Heroïc Yuyu Hakusho

Chapitre quatre

Cela faisait maintenant quatre jours qu'ils marchaient en direction d'Azure Shima. Mais avant d'y parvenir, ils devaient passer par Hamber Arrow. Les deux nouveaux amis avaient traversé trois villages où ils avaient fait des provisions et acheté une petite tente, des couvertures et quelques vêtements de rechange. Yohko, qui se promenait sous sa forme animale, avait remarqué que l'androgyne, au moment de l'achat des habits, choisissait systématiquement ce qui était à longues manches, grandes jambes et surtout avec un col. Lorsqu'il fallait faire leur toilette, le jeune homme attendait d'être seul pour se dévêtir. Conscient que le gamin ne souhaitait pas que l'on voit son corps, il le laissait tranquille et ne lui posait pas de question à ce propos même s'il en mourait d'envie. Depuis environ trois heures et demi à présent, ils avaient pénétré sous le couvert d'une forêt et marchaient d'un bon pas. Une certaine chaleur s'était installée et le renard se demanda comment son compagnon de route pouvait la supporter avec tant de tissu sur le dos. Celui-ci se retourna vers lui:

« Tu as l'air de mourir de chaud. J'entends le bruit d'une rivière un peu plus loin, on s'arrêtera là-bas, d'accord ? »

L'animal, la langue pendant hors de sa gueule, émit un petit grognement pour acquiescer. Il tendit l'oreille et perçut, lui aussi, l'écoulement caractéristique d'une petite rivière. Cette dernière ne tarda pas à se découvrir sous leurs yeux. Un étroit cours d'eau cristallin, peu profond serpentait en marge des buissons qui encadraient la piste. Suishi posa le sac avec un soupir de soulagement et, avec mille précautions, il retira ses gants pour s'asperger le visage d'eau fraîche. Kurama ne prêta pas attention à lui tant il était heureux: il se jeta dans le courant, éclaboussant son camarade au passage, et s'ébroua, rendant sa fourrure pareille à une énorme boule de poils. Le jeune homme éclata de rire puis prit exemple sur le Kitsune et se désaltéra. A la grande surprise de ce dernier, il retira ses chaussures et plongea ses pieds dans l'onde. Il se hissa sur la berge et s'ébroua une nouvelle fois et vint s'asseoir près de l'hybride qui lui tendit une miche de pain et un morceau de viande fumée. Minamino remonta ses jambes et commença à mâchonner son repas. Le regard de Yohko fut inévitablement attiré par ses pieds où des cicatrices en forme de cercle prenaient presque toute la largeur du membre avant de s'étirer en une estafilade jusqu'au doigts de pieds. Ecœuré, il se coucha sur les petons du vagabond qui lui adressa un triste sourire:

« Ce n'est pas grand chose tu sais. J'avais six ans quand je les ai eu celles-ci. On m'a cloué les pieds à une branche et je suis resté deux jours et demi comme ça, la tête en bas. Je serais encore pendu si mes os ne s'étaient pas brisés »

Choqué, il fixa un moment son compagnon avant de nicher son museau contre sa joue, émettant de légères plaintes. Plaintes qui se muèrent en grognements inquiets et menaçants.

« Qu'y a-t-il ? » s'enquit l'androgyne à voix basse.

Pour toute réponse, l'animal grogna sourdement et montra les crocs en direction de la rive opposée.

« Qu'est-ce qu'il y a ? » demanda à nouveau le jeune homme d'une voix pressante.

Le renard baissa les oreilles, le corps penché en avant, et grogna de plus belle. L'androgyne scruta les buissons en face mais rien ne se passa. Il avait beau se concentrer, il ne percevait aucune présence. Il posa une main apaisante sur le crâne de l'animal qui grogna de plus belle.

« Qu'est-ce qui ne va pas ? Je ne sens rien »

Le renard émit un jappement, toujours en position d'attaque. Suishi ne comprenait pas ce qu'il prenait à son compagnon mais il avait sûrement une bonne raison de gronder de cette façon. Il se leva doucement et entra dans l'eau en réprimant son envie de frissonner et atteignit vite la berge opposée. De son côté, Kurama jappait pour lui demander de revenir et pour faire fuir ce qui se trouvait caché derrière les buissons. Finalement, le kitsune se jeta dans l'eau, nagea le plus vite qu'il put et barra la route à son camarade en se postant devant lui, prêt à se ruer sur ce que dissimulaient les fourrés.

« Il y a quelqu'un ? » hasarda Minamino d'une voix hésitante.

Seul le vent répondit à son appel en secoua les branches des arbres alentours et les buissons. Le jeune homme tendit l'oreille dans l'espoir d'entendre quelque chose mais rien ne vint.

« Est-ce qu'il y a quelqu'un ? » demanda-t-il à nouveau.

Yohko, toujours en grognant, s'approcha des ronces et recula à temps car un trait en jaillit. La flèche se ficha dans le bras de l'androgyne qui poussa un faible cri de douleur. Il porta la main à la hampe et tira un bon coup dessus. Le sang coula de la blessure et il grimaça, retenant un gémissement, et se laissa choir à genoux. Lorsqu'il leva les yeux, il vit un homme élancé, mince et d'une beauté presque transparente tenant arc et flèche pointés dans sa direction. Avant que le projectile ne parte, l'animal s'était précipité sur l'archer et l'avait fait basculer derrière les fourrés.

« Yohko ! Matte ! » s'exclama Suishi, craignant pour son ami.

Des grognements et des cris lui parvenaient. Il se leva et courut dans les buissons et attrapa Kurama à bras le corps. Ce dernier se débattit en grondant, cherchant à reprendre le combat qu'on venait de le forcer à abandonner. Pendant ce temps, l'archer s'était remis debout et ne savait pas s'il devait tirer car le jeune homme l'empêchait de viser correctement cette sale bestiole. Finalement, le kistune se libéra et se jeta à nouveau sur celui qui avait osé le menacer. Mais Minamino lui bloqua le passage :

« Ne fais pas ça ! » supplia-t-il, le souffle court.

Son compagnon ne l'entendait pas de cette oreille et lui intima l'ordre de se pousser en jappant.

« Je t'en prie ! Laisse-le ! »

Les oreilles basses, les crocs dehors et les muscles tendus, il ne voulait pas abandonner, ça non.

« S'il te plait, ne lui fait pas de mal… »

A la surprise de l'archer, le renard accéda à la supplique du jeune homme et émit un petit grognement déçu. Et le jeune homme de le surprendre plus encore en lui faisant de plates excuses :

« Je suis vraiment désolé… Veuillez nous pardonner… »

Mais ce n'était pas cela qui allait lui faire oublier sa mission : éliminer tous les étrangers et intrus ayant le malheur de passer par la forêt. Il se remit donc en position et pointa sa flèche sur Suishi qui ouvrit de grands yeux. Le trait partit mais cette fois sa cible l'évita à temps en se jetant au sol. Avec une rapidité déconcertante, il décocha un second projectile qui passa à quelques centimètres de son but. L'archer jura dans une langue étrange et prit une troisième flèche dans son carquois et se prépara à tirer mais un ordre l'en empêcha. Il baissa ses armes et s'inclina respectueusement face à l'homme escorté qui venait d'arriver. Il était grand, beau, la même beauté transparente que l'archer, droit et fier. L'archer dit quelque chose que ni Kurama, ni l'androgyne ne comprirent. Le nouvel arrivant lui fit un signe et il se releva droit comme un i. Puis l'homme s'avança vers le blessé mais sa route fut barrée par Yohko qui gronda à nouveau. Etonnement, l'homme s'adressa à lui et non pas au jeune homme :

« Je n'ai pas l'intention de lui faire de mal, tu n'as pas à t'inquiéter »

L'animal cessa de grogner mais le toisa un moment avant de s'écarter et de l'autoriser à passer. Il se pencha sur Minamino et l'aida à se remettre sur ses pieds. Décontenancé, le jeune homme bafouilla quelque chose ressemblant vaguement à un merci.

« Je suis désolé de cet accueil brutal mais j'avais donné ordre à mon archer de faire reculer quiconque pénétrait mes terres. Je tiens à réparer ce désagrément. Puis-je vous inviter vous et votre ami à séjourner quelques temps en ma compagnie ? » demanda l'homme avec un sourire.

Le jeune homme observa un moment le brun qui se tenait face à lui avant d'ouvrir la bouche :

« Qui êtes-vous ? »

« Oh, il est vrai que je ne me suis pas présenté. Je me nomme Koenma, Roi d'Hamber Arrow. Je vous souhaite la bienvenue sur mes terres » dit-il en s'inclinant respectueusement devant eux.

« C'est un honneur pour nous ! » s'empressa de répondre l'invité en s'inclinant à son tour. « Je suis Suishi et voici Yohko Kurama. Il m'accompagne dans mon voyage »

« Vous me parlerez de tout ceci lorsque nous serons au village. Venez, je vous en prie »

Le renard lança un regard étonné à son camarade qui haussa les épaules avant de grimacer, sa blessure se rappelant à lui. Les gardes se placèrent autour d'eux et ils suivirent Koenma qui marchait en tête du cortège. Ils avançaient à une assez bonne allure et très vite un chemin surgit des buissons. Suivant le sentier, les arbres s'espaçaient et les fourrés se faisaient moins denses. Bientôt leur apparut une clairière où paissaient tranquillement des chevaux qui ne prêtèrent pas attention à eux, sauf deux ou trois qui levèrent la tête en continuant de mâchonner le foin qui se trouvait à leurs pieds. Certains reculèrent au passage de Yohko qui leur accorda un regard rassurant : non il n'allait pas s'attaquer à eux. Ensuite les pas les menèrent à un petit village près d'un fleuve. La plupart des gens étaient sur le pas de leur maison et les suivirent des yeux jusqu'à une maison un peu plus imposante que les autres. Une jeune femme sortit de la maison et se jeta au cou du Roi, parlant, ou plutôt, s'écriant dans une étrange langue. La même que l'archer et Koenma utilisaient une heure et demi plus tôt.

« Du calme, du calme s'il te plait ! » s'exclama le monarque elfique en lui rendant son étreinte. « Nous avons des invités » ajouta-t-il en faisant un signe vers l'androgyne et l'animal.

Ce dernier inclina la tête tandis que le jeune homme la saluait. La jeune femme les fixa un instant, étonnée, puis leur offrit l'un de ses plus chaleureux sourires. Elle fit une petite courbette et remarqua enfin que son invité à deux jambes se tenait l'épaule. Ses traits se firent inquiets et sans explications l'entraîna à l'intérieur tandis que le roi congédiait les guerriers qui les avaient escortés.

« Attendez… Mais… » protesta faiblement Minamino alors que la jeune femme l'avait installé sur un siège avant de se précipiter dans une pièce voisine.

« Ne vous en faîtes pas. Elle est excellente infirmière » sourit Koenma en s'asseyant à ses côtés.

L'animal, pas tellement rassuré, se posta aux pieds de son sauveur et se tint droit jusqu'à ce que la compagne de leur hôte revienne. Elle portait dans ses bras un coffret qu'elle posa sur la petite table qui trônait au centre de la pièce. Elle en sortit une petite fiole verte qu'elle déboucha et versa son contenu sur un bout de tissu qu'elle appliqua vivement sur la plaie. Le blessé grimaça et lâcha un soupir de soulagement lorsque la jeune femme retira le tissu. Ensuite, elle essuya le sang qui avait séché puis banda la plaie. Elle sourit à son docile patient et lui dit quelque chose qu'il ne comprit pas. Malgré tout, il lui rendit son sourire et demanda :

« Excusez-moi, quel est votre nom ? »

La jeune femme ouvrit de grands yeux, le fixa un moment puis sourit à nouveau :

« Moi ? » articula-t-elle en se pointant du doigt. « Botan ! »

« Elle parle très peu la langue humaine. Comme je l'emmène rarement lors des voyages officiels, elle n'a pas vraiment le loisir de se perfectionner » expliqua Koenma en prenant place à côté d'elle.

« C'est votre compagne ? » osa-t-il demander.

« Oui, nous sommes liés depuis deux cent cinquante ans déjà » répondit-il avec une pointe de fierté.

Le kitsune leva une oreille ; il s'était allongé aux pieds de l'androgyne après avoir compris qu'elle n'était pas aussi bête qu'elle n'en avait l'air.

« Tant que ça ! Mes félicitations en tout cas ! » s'exclama le flamboyant jeune homme. « Quel âge avez-vous, si ce n'est point indiscret ? »

«J'ai quatre cent vingt trois ans, et Botan atteindra ses trois cent soixante dix-neuf printemps dans deux mois et demi »

« C'est impressionnant, vous ne les faites absolument pas »

« Merci ! » s'exclama la reine toujours souriante.

« Je dois m'absenter pour prévenir de votre séjour ici. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, ma femme est là. Sur ce, je vous revois pour le dîner » annonça le souverain en se levant.

Il quitta la maison, laissant la maîtresse de maison seule avec ses invités. Ces derniers l'observèrent un peu plus en détails : elle avait une longue chevelure bleu ciel retenue en une demi queue, ses yeux étaient d'un rose pâle semblable à celui d'un pétale de rose. Ses lèvres étaient fines et légèrement ornées de rouge, elle avait une taille mince. Elle dégageait une agréable senteur de lilas et chacun de ses mouvements étaient emprunts de grâce et de délicatesse. Elle avait une apparence humaine mais s'en distinguait par une paire de très longues oreilles taillées en pointes. On sentait chez elle une certaine noblesse et une force de caractère qu'on ne devinerait pas au premier abord chez une créature aussi raffinée. Celle-ci leur adressa encore un sourire et leur fit signe de la suivre. Ils se regardèrent et se levèrent. Botan les mena jusqu'à une petite chambre dans laquelle les rayons du soleil pénétraient à flots. Yohko poussa un jappement de joie et se jeta sur le lit et rebondit sur le matelas. Il poussa un autre jappement, conviant son camarade à faire de même. L'elfe se retira un moment, ayant entendu quelqu'un frapper à la porte. Elle revint les bras chargés des affaires des voyageurs qui la remercièrent.

« Pourquoi vous passez ici ? » s'enquit-elle, un brin curieuse.

« Nous voulons voir la mer. Mais il faut d'abord traverser les terres jusqu'à la côte » expliqua Suishi.

« La mer ? » répéta-t-elle, penchant la tête sur le côté.

Elle n'avait visiblement jamais entendu ce mot. Elle l'avisa avec insistance pour comprendre ce que voulait dire « mer ».

« C'est une très grande étendue d'eau jusqu'à l'horizon » tenta-t-il, espérant qu'elle comprendrait.

Apparemment pas. Il poussa un soupir. Comment lui faire comprendre ? Kurama jappa pour attirer l'attention de son compagnon qui tourna la tête et vit un bureau sur lequel se trouvait tout ce dont il avait besoin pour lui décrire la mer. Il prit place sur le fauteuil et commença à dessiner sur une feuille de parchemin. La jeune femme, intriguée, s'approcha et se pencha au-dessus de son épaule pour voir ce qu'il faisait. Le travail finit, il lui montra son chef d'œuvre et il lui sembla que la lumière se faisait dans l'esprit de son hôte.

« Jamais vu ? Toi ? » interrogea-t-elle en le pointant.

Il hocha la tête en signe d'affirmation. Un sourire éclaira son visage comme si elle venait d'avoir une idée fantastique. Elle prit le jeune homme par la main et le traîna hors de la maison, l'animal sur leurs talons. Les habitants du village les regardèrent passer avec des yeux ébahis, se demandant quelle mouche avait bien pu piquer leur reine. Minamino essayait d'avoir des explications mais sans succès. Le renard les avait rattrapés et courait à présent à leur niveau, la langue pendant hors de la gueule. Botan leur fit passer un passage à gué au-dessus du fleuve et accéléra sa course folle sur le petit sentier caillouteux qui prolongeait la voie. Le trio s'enfonça dans les sous-bois : le blessé avait du mal à rester au même rythme que sa pseudo-kidnappeuse qui évitait avec une agilité impressionnante, propre aux elfes, toutes les branches basses qui se présentaient face à elle. Ce qui n'était pas toujours le cas du jeune homme qui avait les joues griffées et les bras égratignés malgré ses manches.

« Où allons-nous ? » cria-t-il, espérant avoir une réponse.

Elle se tourna vers lui et lui fit un simple clin d'œil. Au fur et à mesure qu'ils progressaient, la végétation se transformait doucement, s'espaçait et puis une drôle d'odeur commençait à se faire sentir et un bruit répétitif parvenait à leurs oreilles. La terre devint plus claire à leurs pieds. La course se finit aussi soudainement qu'elle s'était commencée lorsqu'ils débouchèrent sur une plage de sable fin. L'androgyne resta bouche bée devant ce spectacle qu'il avait tant désiré voir. Le soleil encore assez haut dans le ciel d'un bleu limpide faisait scintiller les vagues qui venaient mourir sur la grève. Une douce chaleur émanait du sable doré qui descendait en pente vers la mer. Des larmes perlèrent et coulèrent le long de ses joues sans qu'il ne s'en rende compte jusqu'à ce que sa vue se brouilla. Il les chassa d'un geste et sourit en se retournant vers Botan. Celle-ci lui fit signe qu'il n'avait pas besoin de la remercier. Une légère brise passa, agitant sa longue chevelure rouge tandis qu'il plongeait dans l'écume avec une joie sans pareille :

« Yohko, regarde c'est la mer ! » hurla-t-il à son ami qui se lança sur lui en jappant. « La mer ! »

La souveraine les contempla s'ébattre avec un bonheur enfantin dans les vagues qui les avaient complètement trempés. Elle ne savait rien d'eux. Pourtant, elle savait qu'ils n'avaient vécu que très peu de moments de sérénité tel que celui-ci.

Chapitre quatre

Fin