LA BRAISE SOUS LA CENDRE

Disclaimer : voir prologue.

Chapitre 3 : La descente d'Orphée

« Severus, c'est l'heure... »

Rogue hocha la tête en direction de Lupin et vérifia une dernière fois que sa baguette magique glissait correctement hors de la poche spécialement cousu dans sa manche intérieur droite. Remus le regarda faire en silence, visiblement inquiet. Tout avait été dit et répété méticuleusement si bien que les mots entre eux étaient à présent inutiles.

« Bonne chance, mon ami… » Dit Lupin en tendant la main.

« Bonne chance. Ce soir, nous serons victorieux ou nous serons tous morts. » Répondit le Maître des Potions avant de prononcer la phrase rituelle : « Pour l'Ordre. »

« Pour l'Ordre. »

Les deux hommes se séparèrent. Rogue s'engagea promptement dans le souterrain et disparut dans les ténèbres. En aveugle mais le pied sûr, il avança. Il connaissait bien le chemin pour être passé par ce passage secret trop souvent à son goût.

Il laissait derrière lui des hommes valeureux, dont quelques uns qu'il ne reverrait pas vivant, il le savait. Le combat qui se préparait serait brutal. Lupin allait diriger l'assaut de la forteresse de l'extérieur tandis qu'il s'infiltrait au cœur de l'ennemi pour déjouer les pièges tendus et les sortilèges de défense. Le but ultime de leur mission était de capturer vivant des Mangemorts proches du Maître des Ténèbres et de délivrer les prisonniers enfermés dans les cachots. « Histoire d'obtenir des informations et de rééquilibrer les forces en présence », avait dit Lupin.

Remus… Rogue était surpris par leur complémentarité. Le loup-garou qui avait failli le tuer bien des années auparavant et qu'il redoutait toujours à juste titre était devenu un partenaire idéal. Aussi brillants l'un que l'autre, ils n'avaient appris à se respecter et à se comprendre que très récemment. Il avait fallu la mort de Sirius Black deux années auparavant pour, paradoxalement, les rapprocher. Comme il était regrettable qu'ils soient passés à travers leurs meilleures années à Poudlard sans l'avoir découvert. Les préjugés avaient la vie dure. Mais le passé était mort. Seul le présent comptait.

Il continua à suivre des galeries humides qui s'enfonçaient de plus en plus. Bientôt, il atteindrait son but.

Etait-il prêt ?

Rogue sentit son estomac brutalement se nouer à cette pensée. Il n'avait pas le choix. Il le devait à Dumbledore et à l'Ordre du Phénix. Il le devait à tous ceux qu'il avait tués de ses propres mains. Il serra les poings suffisamment pour imprimer la trace de ses ongles au cœur de ses paumes et se mordit la lèvre pour ne pas succomber à la vague de panique. Il devait rester calme et focaliser ses pensées sur sa mission. Tout le monde comptait sur lui. Il savait ce qu'il devait faire. La sécurité de Poudlard était à ce prix.

Poudlard, son asile depuis plus de trente ans et celui de centaines de sorciers à présent. Il se souvint du soulagement qu'il avait éprouvé quand il avait vu le hibou déposer l'invitation pour se rendre à l'école de ses rêves. Il n'allait pas aller à Durmstrang selon la volonté de ses parents. Rogue se secoua. Il lui fallait éviter de penser à ses parents. Ils étaient associés à des souvenirs douloureux et à des pensées stériles.

Non, il ne serait jamais prêt à retourner en enfer après avoir vainement essayé pendant des années d'oublier les ténèbres et la folie. Il n'avait gagné la confiance de Voldemort et des Mangemorts que pour réaliser ce qu'ils apportaient réellement.

La damnation éternelle.

Dumbledore l'avait recueilli cette nuit-là, alors qu'il ne voulait rien de plus que mourir. Il avait littéralement supplié le vieil homme de mettre un terme à sa vie gâchée. Et Dumbledore avait refusé. Pourquoi ? Pourquoi ne pas juste le laisser mourir ? Le directeur avait été résolu et doux. Il avait insisté pour que Rogue s'assoit et écoute son plan. Un plan qui débarrasserait le monde de Voldemort s'il réussissait. Un plan qui mettrait le jeune homme en grand danger il était vrai, mais un plan qui le rachèterait en partie et qui donnerait un sens nouveau à sa vie.

Dumbledore l'avait regardé avec une telle compassion… Rogue n'avait pas pu refuser. Il s'était rappelé toutes les victimes et leurs souffrances en sentant monter en lui une froide détermination. Oui, il les vengerait. Pour eux, pour lui, il détruirait Voldemort.

Mais il savait que bien peu l'apprécierait pour ce qu'il ferait. Et d'une certaine manière, il s'en moquait. Seule comptait la reconnaissance de quelques uns parmi les plus clairvoyants. Il n'était pas un héros et n'en serait jamais un, contrairement à Potter. Après tout, l'Ordre de Merlin n'était qu'un morceau coloré de satin et de soie. Cette récompense ne ramènerait jamais les disparus. Inconsciemment, sa main droite caressa son avant-bras gauche, là où la Marque des Ténèbres se trouvait.

On disait que l'être humain tirait les conséquences de ses erreurs et ne les refaisait pas. C'était faux. Les mémoires tendaient à s'effacer au fil du temps. Elles oubliaient ce qui était dangereux pour elles. Le retour de Voldemort en était la parfaite illustration. Presque deux décennies d'absence où tout le monde s'était voilé la face, puis le règne de la terreur avait à nouveau jeté la communauté entière des sorciers dans le chaos.

Il était temps de rappeler à tous ce que représentait la menace d'un être assoiffé de pouvoir.

Severus Rogue, Maître des Potions de l'école de sorcellerie de Poudlard et espion de l'Ordre du Phénix, se redressa et se souvint de la promesse qu'il s'était faite quelques vingt ans plus tôt. A l'heure de combattre, il ne connaîtrait pas la peur et affronterait vaillamment son ennemi jusqu'à la mort, s'il le fallait.

Il sortit une fiole remplie de potion d'invisibilité et l'absorba d'un geste résolu. Il ne disposait plus que de vingt minutes pour remplir sa mission.

A suivre…