LA BRAISE SOUS LA CENDRE
Disclaimer : voir prologue.
Chapitre 7 : Le vagabond des étoiles
Harry Potter appuya son front contre la vitre de la fenêtre et expira doucement. Il regarda son souffle chaud blanchir momentanément le verre par condensation. Sentant ses yeux se fermer, Le jeune sorcier essaya de lutter contre la torpeur qui l'envahissait. Il était près de cinq heures du matin et cela faisait trois heures maintenant qu'il était debout. Agacé de se tourner sans cesse dans le lit, il s'était levé pour ne pas réveiller Ginny et s'était installé sur le large rebord de la fenêtre du salon, son corps enveloppé dans une couverture de laine.
« Encore une nuit d'insomnie passée dans les courants d'air. Si Ginny te voyait… » murmura Harry pour lui-même.
Ses doigts se refermèrent automatiquement sous son menton, là où les plis de la couverture faisaient défaut. Il rencontra un accroc dans le tissu et décida d'y remédier sur-le-champ.
Comment s'appelle ce sort qu'Hermione m'a enseigné ? se demanda-t'il en sortant sa baguette. Harry n'aurait pas pu dire en cet instant ce qui l'avait incité à la prendre avec lui au cœur de la nuit. Depuis quelques temps, il se sentait nu comme un ver et dépouillé de toute protection quand il n'avait pas l'objet magique sur lui. Il se concentra et chercha dans son esprit. Il fixa l'accroc dans la couverture mais rien ne vint. Exaspéré, il abandonna l'idée de réparer quoi que soit. Il avait bien d'autres inquiétudes en tête qu'un simple trou dans un bout de laine.
Le jeune homme regarda par la fenêtre. Une faible lueur pointait à l'horizon et il commença à distinguer les contours des hautes murailles de Poudlard. Dans une heure, le jour se lèverait avec son lot de soucis et de contrariétés.
La flamme minuscule d'une bougie tressaillit à la fenêtre de l'étude de Dumbledore. Apparemment, Harry n'était pas le seul à être debout. Le chef de la résistance commençait sa journée de bonne heure. Comment le vieil homme fait-il pour tenir le coup ? se demanda Harry. D'où tient-il son incroyable énergie ? Mystère. Son courage et son abnégation faisaient l'admiration de tous. Et Merlin seul savait que lui aussi avait de nombreux problèmes à gérer. Dont un, non négligeable.
Quelque part, là dehors, le Seigneur des Ténèbres attendait son heure.
Le jeune sorcier frissonna soudainement à cette pensée et une étoile de givre se forma sur la vitre devant lui. Son corps se ratatina à l'intérieur de la couverture à la recherche de chaleur. Harry se mit à trembler de manière incontrôlable alors qu'un froid surnaturelle à glacer les os l'envahissait. Tout aussi soudainement, son visage se couvrit de sueur et son tee-shirt commença à lui coller à la peau. En cet instant, Harry n'aurait pu relâcher sa prise sur la couverture. Elle formait sur lui comme un bouclier, repoussant le mal loin de lui.
Il lutta pour maintenir ses yeux ouverts. Le sommeil essayait à nouveau de réclamer son dû, pourtant il savait qu'il ne pourrait pas dormir sereinement. Son corps était las, mais son esprit refusait de se reposer. Le moment où Harry se laisserait gagner par le sommeil, il entrerait dans un monde de cauchemars.
Les ténèbres l'engloutiraient et il se mettrait à s'agiter de manière grotesque comme un pantin au bout de ses fils. Des images horribles défileraient devant ses yeux. Il verrait des groupes d'hommes et de femmes courir en tous sens, hurlant, paniqués, alors que des créatures noires déferleraient sur eux et décimeraient leurs rangs. Des enfants tendraient leurs petites mains implorantes vers lui et sangloteraient en exhibant leurs orbites brûlées et vides en lieu et place de leurs yeux. Et dans le ciel couleur de suie apparaitrait cette horrible tête de mort au centre de laquelle brillaient deux yeux rouges impitoyables. Voldemort l'observerait et attendrait, se nourrissant avec délectation de la peur d'Harry, son rire faisant écho aux battements de cœur désordonnés du jeune sorcier.
Harry se mordit violemment la langue jusqu'à ce qu'il sente le goût métallique du sang dans sa bouche et qu'il sorte de sa torpeur. Cela s'était déjà produit avant. Mais il n'avait pas été autant effrayé qu'en cet instant. Le corps tremblant, il devait essayer d'oublier ses visions terribles. Pourtant, une crainte indicible saisit son cœur, ne lui permettant pas d'évacuer ses images d'horreur. Des bouffées d'angoisse l'inondèrent à la pensée que Voldemort puisse s'en prendre à ses amis, en les utilisant comme appât.
Harry imaginait Hermione à terre, rendue impuissante par un charme destructeur. Lui-même se tenait face à Voldemort et essayait de saisir la main d'Hermione pour l'écarter. A chaque fois qu'il avançait d'un pouce, la jeune sorcière semblait s'éloigner de lui. Puis, Harry entendait un grand cri et se tournait comme au ralenti pour voir Ron et une immense baguette magique géante pointée sur son ami. Et deux mots, toujours les mêmes, résonnaient à ses oreilles :
Avada Kedavra !
Harry chuchota les mots pour lui-même en se rappelant la façon dont la voix profonde de Voldemort les prononçait dans son cauchemar. Nerveusement, il repoussa un rideau de cheveux noirs sur son front et ses doigts s'arrêtèrent sur sa cicatrice. Pourquoi avait-il fallu que ce soit lui ? Depuis sept ans, il ne se passait pas un jour sans que quelqu'un le dévisage ou chuchote à propos de sa trop fameuse marque de distinction. Il imaginait sans peine les commentaires : « Regardez, c'est lui ! C'est Harry Potter, le garçon qui a survécu ! ».
"Le garçon qui a survécu" soupira Harry avec résignation.
Qui a survécu pour voir le pire lui arriver, oui… pensa Harry amèrement. Il repoussa la couverture qui glissa à ses pieds sur le parquet. Le jeune homme étendit alors ses jambes et prit sa baguette, puis chuchota : « Lumos ». Il cligna brièvement des yeux pour s'habituer à la lumière qui l'entoura. Puis, il se pencha et prit un album de photos en cuir rouge et or posé sur l'étagère à côté de la fenêtre. C'était un cadeau d'anniversaire qu'il avait reçu de Ron et d'Hermione quelques années auparavant. Une éternité. Il était rempli de lettres et de photos de l'époque où il était heureux et insouciant.
Sur la première page, il y avait un petit emballage doré attaché avec du ruban adhésif, sous lequel figurait une note de Fred et de Georges, les jumeaux Weasley. ' Tu te souviens, Harry ? ' Bien sûr qu'il se rappelait. Fred et George avaient imaginé une sorte de bonbon surprise au caramel et au sel de mer. Un délice. Sauf que les joues d'Harry s'étaient mises à gonfler, à gonfler… Son visage était devenu rond comme un ballon et le faisait énormément souffrir. Molly Weasley avait fait la leçon aux jumeaux facétieux pendant qu'elle soignait Harry du mieux qu'elle pouvait. Résultat : Ron et ses frères l'avaient surnommé 'Poisson Lune' pendant les deux jours suivants, le temps que sa tête reprenne des proportions normales.
Ses doigts tremblèrent alors qu'il continuait à tourner les pages. Des photos le renvoyaient vers un passé heureux. Il lut des lettres remplies de souvenirs joyeux qui suscitèrent des tas d'émotions contradictoires chez lui. Une larme s'écrasa sur la surface d'un parchemin, brouillant les mots qu'Hermione avait écrits. Encore une fois, elle lui avait remonté le moral avec sa simplicité coutumière au cœur de cet été où il s'était senti si seul chez les Dursley. A côté de la signature, elle avait dessiné un petit cœur naïf pour lui dire toute son affection.
Harry ne put s'empêcher ensuite de rire doucement en jetant un coup d'œil sur une photo de lui, volant sur son balai pendant un important match de Quidditch. L'animation le montrait virevoltant acrobatiquement de gauche à droite, au moment où il avait attrapé le Vif d'Or. Son sourire triomphal en disait long sur son bonheur.
Et puis il y avait les lettres tendres et les photos souriantes de Ginny. Son amie, son amante, son seul amour. Celle qui le comprenait si bien, celle pour qui il était prêt à tout, celle avec qui il voulait vivre…
Harry s'accrocha à tous ses souvenirs heureux, comme le ferait une mère voulant protéger son enfant.
Voldemort ne m'aura pas pensa Harry, en déposant l'album. Il peut essayer de tout ruiner, mais je ne le laisserai pas gagner.
Quelques secondes plus tard, Harry se tenait devant la bibliothèque. Où est ce livre ? Harry chercha et retira un lourd volume de l'étagère, puis l'ouvrit. Il lista avec son doigt les différentes rubriques de sorts et se mit à rire lorsqu'il trouva le charme qu'il recherchait.
Charme d'apaisement
Mode d'emploi : Ce charme est habituellement employé par ceux qui sont en proie à des insomnies dues à un grand stress, à des angoisses ou à des cauchemars terrifiants. Une fois que ce charme est formulé (correctement), alors le sorcier se sent immédiatement apaisé et peut s'endormir sans crainte. Ce charme agit pendant un temps limité. On peut l'utiliser plusieurs fois mais certaines précautions sont nécessaires...
Harry lut la liste impressionnante des avertissements pour un charme aussi simple. Il trouva enfin la formule et la testa à voix basse. Il prit ensuite sa baguette magique dans la main, se concentra et s'apprêta à prononcer les mots de la formule en rythme. Enfin, il pourrait s'endormir sans s'inquiéter de Voldemort et de ses cauchemars.
« Harry… » dit la voix de Ginny derrière lui.
Le jeune sorcier suspendit son geste. Sa fiancée se tenait dans l'embrasure de la porte et s'approcha de lui, ses longs cheveux roux brillant sous l'éclat du charme de Lumos. Ginny le prit dans ses bras et l'embrassa tendrement. « Que fais-tu ?… »
« Je cherche un charme. »
« A cette heure-ci ? Ce sont encore tes cauchemars, n'est-ce-pas ? »
« Oui. »
« Je sais que tu n'aimes pas en parler, mais tu pourrais me dire de quoi il s'agit… »
« Non, je ne veux pas. »
Blessée, Ginny se libéra des bras d'Harry.
« Tu ne me fais pas confiance ? »
« Tu sais bien que ce n'est pas le problème, Ginny » soupira Harry en la reprenant tout contre lui. « C'est simplement qu'en parler ne résoudra rien. »
« Que voulais-tu faire alors ? » demanda la jeune femme.
Ginny se pencha sur le livre que tenait Harry. Elle ouvrit de grands yeux en lisant le titre du sort que voulait employer le jeune homme.
« Harry, tu n'es pas sensé utiliser ce charme ! Mal dosé, il peut avoir de graves conséquences ! »
« Je sais, mais je voudrais pouvoir oublier ces visions… »
« Oh, mon chéri… »
Ginny le serra contre elle pour le rassurer. Harry se mit à revivre une scène semblable issue de ses cauchemars où c'était lui qui tenait le corps sans vie de Ginny contre lui, alors que Voldemort riait diaboliquement. Plus jamais il ne voulait revivre l'horreur sans nom causée par la perte de sa bien-aimée. La douleur et le vide brutal qu'il avait ressenti dans son rêve, avaient été insupportables. Il jeta un coup d'œil vers le livre et lut mentalement la formule à réciter.
« Quelque chose aurait pu mal tourner. Tu te souviens de cette histoire il y a deux ans ? C'était dans le journal. Une sorcière a mal prononcé la formule, elle s'est endormie et ne s'est jamais réveillée. Elle est toujours à Sainte Mangouste, dans le même état. »
« Peut-être qu'un homme devrait l'embrasser ? »
« Arrêtes, Harry, je suis sérieuse… »
« Excuses-moi. »
Ginny le regarda dans les yeux. « Tu as changé ces derniers temps. Qu'est-ce qui se passe ? »
Harry mourrait d'envie de tout lui dire. Mais il ne voulait pas qu'elle prenne peur ou qu'elle souffre à cause de lui. Il ne répondit rien.
« Harry, quand tu es près de moi, je me sens en sécurité. J'ai peur parfois, c'est vrai, et je fais aussi des cauchemars où tu es perdu et dans lesquels je n'arrive pas à te trouver. Je vois Ron mourir. Je vois Voldemort te tuer. » Elle secoua la tête avec tristesse. « Tout le monde a peur. Même Harry Potter a le droit d'avoir peur. »
Le jeune sorcier baissa la tête, incapable de croiser les yeux si perspicaces de sa fiancée.
« Harry, dis-moi ce qui te tracasse ? » insista Ginny.
« La guerre… Ce que nous allons devenir si Voldemort réussit… ce que tu vas devenir… Hermione, Ron, tout le monde… »
« Tu en as parlé avec Dumbledore ? »
« Pas récemment, non. Il a d'autres inquiétudes en tête et n'a pas besoin d'entendre les miennes en sus. »
« Pas forcément. Il a toujours pris du temps pour toi, et maintenant que l'échéance approche, il doit bien se douter que tu gamberges un peu. »
Harry prit un air songeur.
« En fait, je n'ai pas peur pour moi. C'est pour les autres que j'ai des craintes. Que vont-ils devenir si j'échoue ? »
« C'est bien ce que je dis. Tu as peur de ne pas réussir à vaincre Voldemort. »
« Ginny, il n'est écrit nulle part que je vais réussir. Je peux échouer. »
« Je sais. Mais moi, j'ai foi en toi… Ron et Hermione ont foi en toi… Et Dumbledore, et tous les autres… »
« On attend tellement de moi. Si tu savais comme ce fardeau est lourd à porter… »
« Harry, tu es le meilleur. Tu as déjà vaincu Tom à plusieurs reprises. Tu peux le refaire. » Ginny retira lentement le livre des mains du jeune sorcier. « Tu n'as pas besoin d'un sort, Harry. Souviens-toi seulement que tes amis sont tous unis derrière toi, qu'ils t'aiment et te soutiennent… »
Elle posa le livre sur l'étagère. Harry soupira.
« Le problème, c'est que j'ignore si je peux encore le vaincre. Sa puissance a augmenté, je le sens. »
« Ta cicatrice ? »
Harry secoua la tête doucement. « Non, c'est davantage une présence que je ressens en permanence. J'arrive maintenant à bloquer instinctivement ses intrusions mais je sais qu'il essaie de me prendre en défaut. C'est devenu une sorte de jeu entre nous. Quelque part, c'est même un mal pour un bien. Ca m'oblige à me tenir sur mes gardes. »
« Dumbledore le sait ? »
« Oui. Et je le remercie de m'avoir obligé à reprendre des cours d'occlumencie avec Rogue. Sans ça…
Il y eut un silence entre eux. Ginny reprit :
« Dans ce combat, tu n'es pas tout seul. Nous faisons tout pour te protéger. Si c'est ton destin d'affronter Voldemort, alors il n'y a pas grand chose que nous puissions faire sinon te préparer pour ce combat du mieux que nous le pouvons et te faciliter la vie. »
« Je vois bien tous les efforts que vous faites et je vous en suis reconnaissant. Loin de moi l'idée d'être un ingrat. Mais vaincre Voldemort, c'est quelque chose que je devrais faire seul, tu comprends ? »
« Oui, je vois ce que tu veux dire » dit Ginny avec gravité. « Alors, écoutes-moi bien : sans peur, il n'y aurait pas de vrai courage. Tu as déjà entendu parler de ces gens ordinaires qui sauvent d'autres personnes sur une impulsion ? Ca arrive même chez les Moldus. Prenons le cas d'un homme qui voit une voiture se précipiter sur un enfant… Si tu analyses ses réactions, il te dira qu'il a d'abord eu peur, qu'il tremblait pour le gamin en imaginant ce qui allait arriver. Puis soudain, quelque chose l'a poussé à s'interposer devant la voiture et à écarter l'enfant. A ce moment précis, s'il n'avait pas eu peur, il n'aurait jamais eu la force de faire ce qu'il fallait pour le sauver. »
Harry comprit et hocha la tête. Il lui fallait se servir de sa peur comme un moteur et non la subir comme un frein. Au cours des dernières années, et à chaque fois qu'il avait affronté Voldemort, il avait ressenti de la crainte mais il avait réussi à se dépasser. Tous ces cauchemars horribles qu'il faisait à présent, lui permettaient-il de se préparer à l'affrontement final ? Le rendaient-ils plus fort ? Plus prompte à réagir comme il fallait ?
Harry eut un sourire, le premier depuis le début de leur conversation.
« J'ai compris. Merci, mon ange. »
Ginny lui rendit son sourire. « Il n'y a pas de quoi. Tu viens te recoucher ? »
« Avec plaisir... »
Harry la prit dans ses bras et l'embrassa. Ginny ouvrit la bouche et leurs baisers devinrent plus profonds, réveillant le désir qu'ils avaient l'un de l'autre. La jeune fille entraîna son compagnon vers leur chambre…
A suivre…
Pas d'Hermione, ni de Severus dans ce chapitre… Désolée, mais j'avais trop envie de vous montrer l'état d'esprit d'Harry avant la bataille. Ce sont des détails qui auront leurs importances plus tard.
Milles mercis pour vos commentaires encourageants et élogieux (Mes pieds ne rentrent plus dans mes chaussures, m'a fait remarqué mon copain l'autre jour !) Je ne peux pas vous répondre individuellement sinon j'y passerai le peu de temps que j'ai pour écrire. Sachez que j'essaie d'organiser des chapitres sur une histoire au départ inexistante, car la lettre de Severus était un one-shot à l'origine. Donc parfois, c'est simple et ça vient tout seul ; et d'autres fois, plus compliqué quand je dois me creuser les méninges pour donner un sens et une cohérence à l'ensemble.
Pour les intéressé(e)s, j'adore les intensités dramatiques, les cliffhangers et autres suspens qui vous mettent l'eau à la bouche. Excusez-moi d'avance d'en abuser sur les prochains chapitres…
Je vous embrasse. Nadège. ;-)
