Heroïc Yuyu Hakusho
Chapitre trois
Karasu, capitaine des armées du Royaume Eon, soupira en se massant les tempes. Ce type lui tapait sur le système. Jamais il n'avait vu quelqu'un d'aussi arrogant. Il était passé du statut de simple maître d'armes, ce qui n'était pas rien au sein du Palais, à celui de Colonel des armées. Il était en quelque sorte le supérieur du capitaine. Mais cet homme n'était pas celui qui avait appris toutes les bases d'un duel à l'épée à son Altesse; il était juste celui qui le remplaçait depuis que cette fine lame s'était retirée du Royaume. Genkaï Shihan. Une femme âgée certes, mais très respectée et crainte par nombre de ses hommes. Cet homme n'aurait jamais le charisme et la prestance de cette maîtresse d'armes inégalée jusqu'à présent. Seul le Prince, qui avait été son élève le plus assidu jusqu'ici, l'avait surpassé. Son Altesse avait alors demandé à Genkaï de devenir Colonel des armées. Elle avait refusé catégoriquement, refusant de s'impliquer dans des conflits qui ne la concernait absolument pas et où elle risquait de mettre fin à de nombreuses vies, ce dont elle avait horreur. Quelques jours plus tard, elle avait quitté Eon pour s'exiler dans un lieu connu d'elle seule. Depuis, le nouveau dirigeant des armées du Royaume s'appliquait plus à chasser tous les êtres qui n'étaient pas humains qu'à protéger les frontières du pays.
« Veuillez m'excuser mon Colonel. Je dois me rendre aux appartements de Son Altesse pour faire mon rapport » dit-il en espérant qu'il lui ficherait la paix au lieu de le réprimander pour avoir laisser s'échapper leur proie.
« Très bien Capitaine. Vous pouvez vous retirer. Cependant, j'attends de vous de meilleurs résultats ou je me verrais dans l'obligation d'en toucher un mot à Sa Majesté »
Karasu sortit de la pièce en maugréant. Mais pour qui se prenait-il ? Le seul à avoir jamais égalé le Prince dans tout le Royaume, c'était lui ! Personne n'avait à lui dire ce qu'il avait à faire ! Ce type était un parfait imbécile à qui son grade montait à la tête. Il s'arrêta un instant en regardant autour de lui. Quel idiot, il venait de dépasser la chambre du Prince ! Il revint sur ses pas en pestant contre le Colonel et frappa à la porte.
« Entrez » répondit une voix derrière le battant.
Le capitaine pénétra dans la pièce luxueusement décorée et posa un genou au sol après avoir refermé derrière lui.
« Ne te prosterne pas Karasu s'il te plaît. Tu sais que je déteste ça »
« Pardonnez-moi Majesté »
« Et cesse de me vouvoyer. Nous avons grandi ensemble, je te le rappelle »
Le jeune homme se releva et sourit. Le simple fait d'être en sa présence le calmait. L'éphèbe qui se tenait devant lui avait tout d'un prince: le port, la ligne de conduite, l'honneur, le sens des responsabilités, la patience, l'intelligence. Autant de qualités qui faisaient défaut au père de Hiei. Ce dernier s'assit en face de son ami, dans un fauteuil capitonné de velours pourpre.
« Que t'arrive-t-il ? Tu as l'air plutôt contrarié » demanda le dauphin.
« J'ai une requête à te faire. En tant que tuteur légal et surtout en tant qu'ancien dirigeant des armées » répondit Karasu, légèrement irrité.
« Je t'écoute. Je verrais ce que je peux faire ensuite »
« Je te demande de me rendre le commandement des troupes. Ton Colonel passe son temps à chasser les hybrides ou les non-humains de notre territoire. S'ils se rebellent, il les fait emprisonner et les fait exécuter sous les yeux de ton peuple ! C'est inadmissible ! Surtout si l'on veut que la paix règne entre les pays contre lesquels nous sommes en guerre ! » s'emporta-t-il, oubliant sa propre aversion pour ce triste personnage.
« Calme-toi. Je comptais le démettre de ses fonctions aujourd'hui même. Je l'ai vu avant toi. Il m'a conté la traque de ce pauvre renard. J'en suis navré. Il me paraissait juste et je voulais te débarrasser d'une charge que je pensais trop lourde pour toi. Je te prie de m'excuser Karasu, je ne t'ai pas fait confiance. Et il m'a fallu revenir du front pour mon couronnement prochain pour me rendre compte à quel point tu es important pour les armées d'Eon » répondit le Prince, une pointe d'agacement dans la voix.
Le capitaine sourit pour lui montrer qu'il était tout pardonné, mais soupira intérieurement. Le Roi l'avait chargé de l'éducation de Hiei alors que celui-ci n'avait que trois ans. Karasu lui en avait six à cette époque. Ayant toujours été élevé à la dure, il s'était montré ferme avec le futur roi, ne s'en faisant pas moins un ami tout de même. D'ailleurs, Hiei était le seul ami qu'il avait jamais eu au sein de tout le royaume. Bien que plutôt petit de par sa taille, il n'en restait pas moins un combattant hors pair, quelle que fut l'arme qu'il utilisait. Et il était tout aussi dangereux à mains nues. Il avait de courts cheveux de jais dressés sur sa tête comme un feu noir, des yeux semblables à deux rubis et une peau claire sous laquelle roulaient des muscles fins mais d'une puissance incroyable. A cause de son physique on le prenait souvent pour un gamin. Aujourd'hui, à l'aube de ses dix-neuf printemps, Hiei allait être couronné roi. Ce qui déplaisait grandement au prince. Sa fonction l'obligerait à rester au Palais, loin du front où ses compagnons d'arme combattaient et risquaient leurs vies.
« Je me retire. La chasse a été exténuante et je dois être en pleine possession de mes capacités afin de dresser un plan pour repousser l'ennemi » s'inclina respectueusement Karasu.
« Repose-toi bien. Je fais partir immédiatement une missive au Colonel. A partir de maintenant, tu peux reprendre tes activités de Capitaine des armées » déclara le dauphin avec un faible sourire.
La porte se referma, laissant seul Hiei qui se passa une main sur la figure. Jamais il n'aurait imaginé vouloir être aussi loin possible du Palais. Même retourner combattre l'aurait rendu heureux. Prendre la succession de son père ne l'attirait pas le moins du monde. Il aurait donné n'importe quoi pour être à la place de Karasu. Et puis, il y avait cette histoire de traque au renard. Cette peuplade ne comptait plus que quelques membres dispersés dans tous les pays. D'après ce qu'il savait, ils ne devaient plus être qu'une dizaine tout au plus. Et selon les dires de certains soldats, son père aurait récemment fait exterminer un clan vivant tout près du Royaume. Les Shiroi Kitsune ne s'étaient jamais mêlés des affaires des autres, se contentant de vivre en parfaite autarcie sur un petit territoire duquel ils ne sortaient qu'en d'exceptionnelles occasions voire jamais. Les Shiroi Kitsune vivaient en différents clans qui se rencontraient tous les deux ans, sur un terrain neutre, échangeaient leurs savoirs et permettaient les unions mixtes de deux membres de clans distincts ce qui, cela dit, arrivait rarement. En principe, les Kitsune s'entendaient avec toutes les races. Si jamais un Kitsune venait à colporter qu'il avait été menacé par des hommes d'Eon, tous les pays se retourneraient contre son Royaume et les espoirs de paix devenaient encore plus faibles que jamais. Hiei se laissa tomber en travers de son lit à baldaquins. Il devait retrouver ce Kitsune et le faire venir jusqu'au Palais afin de tenter de réparer le mal, ce qui ne serait sûrement pas une chose aisée. Eon était dans une bien mauvaise passe dont il ne serait pas facile de le sortir. Le prince sentit la haine qu'il portait à son père s'accroître un peu plus. Et puis la démise de fonction du Colonel lui revint en mémoire. Il se leva et alla vers son bureau où il griffonna rapidement sur une feuille sur laquelle il apposa son sceau puis fit appeler un valet:
« Portez ceci au Colonel, je vous prie. Remettez-la-lui en mains propres, c'est important »
Ensuite, il se remit à rédiger mais cette fois la missive était destinée à son capitaine. Il manda un second valet qui apparut rapidement, comme sorti de nulle part.
« Glissez cette lettre sous la porte du Capitaine Karasu. Ne le dérangez surtout pas, il a besoin de repos »
Le valet s'inclina et sortit de la chambre. Hiei s'allongea sur sa couche et ferma les yeux. Lui aussi avait besoin de repos, le voyage de retour depuis le front avait été d'une longueur sans bornes et l'annonce de son futur couronnement lui donnait une abominable migraine. Il se dévêtit prestement, ne gardant que sa tunique, pour se plonger dans ses draps de soie et s'endormir aussitôt que sa tête eut touché l'oreiller.
Chapitre trois
Fin
