire, Draco se décida :
« Très bien, je boirai ton… truc. Mais la prochaine fois que je viens, j'apporte mon thé, compris ?
- Oui, monsieur, grinça Harry, sur le point d'exploser de rire. Attends, tu comptes revenir ? Ahah, si le thé ne t'a pas fait fuir, je me demande ce qui le fera.
- Oui, bon, hein. Je prends sur moi, vu ? »
N'y tenant plus, Harry partit dans un éclat de rire qui lui valut un regard gris outré. Ce dernier, décidant de l'ignorer, s'installa à la table de la cuisine s'attendant à ce qu'on le serve sur un plateau d'argent. (Mais s'agissant d'un Malfoy, devait-on plutôt parler de plateau d'or ?) Choisissant la gentillesse, Harry accepta le rôle de serviteur qui lui échut. Il lui offrit le fameux thé qui fut accueillit par un affreux plissement de nez dédaigneux.
Préparant lui-même son repas, le caractère flemmard de Harry l'avait amené à manger froid le matin et de façon plutôt frugale. En lui proposant ce qu'il mangeait habituellement, Draco n'eut aucune autre réaction excessive et Harry se demanda si c'était un bon signe ou une marque de bouderie. Celui-ci ne pouvait s'empêcher de penser que Draco lui paraissait terriblement enfantin et, par là, adorable.
Ils passèrent leur petit-déjeuner dans un silence fatigué, chacun perdu dans des contemplations intérieures. Quand celles de Harry l'amenèrent à se souvenir du discours qu'il devait prononcer, il interpela Draco. Et ensemble ils envisagèrent une structure qu'il pourrait utiliser de façon semi-improvisée. Cela prit du temps et fit fumer la tête du brun mais ils tinrent finalement le bout de quelque chose. Harry sentait une espèce de stress monter en lui. Il n'avait vraiment pas envie de se rendre à la cérémonie de commémoration. Mais il devait le faire, n'est-ce pas ? C'était la suite de son rôle, n'est-ce pas ? Un rôle qui lui avait été assigné par Voldemort en personne, n'est-ce pas ?
Harry offrit un sourire complexe à Draco. Celui-ci, voyant cela, prit sa main dans la sienne. Du pouce, il la caressa gentiment. Et il plongea ses prunelles dans les siennes. Le cœur de Harry manqua un battement quand il vit ces deux yeux d'orage, ce tonnerre constant, ce quartz fumé. Il brillait magnifiquement et imperturbablement. Une beauté de marbre que l'on ne peut que toucher du regard. Et même cela manquait de vous rendre aveugle.
« Tout va bien se passer. »
Harry revint sur terre pour croiser l'air délicieux et plein d'empathie de son petit-ami. C'est à peine s'il avait entendu son encouragement.
« Merci », répondit-il néanmoins.
Puis une pensée lui revint en tête.
« Je te promets d'essayer de faire quelque chose pour notre situation.
- Je sais. Je compte sur toi. »
Le poids du regard de Draco s'alourdit sur le jeune homme qui le sentit s'abattre sur ses épaules. Le blond venait de lui imposer un stress supplémentaire sans s'en rendre compte. Il soupira. Tout se passerait bien et tout irait pour le mieux. Il devait juste y faire face.
Ils se dirent au revoir sur le palier de la porte. Draco transplana jusqu'au Ministère et Harry partit pour la résidence de Kingsley. C'était la seconde fois qu'il venait ici, la première ayant constitué en une petite soirée privée entre les membres de l'Ordre du Phénix. Si l'on pouvait parler de petite soirée… Il fut étonné de voir que même à cette heure de la matinée, bien avant le début concret de la journée cérémonielle, un grand nombre de personnes était déjà sur place, au milieu du gazon encore trempé de rosée. Bien évidemment, c'étaient principalement des journalistes, accompagnés de photographes. Chacun était en pleine préparation et les discussions allaient bon train.
Quand on se rendit compte que Harry Potter était arrivé, tout le monde sembla soudain fondre sur lui, comme un rapace sur sa proie. Si les journalistes l'encerclèrent, ils semblaient avoir un accord tacite leur empêchant de poser trop de question d'un coup. Aussi leur répondit-il laconiquement, par de mots brefs. Puis vint inévitablement la question qu'il redoutait :
« Ce n'est pas le sujet du jour, mais pouvez-vous nous dire quelques mots sur l'article paru hier vous concernant vous et Monsieur Malfoy ? »
Il l'avait attendue, avait préparé une réponse à l'avance mais l'avait déjà oubliée. Mais il savait qu'il devait répondre à cela, mettre fin une bonne fois pour toute aux commérages. Draco l'en avait prié. Aussi prit-il son courage à deux mains et se décida à essayer de transmettre le plus possible les informations qui pourraient les laisser tranquille.
« J'ai été très étonné par l'article dont vous parlez. Il a dépeint une réalité complètement inexistante entre Draco Malfoy et moi-même.
- Quelles sont vos relations avec Monsieur Malfoy ? lui demanda une autre journaliste.
- Nous sommes amis. »
Il ne pouvait décemment pas dire ce qu'il en était réellement. Il ne connaîtrait plus de repos sinon. Aussitôt, un nombre effroyable de flashs le prit d'assaut, l'éblouissant un moment. Plusieurs questions fusèrent :
« Depuis combien de temps cela dure-t-il ?
- Êtes-vous sûr d'être libre de vos pensées ?
- Quand cela a-t-il commencé ?
- Est-ce un moyen de montrer que l'on doit pardonner aux mangemorts ? Tirer un trait sur le passé ? »
Harry leva la main dans l'espoir fol d'arrêter le flot des journalistes. Quand ils se furent calmés, leur plume à papote frétillant d'impatience au bord du papier qui voletait, le garçon répondit du mieux qu'il put, l'esprit embrouillé :
« Cela fait déjà un moment que nous nous côtoyons. Nous ne nous parlions plus depuis la fin de la guerre. Une rencontre par hasard nous a amené à nous connaître plus intimement et nous nous sommes rendus compte que nous n'étions plus les enfants de Poudlard qui passaient leur temps à se chamailler. Rien de plus. Je ne suis pas sous son influence, il ne se sert pas de moi pour être dans les bonnes grâces du reste de la société. Je suis ami avec Draco Malfoy et je ne répondrai pas à plus de questions à ce propos. Il en sera de même pour Draco Malfoy. Maintenant, si vous le voulez bien, j'aimerais pouvoir passer. »
Il força le passage sans donner plus le temps aux journalistes de réagir même si d'autres questions volèrent dans son dos alors qu'il passait enfin l'entrée. Kingsley, qui se tenait là en tant qu'organisateur de la cérémonie, lui fit un gracieux sourire avant de s'avancer vers lui pour lui serrer chaleureusement la main.
« Heureux de te voir Harry, cela fait longtemps, n'est-ce pas ? Comment vas-tu ?
- Bien et vous ?
- Très bien, très bien. Les journalistes ne t'ont pas trop embêté ?
- Un peu, malheureusement.
- Attention, souris. »
Un flash le fit sursauter alors que Kingsley arborait un immense sourire, regardant droit devant l'objectif, mettant en évidence leur poignée de main. Le photographe officiel les remercia d'un signe de tête et Kingsley reporta son attention sur Harry.
« Je ne peux pas discuter avec toi plus longtemps Harry, les invités arrivent les uns après les autres. Mais entre, il y a des petits fours dans un coin et il me semble que Hermione est déjà arrivée.
- Ah, euh… merci. »
L'ancien Ministre de la magie lui posa une main dans le dos pour le pousser dans la direction du salon français. Mal à l'aise, Harry s'y rendit. Il appréhendait la suite. Il avait le sentiment de ne pas s'être très bien exprimé devant les journalistes et qu'il allait devoir y repasser. Devrait-il écrire une note dans le Chicaneur ? Il aurait le temps d'y réfléchir et ne serait pas pris par surprise par des questions malvenues.
Le ventre noué, il se sentit incapable de manger quoi que ce soit malgré les canapés qui semblaient délicieusement appétissants. Et puis, il était encore tôt. Il se mit donc à la recherche de Hermione ou d'une figure familière. Avec bonheur il découvrit Neville, essayant de se débarrasser d'un siège qui cherchait à le faire s'asseoir avec une ardeur insoupçonnée. Après l'avoir sorti du pétrin, ils se saluèrent avec soulagement, heureux de pouvoir compter sur une personne amie.
« Il m'a semblé voir Hermione quelque part mais je l'ai perdue de vue. Heureusement que tu es là, on va pouvoir la chercher ensemble !
- Connaissant 'Mione, elle doit être du côté de la bibliothèque.
- Ahah, ça ne m'étonnerait pas. »
Ils décidèrent donc de commencer par là. En chemin, ils s'échangèrent quelques banalités, notamment d'un devoir qu'ils devaient rendre pour la fin de la semaine. Tous deux n'en étaient encore qu'au stade de brouillon.
Arrivés devant la bibliothèque, ils se rendirent compte qu'elle était fermée. Hermione ne pouvait donc pas être là. Pendant une bonne vingtaine de minutes, ils la cherchèrent partout avant de finalement la trouver au premier étage, penchée en train d'observer une vieille horloge à remontoir. Elle aurait paru tout à fait normale si les aiguilles n'étaient pas composées de papillons de fer voletant lentement au rythme des minutes, cherchant à atteindre les campanules violettes qui ouvraient heure à heure leur pétales à la manière des autres fleurs du jardin.
« Salut Hermione, on t'a cherchée partout ! la salua Neville.
- Bonjour les garçons. Est-ce que vous avez vu la délicatesse de cet ouvrage, comment la magie a été imprégnée sur les aiguilles de façon quasi permanente ? C'est terriblement intéressant.
- Je n'en doute pas une seconde, lui sourit Harry.
- Oh ne me fais pas ce jeu Harry, je sais que tu n'en penses rien. »
Elle se releva et ses cheveux plus longs qu'à Poudlard lui tombèrent sur la poitrine. Ils étaient toujours aussi épais et frisottant. Ses yeux noisettes lui mangeaient le visage et une fossette espiègle incrustait sa joue gauche. Elle avait les traits tirés. Elle ne dormait définitivement pas assez.
« Tu n'es pas venue avec Ron ?
- Bah non ! Tu le connais, il arrive toujours le dernier à ce genre d'événement. Oh Harry, est-ce que je peux te parler ?
- Euh, oui bien sûr.
- Neville, tu peux nous attendre au buffet ? »
L'intéressé haussa les épaules, pas vexé pour un sou et tourna les talons après leur avoir fait un signe de la main. Sitôt parti, Hermione attrapa le bras de Harry et le traîna dans un couloir où personne ne risquait de passer. Dès qu'elle se fut assurée que personne n'était dans le coin et notamment un certain scarabée, elle se tourna, furibonde, vers son meilleur ami.
« Harry ! Comment as-tu pu oublier de m'annoncer que tu traînais avec Malfoy ?! Je n'arrive pas à croire que tu m'aies caché ça à moi aussi ! »
Le jeune homme eut le bon ton de paraître embarrassé. Il ne s'était effectivement pas confié à son amie alors qu'il avait pourtant l'habitude de tout lui raconter.
« Je pensais que tu aurais deviné… tout le monde est au courant que je mange avec lui les mardis et vendredis midis.
- Eh bien pas moi ! Et tu sais très bien que je n'écoute pas les ragots ! Oh Harry, tu aurais dû voir la tête de Ron hier matin…
- Ron est bien la dernière personne à qui j'en aurais parlé. Notre réconciliation est encore toute fraîche après tout.
- Mais moi ? Pourquoi tu ne m'as rien dit ? »
Harry se sentit rajeunir de plusieurs années au ton accusateur de Hermione. Il fixa ses chaussures comme un enfant que l'on gronde.
« Je ne sais pas. Je crois que ta réaction me faisait peur.
- Harry… je suis ton amie, asséna-t-elle en agrippant son épaule. Évidemment que je ne vais pas te juger. Je me sens blessée par ton manque de confiance en moi. Tu es toujours si secret ! »
Voyant qu'il ne répondait pas, elle changea légèrement de sujet :
« Je n'ai pas compris ta relation avec Malfoy. Est-ce que tu veux bien m'expliquer, s'il te plaît ?
- Je… on est devenu amis.
- Amis ? »
Elle était étonnée, cela se voyait. Harry ne se sentit pas de lui cacher la vérité plus longtemps. Il soupira et avoua :
« Non, en fait non, on n'est pas amis. Je… je sors avec lui.
- Tu sors avec lui ? répéta-t-elle.
- De façon romantique, ajouta-t-il.
- Depuis combien de temps ?
- Euh… deux, trois semaines ? J'ai oublié.
- Doux Merlin… chuchota-t-elle. Tu es en couple avec Draco Malfoy ? Comment as-tu pu me maintenir dans l'ignorance comme ça ?! Tu sais ce que c'est que de découvrir par les journaux quelque chose que mon meilleur ami aurait dû me dire bien avant ? Harry, tu m'as blessée. Je nous croyais plus proche que ça. »
Elle avait des larmes dans la voix et au bord des yeux. Comprenant qu'il avait vraiment merdé sur ce coup-là, Harry ne se chercha aucune excuse. Cela ne ferait qu'augmenter la colère de son amie. Il l'avait réellement blessée. Cela lui fit un pincement au cœur. Il attendit que Hermione se calme et arrête de lui meurtrir l'épaule. Quand elle relâcha sa prise sur lui, il lui prit la main.
« Hermione…
- Quand est-ce que tu comptais me le dire ? » le coupa-t-elle.
Ah, elle n'était pas encore calmé. Harry allait devoir s'expliquer.
« Je voulais te le dire. J'ai juste… oublié.
- Oublié ?! explosa-t-elle. Comment peux-tu avoir oublié de me dire une chose aussi importante ?!
- Hermione, calme-toi !
- Que je me calme ? Si cela n'était jamais sorti au grand jour, est-ce que tu me l'aurais un jour dit ? Comptais-tu garder cette relation secrète ? Tu es sûr que tu n'es vraiment pas sous l'emprise de Malfoy ?
- Hermione, je l'aime ! »
C'était sorti tout seul. Elle en fut bouche bée et pétrifiée. Harry, quant à lui, faisait face pour la première fois à ses vrais sentiments. Il avait fallu qu'il le dise à voix haute pour se rendre compte que c'était vrai. Quand est-ce qu'il avait commencé à ressentir cela pour Draco ? Lui qui pensait maîtriser ses sentiments, voilà qu'il était pris par surprise par ceux-là même.
Il prit une brusque inspiration, prenant conscience de tout ce que cela signifiait. Hermione cligna des yeux et se passa une main dans les cheveux. Quel tête pouvait-il bien faire ? Elle le regardait avec compassion.
« Tu es amoureux de lui ? Depuis quand ? »
Sous l'effet de la surprise elle semblait avoir oublié d'être en colère. En rougissant, Harry répondit :
« Je ne sais pas. Mais je sais que Draco m'aime depuis Poudlard ?
- Nooon… tu es sérieux ? »
Harry approuva d'un hochement de tête.
« Mais ça ne t'excuse pas de m'avoir caché ça, reprit Hermione. Demain, tu seras dans l'obligation de tout m'expliquer. Compris ?
- Oui, 'Mione. Désolé…
- Bien, alors maintenant allons-y. »
Elle tourna les talons pour rejoindre le salon et Harry la suivit.
« Est-ce que tu peux me promettre une seule chose ? lui demanda-t-il.
- Dis toujours.
- Peux-tu cacher ma véritable relation à Ron ? Je ne suis pas prêt à faire face à ses remarques. S'il te demande, dis-lui juste qu'on est ami, O.K. ? »
Hermione le regarda avec pitié. Puis elle réfléchit un instant avant de lui donner sa réponse :
« Je ne dirai rien, puisque tu me le demandes, mais il va bien falloir que tu le lui dises un jour. Je ne me tairai pas indéfiniment. Et aujourd'hui, crois-moi qu'il s'attend à ce que tu viennes lui parler. »
Harry en resta coi, une soudaine montée de stress venant l'assaillir. Il n'était vraiment pas prêt à devoir s'expliquer avec son meilleur ami, la conversation allait à tous les coups s'avérer on ne peut plus houleuse. Il aurait voulu s'enfuir chez lui et se cacher sous sa couette. Il avait eu de la chance qu'Hermione abandonne le sujet, même s'il faudrait y revenir demain. Mais avec Ron, ç'allait être une autre paire de manche.
Arrivés dans le salon français, ils se dirigèrent vers le buffet où Neville se tenait, un petit four dans la main. En les voyant, celui-ci l'engloutit d'un coup, comme s'il cherchait à cacher un méfait. Harry, lui, alla chercher un verre de vin qu'il descendit presque cul sec. Il s'en resservit un autre qu'il but avec plus de lenteur, appréciant son goût épicé. Il ne voulait tellement pas être là…
Après un moment qui lui sembla infini, Kingsley annonça le début de la journée commémorative. Il entama un discours rappelant les conditions dans lesquels tant de valeureux sorciers avaient vu la fin. Il invita ensuite tout un chacun à s'avancer pour prononcer quelques mots. Harry se tint bien en retrait, pour éviter de se retrouver sous le feux des projecteurs. C'est quand il la vit prononcer un discours terriblement touchant qu'il se rendit compte que Luna était enfin arrivée. À ses côtés se trouvait un Ron au visage triste. Il but une nouvelle gorgée de vin.
La matinée fut terriblement longue. Ils enchaînèrent discours sur discours puis commémoration. Le discours de Harry n'était pas encore arrivé, étant prévu pour le soir. À midi, tout le monde se rendit dans la cour et prit place à peu près où il le souhaitait. Harry, qui avait évité jusque-là Ron, fut tiré par Hermione et forcé de s'asseoir à côté de lui. Mal à l'aise il lui lança un « salut ». Son ami lui répondit en marmonnant. La jeune fille s'assit face à eux puis Luna et Neville les rejoignirent. Leur petite table était complète.
Les entrées se matérialisèrent devant eux. Étrangement, un silence s'était installé entre eux. Tous semblaient soudain se rappeler pourquoi ils étaient là, en ce jour de fête. Ce silence était comme une prière envers tout ceux qui ne s'étaient pas relevés, en ce jour de mai, il y a trois ans. Le regard vague, Harry sentit son cœur lui broyer la poitrine. Tant de souvenirs l'assaillaient. Il avait besoin d'être seul.
Au loin, au-dessus du brouhaha, Kingsley se leva. Il se racla la gorge, tenant son verre bien droit.
« Sorcières, sorciers. Au nom de tous nos amis disparus, de tous nos compagnons tombés au combat et de tous ces inconnus ayant péri, j'aimerais vous enjoindre à porter un toast. »
Il leva haut son verre et tout le monde se mit debout pour faire de même. Puis d'un unique mouvement, ils tendirent leurs coupelles vers le ciel en s'exclamant :
« Santé ! »
On porta l'alcool aux lèvres puis l'on se rassit et les conversations reprirent alors que Kingsley invitait à festoyer. Harry se perdit dans son whisky pur feu, grignotant de çà de là, ayant peu d'appétit. Il croisa le regard de Ron. Un même sentiment les habitait et ils se sourirent comme pour se soutenir l'un l'autre.
« Comment va George ? » s'enquit Harry.
Ron, qui ne s'attendait pas à une telle question, lui lança un étrange regard que le jeune homme ne comprit pas. Le premier finit par lui répondre :
« Il a refusé de sortir de sa chambre ce matin. Même Angelina n'a pu le faire sortir. Il n'a toujours pas fait son deuil et des journées comme celles-là ne font rien pour arranger.
- C'est vrai. Je trouve qu'elles rendent difficile l'oubli.
- Tu veux oublier ? s'étonna Ron.
- Je ne veux pas que quelque chose me pousse à me rappeler. Je le fais déjà très bien tout seul.
- Tu préfères vivre cela seul qu'entouré ? »
Ron était perplexe. Il ne pouvait pas comprendre. Personne ne semblait pouvoir comprendre. Il acquiesça de la tête, sachant que son ami attendait une réponse.
« Je trouve pourtant ça plus rassurant d'être avec des personnes qui ont vécu la même chose, marmonna-t-il.
- C'est ta façon de faire, énonça Harry.
- C'est vrai que tu as toujours eu tendance à tout garder pour toi. »
Puis, semblant soudain pris d'un élan d'inspiration, dit :
« C'est pour ça que tu ne m'as pas dit que vous vous voyez, toi et Malfoy ? »
Harry soupira. C'était maintenant que ça tombait ? C'était ça, hein ?
« Écoute Ron. Quand je me suis réconcilié avec toi, cela faisait déjà un moment que j'étais ami avec Draco. »
Son meilleur ami fit une moue dégoûtée.
« Tu l'appelles Draco ? Comment as-tu pu devenir ami avec une fouine pareille ? Est-ce que je dois te rappeler tout ce qu'il s'est passé lorsque l'on était élèves ?
- Ron, si je voulais ton avis, je te l'aurais demandé. Pour quelle raison devrais-je te dire que je traîne avec Draco ? C'est à peine si l'on se parle ! »
Autour de la table, le silence s'était fait. Neville les regardait d'un air choqué, Hermione contemplait son assiette mais sa crispation autour de sa fourchette dénotait avec l'air tranquille qu'elle essayait d'aborder. Luna, quant à elle, eh bien elle les regardait sans gêne comme si c'était le meilleur feuilleton qui lui était donné de voir depuis des années. Ron fulminait, comme il savait si bien le faire. Il était blessé aussi, ça se lisait sur son visage. Harry n'était décidément pas doué pour brosser ses amis dans le sens du poil. Mais ce n'est pas comme s'il avait prétendu l'être.
« O.K… J'ai compris, annonça Ron d'un ton étrange. Je ne te poserai plus de questions là-dessus. »
Et il s'enferma jusqu'à la fin de la soirée dans un mutisme duquel aucun de ses amis ni même sa petite amie ne réussirent à le sortir. Il ne parla que lorsque l'après-midi commença à décliner et qu'il dut prononcer son discours, juste après celui de Hermione. Harry, qui se sentait un peu au fond du trou, enchaînait les verres, ainsi que les interviews. Et plus le moment de faire son discours se rapprochait inexorablement et plus il ne se voyait plus le faire. Pouvait-il s'enfuir au beau milieu ? Pouvait-il échapper à ses responsabilités ? La chaleur de l'alcool commençait à lui embrumer la tête et faire taper un marteau sur ses pupilles. Combien de verres différents avait-il bu ?
Puis le crépuscule enflamma le jardin. Les bougies entamèrent leur lente bataille contre leur mort, inéluctable. Et Harry monta sur l'estrade.
Il pointa sa baguette sur sa gorge et prononça « Sonorus ». Sa voix amplifiée, il commença le discours branlant qu'il avait préparé avec Draco ce matin, il y a un an, il y a un siècle, il y a une éternité.
« Avant toute chose, j'aimerais remercier toutes les personnes qui se sont déplacées aujourd'hui, pour prêter hommages à tous ces êtres chers qui nous ont quittés il y a trois ans. C'étaient, à n'en pas douter, toutes des personnes formidables dont la vie a été abrégée de manière cruelle et insensée.
« Même aujourd'hui, même trois ans plus tard, je continue à penser à ces personnes. J'en connaissais un certain nombre, elles ont grandi avec moi. Et elles seront avec moi jusqu'à la fin de mes jours. Mais tant d'autres m'étaient inconnues. Comment le vivent aujourd'hui leurs parents, leurs enfants, leurs amis ? Je n'arrive pas à l'imaginer.
« Durant cette guerre, nous n'avons pas que perdu des personnes qui nous étaient chères, nous avons également perdu notre innocence. J'allais sur mes dix-huit ans quand j'ai mis fin aux jours de Vous-Savez-Qui. Combien d'autres, plus jeunes, ont tué ? Sur moi, comme sur eux, la guerre laissera une empreinte indélébile. Si elle ne disparaîtra pas avec le temps, un jour, elle nous sera plus supportable.
« Aujourd'hui, nous fêtons la fin d'une époque sombre. Aujourd'hui, nous laissons la place à une nouvelle ère. La nouvelle génération qui commence à voir le jour va grandir dans une ère de paix qui, je l'espère, sera la plus longue que le monde ait jamais connue. Il nous faudra l'élever dans la mémoire de ceux qui sont partis trop tôt et dans l'amour de l'autre.
« Vous-Savez-Qui ne comprenait rien à l'amour, à ce lien fort qui lie les personnes entre elles. S'il est devenu cet homme monstrueux que l'on connaît aujourd'hui, c'est parce qu'il était seul. Si seul et si mal-aimé des autres qu'il en est venu à haïr tout ce qui l'entourait. Je ne veux pas qu'un nouveau mage noir voie le jour, je pense qu'aucun de nous ne le veut. Ce que je vais vous dire pourrait vous sembler stupide mais pensez à dire aux gens que vous aimez que vous les aimez. Pour que plus jamais certains se sentent seul au monde.
« Aujourd'hui, nous fêtons les vivants. Nous honorons nos morts et nous faisons un nouveau pas vers un avenir plus radieux. La reconstruction, autant mentale que physique est lente mais elle progresse et nous en même temps. Il nous faut à nouveau avancer, pour construire un monde dans lequel nous serions fiers de vivre.
« C'est donc sur ces mots que je vous invite à lever vos baguettes. »
Lui-même entama le mouvement et une fois sa fidèle baguette en bois de houx pointée vers le ciel, il lança la première étincelle qui devait marquer le début du feu d'artifice pour clôturer la soirée. Elle explosa timidement dans le ciel dégagé de printemps. Peu après, d'autres suivirent illuminant la nuit qui s'installait pas à pas.
Harry descendit de l'estrade alors que les invités avaient fini de tirer vers le haut pour laisser la place à des professionnels. Au loin, il vit Seamus s'essuyer distraitement les yeux. Molly pleurait avec force dans les bras de son mari qui laissait couler ses larmes sans chercher à les arrêter. Luna avait les yeux perdus dans de douloureux souvenirs. Neville abordait un visage sombre mais pas une émotion n'y transparaissait. Hermione et Ron se tenaient la main et contemplaient les feux d'artifice sans les voir. Cho avait le visage dans les mains. Lavande riait nerveusement.
Et devant lui, se tenait Ginny. Dans ses yeux, les étoiles de feu tremblotaient. Elle lui fit un sourire timide. Devant sa surprise, elle lui tendit un des deux verres de champagne qu'elle tenait et l'invita à la suivre jusqu'à une table. Une fois assis, Harry engloutit son verre avec humeur. Il n'était décidément plus d'esprit à faire quoi que ce soit. La joie semblait l'avoir quitté, malgré son discours bien orgueilleux sur l'espoir et l'avenir. Comment pouvait-il être plus hypocrite qu'il ne l'avait été ? Lui, il était scotché au passé. L'avenir, il ne le voyait pas arriver. Perdu dans ses pensées, il en avait presque oublié Ginny.
« C'était un bien beau discours. Il te ressemblait, je trouve », lui dit-elle avec chaleur.
Décidément, non. Personne ne semblait le comprendre. Tout le monde le voyait différemment qu'il ne l'était réellement.
« Bof », haussa-t-il les épaules.
Un silence s'étira entre eux et Harry en profita pour remplir à nouveau son verre. Combien est-ce qu'il en avait bu depuis le début de cette journée ? Comme s'il avait tenu des comptes… Comment pouvait-il encore tenir debout et penser à peu près de façon cohérente ? Une petite voix lui souffla que son caractère en avait bien souffert mais il la chassa.
« Qu'est-ce que tu fais ici ? Je croyais que tu ne pouvais pas venir ?
- Au cas où tu l'aurais oublié, je suis moi aussi une héroïne de la guerre. Il était inenvisageable que je ne sois pas présente. Même si, du coup, je suis en retard. »
Il la regarda. Elle semblait avoir muri depuis la dernière fois qu'il l'avait vue, soit un peu plus d'un an. Elle semblait avoir plus confiance en elle et était encore plus belle. Elle avait coupé très court ses époustouflants cheveux roux pour qu'ils ne la gênent pas durant ses matchs de Quidditch.
« Ça fait longtemps qu'on s'était pas vu, se sentit-il obligé de dire.
- C'est vrai. Tu n'as pas changé.
- Toi si.
- Ah, laisse-moi deviner… les cheveux ? sourit-elle.
- Entre autre. »
Un fin sourire vint se coller sur son visage. Ginny avait toujours eu le don de le faire sourire. Cela lui rappela l'époque où ils étaient encore ensemble.
« Et sinon, comment ça va ? lui demanda-t-elle.
- Oh, on fait aller.
- Oui, bon j'imagine que ce n'est pas le bon jour pour demander ça.
- Tu m'as l'air d'aller toi.
- Je tiens le coup. Même s'il est vrai que se retrouver là, aujourd'hui, pour cette cérémonie, me met un petit coup au moral. Mais d'un autre côté, je suis heureuse de revoir tant de têtes familières.
- Tes parents ne te rendent pas visite régulièrement ?
- Oh si. Mais il n'y a bien qu'eux. Tout le monde est occupé, moi en premier ! Alors, on n'a pas trop d'occasions de se voir.
- Tu aurais pu venir à l'anniversaire de Teddy.
- Hm, j'avais un entraînement ce jour-là.
- C'est pas trop dur là-bas ?
- Oh, ça va. C'est sûr que les entraînements sont durs mais tu me connais, j'ai rapidement fait ma place. »
Elle rit avec amusement, semblant se souvenir d'un événement en particulier.
« Et les études ? C'est comment ? le questionna-t-elle.
- Oh, j'ai hâte d'en finir. Je préfère tellement quand on fait la pratique. Mais là, les examens arrivent bientôt alors on n'a plus la tête qu'à ça. Mais l'année prochaine, on sera assigné à un auror qui devra nous emmener dans certaines de ses missions, presque tous les jours. Ça va être beaucoup plus intéressant je pense. Là, on n'a le droit qu'à un jour avec eux, pour nous y préparer.
- Eh bien… ça promet », dit-elle.
Harry ne sut comment le prendre. Était-ce une remarque positive ou négative ? Ginny lui semblait tellement plus en confiance. C'était comme si sa force physique, sculptée par le Quidditch, avait déteint sur sa force interne. Elle irradiait de puissance.
« Je trouve que tu as changé. Pas que physiquement.
- Vraiment ? » s'étonna Ginny.
Elle réfléchit un moment, en profitant pour manger le pudding qui la narguait devant elle depuis tout à l'heure. Puis elle sembla prendre une décision et tourna son visage aux multiples taches de rousseurs vers Harry.
« Harry, je ne l'ai encore dit à personne mais j'aimerais que tu sois le premier à le savoir. On m'a proposé une place de titulaire chez les Harpies de Holyhead. Et je compte accepter. Mon contrat commencerait en août prochain.
- Whoua… » ne put que dire Harry.
Pourquoi est-ce qu'elle lui annonçait cela, à lui ? Il fut touché par sa marque de confiance et chercha de meilleurs mots pour la féliciter.
« C'est… c'est génial. Je savais que tu étais douée, mais là, c'est le summum ! Tu ne crois pas ?
- Si ! J'en suis super heureuse ! Je serai sûrement la plus jeune joueuse à avoir intégré l'équipe. Je trouve ça juste démentiel ! Oh, s'il te plaît, ne le dis pas à Ron. Il s'empresserait de tout raconter à papa et maman. Je veux le leur annoncer une fois que j'aurais signé définitivement le contrat. Comment ils vont le prendre à ton avis ?
- Je pense qu'ils seront super fiers ! Tu te rends compte, tu vas être encore plus célèbre que maintenant. Et riche. Tu penses que tu arriveras à gérer ça ?
- Ah… tout de suite les problèmes… laisse-les de côté s'il te plaît… Ne pensons pas à cela pour l'instant !
- Ahah, si tu veux. »
Harry termina le fond de son verre et le remplit à nouveau. Pris d'une soudaine impulsion, il lui annonça :
« Tu sais… j'ai commencé à voir quelqu'un. »
Elle fit de gros yeux de chouette et se rassit correctement sur sa chaise, comme si la confidence était de taille et qu'il fallait qu'elle soit prête à l'encaisser. D'un ton grave, elle lui demanda :
« C'est sérieux ?
- Euh… ouais je pense, répondit-il, mal à l'aise.
- Qui c'est ? »
Harry lui fit la tête de celui qui ne veut pas en dire plus et Ginny leva les mains.
« O.K., O.K., je ne demande rien. Juste… est-ce que je la connais ?
- Ouais, tu le connais.
- Le ?! »
La rouquine avait poussé un cri de surprise. Harry l'enjoignit à baisser d'un ton en mimant avec ses mains. Puis d'un air conspirateur, Ginny se rapprocha de lui pour lui glisser :
« Alors c'est un "le"… Depuis quand est-ce que tu joues dans l'autre camp ?
- Depuis jamais ! C'est juste lui…
- Ouh, ça sent l'amour ça. Alors, c'est ça ? »
Harry se sentit rougir. Il marmonna un « oui » inaudible. Ginny se rassit et plaça sa jambe droite sur celle de gauche.
« Hum… alors comme ça tu m'auras remplacée par un mec. Pas mal pas mal. Je m'y attendais pas à celle-là. Oh ! s'exclama-t-elle soudain avec un air de terreur sur le visage. C'est quand même pas Neville ? »
Harry lui offrit une expression outrée.
« Neville ? Jamais ! D'où ça te vient ?
- Oh bah, je sais pas. Comme c'est le seul de ton âge que je connais et que je sais qu'il est avec toi presque tous les jours… je me suis dit que ça devait être lui.
- Mais non voyons !
- Ah, je veux savoir qui c'est.
- Tu es intelligente, tu finiras bien par découvrir par toi-même.
- Hm… je ne sais pas si j'ai le temps de m'amuser à chercher. J'attendrais que l'info me parvienne. Donc… Harry, tu ne veux pas un autre verre de whisky pur feu ? Je sais que tu en as envie.
- Tu essaies de me saouler pour que je t'avoue tout ?
- Zut, tu m'as découverte !
- Ahah, navré pour toi mais je suis déjà saoul !
- Eh ? On dirait pas. »
Avec un sourire malicieux, Harry l'invita à approcher son oreille. D'un souffle, il lui donna un nombre approximatif de verres d'alcool qu'il avait bu depuis le début de la journée. En se relevant, Ginny le regarda avec des yeux ronds.
« Tu as vraiment bu autant ? Mais comment fais-tu pour tenir encore debout ?
- Hm ? L'habitude peut-être ?
- L'habitude ! Tu es fou, mon pauvre, se moqua-t-elle. Peut-on parler de super-pouvoir à ce niveau ? »
Ils échangèrent un rire complice et la conversation dériva sur d'autres sujets. Entre eux, la communication était fluide et habituée, tel l'ancien couple qu'ils étaient. Ils discutèrent jusqu'à ce que le bouquet final n'illumine le ciel et marque la fin des festivités. Les journalistes interviewèrent encore quelques personnes mais chacun commençait à rentrer chez soi. Pressé de rentrer chez lui, Harry expédia en quatrième vitesse les au revoir. Mais Hermione, ne le voyant pas marcher droit, exigea de l'escorter jusqu'à chez lui. Il n'était pas en état de transplaner. Ron fit sa tête de jaloux et Harry eut toutes les peines du monde à se convaincre que non, lui tirer la langue n'était absolument pas une bonne idée. Même s'il en avait très envie.
Hermione, donc, le raccompagna jusque chez lui. Kreattur n'était pas encore parti se coucher alors pendant qu'elle obligeait Harry à s'asseoir sur le canapé, elle lui demanda de bien avoir la gentillesse de lui apporter une tisane. L'elfe s'exécuta donc, non sans un regard condescendant envers la née-moldue. Le garçon, à qui l'alcool était finalement monté à la tête, commençait à remuer des idées noires qui le déprimaient. Mais il ne voulait pas inquiéter Hermione pour rien. Elle s'occupait déjà suffisamment de lui.
Il ne lui vint pas à l'esprit une seule seconde que sa meilleure amie aurait peut-être voulu lui offrir un réconfort quelconque. Qu'il venait, une fois de plus, de faire preuve de "secret". Ne pas vouloir impliquer les autres dans ses soucis, n'était-ce pas là une forme d'égoïsme ? Même s'il avait été sobre, Harry n'aurait pas réfléchi à ces questions et aurait encore moins été capable d'y répondre.
Une fois qu'il eut sa tisane entre les mains et la promesse qu'il monterait au lit une fois celle-ci bue, Hermione retourna donc chez elle où Ron devait l'attendre. Il ne resta donc que lui et un elfe parti il ne savait où dans la maison. Une maison qui lui parut soudain oppressante. Silencieuse, sombre, haineuse. Puis les morts firent leur apparition. Il avait tenté de les éviter, toute la journée. Comme si c'était possible. Ils étaient là, qui le regardaient. Ils semblaient lui dire : pourquoi vis-tu alors que ma vie s'est arrêtée ? S'est arrêtée car tu ne t'es pas rendu plus tôt ? C'est de ta faute si nous sommes morts. Ils étaient tous là, même les inconnus.
Puis la plus dangereuse des ombres prit toute la place, occultant les autres. Son visage en face de serpent était silencieux, sombre, haineux. Les mains de Harry tremblèrent mais il les porta à ses yeux, pour ne plus voir. Mais tout cela n'était que le fruit de son imagination. Il ne pouvait que voir. Et qu'entendre.
Harry, Harry. Un jeune Gryffondor si fougueux. Tu voulais tous les protéger. Tu étais si… naïf ! Tu voulais que personne ne meure. Mais regarde, je suis mort ! Tu m'as tué !
Harry poussa un gémissement et se boucha les oreilles. Il ne voulait pas entendre la suite, il ne voulait pas !
Tu es un meurtrier Harry ! Tu n'es pas sain Potter, tu n'es pas le héros qu'ils acclament tous. Ils disent tous que tu les as sauvés d'un monstre, que tu as vaincu le grand méchant. Mais nous savons très bien tous deux que ce n'est pas un monstre que tu as tué mais un humain. Tu ne vaux pas mieux que moi. Tuer une personne, c'est comme en tuer une centaine. Tu es un meurtrier Harry !
Harry éclata en sanglot. Il se roula en boule, subissant le discours de Voldemort encore et encore. Il n'était pas un héros, il ne l'avait jamais été. Un héros, ça ne tuait pas. Lui, n'était qu'un meurtrier, qui n'avait même pas pu sauver tout le monde. Et tout le monde, tout le monde, le regardait d'un air accusateur. Pourquoi eux ils étaient morts pour que lui puisse vivre ?
Ces démons, Harry les trimbalait comme de vieilles casseroles depuis ce jour, il y a trois ans. Ce jour, tout s'était terminé mais tout avait commencé. Et ça, personne ne l'en avait prévenu. Alors, comme des blessures de guerre, régulièrement – pour ne pas dire tout le temps – il était harcelé par ces visions du passé. Ces pensées noires, ces pensées dangereuses.
Et alors, il redevenait cet enfant qui dormait dans un placard. Et il pleurait.
Alors, vos avis sur ce chapitre ? Je me rappelle avoir beaucoup apprécié écrire la grande discussion entre Harry et Draco (même si je pense que certains dialogues peuvent paraître un peu irréels), je pense qu'elle marque un certain point dans leur relation. La partie de la commémoration m'avait par contre assez énervée, elle était plus dure à écrire. D'ailleurs, je tiens faire un mea culpa. Si la commémoration a lieu un mardi et non un mercredi qui était la date officielle de la mort de Voldy, c'est parce que je m'étais trompée d'année et avait regardé le calendrier de 2000 et non de 2001… C'est quand j'ai corrigé (et publié) le premier chapitre que je me suis rendue compte de mon erreur. Et comme j'avais vraiment envie que la commémoration ait lieu un mardi, j'ai essayé de tourner la situation ainsi : mardi, célébration des morts lors de la bataille de Poudlard ; mercredi, jour de fête (pas férié car c'est encore trop récent : le 8 mai n'a pas été férié en France avant longtemps). J'espère que ça ne gêne pas trop…
Faites péter les reviews ! :D
