Bonjour, bonsoir !
Cela fait longtemps depuis le dernier chapitre, j'espère que vous n'avez pas trop attendu. Mais sachez que vous avez évité de justesse de ne recevoir qu'une moitié de chapitre. J'ai eu un mal fou à l'écrire (merci pour cette formidable page blanche, destin…). Quand j'ai perdu espoir de pouvoir seulement dépasser la moitié du quota de mot du chapitre, j'ai eu la brillante idée de changer de support et de troquer mon clavier pour mon carnet de note. Comprenez que j'ai écrit plus de 6000 mots depuis seulement vendredi dernier. Comme quoi. Parfois un simple changement peut débloquer la mécanique.
Bon, en conséquence, je ne peux pas jurer sur la qualité d'écriture de ce chapitre donc veuillez m'excuser si la deuxième partie a des passages un peu étrange que je n'ai pas pu remarquer par faute de temps.
Pour le petit défi d'il y a deux mois, le dicton anglais complet est "When life gives you lemons, make lemonade." et veut dire que lorsque la vie est difficile (les citrons), il faut la tourner en quelque chose de positif (de la limonade).
La musique de fond de ce chapitre sera "Cherry Blossom" de Robin Spielberg, bonne lecture !
Chapitre 10 : Mise à nue
Ils s'étaient installés sur la table à manger et sirotaient leur thé du matin. Ils étaient l'un et l'autre gênés de ce qu'il s'était passé pendant la nuit et ils se regardaient dans le blanc des yeux. Harry avait mal dormi mais il n'avait pas lâché Draco de ses bras. Il se racla la gorge. Il voulait parler de ce qu'il s'était passé, parce qu'il fallait bien le faire, comprendre toute cette histoire mais c'était un peu compliqué de lancer le sujet. Draco semblait s'être remis et il faisait sa tête de tous les jours, celle d'un mec qui maîtrise la situation. Finalement, la curiosité se fit trop forte et Harry demanda :
« Hum… du coup… tu comptais me le dire quand que tu étais asexuel ? »
Draco sortit la tête de sa tasse. Il passa une main sur son visage.
« À vrai dire, je ne sais pas du tout. J'avais prévu de te le dire quand on est sorti ensemble puis je me suis dit que notre couple était trop neuf pour que je le dise et puis j'ai repoussé, repoussé et encore repoussé. Je ne voulais pas que tu me détestes.
- Pourquoi je t'aurais détesté ?
- Je ne sais pas, parce que je t'aurais dégoûté ? J'ai… (Il prit une inspiration.) J'ai des peurs d'abandon assez fortes.
- Toi ? Tu as des peurs d'abandon ? Pourquoi ?
- J'ai beaucoup perdu… pendant la guerre. Plus que tu ne peux le croire. Je ne suis pas prêt pour parler de ça.
- D'accord, d'accord, je comprends. »
Il prit la main de Draco.
« Est-ce que tu peux me parler un peu plus… de l'asexualité ?
- L'asexualité ? Sa définition ? C'est en quelque sorte le manque de désir sexuel pour une autre personne. Mais ça reste un mot, personne n'est asexuel de la même manière. J'ai lu que certains aimaient se masturber par exemple. Ou même encore que certains aiment voir du sexe mais n'en voudraient pas pour eux-mêmes. Il y a encore d'autres exemples mais ce sont les seuls qui me viennent à l'instant présent. »
Son ton était plus scientifique et ce devait être la raison pour laquelle il ne butait pas sur les mots comme "masturbation" comme il l'avait fait jusqu'alors. Il semblait réciter quelque chose qu'il avait appris par cœur.
« Et toi dans tout ça ? s'enquit Harry.
- Je n'aime pas le sexe dans son ensemble, cela me met mal à l'aise…
- Mais comment tu t'es rendu compte de ça ?
- C'est un peu gênant, rit Draco, gêné. C'était à Poudlard, je devais avoir quatorze ans. Blaise avait découvert les… plaisirs de la masturbation et il m'en parlait en long et en large. J'avais eu un ou deux rêves mouillés à l'époque, je veux dire… les hormones à l'époque ! Donc un matin que je me réveille avec… eh bien disons-le clairement, la trique, j'ai essayé. Mais ce n'était pas si bien. Je me suis dit que ce devait être parce que c'était ma première fois alors j'ai réessayé plusieurs fois mais à chaque fois, je n'aimais pas. Je me sentais même un peu sale de faire ça parce que si je n'aimais pas pourquoi je le faisais quand même ? Et puis ça salissait les draps. Et je pensais juste au temps que cela m'avait fait perdre. Quand j'en ai parlé à Blaise, il m'a dit que je n'étais pas normal. Pendant longtemps j'ai cru ça jusqu'à ce que je tombe par hasard sur une revue scientifique qui traitait de l'asexualité. J'avais été si soulagé. Je me suis enfin senti normal et dans mon droit.
- Donc tu n'as rien envie de faire avec moi ?
- J'ai envie de faire plein de choses avec toi ! Mais pas du sexe.
- Je vois. »
Harry réfléchit un moment.
« Mais moi dans tout ça ? Je veux dire… mon désir pour toi est bel et bien là. Je ne peux pas le faire disparaître, pouf, comme ça. Mais il est évident que je ne vais pas te forcer à faire des trucs avec moi, ça s'rait pas logique. Et même, pas bien tout court.
- Je ne sais pas Harry… Je n'en ai pas envie. Tu en as envie. Et je me doute que c'est quelque chose d'important pour toi. Et je ne voudrais pas te priver de ça…
- Mais tu n'en as pas envie, conclut Harry.
- Non. »
Harry soupira. C'était une affaire complexe. Évidemment, il voulait respecter le désir (ou pour le coup, le non désir) de Draco mais qu'en était-il de son désir à lui ? Il n'avait pas envie de se contenir indéfiniment. Il en rêvait du corps de Draco.
« Hier… commença-t-il, ça t'a vraiment déplu ?
- Je t'aime toujours autant si c'est ça qui t'inquiète, fit Draco sur le ton de la plaisanterie.
- Non mais je veux dire… vraiment, qu'en as-tu pensé ? »
Draco se frotta le menton, regardant dans sa mémoire.
« Ce n'était pas désagréable en soi. Mais j'étais beaucoup plus concentré sur le fait que tu m'en voudrais si je te demandais d'arrêter et si ça te plaisait de faire ça. En fait c'est ça, j'étais complètement déconcentré. »
Il eut un rire au souvenir.
« Je t'avoue que je me suis demandé combien de temps ça allait durer parce que je voulais lire la suite de mon livre. »
Harry rit de concert.
« Oh Merlin mais ce livre ! Il est si bien que ça ?
- Il est très prenant, vraiment, tu devrais le lire.
- Hmf, non merci. Mais d'ailleurs, pourquoi tu es allé le lire en pleine nuit ?
- Oh, ça… fit Draco, gêné. Je sentais que je me remuais méchamment la tête à cause de ce qu'il s'était passé et je ne voulais pas que tu t'en rendes compte… alors je me suis dit que lire ferait passer ça mais à la fin je n'ai pas réussi à lire un seul paragraphe. Et puis tu t'en es quand même rendu compte. Pff, je déteste pleurer devant d'autres personnes. Mais bon… finalement je me sens peut-être mieux que tout soit enfin sorti. »
Pour se redonner un peut contenance, Draco but la fin de sa tasse de thé et grignota un petit gâteau. Harry prit le temps de réfléchir à tout ça. Plus jamais il ne voulait mettre Draco au pied du mur comme il l'avait fait la veille. À partir de maintenant, il allait faire attention à ce que son petit ami voulait vraiment.
« Concrètement, mis à part le sexe, qu'est-ce qui te dérange ? T'as dit que les baisers, c'était O.K., non ?
- Oh… euh, je ne pourrais pas vraiment te dire. Tu es ma première relation et je découvre des choses sur mon corps en même temps. Mais oui, j'adore quand on s'embrasse, termina-t-il en rosissant.
- Et les câlins ? »
Draco eut un rire gêné.
« Tu vas me faire tout dire ? J'adore quand on se câline aussi.
- Et quand je te touche ?
- Ça dépend où j'imagine.
- Genre… l'autre fois, à mon retour d'Inde quand je t'ai embrassé le torse et hum… ton téton ? rougit Harry.
- Oh, rougit de concert Draco. Je crois que je n'avais pas détesté.
- Tu crois ?
- J'avais l'esprit pas à l'endroit.
- O.K., O.K., je note. Est-ce que… est-ce qu'essayer des trucs du genre te rebuterait ? »
Sans le vouloir, Harry avait mis beaucoup d'espoir dans sa question et il s'en voulut car ça avait définitivement dû s'entendre. Draco lui fit un sourire qui le rassura. C'était un de ses rares sourires plein de chaleur, qu'il avait appris à connaître depuis qu'il sortait sérieusement avec Draco. Ce dernier le rasséréna :
« Harry, même si je te demande d'accepter ma sexualité, j'ai conscience que tu aies tes propres désirs et je ne veux pas faire comme s'ils n'existaient pas non plus. J'aimerais essayer dans une certaine mesure ces attouchements. »
Draco avait véritablement une manière de parler bien à lui lorsque l'on traitait de choses un peu gênante à exprimer. Soit il perdait ses mots, soit au contraire il utilisait avec précision les mots les plus justes. Harry trouvait ça tout simplement charmant. Et l'entendre parler ainsi avait le chic de l'émouvoir et de créer du désir en lui… ironiquement. Plutôt que d'étouffer ce sentiment, il décida d'y faire face. Il se leva, se plaça face à Draco et glissa une main sur sa nuque, obligeant le blond à relever la tête puis il se pencha et, lascivement, déroba les lèvres de Draco pour un court baiser. De la main, il caressa sa jugulaire puis sépara leurs lèvres. Les yeux couleur du ciel orageux de Draco se trouvaient à présent embrumés par le baiser.
« Quelque chose comme ça ? demanda Harry, taquin.
- Encore », réclama-t-il pour toute réponse.
Harry ne se fit pas prier et, posant un genoux sur le bord de la chaise, embrassa Draco plus profondément, capturant son visage entre ses mains. Draco enlaça sa taille et répondit amoureusement au baiser, jouant avec les lèvres de Harry, les picorant, les mordillant sous le rire du brun qui se laissait volontiers succomber. Pour finir, Draco embrassa la clavicule de Harry, faisant soupirer d'aise ce dernier.
« Je t'aime Harry », confessa-t-il en déposant sa tête contre le torse de son aimé.
Celui-ci caressa les doux cheveux de son amant.
« Moi aussi, amour. »
Draco soupira.
« Je suis tellement soulagé que finalement tu prennes bien toute cette histoire. J'en faisais des crises d'angoisse. Je ne veux plus jamais avoir à revivre ça. »
Harry gloussa.
« À ce point ?
- Oui, répondit-il sérieusement. Plus jamais je ne te cache quelque chose d'aussi gros.
- Ah parce que si c'est petit, tu vas t'le garder pour toi ?
- Bien sur ! C'est bien d'avoir son petit jardin secret aussi », ricana Draco.
Harry pouffa.
« Toi aussi, continua Draco, je veux que tu me dises ce que tu me caches.
- Moi ? te cacher quelque chose, fit Harry, surpris.
- Ne me prends pas pour plus stupide que je ne suis, prévint Draco. Je sais qu'il y a quelque chose qui te perturbe depuis un moment. »
Harry se détacha de Draco et alla se rasseoir, il n'aimait guère la direction que prenait cette conversation. Évidemment, la question de sa dépression brillait comme un phare dans la nuit mais le truc, c'est qu'il ne se sentait plus aussi déprimé qu'il avait pu l'être avant. Être avec Draco lui faisait un bien fou. Il ne voyait pas l'intérêt de parler de quelque chose qui était relégué au passé.
« Comment ça ? » feint-il.
Draco le dévisagea. Il soupira, secouant la tête.
« Si tu comptes jouer les ignorants… je n'insisterai pas.
- C'est pas très gentil… ne put s'empêcher de pointer Harry.
- Qui a dit que j'étais gentil ? souleva-t-il avec humour. Je te laisse une dernière chance : as-tu un problème dont tu aimerais parler avec moi ? »
Harry hésita, Draco persistant malgré tout. Il posa son regard sur le chandelier au délicat ouvrage posé au milieu de la table. Il avait le chic de créer une ambiance plutôt romantique quand ils l'allumaient le soir.
« Harry ? le rappela le maître de maison.
- Je ne sais pas quoi te dire… » commença-t-il.
Voyant que Draco attendait la suite, Harry continua :
« Je veux dire, c'est pas comme si tu y pouvais quelque chose.
- Et quelle est cette chose pour laquelle je ne peux pas t'aider ? Laisse-moi être le décideur de cela.
- Hum… »
Il n'avait vraiment pas envie de parler de sa dépression maintenant. En plus ça ruinerait l'ambiance qu'ils avaient créée. Était-ce une stupide excuse ? Oui. Et il s'en rendait lui-même compte. Il fallait qu'il en parle, hein ?
« Je…
- Oui ?
- Je crois que depuis un long moment maintenant… je me traîne une… dépression. »
Oh ça y est, il l'avait dit. Il l'avait dit ? Il l'avait dit ! Ce n'était pas si compliqué que ça finalement. Mais cela n'empêchait pas sa gorge d'être nouée. L'avouer l'avait rendue bien réelle et – il ne savait pas pourquoi – il sentait tout un tas d'émotions l'assaillir. Encore un peu et il aurait les yeux qui larmoieraient.
« Une dépression ? voulut savoir Draco plus en détail.
- Ouais, une dépression. J'sais pas comment on appelle le fait que pour un oui ou pour un non je peux passer d'une crise de larme à une envie de ne rien faire du tout, à part une dépression, asséna-t-il plus durement qu'il l'aurait voulu.
- Harry, tu as une certaine tendance à attaquer quand on te met face à quelque chose de négatif, pointa Draco. Je veux juste t'aider, ne me repousse pas. Viens, allons dans le salon. »
Harry hocha la tête et Draco lui prit la main pour le conduire jusque sur le sofa du salon. Ainsi, Harry pouvait se coller à Draco tout autant qu'il voulait sans avoir à le regarder dans les yeux alors qu'il expliquait :
« Depuis la fin de la guerre, surtout depuis que l'on a quitté Poudlard, je me sens… vide. »
Draco l'écoutait sans rien dire, lui caressant les cheveux.
« C'est comme si toute ma vie était déjà tracée, que toutes les portes m'étaient ouvertes et que j'errais dans un couloir sans savoir laquelle franchir.
- C'est un peu contradictoire avec le fait que ta vie soit toute tracée, non ?
- Oui, oui, je sais. Mais c'est ça le truc. Tout est contradictoire ! Tu sais qu'on m'a proposé de devenir directement auror après la guerre ? Je n'avais même pas mes ASPICs, je n'avais même pas fait ma dernière année à Poudlard.
- C'est plutôt bien, non ? Tout le monde n'a pas cette chance.
- Une chance que j'ai eue à cause d'une fichue prophétie et du meurtre d'un homme. »
Ça y est, ils touchaient au fond du problème. Voldemort. Vous-Savez-Qui. Le Seigneur des Ténèbres. Tom Jedusor. Quel nom encore pouvait-on lui avoir donné ?
« Tout le monde me remercie pour avoir tué quelqu'un, continua-t-il. Ça… ça me bouffe. Et personne ne comprend…
- Tu… tu regrettes d'avoir tué le Seigneur des Ténèbres ? fit Draco, abasourdi.
- Oui ! Oui, je regrette ! J'avais dix-sept ans. Tu te rends compte ? dix-sept ! Je n'aurais dû avoir à tuer personne. Et on m'a mis cette putain de responsabilité sur le dos.
- La guerre force les gens à faire des choses qu'ils n'auraient jamais faites, Harry. Grâce à toi, plein d'enfants et d'adolescents ont survécu. Ton sacrifice les a sauvés. Il a sauvé le futur de ces enfants. Comme Teddy.
- Ses parents sont morts lors de la bataille de Poudlard !
- Mais toi tu n'es pas mort et tu lui as offert un avenir en supprimant Tu-Sais-Qui. Et je suis sûr qu'il grandit entouré d'amour, même si ses parents sont absents. Tu aimes Teddy, non ? »
Harry essuya rageusement une larme qui avait coulé sur sa joue.
« Bien sur que je l'aime. Mais il est orphelin. Je sais ce que c'est…
- Tu n'avais pas été élevé chez ton oncle et ta tante ? s'interrogea Draco, perplexe.
- Si… Mais ils ne m'ont jamais aimé. Ils m'ont fait croire pendant des années que j'étais un moldu et que mes parents étaient morts dans un accident de voiture.
- Je croyais que… commença Draco, surpris.
- Que j'étais heureux dans ma famille de moldu ?
- Oui… tout le monde croyait ça à Poudlard.
- Tu sais ce qu'ils m'ont fait ? » s'énerva Harry au souvenir.
Jamais il n'avait parlé des Dursley à ses amis. Et surtout pas à Ron et Hermione. Ils étaient bien sûr au courant que les Dursley n'étaient pas des plus tendres avec lui, tout l'Ordre le savait à l'époque mais jamais ils ne s'étaient inquiétés que ce fût plus qu'un simple désamour. Alors il n'avait rien dit. Ses amis, qui avaient grandi dans l'amour de leur famille, n'auraient jamais compris. Et voilà qu'il allait tout raconter à Draco. Il y avait quelque chose chez lui qui lui poussait à tout avouer. Comme s'il n'était pas jugé. Et qu'il était soutenu.
« Jusqu'à mes onze ans, ma chambre c'était le placard sous l'escalier. »
Draco le regarda avec effroi.
« Un placard ?
- Un putain de placard, confirma Harry. J'ai vécu pendant onze ans dans un putain de placard. Les Dursley pouvaient m'y enfermer quand ils voulaient et je ne pouvais pas ouvrir de l'intérieur.
- Mais… c'est horrible !
- J'étais une abomination pour eux. Ils ont tout fait pour que je ne reçoive pas ma lettre pour Poudlard. Il a fallu que Hagrid me la remette en main propre ! »
Il n'avait jamais fait face à ce passé-là. Et maintenant qu'il y pensait, il était vachement mal foutu son passé. Il ne pouvait plus retenir les larmes qui coulaient à présent sans discontinuer sur ses joues. Draco l'enlaça et embrassa son front derrière ses cheveux.
« Je suis terriblement désolé que tu aies dû vivre ça. Cela n'aurait pas dû être possible.
- Toute… toute ma vie a été dictée par les autres… sanglota-t-il. Les Dursley, Dumbledore, la prophétie et maintenant mon titre de "Héros". Tout ce que j'ai toujours voulu, c'était d'être normal… Ils ont fait de moi un meurtrier. »
À présent qu'il avait ouvert les vannes, il n'arrivait plus à se retenir. Il pleurait dans les bras de Draco qui le berçait doucement en lui caressant le dos. C'était la première fois qu'il se lâchait ainsi face à lui. Décidément, entre Draco la veille et lui aujourd'hui, est-ce qu'on pouvait vraiment parler de vacances ? Un rire le prit à travers ses larmes et il partagea à Draco sa pensée. Celui-ci rit à son tour et caressa la joue de Harry du dos de la main. Il essuya ses larmes. Et embrassa son nez. Puis prit la parole :
« Tu dois le savoir mais quand j'étais en sixième année, j'avais reçu l'ordre de tuer Dumbledore. Ce fut sans problème la pire année de ma vie. Et je ne dus mon innocence qu'à Snape qui porta le coup final à ma place parce que ma mère le lui avait ordonné. J'ai passé un an à me demander comment j'accomplirais cette mission. La mort de Dumbledore me pesait déjà alors même qu'il n'était pas encore mort. Mais je n'ai passé qu'un an avec ça. Toi, tu as dû y faire face pendant beaucoup plus longtemps. Je ne peux pas comprendre ce qu'il en est pour toi, même si je m'y efforce le plus possible. Mais je sais une chose. J'étais là pendant ton duel final avec le Seigneur des Ténèbres, tout le monde était là. J'ai vu la mère Weasley tuer ma tante. Mais toi, je ne t'ai pas vu tuer Tu-Sais-Qui. Jamais tu ne lui as lancé le sort final. Il se l'est lui-même lancé. Tu l'as simplement désarmé. Alors appelle-toi meurtrier autant que tu veux, pour moi, tu ne le seras jamais. »
Harry fut secoué d'un nouveau sanglot. Pour la première fois, il entendait les mots dont il avait besoin. Depuis combien de temps avait-il inconsciemment espéré les entendre ? Il n'arrivait pas à se défaire du fait que c'était tout de même lui qui avait tué Voldemort mais les mots de Draco lui faisaient tant de bien.
o0O0o
Ils passèrent ce jour-là et le suivant à profiter l'un de l'autre, à beaucoup parler et parfois à être simplement côte à côte sans échange de paroles. Leur relation semblait avoir franchi un nouveau cap et ils en avaient tous deux conscience.
« Je n'ai pas envie de reprendre le travail… » soupira Draco.
Il était allongé entre les jambes de Harry, face aux vagues lascives, à profiter du formidable soleil.
« Et pourquoi donc ? moqua son amoureux qui jouait avec les mains du blond.
- Je ne vais plus pouvoir te voir, bougonna-t-il.
- Aw… moi aussi, tu vas me manquer.
- Tu as fini de te rire de moi ? Je suis vraiment triste ! »
Draco se détacha du torse de Harry pour lui lancer un regard noir. Le destinataire de celui-ci en fit peu de cas et embrassa même son nez. Ce dernier soupira et reprit sa place.
« J'étais sérieux, lui dit Harry. Ta p'tite tête blonde va grave me manquer. »
Draco présenta un sourire satisfait.
« Enfin une bonne réponse ! »
Harry rit et caressa ses cheveux. Celui-ci ferma les yeux et se laissa faire. Harry, appuyé contre un rocher, se réchauffait sous les rayons du soleil. Il était assez fier de lui. Quand il reviendrait pour la rentrée, il aurait bien bronzé et Harry se préférait avec la peau caramel.
« Harry, j'aimerais qu'on reparle de cette fois où je t'ai laissé en plan »
L'interpellé remit les pieds sur terre. Il regarda son petit ami avec incompréhension.
« Je croyais qu'il n'y avait plus rien à dire à ce propos, fit celui-ci surpris.
- Je… pense ne pas avoir été complètement honnête avec toi. Et vu que tu l'as encore sorti l'autre jour, c'est que l'on n'en a pas complètement terminé.
- Attends, comment ça tu n'as pas été honnête ? Il y avait vraiment quelque chose ? »
Décidément. C'était la période des révélations.
« Je… oui, en quelque sorte, expliqua Draco. Je n'ai pas menti, je n'étais vraiment pas prêt et ça m'a fait peur.
- Mais ?
- Mais c'était un peu plus que ça. Le… l'article de ce journaliste et son interview m'ont encore plus effrayé.
- Comment ça ? s'étonna-t-il.
- Ce… ce n'était pas tant le fait de t'embrasser qui me faisait peur que le symbole que ça représentait. Que tu représentes. »
Harry comprit enfin.
« Tu as peur qu'on sache pour nous, conclut-il.
- Non ! rétorqua automatiquement Draco. Enfin… oui peut-être.
- Pourquoi tu ne m'en as pas parlé ?
- Parce que, parce que… (Il prit une grande inspiration.) Parce que je me suis demandé si ça valait la peine de continuer notre relation, et je me suis senti très très mal à l'aise face à ça, parce que je t'ai toujours aimé, tu vois, et que je ne comprenais pas comment j'avais pu avoir une telle pensée. Puis tu t'es mis en colère contre moi, ça m'a fait encore plus douter et en même temps j'avais juste tellement peur que tu me quittes et… et je t'aime malgré tout. Bref, imagine ma tête à ce moment-là.
- Mais… qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ?
- Je ne sais pas trop… j'ai tout avoué à Blaise et il m'a fait comprendre que déjà, je n'aurais pas dû te laisser en plan comme ça, et ensuite que tu ne me méritais pas, donc j'étais bien avancé… »
Draco avait quitté le creux de ses jambes pour pouvoir lui faire face.
« Zabini… t'a dit que je ne te méritais pas ? s'exclama Harry, choqué.
- Tu m'as un peu hurlé dessus en plein dans la cafétéria après tout. Encore heureux que j'avais lancé un sort de silence. »
Harry fut mortifié au souvenir.
« Oh… bredouilla-t-il, honteux. Et euh… qu'est-ce qui t'a fait vouloir rester avec moi finalement ?
- Le fait que tu n'aies pas abandonné l'idée de me voir, j'imagine. Tu aurais très bien pu mettre fin à notre relation, on n'était pas encore aussi proche qu'on l'est aujourd'hui, mais tu n'as pas laissé tomber pour autant. Je crois que je me suis dit que si tu t'accrochais ainsi, pourquoi je devais autant m'inquiéter pour les qu'en dira-t-on ? Et ça m'a débloqué sur ma peur de t'embrasser. Je veux dire, j'avais déjà envie de t'embrasser depuis longtemps mais j'étais trop inquiété par la chose en vrai. Alors que ce n'est qu'un baiser, non ?
- Ce n'était pas qu'un baiser Draco, c'était ton premier baiser. »
Le visage de Draco se durcit mais Harry sentit que sa colère n'était pas dirigé vers lui mais plutôt envers lui-même.
« Mais je ne suis plus un adolescent ! s'engagea-t-il. Je ne suis plus… dirigé par mes hormones ! ou je ne sais quoi. Je n'aurais pas dû être aussi coincé sur ça.
- Il n'empêche que cela reste ton premier baiser. Et vu tes lectures, t'es un romantique – enfin, ça, je l'avais compris bien avant –, donc c'est un truc super important pour toi, non ? »
Draco ouvrit la bouche, incapable de croire ce qu'il venait d'entendre.
« Je croyais que tu ne prêtais pas attention à ce que je lisais ! Et comment tu sais que c'est romantique d'abord ?
- Allons… Jane Austen ? le tança Harry. Si tu lis des classiques, même moi je m'en rendrai compte.
- J'adore tellement cette auteure, marmonna-t-il, rêveur.
- Avoue-le, tu voulais que notre premier baiser soit quelque chose de vraiment spécial. »
Draco soupira et secoua la tête.
« Oui, bon, effectivement, il y a un peu de ça aussi.
- Ne me dis pas que tu as fait exprès de m'embrasser dans ta chambre à ta fête d'anniversaire plutôt que je ne sais quand ! En plus, ça colle parfaitement avec ton côté organisateur. »
Draco détourna la tête mais Harry vit définitivement ses oreilles rougir. Un immense sourire se colla sur son visage.
« Oh, Draco c'est si…
- Midinette ?
- Adorable !
- Urgh, je t'interdis de me reparler un jour.
- Aww, mais c'est qu'il est gêné mon Draco. Mais t'inquiète, ça restera un secret entre toi et moi. »
Draco ricana, ne pouvant se retenir.
« Si tu promets de ne plus jamais mentionner ce tragique moment lors d'une dispute, j'accepte de te reparler.
- Hum, à une condition !
- Laquelle ?
- Que tu embrasses ma main comme un fier chevalier. »
Draco souleva un sourcil amusé. Il obligea Harry à se mettre debout puis il mit un genou à terre et embrassa le dos de la main droite de sa damoi- hum, de son damoiseau.
« Mon Sieur est-il comblé ?
- Plus que jamais mon Tristan, continua Harry, un rire dans la voix.
- Tu ne t'appelles pas Iseult que je sache. Et puis ne nous compare pas à cette histoire tordue.
- Tristan et Iseult ne sont pas le symbole du couple ?
- Ils sont amoureux à cause d'un philtre d'amour !
- Mais ils décident de rester ensemble même après que les trois ans d'influence du philtre soient passés, non ?
- Mouais… ça reste tordu je trouve.
- Hm », termina Harry.
Ils finirent pas exploser de rire.
o0O0o
Ils passèrent leur dernière soirée encore une fois autour d'un dîner délicieux. Puis Harry proposa malicieusement d'aller faire un « petit bain de minuit ». Mais c'était sans compter sur Draco qui ignorait de quoi il s'agissait. Harry passa son temps à essayer d'arrêter de rire pour lui expliquer de quoi il s'agissait tout en glissant entre deux phrases une petite moquerie. Finalement ils passèrent une bonne heure dans la mer, habillés comme au premier jour, sous la seule lueur bienfaisante de la lune. Harry avait proposé de lancer un lumos mais Draco avait refusé niet, préférant l'intimité de la nuit.
Le lendemain matin, ils préparèrent leurs affaires et rangèrent la maison même si les elfes de maison se chargeraient de lui donner un petit coup de propre. Après un dernier câlin d'au revoir et la promesse de se revoir dans la semaine, ils se séparèrent et chacun rentra chez soi. Harry passa un moment très étrange, seul, dans sa maison. Il resta sans bouger pendant au moins dix minutes avant de finalement secouer la tête et se décider à ranger ses affaires et sa valise. Il n'avait rien de mieux à faire. Et il se connaissait, s'il ne le faisait pas maintenant, la valise allait rester ouverte dans sa chambre pendant des semaines, peut-être des mois.
C'était vraiment bizarre de ne pas avoir Draco dans les parages. Certes, cela ne faisait qu'une semaine qu'ils avaient été presque tout le temps ensemble mais voilà, il s'était déjà habitué. Oui bon, il était soulagé de retrouver aussi ses habitudes de vie solitaire, de ne pas faire la vaisselle tout de suite après avoir mangé, de pouvoir prendre toute la place qu'il voulait. Mais lorsqu'il dîna, tout seul, devant la télévision comme fond sonore, il était esseulé et en manque.
Cela ne s'arrangea pas lorsque la semaine passa, bien qu'il se réhabitua vite à sa maison vide. Il était toujours en vacances et il n'avait rien à faire. L'ennui était au plus fort et le déjeuner qu'il eut avec Draco n'y changea rien. Alors, lorsque des amis l'invita à une soirée, il sauta sur l'occasion. Ils se retrouvèrent à The Understander et rattrapèrent la vie de chacun. Enfin, surtout ce qu'ils avaient fait pendant les vacances. Ils avaient tous tellement de projets qu'ils n'avaient qu'une peur, devoir retourner en cours en septembre. Harry n'osa pas leur dire qu'absolument rien ne lui faisait envie. Et que son seul projet jusqu'à fin août, c'était de ne pas oublier de manger le soir. Il était horrifié de se rendre compte qu'il n'avait aucun hobby. Depuis quand plus rien ne l'intéressait ? À part Draco ? Et encore… pouvait-il comparer une relation à un passe-temps ? Certes, cela faisait effectivement passer le temps mais cela ne lui semblait pas très juste.
Pour se débarrasser de ces pensées qui viraient un peu trop sombres, il s'enivra de la présence de ses amis et fit la fête jusqu'à une heure bien avancée. Il y eut un verre de trop et Harry se retrouva coincé dans les toilettes, dans une douce odeur qui lui avait tant manqué. Et pour une raison qu'il ne comprenait pas, c'était le propriétaire de la boîte de nuit qui lui frottait gentiment le dos. Lorsque ses régurgitations se calmèrent, le gérant – Jack, se rappela-t-il – glissa entre ses mains tremblantes un verre d'eau. Cela lui rappela bizarrement la fois où ils avaient fêté la fin des examens et que Neville était celui qui prenait soin de lui. Mais son ami n'était pas présent, il était en voyage avec Luna de l'autre côté de l'Atlantique.
« J'm'ennuie… » se plaignit-il après avoir avalé son verre à petite gorgée.
Jack le regarda dans le blanc des yeux et secoua la tête.
« Et c'est une raison pour te torcher comme ça ? »
Harry fit la moue, se doutant de ce qui aller arriver.
« C'est pas la première fois que je te vois boire à t'en faire vomir. Ni la deuxième. Est-ce que ça va ? »
Harry gargouilla des mots sans grand vraiment sens. Jack soupira.
« O.K., viens. T'as besoin de t'allonger. »
Il l'aida à se relever et ils sortirent des toilettes. Les basses faisaient trembler le sol si bien que Harry avait l'impression d'être sur un bateau balancé par les remous violents des vagues. Il gémit et se tint la tête. Jack le dirigea tant bien que mal jusqu'à une porte où il était indiqué « employés uniquement ». Ils passèrent ainsi un couloir puis montèrent un escalier et atteignirent finalement un studio très mal rangé. Jack fit s'allonger Harry sur le canapé en tissu sombre. Ce dernier ne pensait qu'à une seule chose.
« Tu vis ici ? »
La marche lui avait un peu remis les idées en place, mais il était bien content d'être étendu parce que le monde continuait à être tout flou.
« Yep. Tu m'excuseras pour le bazar, je ramène rarement des gens ici. Tiens, bois. »
Il lui tendit un verre rempli d'un liquide bleu que Harry ne connaissait que trop bien.
« Ah ça tombe bien, j'avais plus d'Au Revoir Ivresse chez moi. »
Il avala la potion avec une grimace. Sa tête s'éclaircit aussitôt et sa nausée recula.
« Ah… ça fait du bien. Merci. »
Le gérant récupéra le verre et alla le déposer dans l'évier où était déjà entreposée de la vaisselle. Harry regarda un peu autour de lui. Juste à côté de la porte, il y avait un bureau avec un ordinateur. Cela faisait bien quelques années qu'il n'en avait pas vu. C'était Dudley qui en avait eu un pour ses seize ans parce que vraisemblablement, tous ses amis en avait un aussi. Harry avait vaguement une idée d'à quoi cela servait mais il aurait été bien incapable d'en utiliser un. La kitchenette était à l'opposé du bureau. Si l'on avait voulu une image pour représenter l'optimisation de place, c'était certainement cette cuisine ridicule qu'on aurait choisi. Il y avait une petite table ronde et deux chaises sur laquelle une montagne de papier prenait toute la place. Il n'y avait visiblement pas de lit alors Harry conclut que le canapé sur lequel il était assis devait être un canapé-lit.
« Tu as fini d'analyser mon studio ? s'enquit Jack, les bras croisés, appuyé contre le plan de travail.
- Oh, désolé. J'voulais pas être indiscret. »
Il ne connaissait pas vraiment le gérant de la boîte. C'était l'ami d'un ami et il arrivait qu'il se joigne à leur groupe lors de sorties ou lorsqu'ils jouaient dans la partie sorcière avant les heures d'ouverture. Mais ils n'avaient jamais parlé seul à seul.
« Pourquoi tu m'as amené ici ?
- Je me suis dit que tu avais besoin de tranquillité.
- Merci. Ça t'arrive souvent de faire ça ?
- Non du tout. C'est la première fois.
- Alors pourquoi ? »
Il y avait un truc pas net dans cette histoire. Jack soupira et tira une chaise pour s'y installer.
« Tu m'inquiètes. »
Alors là, Harry ne s'y attendait pas du tout. Il s'apprêta à dire quelque chose mais Jack fut plus rapide :
« Je sais que, en soi, on ne se connaît pas tant que ça mais je veux que tu saches que je te considère comme un ami. Et j'ai tendance à mettre mon nez dans les affaires des autres. Bref, j'ai remarqué que très souvent, tu n'as pas l'air au mieux de ta forme. Et je ne pouvais pas rester sans rien faire. »
Harry ne savait que dire. Comment une personne qui ne le connaissait pas pouvait s'inquiéter pour lui ? Il ne se sentait guère en confiance. Et puis surtout, pourquoi c'était lui qui s'inquiétait et pas ses amis ?
« Écoute, merci pour la potion mais tu t'inquiètes pour rien, finit-il par dire.
- Tu disais que tu t'ennuyais il y a même pas dix minutes.
- C'est les vacances et je n'ai rien à faire, c'est tout. »
Jack le regarda avec suspicion.
« Vraiment ? demanda-t-il tout de même.
- Oui, voulut le convaincre Harry.
- Tu as fait quoi pendant cet été ? »
La question pouvait sembler ingénue mais Harry sentait qu'il y avait un piège derrière, bien qu'il n'arrivait pas à voir quoi. Conscient qu'il allait se faire avoir, il répondit :
« Je suis allé en Inde deux semaines, j'ai fêté mon anniversaire et la semaine dernière, j'étais avec… un ami. »
Harry avait hésité sur le mot juste à employer pour désigner Draco et il s'était finalement rabattu tout simplement sur ami, qui devrait lui éviter tout ennui.
« C'était un programme bien chargé dis-moi, sourit Jack.
- Ouais, plutôt.
- Et pourtant, tu t'ennuies. »
O.K., il était là le piège, et évidemment, il avait sauté dedans à pieds joints. Il soupira et d'un mouvement des bras lui signifia qu'il avait gagné.
« Et qu'as-tu fait pour pallier à ton ennui ? » continua Jack.
Harry haussa les épaules.
« C'est pas comme si j'avais la motivation de faire quelque chose à la base…
- Je vois… Tu sais ce que c'est, ça ? »
Harry secoua négativement le chef.
« C'est un début de dépression. »
La surprise serra le cœur de Harry. C'était si visible que ça ?
« Dépression dans son sens premier, la chute de la pression. T'as eu une année de cours compliquée j'imagine et tu as pas mal bougé pendant ces vacances. Tu as besoin de faire retomber la pression. Et tu sais quoi ! l'ennui, le cerveau adore ! Alors c'est une bonne chose que tu t'ennuies, je pense. »
Harry le regardait avec consternation. Il ne savait pas s'il devait rire ou être horrifié.
« Mais est-ce que c'est un bon ennui que tu as ? continua-t-il. Ça, j'en suis moins sûr. Quand tu t'ennuies, qu'est-ce que tu fais ? »
Jack était tellement à fond dans ce qu'il racontait que Harry se sentit obligé de lui répondre.
« Je sais pas, je regarde la télé ?
- Ah ah ! C'est pile ce qu'il ne faut pas, s'exclama-t-il. C'est un mauvais ennui car ton esprit reste concentré sur la télé. Rester dans le jardin et ne rien faire, ça, c'est du vrai bon ennui. »
Urgh, quand est-ce qu'il pourrait s'échapper de cet idiot ?
« Un bon ennui, c'est aussi quand tu fais une activité manuelle que tu maîtrises bien et qui permet à ton esprit de vagabonder.
- Ah ! Comme quand je fais la cuisine ! »
Il s'était fait emporter par son enthousiasme…
« Exactement ! se réjouit le gérant.
- Mais si ça reste ennuyeux à faire, quel est l'intérêt ?
- Un, ça fait passer le temps. Deux, ça fait du bien à ton esprit. Ça ne t'es jamais arrivé d'avoir à résoudre une situation complexe et de ne savoir comment t'y prendre et qu'après une situation ennuyeuse, tu trouves la solution miracle ? C'est parce que ton cerveau va profiter de cet ennui pour imaginer plein de façon différente pour résoudre le problème. Ou alors quand tu es en manque d'inspiration pour je ne sais quel devoir et qu'après un peu de ménage, tu écris ce fichu parchemin dans l'après-midi ? »
Cela sentait le vécu.
« Ah oui, effectivement, approuva Harry. Mais cela reste ennuyeux. Comment faire pour se départir de l'ennui ?
- Tu as dit que tu faisais de la cuisine, c'est ça ? Est-ce que tu t'ennuies beaucoup quand tu cuisines ?
- Eh bien… ça dépend des moments. Mais… pas vraiment, j'imagine. Parce que j'aime cuisiner, je pense.
- C'est parce que tu aimes ça ! Exactement. Quand tu cuisines, tu n'as pas l'impression de perdre ton temps, pas vrai ?
- Encore une fois, ça dépend des moments mais, oui, tu as raison.
- La télé par contre, tu vois bien le temps perdu, hein ?
- Oh ça oui ! s'exclama Harry.
- Est-ce que tu vois où je veux en venir ?
- Je crois… » fit Harry.
Jack était un peu spécial mais à bien y regarder, il semblait en fait plutôt sympathique.
« Si tu t'ennuies, trouve-toi une activité manuelle, un passe-temps, conclut Jack.
- Mais je ne sais pas quoi faire…
- Tu as essayé de voir les activités que ton quartier proposait ? Comme des cours de dessin, de la natation et que sais-je encore ?
- Oh, je suis vraiment mauvais en dessin et je ne sais pas nager.
- Ça peut être l'occasion d'apprendre, encouragea Jack.
- Mais c'est les enfants qui font ça. Pas les adultes, non ?
- Tu te trompes mon cher Harry. Cela concerne toute génération. Qu'est-ce que tu aimerais essayer ? »
Harry prit le temps de réfléchir. Quand il était en primaire, Dudley avait toujours eu des activités extra-scolaires le samedi, comme le piano une année. Harry, lui, n'en avait jamais fait – Cela coûte de l'argent voyons. – et n'avait vraiment aucune idée de ce que c'était, en fait. Il se tourna vers Jack qui lui faisait un sourire encourageant.
« Tu fais une activité, toi ? demanda-t-il.
- Moi ? Oh, je suis bénévole à l'association du quartier. On s'occupe d'un jardin communautaire, on fait des soirées à thème et des activités pour les enfants. Mais je pratique aussi l'art martial du ba gua zhang. »
Ah, ceci expliquait donc le physique avantageux et élancé du jeune homme.
« Hm… je ne vois pas ce que je pourrais faire, Harry s'avoua-t-il vaincu.
- Tu sais quoi ? Tu n'as qu'à prendre la brochure de mon association et essayer tout ce qui te tente. Les premiers cours sont gratuits. »
Il alla à son bureau et chercha dans ses tiroirs le fameux pamphlet. Il le donna à Harry qui le plia et le rangea dans sa poche. Il le remercia et, à son grand étonnamment, son remerciement était sincère. Jack avait su lui redonner de la motivation.
« Bon, maintenant que tout cela est réglé, je vais retourner travailler. Quant à toi, tu vas me faire le plaisir de ne pas boire un verre de plus et de rentrer chez toi dormir. »
Harry rit sous l'ordre et accepta. Il alla donc dire au revoir à ses amis qui étaient encore sur place et qui lui demandèrent où il était passé. Puis il transplana chez lui et il s'endormit comme une souche dans son lit.
o0O0o
Harry n'eut guère le temps de regarder la brochure que Jack lui avait donnée car vint le week-end et le retour de Teddy qu'il avait l'impression de ne pas avoir vu depuis une éternité. Le petit démon était surexcité et Harry passa tout son temps à lui courir après. Et deux jours après l'avoir rendu à sa grand-mère, celle-ci tomba malade. Heureusement, ce n'était pas quelque chose de grave et elle put se reposer chez Harry alors que celui-ci s'occupait du monstre.
Ce fut seulement après une soirée forte en émotion que Harry retomba sur la brochure. Il prit donc finalement le temps de la consulter. Il y avait plein d'activités proposées, dont certaines à faire « en famille ». Il entoura celles qui lui semblaient intéressantes et se fit la promesse d'appeler le centre le lendemain pour plus de renseignements.
Évidemment, une fois le lendemain venu, il oublia et ce n'est que lorsque Andromeda repartit chez elle avec son petit-fils et que Harry ressentit soudain un grand vide dans le silence de la grande maison qu'il se décida à aller se renseigner. Il revint de son entrevue par téléphone avec un choix un peu plus restreint et un rendez-vous prévu dès le lendemain.
Ainsi, il se présenta un mercredi matin – le réveil avait été dur – à la piscine municipale. Ce n'est qu'une fois en face du bâtiment qu'il se demanda quelle folie l'avait pris de se laisser entraîner dans une activité pareille. Il ne savait pas nager. Et ce n'était pas à vingt-et-un ans qu'il allait apprendre. Il avait envie de tourner les talons et de se réfugier sous la couette et récupérer des heures de sommeil bien méritées. Mais à l'idée de faire attendre indéfiniment la personne qu'il avait eue au téléphone suffit à lui donner le coup au derrière nécessaire. Avec une inspiration pour se donner courage, il entra dans le bâtiment.
La première chose qu'il remarqua, ce fut l'odeur de chlore. C'était bien une odeur qui ne ramenait aucun souvenir particulier à Harry. Ou peut-être si, un. Il devait avoir huit ans et les Dursley et lui s'étaient rendus au parc aquatique en compagnie d'un copain de Dudley. Il avait passé son temps dans la pataugeoire quand il ne se faisait pas poursuivre par son cousin et son ami. Ils l'avaient même balancé dans la piscine des grands et si ce n'était pas pour ce gentil monsieur qui leur remonta les bretelles, il se serait noyé. Urgh, ce n'était vraiment pas le genre de souvenirs dont il voulait se rappeler…
Alors… ou est-ce qu'était le fameux distributeur automatique où il devait rejoindre la dame du téléphone ? Il le repéra bien vite car non loin de l'accueil. Il y avait bien quelqu'un qui attendait sur le banc à côté mais c'était un vieux monsieur et Harry était sûr et certain que sa voix ne correspondrait pas à celle qu'il avait entendue via le combiné. Il décida donc de s'asseoir non loin et d'attendre que la personne arrive. Il était arrivé tôt après tout.
Un couple qui devait avoir la cinquantaine arriva et salua le monsieur qui les accueillit tout sourire. Si ça se trouvait, ils faisaient partie du groupe de l'association. Et c'est justement en se disant cela que la femme s'approcha de lui d'une façon rassurante.
« Bonjour. Vous êtes là pour le cours ? »
Elle était rousse et Harry ne pouvait s'empêcher de penser à Lily. Elle aurait sûrement été à peu près du même âge qu'elle. Mais à part ses cheveux, elle ne ressemblait en rien à sa mère.
« Bonjour, répondit-il. Oui, on m'a dit d'attendre ici. »
Il lui serra la main.
« C'est votre première fois ? »
Il acquiesça.
« Moi c'est Claire. Mon mari, là-bas, c'est Jean. Et lui, c'est Malcolm.
- Harry Potter », se présenta-t-il.
La dame avait un accent français ténu. Elle devait vivre en Angleterre depuis longtemps. Ils discutèrent de formalités et quelques minutes plus tard, la responsable arriva finalement. Elle accueillit Harry avec de grands sourires, plaisanta sur sa force de persuasion pour l'avoir convaincu d'essayer la natation et lui montra un papier qu'il pourrait signer à la fin du cours s'il souhaitait continuer. Et le cours commença enfin lorsqu'ils furent une petite douzaine. Il n'y avait personne de son âge et cela mettait mal à l'aise Harry qui crevait déjà sous le stress. La plus jeune personne du groupe avait un peu plus de trente ans et plus de la moitié aurait pu être ses grands-parents.
Les deux heures furent très dures, cela faisait une éternité que Harry n'avait pas été confronté à un challenge pareil. Il ne comprenait pas et était certain que jamais il ne réussirait à apprendre à nager. Il était découragé et tellement en colère contre lui-même. Pourquoi est-ce qu'il ne savait pas nager ? Tout le long du cours, sa gorge le serrait comme jamais elle ne l'avait fait et Harry n'avait qu'une peur, éclater en face de tous ces vieux qui savaient mieux se débrouiller que lui dans le petit bassin.
Oh, il ne s'ennuyait pas, ça c'était sûr mais la frustration qu'il ressentait était à deux points de le renvoyer dans les jupes de la dépression et de l'ennui. Pourquoi est-ce qu'il avait fait ça ? Pourquoi est-ce qu'il s'était laisser embarquer dans cette stupide histoire ? Il n'avait pas besoin de savoir nager en plus. Il pouvait très bien passer le reste de sa vie sans nager. Il avait bien réussi sans jusqu'à présent.
Dans les vestiaires, au moment de se rhabiller, il prit de grandes inspirations pour tenter de se calmer et ne pas pleurer de rage. Il sortit en dernier avec la conviction que jamais il ne remettrait les pieds ici. Mais alors qu'il avait prévu de partir en douce, Mary, la responsable d'activité l'avait attendu de pied ferme à l'entrée. Avec un sourire encourageant, elle lui demanda s'il comptait revenir la prochaine fois. Un sourire crispé sur le visage, Harry lui répondit :
« Je ne pense pas. Je ne suis pas sûr que je sois fait pour ça.
- Tu es sûr ? Je trouve que tu te débrouilles bien pourtant.
- Ah… ah bon ? » fit Harry, surpris.
C'était bien la dernière chose à laquelle il s'était attendu. Mary posa une main réconfortante sur son épaule.
« Je sais que ça peut paraître compliqué, voire impossible mais il faut persévérer et je t'assure que d'ici quelques mois, tu sauras barboter sans grande difficulté.
- Je ne sais pas… J'ai l'impression d'être un incapable.
- C'est parce que tu n'as jamais appris avant aujourd'hui. Tu ne peux pas être un génie et savoir me faire le crawl dès la première leçon. »
Les mots de la femme le réconfortait un peu mais dans son être, tout n'était qu'hésitation.
« Écoute, viens encore la semaine prochaine et si vraiment, cela te semble impossible, je n'insisterai pas. Et en gage de ma bonne volonté, je te ferai signer le papier seulement à la fin du prochain cours. »
Harry réfléchit un instant.
« O.K. », se laissa-t-il faire.
Mary lui sourit et serra amicalement son bras.
« Super ! À la semaine prochaine alors.
- À la semaine prochaine », la salua-t-il.
Puis il rentra chez lui et ne bougea pas de son canapé jusqu'à la fin de la journée.
o0O0o
On était le premier septembre et comme chaque année, le monde sorcier était entièrement tourné vers le départ des élèves à bord du Poudlard Express. Harry était nostalgique de cette époque. Quelque soit l'année, il s'était toujours passé quelque chose sur la route pour Poudlard. Mais le trajet le plus calme, ç'avait été pour sa dernière année. Le Seigneur des Ténèbres mort, Harry jouissait à présent d'une popularité sans précédent. Mais lors du trajet en train, rempli de faces familières, il s'était senti à sa place et de retour chez lui. Personne n'était venu le perturber et il avait passé tout son temps avec Ron et Hermione dans leur wagon.
Mais cette année, il n'était pas sur le quai de gare mais chez lui. Il ne connaissait personne qui devait partir pour Poudlard et de toute façon, pour quelle raison voudrait-il se rendre à King's Cross ? Il n'avait plus rien à y faire, c'était du passé. Et puis il devait s'occuper de Teddy et lui faire à manger. Il avait également prévu une activité pour l'après-midi avec l'association de Jack, une activité jardinage à faire en famille. Après le désastre de la natation, Harry redoutait d'y aller mais il était temps que Teddy découvre le monde extérieur et qu'il apprenne à interagir avec les moldus. Il se ferait peut-être des amis, qui sait ? Harry n'avait qu'une peur, que Teddy joue avec son apparence, comme il savait si bien le faire.
Ainsi, avant de partir, Harry lui fit un long sermon sur l'utilisation de ses pouvoirs. Le petit accepta de bien se comporter mais pour limiter les dégâts, Harry lui enfonça un bonnet sur la tête qui cachait ses cheveux. Ils se rendirent à pied, au grand dam de Teddy, jusqu'au parc où se trouvait le jardin potager de l'association. Ils se présentèrent au stand qui faisait office d'accueil où ils inscrivirent leurs noms. Au stand suivant où l'on avait du matériel adapté aux enfants et petits, ils rencontrèrent Jack qui le gérait. Celui-ci, joyeusement surpris, les accueillit avec un grand sourire.
« Harry ! Alors comme ça, tu es venu ! Ça me fait plaisir.
- Jack ! Je ne m'attendais pas à te voir là.
- Je suis toujours là pour les activités avec des enfants. Qui est ce bout de chou d'ailleurs ?
- C'est mon filleul, Ted. On l'appelle Teddy. Teddy, dis bonjour.
- … Bonjour, fit celui-ci d'une toute petite voix.
- Bonjour Teddy ! Moi c'est Jack. On se serre la main ? »
L'homme tendit la main au garçon. Ce dernier chercha du regard l'accord de Harry qui lui fit un sourire encourageant. Il glissa sa menotte dans la main de Jack.
« Dis-moi Teddy, tu as déjà fait du jardinage ? »
Teddy prit la main de Harry, timide, et chercha encore une fois ses yeux. Après le consentement tacite, il répondit :
« Non.
- Alors c'est ta première fois ? s'enjoua Jack. Tu vas voir, c'est très amusant. Dis-moi, tu as quel âge mon grand ? »
Tout fier, Teddy montra trois doigts. Voyant qu'il ne comptait pas répondre autrement, Harry dit :
« Réponds à Jack, Teddy.
- J'ai trois ans.
- Wouah, trois ans ! t'es super grand. Tiens, j'ai un cadeau spécial pour toi. »
Il prit un des seaux prévus pour les tous petits et le donna au bambin.
« Il faudra que tu me le rendes avant de repartir par contre parce que j'en aurai besoin.
- D'accord », accepta Teddy.
Puis Jack s'adressa à Harry :
« On distribuera les outils pour adultes plus tard, histoire d'éviter des bêtises. On n'est jamais trop prudent. On va commencer dans à peu près quinze minutes là-bas. Et si jamais, les toilettes sont là.
- Merci. »
Ils prirent congé de Jack et allèrent visiter la petite maison en pierre au milieu du jardin, à côté de la serre que Jack avait désignée. C'était une sorte de petit musée et il y avait des jouets pour les enfants. Teddy était peu à l'aise avec les autres enfants mais Harry savait qu'avec un peu de temps, il s'ouvrirait sans problème. Il fut d'ailleurs rapidement intégré à un groupe qui faisait des pâtés de terre.
Peu de temps après, il y eut l'appel invitant tout le monde à venir se rassembler dans la serre. Une femme d'un certain âge leur expliqua en quoi consisterait l'activité, une chasse au trésor avec des cadeaux à la clef. Et une fois le trésor trouvé, on reboucherait tous les trous avec divers végétaux. On forma des groupes de trois enfants et leurs accompagnateurs et l'on distribua une carte au trésor à chaque groupe.
Ce fut évidemment la partie que les enfants préférèrent car ils purent mettre leurs mains dans la terre et se salir sans crainte de représailles. On trouva rapidement la clef qui ouvrait le coffre et tous les enfants purent recevoir un cahier de coloriage et un petit paquet de bonbons (que certains parents désapprouvèrent silencieusement). La deuxième partie de l'activité fut beaucoup plus tranquille et plus appréciée des adultes.
En suivant les conseils des animateurs, ils plantèrent plusieurs plantes et apprirent à en prendre soin, à les arroser, à les tailler. Teddy aimait bien mettre les mains dans la terre et faire des petits pâtés pour enterrer les graines. Harry, lui, découvrit qu'il adorait ça ! Ce qu'on leur faisait faire n'était pas des plus compliqués mais Harry n'avait jamais eu autant l'impression de s'amuser en apprenant. Il n'avait pourtant jamais vraiment aimé les cours de botanique de la professeure Chourave.
Il ne discuta pas trop avec les autres adultes, préférant une certaine solitude, surtout qu'il était encore une fois le seul de son âge. Teddy, par contre, parlait sans s'arrêter avec une petite fille qui avait une jolie robe à tournesols. Ils semblaient bien s'entendre. Il les regarda avec amusement. Il n'avait guère fallu de temps pour que Teddy sorte de sa coquille.
« Comment s'appelle votre fils ? lui demanda soudainement le papa de la petite fille.
- Mon fils ? fit Harry sans comprendre. Ah ! Ce n'est pas mon fils. Il s'appelle Teddy. C'est mon filleul, expliqua-t-il.
- Oh pardon, je me suis trompé. »
Il y eut un petit moment embarrassant et Harry ne savait vraiment pas quoi dire pour se sortir de cette situation.
« C'est, hum, impressionnant qu'une personne aussi jeune que vous passe du temps seul avec son filleul. »
C'était un compliment, évidemment, mais Harry n'arrivait pas à le voir en tant que tel.
« Merci, répondit-il seulement. Et euh… votre fille, comment s'appelle-t-elle ?
- Ivy. On ne dirait pas comme ça, mais à la maison, c'est un vrai petit monstre ! » plaisanta-t-il.
Harry n'aimait vraiment pas ça, les personnes qui dénigraient leur progéniture à la première occasion. Il tenta tant bien que mal de couper court à la conversation mais le monsieur insistait pour prolonger ce moment plus que gênant. Il ne dut finalement sa survie qu'à la petite Ivy.
« Papa ! appela-t-elle. Pipi. »
Le monsieur alla donc emmener sa fille aux toilettes et Harry s'empressa de récupérer Teddy pour changer de place. Il passa donc ainsi le reste de l'activité dans une relative tranquillité. À un moment cependant, Teddy changea son nez en groin mais au grand soulagement de Harry, personne n'avait fait attention et il gronda le gamin.
Lorsqu'il fut l'heure de rentrer, Harry était soulagé que cela soit fini. Il avait toutefois beaucoup aimé le travail de la terre et cela resterait un bon souvenir. Teddy était très fatigué et Harry dut le prendre dans ses bras pour rentrer.
« Harry ? demanda-t-il.
- Oui Teddy ?
- Pourquoi je peux pas t'appeler papa ? »
Harry bloqua. Teddy voulait l'appeler papa ? Qu'est-ce qu'il était censé répondre à ça ? Malgré tout, son cœur était tout chaud d'émotion. Comment pouvait-il lui répondre sans blesser ses sentiments ?
« Parce que je ne suis pas ton papa, dit-il précautionneusement. Ton papa, il s'appelle Remus.
- Je sais ! s'énerva Teddy, frustré. Mais mon papa il est pas là. Les autres, ils avaient tous un papa ou une maman. Mais moi, j'ai Harry. Et les autres, y z'ont pas compris ce que c'était, "Harry". »
Si Harry s'était attendu à ça… Qui aurait cru que dès sa première sortie avec d'autres enfants de son âge, il soit aussitôt vu comme différent ? Cela lui rappelait sa propre enfance quand on se moquait de lui parce qu'il n'avait pas de parents.
« Tu sais Teddy, moi non plus, je n'avais pas de papa et de maman quand j'étais petit.
- Ah bon ?
- Eh oui, j'étais comme toi. Sauf qu'à cette époque, je n'avais pas de parrain non plus.
- T'avais pas de parrain ? Mais t'avais une mamie alors ?
- J'avais pas de mamie mais j'avais une tante et un oncle.
- Comme tata Mione et tonton Ron ?
- C'est ça, en quelque sorte. »
Il laissa Teddy prendre le temps d'analyser tout ça. Ce n'était pas un sujet des plus simples à discuter avec un enfant. Harry s'était attendu à devoir répondre à d'autres questions ou demandes d'explications de l'enfant mais Teddy ne prononça pas un mot jusqu'à ce qu'ils arrivent à la maison.
o0O0o
« Il y a quelque chose dont j'aimerais te parler.
- Quoi donc ? fit Andromeda.
- C'est à propos d'un truc que Teddy a dit.
- Oh ? »
Andromeda prit une bouchée de son quatre quarts. Comme à chaque fois qu'elle venait récupérer Teddy, elle et Harry s'installaient dans le salon pour une tasse de thé. Après la bombe que lui avait lâchée son filleul, il ne pouvait faire autrement que d'en parler avec elle. Il n'y avait qu'elle qui pourrait comprendre ce qu'il ressentait.
« Il m'a demandé pourquoi il ne pouvait pas m'appeler papa.
- Oh… oh… »
Elle était surprise, voire choquée, évidemment.
« Et… qu'est-ce que tu lui as répondu ? » demanda-t-elle.
Harry soupira.
« Que son papa, c'était Remus. Mais je sais que ça ne répond pas à sa question.
- Il est finalement à cet âge-là, Andromeda se fit la réflexion.
- Comment ça ?
- Il commence à comprendre ce qui l'entoure et que chez lui, ce n'est pas pareil que chez les autres.
- Tu crois que j'aurais dû lui répondre autrement ?
- Je n'en ai aucune idée, avoua-t-elle. Il n'y a pas de bonne réponse.
- Hm…
- Tu sais, ça lui passera sûrement. Ça ne change rien. »
Sauf que si, ça changeait tout. Et il ne comprenait pas pourquoi Andromeda n'arrivait pas à le voir. Ce n'était pas la question que Teddy l'appelle papa ou non mais le fait qu'il voulait l'appeler papa. Et que Harry ignorait qu'il devait ressentir. Il était son parrain. Pas son père. Et il ne pouvait clairement pas remplacer Remus. Mais Teddy lui-même avait dit qu'il savait que Remus était son père. Qu'était-il censé faire ? Et Andromeda ne semblait pas pouvoir – vouloir ? – l'aider.
o0O0o
« Tu m'as l'air pensif », remarqua Draco.
Il avait relevé la tête de son journal pour regarder Harry qui caressait machinalement la voûte plantaire du blond sur ses cuisses, suite à un pari perdu mettant en jeu un massage de pieds. Ils étaient installés sur le canapé du salon.
« Oh, c'est juste un truc qui me perturbe…
- Tu veux en parler ?
- Je ne pense pas que tu puisses m'aider là-dessus.
- Un avis extérieur ne fait jamais de mal. »
Il referma son journal qu'il posa sur la table basse et s'assit correctement à côté de Harry qui pesait le pour et le contre. Puis, se disant qu'il n'avait rien à perdre, il raconta à Draco ce qu'il s'était passé avec Teddy. Son petit ami l'écouta sans l'interrompre et lorsque son récit fut terminé, il lui demanda :
« Et comment tu te sens par rapport à tout ça ?
- Je ne sais pas trop, avoua Harry. D'un côté, cela me gêne beaucoup – par rapport à Remus et Tonks, et même Andromeda –, et de l'autre, ça me touche beaucoup qu'il veuille m'appeler papa. Mais aussi, je n'ai que vingt-et-un ans, je suis encore en études… je suis trop jeune pour être papa.
- Certains ont des enfants bien plus jeunes, pointa Draco.
- Oui, bon, certes. Mais moi, je suis trop jeune. C'est tout, dit-il de façon un peu plus irritée que prévu.
- J'ai compris Harry, ne t'énerve pas.
- Je suis pas énervé », grommela-t-il.
Draco souleva un sourcil qui voulait clairement dire « Je ne te crois pas ». Alors Harry l'embrassa et dit :
« Tu vois ?
- Je vois surtout qu'on a toujours pas abordé le fond du problème.
- Qui est ?
- Est-ce que tu veux que Teddy t'appelle "papa", qu'il te considère officiellement comme son père ? Ce qui est, à l'évidence, déjà le cas pour lui-même.
- Oh mince, tu as raison ! fit aussitôt Harry. Il me voit déjà comme son père, comprit-il.
- Tu ne réponds pas à la question, Harry.
- Mais c'est beaucoup plus important que ce que je veux ! Teddy me voit comme son père, je ne peux pas le blesser en lui refusant cela. Ça ne serait pas bien, pas bien du tout.
- Harry, calme-toi et réponds à cette question. Comment, toi, tu te considères, par rapport à Teddy ?
- Comme son parrain, je prends soin de lui et tout.
- Et qu'est-ce qui t'éloignes du terme "papa" hormis le côté biologique ? Qu'est-ce qui fait que "parrain" et "papa" sont deux choses différentes ? »
Draco essayait de lui faire comprendre quelque chose mais le cerveau de Harry restait bloqué dans la situation sans pouvoir la voir dans son ensemble. Harry réfléchit un long moment à la question de son petit ami et la réponse qu'il lui donna finalement fut :
« Je n'ai pas changé ses couches quand il était bébé ? »
Draco ne put s'empêcher de lâcher un gloussement. Harry lui jeta un regard noir.
« Quoi, oh !
- Pardon, rit Draco, mais c'est ÇA ta différence entre parrain et papa ? Harry, crois-tu une seule seconde que mon père, ou ma mère, ont changé mes couches quand j'étais petit ?
- Non… approuva Harry. Mais c'est différent.
- Pas tant que ça. »
Pour appuyer ce qu'il allait dire, il prit les mains de Harry dans les siennes.
« Harry, dit-il doucement. "Parrain", "papa", ce ne sont que des mots. Ils n'ont pas vraiment d'importance, cela ne change pas l'amour que tu éprouves pour Teddy et vice-versa. Alors je te repose la question, est-ce que tu veux que Teddy t'appelle "papa" ? »
Harry plongea dans ses pensées. Il essaya de mettre de l'ordre dans ses sentiments qu'il n'arrivait plus à analyser depuis l'événement. Sans s'inquiéter des autres, de leur avis, de quoi avait-il envie ? Si rien ne le retenait, qu'aurait-il répondu à son filleul ? En y repensant bien, il lui avait demandé pourquoi il ne pouvait pas l'appeler papa. À quel moment l'enfant avait intégré cet « interdit » ? C'est avec ce questionnement en tête que Harry comprit ce qu'il voulait vraiment. Et que Draco semblait avoir compris avant lui.
« J'aimerais qu'il m'appelle papa », avoua-t-il.
Puis il ajouta :
« Et pas juste parce que ça le blesserait si je refusais. »
Il regarda Draco, mine de rien un peu inquiet de sa réaction. Celui-ci lui sourit et passa une main dans ses cheveux.
« Bon, et bien maintenant, c'est dit.
- Mais cela continue à me mettre mal à l'aise, intervint Harry.
- Explique.
- Envers et contre tout, je ne suis pas son père. Et ce n'est pas juste envers Remus. Je ne veux pas l'effacer de la vie de Teddy.
- Harry, dit doucement Draco. Ce que je vais te dire ne va pas te plaire mais Lupin n'a absolument rien fait pour son fils. Il est mort.
- Tu as raison, ça ne me plaît pas du tout, l'avertit Harry.
- Je sais mais écoute-moi jusqu'au bout. Si Lupin existe dans la vie de Teddy, c'est parce que toi, sa grand-mère et qui sais-je encore, vous lui avez parlé de lui. Et soyons clairs, ce n'est pas ses parents biologiques qui l'ont élevé. Prendre le rôle de son père ne t'empêche en rien de continuer à faire vivre la mémoire de Lupin. Tu l'as fait jusqu'à présent et tu vas continuer à le faire, je te connais. Et, de ce que tu m'as dit, Teddy me semble bien comprendre la différence entre son père et toi qu'il veut appeler papa. Puis, soyons honnête deux minutes, de quoi a-t-il besoin ? D'un père mort ou d'un père vivant ? »
Harry prit le temps d'intégrer tout ce que venait de dire Draco. Il avait prit un ton dur pour mettre tout cela en évidence, mais oui, il avait raison. Mais il ne voulait pas le dire à voix haute. Il tacla donc Draco dans ses bras, le faisant retomber sur le canapé.
« Aouch, qu'est-ce qu'il te prend ? »
Harry raffermit sa prise autour de Draco.
« J'ai un petit ami beaucoup trop bien pour moi alors je lui fais un câlin.
- T'appelles ça un câlin ?! s'exclama Draco. Tu m'as cassé la colonne vertébrale.
- Tu exagères toujours.
- Je ne vois pas de quoi tu parles. »
Draco prit une position un peu plus confortable mais laissa Harry le maintenir contre le canapé. Le silence reprit sa place dans le salon et Draco joua avec les cheveux de Harry qui grommelait. Lorsque le tirage de nœuds fut remplacé par des caresses plus agréables, Harry aborda le sujet qui le chiffonnait :
« Tu aurais très bien pu me convaincre d'empêcher Teddy de m'appeler papa. Mais au contraire, tu m'as poussé à accepter.
- Je t'ai juste posé des questions et mis en évidence un ou deux trucs.
- Oh voyons, toi comme moi savons très bien que tu m'as manipulé, le china-t-il.
- Je ne t'ai pas manipulé ! se vexa Draco. J'ai juste tourné la conversation dans une certaine direction… »
Harry éclata de rire.
« Soyons sérieux deux secondes, dit-il tout de même. Cela ne te dérange pas qu'un enfant m'appelle papa ?
- Pourquoi cela me gênerait ? demanda sincèrement Draco, surpris.
- Je ne sais pas ? Parce que sortir avec quelqu'un qui s'occupe de temps en temps d'un enfant et sortir avec quelqu'un qui s'occupe d'un enfant qui l'appelle papa, c'est pas la même chose ?
- Sous-estimeriez-vous mon envie de faire partie de votre vie, monsieur Potter ?
- Mais t'as dit que tu n'aimais pas les enfants, essaya-t-il de comprendre.
- Je doute avoir utilisé ces termes exacts…
- Je ne me souviens clairement pas de ce que tu avais dit mais c'est ce que j'ai retenu, donc…
- Très bien, alors mettons les choses au clair. Je n'aime pas être en compagnie d'enfants, c'est vrai. Ils sont trop différents de ce que je suis et surtout, j'aime mon calme. Mais c'est général et ça dépend des enfants j'imagine. Je ne suis pas contre les enfants mais je te détesterais si tu me jetais soudain dans une petite école, expliqua Draco. C'est plus clair comme ça ?
- Euh, ouais. Mais quel est le rapport avec Teddy ?
- C'est une variable importante de ta vie et…
- N'appelle pas mon Teddy une "variable", le coupa Harry.
- Un élément important, reprit-il mais le regard noir du brun le coupa à nouveau. Bon, une personne importante, t'es content ? Et donc, comme il est important, je veux qu'il te rende heureux.
- Quel est le rapport avec ma question ?
- C'était quoi déjà ? »
Harry eut un court rire incontrôlé.
« Pourquoi tu n'étais pas rebuté à l'idée de sortir avec une personne avec un enfant ? lui rappela-t-il.
- Ah oui ! Eh bien, parce qu'il fait partie de ta vie ! Je ne veux pas sortir avec toi juste pour sortir avec toi. Je veux faire partie de ta vie. Je ne veux pas un bout de Harry Potter, je te veux en entier. Pourquoi crois-tu que j'ai accepté de participer à ta fête d'anniversaire alors que je n'y connaissais personne ? Si j'étais intéressé seulement superficiellement, j'aurais fait en sorte qu'on passe ce moment uniquement tous les deux et je n'aurais pas accepté de venir. Donc, non, je ne suis pas rebuté à l'idée de sortir avec toi même s'il y a un enfant qui t'appelle papa parce que ça fait partie de toi et de ce que tu es.
- T'es mignon quand tu montes sur tes grands chevaux, le taquina Harry pour lui cacher que ce qu'il venait de lui dire l'avait profondément touché.
- C'est clairement pas ce que je veux entendre, se plaignit-il.
- Un "je t'aime" est ce que tu veux ? »
Avec un sourire, Draco déroba les lèvres de Harry pour un doux baiser.
« Ça veut dire que tu es d'accord pour passer du temps avec Teddy ?
- Oui mais seulement si tu es dans les parages. Hors de question que je sois seul avec un enfant, que je ne connais pas, en plus. »
Harry eut un rire moqueur et lui promit de le mettre justement dans cette position.
Alors, qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? Cela valait-il l'attente ? Sur ce, moi je vais me coucher car il est 3h de ce côté du monde (et que techniquement on est le 2 mais je joue sur le décalage horaire parce que je suis à l'heure pour la publication en France !).
Chali
P.S.: J'avais espéré dépassé la 50ème revue avec le chapitre dernier mais le compteur est resté coincé à 49 T_T Alors, dépassez-moi ce chiffre ! :D
