Chapitre 13

– Vas-y, Baihumon, dégage cette entrée ! lança M. Nishijima.

Baihumon ouvrit grand la gueule et des flammes métalliques jaillirent sur la paroi obstruée de la caverne où étaient enfermée Hikari et Meiko. Les pierres se fendirent et tombèrent une à une. Taichi vit immédiatement Meiko près d'Hikari, qui était allongée sol.

– Hikari ! s'exclama-t-il en bondissant par-dessus les gravats.

Il vint s'agenouiller près de sa sœur, Takeru derrière lui. Hikari cligna des yeux, en le reconnaissant :

– Grand frère … Takeru …

– Elle s'est évanouie ? demanda Taichi à Meiko.

– Oui, mais pas longtemps. Je crois … qu'elle rêvait.

– Hikari, comment tu te sens ?

– Ça va, dit-elle en s'asseyant. Juste un peu étourdie, mais ça va passer.

– Et toi, Meiko, ça va ?

– Oui, merci Taichi.

Meiko regarda par-delà la grotte et vit le désert silencieux.

– Et les Sept Seigneurs démoniaques ?

– Nous les avons renvoyés dans l'Océan des Ténèbres pour le moment, dit Taichi avec un sourire.

Il se retourna, se leva et s'approcha de M. Nishijima et de Baihumon.

– C'est à grâce à vous que nous avons pu y arriver. Merci, dit-il en s'inclinant.

Tous les autres Enfants Élus l'imitèrent. Takeru aida Hikari à se lever. La jeune fille, encore engourdie, murmura :

– J'ai vu Meicoomon …

– Quoi ? firent les autres en chœur.

– Où ? demanda Meiko.

– Dans un monde étrange, plein de données …

– Tu veux dire … le même que celui où Tailmon t'avait déjà parlée ? se rappela Takeru.

– Oui …

– Meicoomon est là-bas ? demanda Meiko. Elle est vivante ?

– Non, ce n'était qu'une image … Mais elle m'a dit, Meiko, qu'elle a confiance en toi.

Meiko baissa les yeux, visiblement triste de ce faux espoir. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux, mais elle décida d'être forte et de ne pas les laisser couler.

– J'ai aussi vu Wizardmon, poursuivit Hikari. C'était vraiment très étrange … mais je suis sûre que ce n'était pas un rêve.

Les autres la dévisagèrent, perplexes. La voix grave de Baihumon résonna alors derrière eux.

– Les Sept Seigneurs démoniaques ont été repoussés, mais pas éliminés. Yggdrasil ne se laissera pas abattre aussi facilement. Il renverra ses démons, et seul, je ne pourrai pas toujours les vaincre.

– C'est aussi ce que je pensais, acquiesça Koushiro. D'autant qu'avec Mlle Himekawa à son service, Yggdrasil peut rouvrir un passage vers le digimonde quand il le souhaite.

– Oui, même s'il faut relativiser tout cela. Les barrières du Mur de Feu sont puissantes il faut du temps pour créer un pont entre les deux mondes, même pour un humain possédant un digivice. Mais Yggdrasil réessayera, c'est certain.

– Que peut-on faire pour empêcher ça ? demanda Joe.

– Je crois que nous n'avons plus le choix, dit Koushiro, pensif. Il faut retrouver les trois autres Bêtes Sacrées et les libérer. Avec leur appui, nous pourrons peut-être espérer vaincre les Sept Seigneurs démoniaques.

– Chacune des Bêtes Sacrées se trouvent à un point cardinal du monde digital, dit Baihumon. Azulongmon protège la région de l'est du monde digital, Xuanwumon le nord et Zhuqiaomon le sud. C'est là qu'ils ont été emprisonnés.

– Comment les libèrerons-nous ? demanda Sora.

– Je ne sais pas. Pour ma part, j'ai pu me libérer parce que Daigo était en danger.

– Oui, dit M. Nishijima, mais pour les autres Bêtes Sacrées, c'est différent. Elles n'ont plus de partenaires …

– Mais nous avons de nouveaux Enfants Élus, dit Gennai à M. Nishijima. Vous trouverez le moyen de les libérer, dit-il aux adolescents. Pour le moment, je vous suggère de rentrer dans votre monde et de vous y reposer un peu.

Tous acquiescèrent.

– Gennai, pouvez-vous envoyer un appel vidéo vers le monde réel pour que nous puissions rentrer chez nous ? demanda Koushiro.

– Bien-sûr.

Sur les rives d'Odaiba, Sakae avait attendu, angoissée pour sa sœur et ses amis. Après la bataille à laquelle elle avait assisté entre les démons d'Yggdrasil et les digimons des amis de Meiko, elle était encore plus admirative du courage de sa sœur. Il fallait beaucoup de cran pour lutter devant ses monstres, sans perdre son sang-froid face à toutes les possibles victimes qu'une attaque de digimons pouvait engendrer … Soudain, une fenêtre s'ouvrit sur l'ordinateur de Koushiro : le visage du jeune homme apparut.

– Sakae ! Tu es toujours là, merci !

– Koushiro ! Dis-moi ce que je dois faire !

– Ouvre la fenêtre appelée « portail » au bas de la barre des tâches, et enclenche-le !

Sakae s'exécuta : une brèche numérique s'ouvrit alors entre le monde réel et le monde digital : de l'autre côté, Sakae devina Meiko et ses amis. Ils étaient tous sains et saufs ! Sakae se sentit soulagée. Un par un, les Enfants Élus et leur digimon revinrent sur Terre. M. Nishijima passa le dernier. Avant de quitter le monde digital, il s'approcha de Baihumon et le regarda longuement.

– J'aimerais tant t'emmener avec moi, dit-il avec un sourire.

– Je dois protéger le digimonde. Je ne peux pas le quitter.

– Je sais …

Le professeur hésita, puis s'approcha de Baihumon, enlaça son grand cou de fourrure blanche et indigo et le serra contre lui.

– Merci. Tu m'avais manqué, mon ami.

– Moi aussi, tu m'as manqué, Daigo. Nous avons grandi tous les deux. Nous avons maintenant des responsabilités. Il nous faut protéger les deux mondes, et ces nouveaux Enfants Élus.

– Je le sais.

M. Nishijima se détacha de Baihumon, lui sourit, puis repassa le portail vers le monde réel.

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Pour retrouver les Bêtes Sacrées, les Enfants Élus avaient besoin d'un plan qui leur permette de déterminer approximativement où chacune d'entre elle pouvait être emprisonnée. C'est à cette recherche que s'attela Koushiro dans les jours qui suivirent, ainsi qu'au perfectionnement de son portail entre le monde réel et le monde digital.

De son côté, M. Nishijima, même s'il était encore loin d'être totalement rétabli, se décida à retourner au Bureau de la Gestion de l'Information de l'Agence Administrative où il travaillait. Ses supérieurs voudraient sans doute avoir des explications sur l'attaque de Leviamon et Laylamon, et il était celui qui pouvait le mieux les renseigner. En arrivant au Bureau, le lendemain de l'attaque des Sept Seigneurs démoniaques, M. Nishijima croisa M. Mochizuki. Celui-ci parut surpris de le voir. Ils s'inclinèrent pour se saluer mutuellement.

– Je ne pensais pas que vous reviendriez si tôt travailler, dit M. Mochizuki. Pardonnez-moi de ne pas être venu vous voir à l'hôpital. Les choses se sont précipitées ces derniers jours. Comment vont vos blessures ?

– Elles se remettent, je vous remercie. J'ai pensé que la sécurité mondiale passait avant mon état de santé.

– Le Bureau est en effervescence, entre la disparition de Mlle Himekawa, l'attaque d'Ordinemon et celle d'hier soir … il est probable qu'on vous demande un rapport sur la situation.

– Je m'y attendais.

– Meiko m'a dit que vous êtes intervenu hier soir pour aider les Enfants Élus. Est-ce vrai que votre digimon les a sauvés ?

– C'est vrai. Baihumon est mon partenaire digimon, mais il est surtout une des Bêtes Sacrées qui gardent le monde digital.

– Je vous remercie de les avoir protégés.

– Je vous en prie. Ces enfants ont une grande force en eux. Néanmoins, devant l'ampleur de la menace que représentent les démons d'Yggdrasil, ils veulent retrouver les autres Bêtes Sacrées pour assurer une meilleure protection des deux mondes.

– Qu'en pensez-vous ?

– Je pense que c'est un bon raisonnement.

– Irez-vous avec eux ?

– Si j'ai l'accord du Bureau …

– Je crains qu'ils ne soient réticents à votre demande. La plupart des membres de ce Bureau ignorent que vous êtes un Élu, et ne savent pas pourquoi nous vous avions recrutés, vous et Mlle Himekawa.

– N'est-ce pas le moment de leur dire ?

– Je ne sais pas … il ne faut pas oublier que Mlle Himekawa a rejoint Yggdrasil. Aux yeux du gouvernement, elle est coupable de trahison. Qui nous dit que le Bureau ne va pas prendre peur et craindre que vous fassiez de même ? S'ils savent qui vous êtes, ils pourraient vous faire suivre, ou pire, ils pourraient vous faire arrêter simplement par suspicion. Nous devons être prudents.

– Je comprends.

– Nous prétexterons autre chose pour que vous puissiez partir avec les enfants.

– D'accord. Professeur ?

– Oui ?

– Je n'ai pas eu le temps de remercier votre fille. Si elle n'était pas venue me chercher en pleine nuit, je n'aurais pas pu appeler Baihumon pour sauver le monde digital. Pourrez-vous la remercier pour moi ?

– Ma fille ? Meiko ?

– Non, votre deuxième fille, professeur. Sakae.

Les yeux de M. Mochizuki s'agrandirent.

– Sakae était avec les autres enfants cette nuit ? Au milieu de la bataille ?

– Oui. Je pensais que vous le saviez.

– Non, je l'ignorais.

– Je ne voulais pas vous inquiéter. Mais rassurez-vous, elle va bien. Son aide nous a été très utile.

– Mmm … je lui transmettrai vos remerciements.

Sur ces paroles, ils rentrèrent en réunion. Tous les membres hauts placés du Bureau s'y trouvaient, le visage sombre. M. Nishijima et M. Mochizuki s'assirent à leur place respective. M. Nishijima ne put s'empêcher de remarquer le siège vide où aurait dû se trouver Maki. Le président de la réunion prit la parole :

– Messieurs, nous sommes aujourd'hui réunis pour parler du grave incident de sécurité nationale survenu la nuit dernière. Professeur Mochizuki, n'aviez-vous pas affirmé que la mort d'Ordinemon entraînerait la fin des invasions digimons dans notre monde ?

– Je le croyais. Mais ce n'était pas aussi simple. Nous n'avons pas le contrôle sur ce qu'il se passe dans le monde digital.

– Ce devrait être le cas ! Quoi qu'il en soit, nous avons des questions à poser à l'agent Nishijima. Vous avez été absent plusieurs jours de votre poste, et vous avez été mêlé, d'après nos informations, à la bataille qui a eu lieu hier soir. Vous n'étiez pas joignable. Nous attendons vos explications sur votre comportement.

– Comme le Bureau me l'avait demandé, j'ai assuré la garde des Enfants Élus. Cette mission m'a conduit à m'absenter du Bureau.

– Nous avons également appris que vous aviez passé plusieurs jours à l'hôpital. Avez-vous été blessé dans le cadre de votre mission ?

– Oui.

– Avez-vous des nouvelles de l'agent Himekawa ? Savez-vous où elle se trouve ?

M. Nishijima cilla, jeta un coup d'œil à M. Mochizuki.

– Je l'ignore. Je n'ai pas eu de contact avec elle depuis sa disparition.

– L'agent Himekawa, de par son grade, avait accès à de nombreuses informations classées secrètes par notre agence. Pensez-vous qu'elle ait envisagé de vendre ces informations à un autre pays ?

– Je ne pense pas. À mon avis, l'agent Himekawa n'est pas partie à l'étranger et ne compte pas vendre les informations dont elle dispose.

– Alors, pourquoi disparaître ?

– Je ne sais pas.

Le président de la réunion dévisagea M. Nishijima, comme s'il recherchait le mensonge dans son expression. M. Nishijima demeura imperturbable.

– Vous savez que la rétention d'informations pourrait vous conduire à être accusé de complicité avec l'agent Himekawa ? Que dissimulez-vous, agent Nishijima ?

– Rien.

– Quant aux attaques d'hier soir, nous aurions envoyé l'armée si trois digimons des Enfants Élus ne les avaient renvoyés dans leur monde. Les dégâts sont de nouveau considérables, même s'il n'y a aucune victime à déplorer. Vous étiez sur place ?

– Je l'étais.

– Comment avez-vous été au courant ?

– Je vous rappelle qu'en dehors de cette Agence, je suis le professeur des Enfants Élus. Ceux-ci me font confiance et ce sont eux qui m'ont appelé. Nous avons pu éviter le pire.

– Nous ?

– Je n'ai fait qu'assister à la bataille.

– Et comment évaluez-vous la situation désormais ? Y-a-t-il un risque d'une nouvelle attaque ?

– Il y en a un, en effet.

– Comment ce risque peut-il être maîtrisé ?

– D'aucune manière hélas.

– Comment, d'aucune manière ? Ne devrions-nous pas déployer notre corps d'élite ?

– Vous pouvez faire appel à l'armée, mais je dois vous avertir : vous ne vaincrez pas la menace qui se rapproche de nous. Nous devons faire confiance aux Enfants Élus. Eux seuls peuvent nous aider. Vous ne devez pas les considérer simplement comme un auxiliaire de vos forces armées, mais comme le meilleur atout du Japon.

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Quand M. Mochizuki sortit de la salle de réunion, il se dirigea vers l'ascenseur. Il sortit son badge et l'approcha des boutons des étages : il émit un bip sonore. La grille qui servait aux appels d'urgence coulissa à ce moment : derrière se trouvait un bouton caché. Il indiquait le sous-sol -4. Seul quatre personnes avaient accès à ce sous-sol secret : le Premier Ministre, le Directeur de l'Agence de Défense du Japon, lui et l'homme qu'il allait voir. L'ascenseur descendit dans les profondeurs de l'Agence et finit par s'arrêter. La porte s'ouvrit et M. Mochizuki remonta le couloir. Il tapa le code secret qui permettait de déverrouiller la porte du bureau et entra. De grandes installations informatiques couvraient les murs, du sol au plafond. Du matériel extrêmement performant, à la pointe des innovations. Devant le poste principal, un homme était assis. Il fit pivoter sa chaise et se tourna vers M. Mochizuki.

– Ah, c'est toi, fit-il. Je ne m'attendais pas à te voir si tôt. N'étais-tu pas en réunion ?

– Elle est finie, répondit M. Mochizuki. Nous devons parler.

– Je sais. Nous avons une fois de plus frôlé la catastrophe hier soir. J'ai décelé les Sept Seigneurs démoniaques immédiatement : leur aura numérique est d'une puissance incroyable. C'est un miracle qu'il n'y ait pas eu de victimes. J'aurais dû prévoir qu'Yggdrasil ne s'avouerait pas si facilement vaincu.

– Sans l'intervention de M. Nishijima et de son digimon, tout aurait été perdu.

Les yeux de l'homme se mirent à briller.

– Alors, c'était donc cela cette force incroyable que mon ordinateur a décelée dans le digimonde hier soir ? Une Bête Sacrée ?

– C'est le partenaire de M. Nishijima. Celui-ci a vu Mlle Himekawa. Elle sert Yggdrasil, et tant qu'elle se trouve dans l'Océan des Ténèbres, nous n'avons aucune prise sur elle. Or, pour Yggdrasil, elle est un atout non négligeable.

– Je n'arrive toujours pas à y croire … elle était le meilleur agent de ce Bureau. La seule en qui j'avais suffisamment confiance pour lui parler face à face. La dernière fois que je l'ai fait, c'était au tout début des distorsions provoquées par Meicoomon. Si j'avais su qu'à ce moment-là, elle était déjà en train de nous trahir …

– Nous pouvons tous nous tromper. En tant qu'Enfant Élue, il était difficile d'imaginer qu'elle choisirait cette voie. M. Nishijima m'a confié qu'elle l'aurait fait pour revoir son ancien partenaire digimon, qui avait été sacrifié il y a longtemps pour sauver le monde digital. Elle savait qu'en collaborant avec Yggdrasil et en forçant Homeostasis à lancer un reboot, elle obtiendrait ce qu'elle voudrait.

– Le reboot … bien-sûr …

– La situation est grave. Sans Baihumon, les Enfants Élus n'auraient pas réussi à repousser les Sept Seigneurs démoniaques.

– Envisagent-ils de retrouver les autres Bêtes Sacrées ?

– C'est ce qu'ils ont dit.

– C'est ce que j'aurais fait à leur place. Mais ce ne sera pas facile, puisqu'elles ont été de nouveau emprisonnées.

– Ils en ont conscience. M. Nishijima veut les accompagner. Il s'est comporté avec beaucoup de courage ces derniers jours. Il a sauvé la vie de Taichi Yagami et a beaucoup soutenu les Enfants Élus. Ne crois-tu pas qu'il serait temps qu'il connaisse ton existence, maintenant que Mlle Himekawa n'est plus là ?

– J'ai toujours eu plus de mal à lui faire confiance qu'à Himekawa. Il a rejoint notre Agence plus tard qu'elle, et quand nous l'avons recruté, il m'avait semblé plus méfiant sur nos activités qu'elle.

– C'était il y a six ans, il était jeune. Je peux t'assurer que c'est aujourd'hui un homme responsable et avec beaucoup de cran. Si Baihumon ne l'avait pas sauvé, dans ce laboratoire, il serait mort à l'heure qu'il est. Accorde-lui ta confiance.

L'homme soupira et se redressa sur son siège.

– D'accord, je m'entretiendrai avec lui.

– Il y a autre chose dont je voulais te parler. M. Nishijima ne serait pas arrivé à temps la nuit dernière s'il n'avait pas été prévenu. Sais-tu qui est allé le chercher chez lui ?

– Qui ?

– Sakae.

Les yeux de l'homme s'agrandirent de nouveau.

– Sakae ? Elle est à Tokyo ?

– Oui, pour les vacances. Elle a trouvé un stage chez un maître verrier. J'imagine que Meiko a voulu lui présenter ses amis.

– Et elle était avec eux pendant la bataille ?

– Oui.

– Lui est-il arrivé quelque chose ?

– Non. Elle va bien.

– Tu aurais dû mieux la surveiller !

– Tu imagines que je ne me suis pas inquiété, moi aussi ? Mais je ne peux pas lui interdire de sortir.

– Est-ce que tu crois … tu crois qu'elle a rencontré Koushiro ?

– C'est probable.

L'homme, assis dans son fauteuil, baissa les yeux, pensif. L'image de Koushiro, comme il l'avait vue sur de nombreuses photos prises par l'Agence, défilèrent dans son esprit. Comme il aurait aimé le connaître. Seize ans seulement, et quelle intelligence il possédait déjà. Ce devait être de famille. Depuis son bureau, l'homme surveillait tous les ordinateurs du bureau du jeune homme. Il avait ainsi pu voir la lutte qu'il avait menée pour contrer le reboot, puis le programme qu'il avait créé pour matérialiser un portail entre le monde réel et le monde digital. Tout cela en moins d'une semaine. À peine croyable. Pourtant, l'homme savait aussi que chaque combat que Koushiro avait mené avait mis sa vie en danger. À cette pensée, l'image de Sakae s'imposa à lui. Il se souvint des photos familiales que lui montrait M. Mochizuki quand elle était petite. Elle devait avoir bien grandi depuis qu'elle était entrée en internat. À Kanazawa, lui et M. Mochizuki avaient toujours pensé qu'elle serait protégée du monde digital. Les attaques de Meicoomon leur avaient démontré le contraire. Ses doigts serrèrent fortement les accoudoirs. M. Mochizuki fronça les sourcils :

– À quoi penses-tu ? Tu te demandes si Sakae est comme Koushiro ? Comme Meiko ? Une Enfant Élue ?

– Je suis sûr que ce n'est pas le cas.

– Nous n'en savons rien, puisque très tôt nous avons fait en sorte qu'elle ait le moins de contact possible avec Meicoomon.

– Meicoomon était dangereuse, et nous le savions dès le départ. Nous ignorions d'où elle venait. Imagine un peu que Sakae ait été dans la même situation que Meiko ?

– Tu veux dire, qu'elle ait eu un partenaire digimon instable comme Meicoomon ? Possédant des données d'Apocalymon ? Plus j'y pense, moins j'en suis convaincu. Meicoomon était un digimon unique. Je doute qu'il en existe d'autres comme elle.

– Sakae avait beaucoup trop d'affinités avec Meicoomon. Je craignais qu'elle ne rencontre un partenaire digimon qui soit aussi dangereux que celui de Meiko.

– Ne devrais-tu pas plutôt dire que tu craignais qu'elle rencontre un partenaire digimon, tout court ?

– Nous n'avons pas pu empêcher que Koushiro soit choisi ! tempêta l'homme en frappant l'accoudoir de son poing. Ni Meiko. Je veux croire qu'il est encore possible d'épargner Sakae. Me le reprocherais-tu ?

– Non. Mais peut-être avons-nous agi en vain. Si elle est une Enfant Élue, nous ne pourrons pas aller contre la volonté d'Homeostasis.

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Daemon pestait. À cause de ce maudit Baihumon, sa sortie de l'Océan des Ténèbres avait été courte. Après que les Sept Seigneurs démoniaques avaient été renvoyés dans le monde d'Yggdrasil, celui-ci ne s'était même pas présenté en personne devant eux. Ils avaient été enfermés dans un des grands salons de la pagode sombre de leur maître, en attendant de connaître ses décisions pour l'avenir. L'humaine qui était à son service s'entretenait en ce moment avec lui. Le plus fidèle serviteur d'Yggdrasil s'y trouvait sans doute aussi. Daemon jalousait ce prétentieux qui était toujours aux côtés d'Yggdrasil alors qu'il n'égalait ni sa force, ni son essence maléfique. Qu'importe, lui et ses acolytes sortiraient bientôt dans le monde digital. Avec l'humaine, c'était possible. Enfin, ils allaient quitter le glauque Océan des Ténèbres ! Mais tout de même, l'attente était longue, et Daemon sentait monter la colère en lui.

Assis sur les sofas que contenait le salon, les autres démons patientaient également. Laylamon était langoureusement étendue sur l'une des banquettes, et Lucemon l'observait.

– Tu n'as qu'à venir plus près de moi, lui susurra-t-elle.

– M'abaisser à m'asseoir près d'une démone comme toi ? rétorqua-t-il avec dédain. J'espère que tu plaisantes !

– Et moi, supplia Leviamon en rampant jusqu'à Laylamon, puis-je venir près de toi ? Tu ne m'invites jamais …

– C'est parce que tu es répugnant ! répliqua la démone en le repoussant.

Au centre de la pièce, quelques victuailles avaient été disposées. Personne n'y avait touché, sauf Beelzemon, qui avait rangé ses pistolets et qui s'empiffrait grossièrement. Belphemon s'était plongé dans une sieste que rien ne semblait pouvoir perturber.

– Belphemon, réveille-toi ! aboya alors Daemon.

Celui-ci sursauta, grogna, puis ouvrit les yeux. Il tourna la tête pour identifier celui qui l'avait ainsi dérangé, et fusilla Daemon du regard :

– Tu veux que je te mette en pièces ?

– Essaye donc, va. Tu ne sers vraiment à rien. À chaque fois que je te vois, j'ai envie de t'étrangler.

– Silence ! siffla alors Barbamon, qui était assis en tailleur dans un coin du salon. On ne pourrait pas entendre une pièce d'or tomber avec vos cris.

– Pourquoi faut-il que tu parles toujours d'argent ? soupira Lucemon.

– Je me demande ce qu'Yggdrasil dit à l'humaine en ce moment, dit Barbamon.

Tous échangèrent un regard perplexe. Indubitablement, ils auraient donné cher pour le savoir.

Deux étages plus bas, Maki Himekawa faisait de nouveau face à Yggdrasil. Près de lui se trouvait son plus fidèle serviteur, auquel elle ne parvenait toujours pas à faire confiance. Yggdrasil souriait, mais ses lèvres ne bougeaient toujours pas lorsqu'il parlait. Il dit à Mlle Himekawa :

– Notre test a fonctionné. Nous savons maintenant que tu es capable de créer un passage à travers le Mur de Feu. Et la diversion est faite. Les Enfants Élus vont craindre que les Sept Seigneurs démoniaques ne reviennent sur Terre et vont se montrer vigilants … Mais pas là où ils devraient l'être. Nous devons en profiter. Je ne peux pas encore sortir de ce monde. Même toi, Maki Himekawa, tu n'es pas assez puissante pour me le permettre. Mais tu seras mes yeux et mes mains. J'ai une mission à te confier, si tu veux toujours libérer les deux mondes de l'influence d'Homeostasis.

– Je le veux.