LA BRAISE SOUS LA CENDRE
Disclaimer : voir prologue.
Chapitre 8 : Tranches de vie
« Ce n'étaient que des propos incohérents, Albus. Elle devait encore avoir abusé du xérès… » dit tranquillement McGonagall.
Assis devant son bureau, Dumbledore regarda son adjointe avec ce regard particulièrement grave qu'il réservait dans les circonstances extrêmes.
« Je ne crois pas, Minerva. Pas cette fois. »
« Allons, Albus, cette vieille chouette imagine voir tous les malheurs du monde s'abattre sur Poudlard en permanence. Elle finit par ne plus faire la différence entre la fiction et la réalité... »
« Minerva…
Le chef de l'Ordre du Phénix savait que McGonagall et Trelawney ne s'appréciaient pas beaucoup. Cela faisait des années que c'était ainsi et ce n'était pas prêt de changer. Il allait ajouter quelque chose lorsque quelqu'un frappa à la porte de son bureau.
« Entrez ! »
La haute figure de Remus Lupin s'encadra dans l'entrée. Affublé d'une barbe d'au moins une semaine, l'ancien professeur de défense contre les Forces du Mal semblait épuisé et gelé jusqu'aux os.
« Remus ! Enfin !
Lorsque le sorcier s'avança dans la pièce, tous les portraits se tournèrent vers le nouvel arrivant, à l'écoute du moindre mot qui allait se dire.
« Albus, Minerva, désolé de ne pas avoir donné de nouvelles plus tôt, mais j'arrive tout juste… »
« Venez vous asseoir près du feu, Remus, vous êtes complètement frigorifié… Depuis quand n'avez-vous pas fait un vrai repas ?
« Au moins une semaine, je meurs de faim, mais ça peut attendre… »
« Pas question ! Vous parlerez une fois que vous aurez l'estomac plein. Minerva, commandez lui un menu royal et pour nous, du thé et des petits gâteaux. »
« Bien sûr, Albus. »
Quand les Elfes de Maison eurent délivré la commande et que Remus se fut sustenté, les trois membres de l'Ordre purent enfin engager la conversation.
« Alors, vous avez retrouvé Severus ? »
« Non, j'ai perdu sa piste. Ollivander a mené l'enquête auprès de ses informateurs, et les nouvelles ne sont pas bonnes. Severus est aux mains de l'ennemi, c'est sûr. Est-il encore vivant ? Nous l'ignorons. Où est-il détenu ? Nous n'en avons pas la moindre idée... Albus, il y a plus grave que la disparition de Severus malheureusement. Darius a appris quelque chose de capital : Voldemort se prépare à passer à l'offensive. C'est imminent… »
Un silence suivit ces déclarations. Même les portraits s'étaient immobilisés dans leurs cadres et attendaient anxieusement. McGonagall et Dumbledore échangèrent un regard inquiet, que surprit Lupin.
« Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? » demanda l'ancien Maraudeur.
« Ces nouvelles ne nous surprennent guère, à vrai dire » dit lentement le vieil homme. « Sibylle a fait une prédiction ce matin où elle voyait une armée de damnés se relever et ravager la Terre… »
Lupin se mit à pâlir.
« Peut-elle se tromper ? »
« C'est possible. Rien n'est jamais sûr à cent pour cent. »
« Il ne faut pas que cette nouvelle arrive aux oreilles de notre armée. Ce serait catastrophique pour le moral. Qui était là quand c'est arrivé ? »
« Minerva, moi et… Fumseck… Le Phénix a très bien compris. Il a pris son envol et a disparu. »
« Où est-il parti ? »
« Je l'ignore. Mais il reviendra… Dans l'intervalle, il faut mettre nos troupes en alerte et renforcer la sécurité à Poudlard » dit Dumbledore. Il se tourna vers le portrait de Nigellus. « Phineas ? Vous avez entendu ?… »
« Parfaitement, si vous croyez que tout le monde dort ici… » bougonna l'intéressé. « J'avertis Fol-Œil et je fais passer le mot aux fantômes. »
« Merci, Phineas… Remus, je vais rédiger des parchemins que vous distribuerez aux principaux chefs de la Résistance que vous verrez. Nous utiliserons des hiboux pour avertir ceux qui se trouvent trop éloignés. »
« Et si nous réactivions le réseau des Miroirs, Albus ? »
« C'est dangereux, Minerva. Tout le monde peut surprendre les conversations. Il ne faudra les utiliser qu'en dernier recours… »
« Où en est-on dans la mise en œuvre du plan final ? » demanda Lupin.
« Dans la Salle des Cérémonies, l'équipe de Vector a terminé le tracé du Pentacle Sacré qui établira la domination de l'esprit sur les éléments. Les calculs ont été longs et ils ont créé un véritable chef d'œuvre. C'est par ce signe que l'on enchaînera les démons de l'air, les esprits du feu, les spectres de l'eau et les fantômes de la terre que pourrait invoquer Voldemort. Privé d'une partie de ses serviteurs, le Seigneur des Ténèbres ne devrait pas être en mesure de résister aux attaques des Initiés… » répondit McGonagall.
« Qui sont-ils, Albus ? » demanda Lupin.
« Le Nécromancien n'a pas encore révélé les noms des cinq Elus… »
« On suppose qu'Harry sera l'un d'eux, non ? »
« On ne peut que supposer… De même, pour tous ceux qui vont être choisis, Remus… »
« Mais le temps presse ! Quand va-t-il faire son annonce ? »
« Je l'ignore. Si les événements se précipitent comme vous le dites, alors il se manifestera bientôt. Il a apporté avec lui les pierres et les symboles cabalistiques nécessaires à l'accomplissement des sorts. Ils sont à présent tous réunis à Poudlard et sont en sécurité… »
« Enfin une bonne nouvelle… Les Initiés pourront les utiliser pour renforcer leurs pouvoirs au moment de l'attaque contre Voldemort. Et les sorts, les a t'on tous déchiffrés ? » »
« Flitwick et l'alchimiste Halambik traduisent les derniers parchemins pour compléter la série des cinq sorts. »
« Ils n'auront jamais le temps de procéder à des essais… » dit McGonagall avec inquiétude.
« Ils devront s'en passer, je le crains » dit Dumbledore.
« Il nous faut encore gagner du temps. Est-ce possible, Remus ? »
« Nous ferons de notre mieux, Minerva, mais nous sommes beaucoup moins nombreux qu'eux. Nous aurons du mal à les retenir. »
Le vieil homme se leva.
« Minerva, allez prévenir tout le monde, nous allons tenir une assemblée extraordinaire de l'Ordre dans une heure. »
« Qu'allez-vous faire, Albus ? » demanda McGonagall.
« Je vais parler au Nécromancien. »
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Dans la salle commune de la Tour de Gryffondor à présent quasi-désertée, Harry procédait à l'entretien minutieux de son balai de quidditch en se concentrant sur la taille de la paille à l'arrière qui garantissait sa puissance et sa réactivité. C'était un travail délicat qui se faisait toujours à la main, sans l'aide de la magie. Assise au coin du feu, Ginny lisait. Parfois, elle relevait la tête et jetait un coup d'œil vers Harry.
Des bruits de pas dans l'escalier les sortirent du silence confortable qui les enveloppait. Ron fit son apparition, content de les trouver.
« Hé, Ginny, Harry, je venais vous avertir que Remus venait juste de rentrer. »
« C'est vrai ? Comment va-t-il ? »
« Il a l'air d'aller bien. »
« Et Rogue ? Il est avec lui ? » demanda Harry, immédiatement en alerte.
Ron secoua la tête.
« Remus était seul. Il est allé directement chez Dumbledore. »
« Ce n'est pas bon signe » dit Ginny.
Harry et sa fiancée échangèrent un long regard.
« Hé, vous en faites une tête d'enterrement ! C'est de Rogue dont on parle, là, pas d'un de nos amis ! »
Ginny soupira : « Oh, Ron… Tu ne comprends jamais rien. »
Elle retourna à ses lectures, laissant les deux garçons ensemble.
« Ben quoi, qu'est-ce que j'ai encore dit ? » demanda avec perplexité Ron.
« Laisse tomber. A croire que Rogue est un sujet sensible pour les filles.»
« Tu as remarqué toi aussi ? » dit Ron en hochant la tête. « Tiens, tu nettoies ton balai ? »
« Oui, il aurait besoin d'être dérouillé, et moi aussi. »
« Et si on allait voler un peu ? »
« Non, je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Pas en ce moment » répondit Harry. « En fait, je le nettoie chaque fois que j'ai besoin d'y voir un peu clair dans ma tête. Ca me calme et m'aide à réfléchir. »
« Il y a quelque chose qui t'inquiète ? »
Harry fit signe à Ron de s'approcher après avoir jeté un coup d'œil rapide vers Ginny. Il murmura :
« J'ai quelque chose à te demander, Ron. »
Le jeune rouquin hocha la tête en comprenant et dit tout haut, spécialement à l'intention de sa sœur :
« Ca te dirait un petit duel ? J'ai envie d'essayer ce nouveau sort que nous a montré Dujardin.
« Ok » répondit Harry. Il se leva et se dirigea vers Ginny. « On se retrouve tout à l'heure… »
« Evitez de terminer à l'infirmerie tous les deux. »
Les deux adolescents quittèrent la Salle Commune et s'éloignèrent en silence. Ils prirent les escaliers magiques et sortirent marcher dans le cloître.
« Alors ? »
« C'est au sujet de ta sœur. J'ai l'intention de l'épouser. »
Ron tapa sur l'épaule de son ami et poussa un rugissement qui trahit son enthousiasme.
« Ca y est ! Tu t'es décidé ? Et Ginny, qu'est-ce qu'elle en pense ? »
« Je ne lui ai pas encore fait ma demande. »
« Tu rigoles ? C'est quand même la première intéressée, non ? »
« Ginny est mineure. Je dois d'abord demander à tes parents. »
« Je vois… » Ron parut embêté. « Tu as peur qu'ils refusent ? »
« Ecoutes, les circonstances sont exceptionnelles. Je veux que ce mariage ait lieu avant que… »
Il y eut un silence entre les deux amis. Harry soupira.
« Ron, je sais que tu me diras le contraire, mais j'ai bien réfléchi. Il est possible que je ne revienne pas après l'affrontement final. »
« Harry, ne dis pas ça… »
« Je veux que Ginny connaisse le bonheur qu'elle mérite et que nous soyons liés. »
« Tu n'as pas besoin de l'épouser pour cela. Vous vous aimez. C'est le plus fort de tous les liens. »
« Ca ne suffit pas. J'ai demandé à Dumbledore. Il faut un sacrement magique via le mariage pour pouvoir la protéger au cas où, comme ma mère l'a fait pour moi quand j'étais bébé. »
« Oh, Harry, c'est la plus belle preuve d'amour que tu puisses lui apporter… »
« Tu penses que tes parents accepteront ? »
« Je ne peux pas te dire. Il y a cependant quelque chose qui peut parler en ta faveur. Maman avait dix sept ans quand mon père l'a épousé. Et lui n'en avait que vingt. »
« Alors il y a de l'espoir ? »
« Je le crois... beau-frère. »
Les deux amis éclatèrent de rire et se donnèrent l'accolade. Le son d'une cloche résonna soudain et les interrompit net. L'inquiétude se peignit immédiatement sur leurs visages. C'était le signal d'une réunion extraordinaire de l'Ordre…
Pendant ce temps-là …
Ginny considéra la jeune femme silencieuse, assise à ses côtés. Hermione venait de lui confier la nature de ses inquiétudes, en gardant toutefois le silence sur la lettre de Rogue.
« Hermione, depuis un moment, il était clair que quelque chose te préoccupait. Harry s'inquiétait pour toi, et moi aussi.
« Au début, ça n'a été qu'une impression qui s'est trouvée confirmée quand Ollivander a annoncé que Rogue avait disparu. Ca m'a fait un choc. Depuis, je n'arrête pas d'envisager le pire… »
« Hermione, arrêtes de t'inquiéter pour lui… Dumbledore a dit qu'il connaissait les risques. Il en a certainement vu d'autres. Il va revenir. »
« Pourquoi tout le monde est-il si sûr de ça ? Et s'il était mort ? »
« Je ne peux pas dire que sa disparition m'affecterait beaucoup, c'est vrai, mais ça me ferait bizarre… Je vais te dire quelque chose que je n'ai jamais dit à personne. Il m'a aidé après ce qui m'est arrivé dans la Chambre des Secrets… »
« C'est vrai ? »
« Sur les ordres de Dumbledore, je suis allée le voir. Je ne voulais parler à personne de ce que Tom m'avait fait, de ce que j'avais vu et ressenti. Et surtout pas à lui… La première rencontre a été très étrange. Il m'a reçu dans son bureau dans les cachots, m'a demandé gentiment de m'asseoir devant lui et n'a rien dit. Il s'est contenté de me regarder dans les yeux… J'étais très gênée, nerveuse et franchement, je ne savais plus où me mettre. Il m'a simplement dit d'une voix calme et profonde : 'Contentez-vous de me regarder, Miss Weasley…' et c'est ce que j'ai fait… »
« De la légilimencie ? »
« Exact… Mais je ne l'ai compris que bien plus tard, lorsque Harry a pris des cours avec lui. »
« Qu'est-ce qui s'est passé ? »
« Peu à peu, nous avons parlé… Je veux dire, j'ai parlé… Il m'écoutait sans porter de jugement. C'était singulier et… rassurant… Il m'a dit que je pouvais venir le voir quand j'en éprouvais le besoin, à la condition que je n'en parle à personne d'autre que Dumbledore ou lui… Ca n'est arrivé qu'une fois quand j'ai fait une série de cauchemars tous aussi affreux les uns que les autres… Tu sais le plus drôle ? Je crois que j'ai eu le béguin pour lui en 2ème année ! »
« Quoi ? »
« C'était complètement puéril, je sais. Et ça m'est très vite passé quand j'ai vu comment il nous traitait ! Je crois juste que j'avais besoin d'une figure paternelle forte après l'incident avec Tom en première année. »
« Si Harry savait ça… »
« Il me traiterait de folle, c'est sûr ! »
Les deux jeunes femmes éclatèrent de rire.
« Sérieusement Hermione, tu n'éprouves pas quelque chose pour Rogue ? Tu es la seule à n'avoir jamais rien dit contre lui, à tel point que tu en arrivais toujours à le défendre… »
« … Malgré moi, je le précise… Non, il ne m'a jamais intéressé. C'est juste que je sentais obscurément qu'il jouait un rôle devant nous tous, et principalement les Serpentards et Harry. Il est possible que ce soit dans son caractère d'être méchant, mais l'expression de cette méchanceté n'a jamais été gratuite… Il y avait toujours une raison valable - que nous ignorions - à ces agissements. Tu comprends ce que je veux dire ? »
« Oui, je vois. Le comportement des autres professeurs allait d'ailleurs dans ce sens. Rarement ils ont considéré qu'il dépassait les bornes avec nous... et puis, la perception que nous en avions enfants était beaucoup plus terrifiante… »
Hermione soupira. « Elle l'est toujours, mais nous avons grandi, Ginny… »
Un son de cloche retentit soudain dans le silence. Les deux jeunes femmes se levèrent d'un même élan. Ginny prit la main de son amie dans la sienne.
« Hermione, j'ai peur… »
« Je sais… Harry… »
Hermione pressa la main de son amie pour la rassurer.
« II est prêt… Nous sommes tous prêt. »
… A suivre…
Ouf ! Ça y est, s'en est fini de ce chapitre de transition qui m'a donné beaucoup de fil à retordre malgré les apparences... La narration peut sembler chaotique pour l'instant, mais elle prendra un tout autre sens quand on s'approchera de la fin de l'histoire... dans de nombreux chapitres… Patience ! Je vous réserve des surprises.
Pour ceux ou celles qui s'inquiètent de la tournure des événements, je confirme que c'est bien une SRHG, même si on ne les voit pas encore ensemble ! Diantre, Rome ne s'est pas construite en un jour !
'Wait and See' comme disent nos amis britanniques.
Un vaste merci à la cantonade. J'espère reprendre un rythme de croisière pour les prochaines mises à jour. Promis !
Bises…
