Chapitre 4

Un long silence suivit les dernières paroles de M. Nishijima. Les adolescents fixaient le vide, encore sous le choc des révélations que leur professeur venait de leur faire. Apprendre que trois des premiers digisauveurs étaient morts pour sauver les deux mondes les avait ébranlés.

– Je suis vraiment désolée pour vos amis, Monsieur, dit finalement Hikari.

– Je souhaiterais qu'il n'y ait plus jamais de sacrifices comme celui-ci, murmura M. Nishijima. Même si je sais que c'était nécessaire.

– Monsieur ? fit Koushiro. Est-ce que … est-ce que je peux vous poser une dernière question ?

– Je t'en prie.

– Je croyais … je croyais qu'un digimon ne pouvait pas survivre à la mort de son partenaire humain. C'est Gennai qui m'avait dit ça, un fois. Comme les Bêtes Sacrées ont-elles pu continuer à exister après le sacrifice d'Eiichiro, d'Ibuki et de Shigeru ?

– Quand Homeostasis a fait de nos partenaires digimons des Bêtes Sacrées, quelque chose en elles a changé. Elles étaient toujours nos partenaires, mais elles n'étaient plus exclusivement cela. En devenant les gardiens du digimonde, elles ne dépendaient plus de nous pour vivre. Si j'étais mort dans ce laboratoire, Baihumon existerait toujours.

– Mais il vous a sauvé parce que vous êtes son partenaire, dit Takeru avec un sourire.

– Même si je changeais de forme, dit Patamon à Takeru, je continuerai de te protéger !

M. Nishijima sourit, en regardant Patamon. Puis, tout à coup, la tête lui tourna. Il porta une main à son front.

– Vous avez besoin de vous reposer, dit Taichi.

– Parler de tous ces évènements vous a sans doute fatigué, dit Sora. Nous allons vous laisser.

– Oui, je pense que c'est plus raisonnable. Mais tenez-moi au courant, et surtout, dîtes-moi si Baihumon reprend contact avec vous.

– C'est promis, acquiesça Koushiro.

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Quand ils sortirent de l'hôpital, le soleil brillait haut dans le ciel. Il ne devait pas être loin de midi. Taichi releva la tête vers le bâtiment :

– Vous auriez deviné, vous ? Que M. Nishijima était l'un des premiers Enfants Élus ?

Les autres secouèrent la tête en signe de dénégation.

– Tout ce qu'ils ont vécu, dit Koushiro, pensif.

– Et tout ce qu'ils ont perdu … murmura Yamato. Ça n'a pas dû être facile.

– J'aimerais beaucoup que M. Nishijima revoit Baihumon, dit Mimi.

– Et moi, j'aimerais bien qu'on réussisse à libérer les autres Bêtes Sacrées, et les digimons de Ken, Daisuke, Miyako et Iori, dit Takeru.

– Dès que j'aurais mis au point un portail qui nous permette d'aller du monde réel au monde digital à notre guise, nous nous y rendrons, leur assura Koushiro. De toute façon, pour le moment, il n'y a pas d'urgence. Yggdrasil n'a pas donné signe de vie, donc c'est qu'il est toujours bien retenu par l'Océan des Ténèbres.

– Quand se revoit-on ? demanda Sora.

– Eh bien, réfléchit Mimi, puisqu'Yggdrasil nous laisse un peu de répit, pourquoi ne pas profiter de nos vacances ? Je sais que nous ne venons pas de passer des jours très drôles. Mais justement, c'est pour cela qu'il faut nous ressaisir !

– Elle a raison, approuva Taichi. Si nous ressassons trop, nous ne verrons pas l'été passer !

– C'est vrai, je vais enfin avoir du temps pour bosser mes examens, soupira Joe.

– Oh, ne sois pas si pessimiste ! s'exclama Mimi. Et puis, avec ce que nous venons de vivre, nous avons bien le droit de nous reposer un peu !

– J'y pense, dit Takeru, ce n'est pas ce samedi le feu d'artifice de Sumidagawa ?

– Oh, oui, c'est vrai ! s'exclama Sora. Ça m'était complètement sorti de l'esprit ! Pourquoi ne pas y aller tous ensemble ?

– Oh, oui, très bonne idée ! approuvèrent les autres.

– On pourrait faire un pique-nique, le midi, avant d'y aller le soir, proposa Meiko.

– Ça me paraît bien, dit Yamato.

– Alors, faisons ça, conclut Taichi. Rendez-vous samedi ! En attendant, reposez-vous bien !

Ils se saluèrent et tous se séparèrent, leur digimon sur leurs talons.

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Quand Joe arriva chez lui, il n'y avait personne. Il posa son sac à dos près du bureau, et avisa la pile de livres qui s'y trouvait. De merveilleux jours en perspective … Il ouvrit son téléphone pour regarder l'heure. C'est alors qu'il s'aperçut qu'il avait reçu une dizaine de message. Il les ouvrit, et à mesure qu'il les lisait, sa figure s'allongeait.

– Joe, qu'est-ce qu'il y a ? demanda Gomamon. Tu en fais une drôle de tête.

– C'est … c'est ma copine.

– Alors … elle existe vraiment ?

– Arrête de dire des bêtises ! Elle m'a laissé toute une liste de messages.

– Ah. Et qu'est-ce qu'elle te dit ?

Joe grimaça. Plus il progressait dans sa lecture, plus les messages dénotaient de l'impatience. « Joe, je n'arrive pas à te joindre. Où es-tu ? » « J'ai essayé d'appeler sur le fixe, chez toi, on m'a dit que tu n'étais pas là. » « Cela fait trois jours que j'essaye de t'appeler, pourquoi ne réponds-tu pas ? » « Qu'est-ce que je t'ai fait pour que tu m'ignores à ce point ? » « Je viens encore de passer un quart d'heure à essayer de te joindre. À croire que tu es dans un autre monde. Je te préviens, la prochaine fois, si tu n'es pas là, c'est moi qui ne répondrai plus au téléphone. »

– Ah, là, là, qu'est-ce que je fais maintenant ? s'écria-t-il. Avec la lutte contre Ordinemon et notre voyage dans le digimonde, j'avais complètement oublié d'avertir Chisako !

– Chisako ? fit Gomamon. C'est comme ça qu'elle s'appelle ?

– Oui ! Ah, comment je vais réparer cette bourde ?

– Appelle-là et explique-lui les choses simplement.

– Simplement ? bondit Joe, sa voix montant d'un cran dans les aigus. Tu veux que je l'appelle et que je lui dise : « Bonjour Chisako, excuse-moi de ne pas t'avoir contacté plutôt, mais tu sais la connexion est assez mauvaise dans le monde digital, et ayant dû éviter une destruction de la planète, j'ai eu l'esprit légèrement occupé » ?

– Ben … il y a du vrai, dans tout ça.

– Mais tu es fou ! Si je lui dis ça elle ne me parlera plus pendant des semaines !

– Pourtant, il faudra bien lui dire la vérité. Et puis, tu ne voulais pas me présenter à elle ?

– Je ne sais pas si c'est le moment le plus judicieux … oh, et puis zut, je l'appelle !

Il composa le numéro. La sonnerie se répéta dans le vide. Personne ne décrocha. « Vous êtes bien sur le portable de Chisako Tamura. Je ne suis pas disponible pour le moment. Laissez-moi un message, et je vous rappellerai. »

– Chisako, c'est moi, Joe. Je suis vraiment désolé de ne te répondre que maintenant. Je peux tout t'expliquer. Rappelle-moi, s'il te plaît.

Il raccrocha et poussa un long soupir. Il avisa de nouveau la pile de livres sur son bureau. Décidément, les révisions allaient devoir attendre …

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Koushiro arriva chez lui vers une heure de l'après-midi. Sa mère étendait le linge sur le balcon. En voyant son fils arriver, elle lâcha sa chemise, se précipita vers lui et le prit dans ses bras. En effet, si les autres étaient rentrés chez eux depuis la bataille contre Ordinemon, Koushiro était demeuré à son bureau, et n'avait pas donné de nouvelles à ses parents depuis la nuit où ils avaient tous dormi au lycée.

– Koushiro, tu es rentré ! Tu n'as rien ? Tout s'est bien passé ?

– Maman, tu m'étouffes, dit-il en riant, gêné. Je vais bien, tu peux être rassurée.

– J'ai eu peur pour toi ces derniers jours, tu sais. Cette créature sur le pont d'Odaiba était vraiment terrifiante.

Elle vit que l'expression de son fils s'était assombrie.

– Je sais, Maman. On l'a vaincue. Mais si nous avons été capables de battre Ordinemon, nous n'avons pas su sauver Meicoomon. Je me dis encore que c'est en partie ma faute. J'aurai dû trouver une solution.

– Tu ne dois pas te culpabiliser. Vous avez fait de votre mieux. Tentomon ! s'exclama-t-elle en le voyant derrière Koushiro. Comment vas-tu ?

– Bien, je vous remercie Mme Izumi.

– Vous devez avoir faim, tous les deux ! Je vous prépare quelque chose ?

– Si cela ne vous dérange pas, Mme Izumi, ce sera avec plaisir, dit Tentomon courtoisement.

Alors que Koushiro était sur le point de rentrer dans le salon, sa mère se pencha au balcon et dit :

– Koushiro, est-ce que tu connais cette jeune fille, en bas ? Cela va faire près de vingt minutes qu'elle est là, et qu'elle regarde en direction de notre appartement.

Koushiro se retourna : il distingua en effet une fille, devant son immeuble, aux cheveux châtain foncé coupés au carré. Elle portait un short orange et un tee-shirt jaune, et paraissait regarder dans leur direction. Pourquoi restait-elle là ?

– Non, désolé, je ne la connais pas, dit-il en rentrant dans l'appartement.

Intrigué, il alla jusqu'à sa chambre et entrouvrit la fenêtre. De là, il pouvait voir la jeune fille. Elle venait de se détourner et repartit vers la route. Koushiro haussa les sourcils. Il se demanda si elle fixait réellement son appartement ou s'il se faisait des idées.

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Quand Meiko ouvrit la porte de son appartement, une bonne odeur de riz flottait dans l'air. La table était mise, et sa mère regardait la télévision. Meiko fut surprise : à côté de sa mère, son père lisait le journal. Elle ne l'avait pas revu depuis la mort d'Ordinemon. Quand il vit sa fille, M. Mochizuki se leva. Sur son visage endurci se lisait la peine.

– Je suis désolé, Meiko. Ta mère m'a dit pour Meicoomon.

Sa fille le dévisagea longuement, sans rien dire. Finalement, elle murmura :

– J'aurai voulu faire plus pour elle. Mais c'était la seule solution pour tous vous protéger.

– Je sais. C'est aussi ce que nous avait dit Hackmon à M. Nishijima et moi.

– Hackmon était venu vous voir ?

– Oui, pour nous avertir qu'Homeostasis comptait éliminer Meicoomon. Mais j'ai pensé … j'ai voulu croire jusqu'au bout que vous trouveriez une autre solution.

– J'aurais bien aimé, moi aussi, trouver une alternative.

– Ta mère m'a dit que tu étais à l'hôpital avec tes amis ? Pour voir les enfants qui sont revenus du monde digital ?

– Pas seulement. M. Nishijima nous avait suivi dans le monde digital, et a failli mourir là-bas. Mais son partenaire digimon l'a sauvé, et nous avons pu le ramener dans notre monde à temps pour qu'il soit pris en charge à l'hôpital. Nous attendions qu'il se réveille.

– Alors … il est vivant ? Je n'avais plus aucune nouvelle de lui. Tu dis que son digimon l'a sauvé ? C'est extraordinaire …

– Tu le savais ? Qu'il était l'un des premiers Enfants Élus ?

Meiko fixait son père, stupéfaite. Il acquiesça.

– Et pour Mlle Himekawa, tu étais au courant aussi ?

– Oui. Sais-tu où elle se trouve ? Le Bureau n'a plus de contact avec elle depuis des jours.

– Je n'en sais rien. Aucun de nous ne le sait. Pourquoi tu ne m'as jamais parlé de tout ça avant ?

– Notre unité est secrète et devait justement veiller à ce que vous, les nouveaux Enfants Élus, ne viviez pas la même chose que les premiers. Et puis … je suis ton père. Je voulais te protéger.

À cet instant, Meiko lut dans les yeux de son père une émotion qu'elle n'y voyait que rarement : de l'affection. Elle cilla :

– Excuse-moi, papa. J'ai été particulièrement tendue ces jours-ci. La disparition de Meicoomon est très dure pour moi.

– Je sais. Comment va M. Nishijima ?

– Il va bien. Il se remet de ses blessures.

– Je passerai le voir.

– Ça lui fera plaisir. Bon, je vais me reposer. Je n'ai pas très faim, désolée.

– Meiko, attends ! dit sa mère en se levant. Je sais que tu es encore soucieuse, mais j'ai une bonne nouvelle : Sakae est arrivée !

– Sakae ? Ah bon ? Elle vient pour les vacances ?

– Elle a trouvé un stage chez un maître verrier reconnu de Tokyo. Elle est arrivée hier soir mais tu étais déjà partie. Elle est allée prendre l'air, elle ne devrait pas tarder.

En effet, un quart d'heure plus tard, Meiko entendit frapper à la porte de sa chambre. La poignée pivota et la tête de sa sœur passa par l'embrasure :

– Coucou !

– Sakae ! Je suis contente de te voir.

Âgée d'un an de moins que Meiko, Sakae était de taille moyenne, mince et à la peau légèrement halée. Sa chevelure châtain foncé, volumineuse et coupée au carré, s'égayait en mèches rebelles sur son front et le long de ses tempes. Elle avait des yeux d'un bleu très sombre, presque marin. Elle portait un short orange et un tee-shirt jaune.

– Maman m'a dit que tu avais trouvé un stage à Tokyo ? dit Meiko.

– Oui, acquiesça Sakae en s'agenouillant face à elle. Je commence demain. Ça va me changer de l'internat. Et toi, ton intégration au lycée s'est bien passée ?

– Oui …

Un silence gêné s'installa alors entre elles. Meiko savait ce que Sakae allait lui dire, mais elle n'avait pas envie d'en parler. Finalement, sa sœur leva les yeux vers elle :

– Pourquoi tu ne m'as pas appelée ? Quand j'ai su par la télévision ce qui se passait, quand j'ai vu Meicoomon, j'ai voulu te rejoindre. Mais le temps que je réserve un train, que j'arrive ici … Tu aurais dû me prévenir.

– Ça n'aurait rien changé, Sakae.

– Qu'est-ce que tu en sais ? J'en ai assez d'être la dernière au courant ! J'ai toujours été écartée dès qu'il s'agissait de Meicoomon ou des digimons. Papa non plus ne me disait jamais rien.

– Peut-être parce qu'il voulait te protéger.

– Je ne suis plus une enfant. Je n'ai pas besoin d'être sans cesse protégée. J'ai l'impression qu'à partir du jour où tu as rencontrée Meicoomon, lorsque nous vivions à Tottori, on ne m'a plus laissée en savoir davantage sur les digimons. Pourtant, laquelle de nous deux s'y est intéressée en premier ? Quand Parrotmon est apparu sur Terre, alors que je n'avais que six ans, je regardais tous les jours toutes les nouvelles aux informations qui en parlaient. Tout ça m'intriguait, mais toi, ça t'importait peu. Jusqu'à ce que tu rencontres Meicoomon.

Meiko releva la tête vers sa sœur, et son regard était devenu noir et dur comme le granit.

– Tu crois que cela a été facile pour moi d'être la partenaire de Meicoomon ? De la voir se déchaîner, faire du mal aux autres digimons ? De tenter de détruire la Terre ? Tu crois que ça a été facile d'accepter que pour sauver les deux mondes, mon digimon devait disparaître ? Si tu penses que c'est un privilège d'être une Enfant Élue, alors tu te trompes. C'est un fardeau.

Sakae dévisagea sa sœur, prenant brusquement conscience qu'elle venait d'être injuste avec elle. Dans le regard sombre de Meiko se lisait une indicible douleur. Confuse, Sakae se reprit :

– Excuse-moi. Je n'aurais pas dû m'emporter. Je sais que c'est difficile pour toi … et pour tes amis aussi, j'imagine.

– Oui …

– Tout ce que je souhaiterais, c'est … pouvoir t'aider plus souvent. Tu es ma sœur, et je voudrais que les digimons puissent nous réunir plutôt que nous séparer. Quand Meicoomon est apparue à Tottori, quand tu es revenue avec elle à la maison, j'ai ressenti quelque chose en la voyant. Mais je n'ai jamais su expliquer quoi. Et parfois, j'avais l'impression de la comprendre mieux que toi … mais ça n'a pas duré longtemps, car je suis ensuite partie dans ce collège spécialisé en arts appliqués. Je ne rentrais que pour les vacances. Pourtant, tu sais, il m'arrivait souvent de rêver …

– Oui, tu m'en as déjà parlé. Tu rêvais du monde digital, c'est ça ?

– Oui. J'en ai parlé une fois à Papa. Il m'a dit que le monde digital pouvait être dangereux et que je devais cesser d'y penser. Alors, je n'ai rien dit … mais je continue de faire ces rêves, de temps en temps.

– Tu sais, Sakae … Yggdrasil, qui voulait envahir la Terre, a été renfermé dans l'Océan des Ténèbres, un monde parallèle au monde digital conçu pour l'emprisonner. Le danger est écarté, alors je voudrais … cesser de penser à tout ça pendant quelques jours.

– Hum … Je comprends.

Sakae remonta ses genoux contre sa poitrine et les entoura de ses bras. Elle voulait voir Meiko sourire, alors elle changea de sujet :

– Et tes amis, comment sont-ils ? Parles-moi d'eux.

– Tu veux dire … les autres Enfants Élus ? Ils ont été très gentils avec moi. Très attentionnés. Ils ont su me réconforter quand j'étais désespérée. Ce sont de bonnes personnes.

– J'aimerais bien les rencontrer.

– Eh bien … à vrai dire, samedi, nous faisons un pique-nique le midi avant d'aller voir le feu d'artifice de Sumidagawa.

– Vous allez voir le feu d'artifice de Sumidagawa ! Ce doit être magnifique ! Je n'ai encore jamais vu de feux d'artifice à Tokyo.

– Justement, tu pourrais venir. Et ça me ferait plaisir de te présenter mes amis.

– C'est vrai, je ne vous dérangerais pas ?

– Non, pas du tout ! Ils sont très accueillants.

– Alors … c'est d'accord ! J'espère que je leur ferai une bonne impression …

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Quand Taichi ouvrit les yeux, il n'osa même pas regarder son réveil. Il devait être plus de dix heures du matin. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas aussi bien dormi ! Il s'habilla et passa dans le salon : Hikari avait appris à Tailmon à jouer au go, et Agumon les regardait.

– Bonjour, grand frère ! le salua-t-elle. Je me demandais quand tu te lèverais !

– C'est les vacances, non ? Il reste du petit-déjeuner ?

– Sur la table.

– Du petit-déjeuner ? J'arrive ! fit Agumon.

– Mais Agumon, tu as déjà mangé il y a une heure à peine ! s'exclama Tailmon.

– Oui, mais rien que de vous regarder autant réfléchir devant ce jeu, moi ça me donne faim ! répliqua-t-il en s'attablant à côté de Taichi.

Alors que le jeune homme terminait son café, on sonna à la porte. Il se leva et alla ouvrir : Yamato, mains dans les poches, se tenait sur le seuil, Gabumon à ses côtés.

– Salut. Je te dérange pas ?

– Eh bien …

– Ne me dis pas que tu viens juste de te lever ?

– Comment as-tu deviné ?

– Je te jure, toi alors … Ça te dit d'aller se promener un peu ?

– Maintenant ?

– Sauf si t'as autre chose à faire.

– J'avale une dernière tartine et j'arrive !

Prestement, Taichi termina son petit-déjeuner et enfila ses chaussures. Gabumon remarqua alors Tailmon et Hikari en train de jouer, et Agumon qui les regardait.

– Dîtes-moi, à quoi jouez-vous ?

– Au go, lui répondit Hikari avec sourire. Tu veux jouer ?

– Avec plaisir !

– Gabumon, tu vas jouer à ce truc compliqué ? s'étonna Agumon.

– Il y en a qui pensent à autre chose qu'à s'empiffrer, rétorqua Tailmon.

– Nous pouvons faire un autre jeu si nous jouons tous ensemble, proposa Hikari.

– Oh, oui, c'est une bonne idée ! approuva Agumon.

– Hikari, ça t'embête de garder Gabumon et Agumon ? demanda alors Taichi.

– Non, pas du tout ! J'ai une bonne idée de jeu. À tout à l'heure, grand frère !

Taichi et Yamato prirent le chemin de la mer. En ce mois de juillet, le soleil pesait lourd sur leurs épaules, l'air sentait la chaleur. La lumière matinale rendait les trottoirs éclatants, et on devinait un début d'effet de mirage sur les routes goudronnées. Les voitures circulaient déjà en grand nombre, le bruit des moteurs et de la vitesse soulevant l'air chaud. Yamato était étrangement silencieux. Au bout d'un moment, Taichi lui dit :

– Alors, vas-y. Dis-moi pourquoi tu voulais me voir.

– J'ai dit que c'était pour une raison en particulier ?

– Non, mais ça se voit sur ta figure.

Yamato rougit.

– Tu sais, le feu d'artifice de samedi … ben, j'aimerais bien inviter une fille à dîner avec moi, après.

– Une fille ? C'est qui ? Je la connais ?

Yamato resta silencieux.

– Si tu ne dis rien, c'est que je la connais ! dit Taichi, triomphant.

– Le problème, c'est que … je ne sais pas comment lui proposer.

– Et tu me demandes ça à moi ?

– Ben … je ne savais pas à qui demander. C'est trop la honte de demander des conseils à Takeru pour ce genre de choses, alors qu'il est plus jeune que moi. Je me suis dit que t'aurais peut-être une idée.

– Dis-moi, cette fille … c'est pas Sora ?

Yamato rougit de plus belle.

– Je le savais ! s'exclama Taichi.

– Elle fait toujours tellement attention aux autres … mais finalement, je ne sais pas trop ce qui lui plaît à elle. Je ne veux pas la mettre mal à l'aise.

– C'est sûr qu'avec cette assurance, tu vas la convaincre de sortir avec toi …

– Arrête de te moquer de moi !

– Bon, bon, calme-toi. Sora est une fille, et toutes les filles aiment les marques d'attention …

– Bravo, tu en connais d'autres des généralités dans ce goût-là ?

– Oh, ça va. Tu devrais peut-être l'inviter avant le jour j, genre la veille du feu d'artifice ?

– Et comment je fais ? Je me pointe chez elle et je lui demande, comme ça, directement ?

– Ben … pourquoi pas ? Elle appréciera sans doute que tu aies fait l'effort. Si tu attends qu'on soit tous réunis, elle risque d'être gênée.

– Hum … ouais. T'as raison.

– Et puis, repère le restaurant à l'avance, et réserve-le, parce qu'avec la foule qu'il y aura à Sumidagawa samedi soir, tout va être plein. En plus, comme elle toujours en train de tout organiser pour tout le monde, elle sera contente que tu prennes les choses en main.

– Pas bête.

Un sourire éclaira le visage de Yamato. Il donna une tape sur l'épaule de Taichi :

– Merci, Taichi. Je vais suivre tes conseils.

– De rien.

Yamato sembla hésiter un instant, puis, avec une expression narquoise, dit à Taichi :

– Et toi, tu ne veux inviter personne après le feu d'artifice ? Du genre ... Meiko ?

Cette fois, ce fut au tour de Taichi de virer à l'écarlate.

– Qu'est-ce que … qu'est-ce que tu insinues ? dit-il, étouffant à moitié.

– Oh, rien. Y'a qu'à voir comment tu la regardes. Si vraiment elle te plaît, il faudra bien que tu te décides. Si tu attends qu'elle fasse le premier pas, t'es un homme mort, Taichi.

– Tu crois que j'en suis incapable ?

– Chiche !

– Ok, on verra ça.

Les deux amis rentrèrent vers midi chez Taichi. Gabumon venait de gagner sa deuxième partie.

– Bravo, Gabumon, tu es fort ! s'exclama Tailmon.

– C'est vrai ! renchérit Hikari.

– Il suffisait simplement de réfléchir un peu, dit-il en rougissant légèrement.

– Gabu, on rentre ? lança Yamato.

– J'arrive !

Au moment où Yamato saluait Hikari, Tailmon et Agumon, Taichi leva un pouce et lui dit :

– Bonne chance !

Yamato acquiesça de la tête, encore peu convaincu. Taichi referma la porte.

– Qu'est-ce que voulait Yamato ? demanda Hikari à son frère.

– Un avis … mais ce sont des trucs de garçons.

– Ah oui, vraiment ? fit-elle avec un petit rire. Bon, moi je me suis levée tôt, donc je vais manger un peu.

– D'accord, moi je vais m'entraîner au foot. Tu veux venir, Agumon ?

– Avec plaisir ! Enfin une activité qui fasse travailler plus les muscles que le cerveau !

Taichi mit ses baskets, un short et un tee-shirt de sport, attrapa son ballon, puis, avec Agumon, ils prirent le chemin du stade l'école. Il restait ouvert en été, avantage qui permettait à Taichi de s'entraîner quand il le souhaitait. Sitôt arrivé, il sortit le ballon et dit Agumon :

– Prêt ? Tu dois me faire des passes !

Il lança aussitôt le ballon, qu'Agumon frappa de sa patte droite pour la renvoyer. Taichi lui renvoya du pied droit, et Agumon répliqua d'un coup de tête. Taichi s'arrêta avec un sourire :

– Tu sais Agumon, normalement on ne peut pas utiliser les mains au foot …

– Hum … fit Agumon en examinant ses pattes. Mais ce ne sont pas des mains, ça ! Ça ne compte pas !

– Ah, ah ! Bon, comme tu veux ! De toute façon, tu ne vas pas jouer en compétition, hein ! Prêt ?

– Prêt ! répliqua Agumon en levant les pattes.

Et Taichi renvoya la balle d'un puissant coup de pied.