LA BRAISE SOUS LA CENDRE
Disclaimer : voir prologue.
Chapitre 11 : Le Prix de la Rédemption
La douleur. Ce fut la seule sensation que le malheureux ressentit de prime abord. Son corps lui faisait atrocement mal. Pourtant, il croyait qu'il savait tout de la douleur. Après tout, c'était la vieille ennemie qu'il fréquentait malgré lui régulièrement depuis son enfance.
Ses bourreaux avaient fait preuve d'une créativité nouvelle en matière de tortures pour le faire parler et lui faire franchir des seuils insoupçonnés d'agonie. Combien de fois avait-il perdu conscience, combien de fois avait-il accueilli le trou noir avec bonheur, en suppliant de s'y perdre à jamais ? Son corps meurtri hurlait alors, mais il ne l'entendait plus. Quand le Doloris avait cessé d'avoir de l'effet sur lui, ses tortionnaires s'étaient tournés vers d'autres sorts tout aussi dévastateurs. Parfois, l'un d'entre eux modérait leurs ardeurs imaginatives : le traître ne devait pas mourir. Les ordres du Seigneur des Ténèbres avaient été très clairs. Il devait être présent le jour du triomphe du Maître.
L'obscurité. Son âme s'était enfoncée dans des ténèbres infinies, sans l'espoir de revoir un jour une once de lumière salvatrice. Les ombres mortes de son passé l'avaient englouti, le laissant dériver à l'intérieur d'un enfer personnel qu'il revivait inlassablement. Il se souvenait vaguement d'avoir émergé une première fois avant de sombrer à nouveau, là où le temps n'avait pas de prise.
Animé d'un instinct de survie désespéré, il s'accrocha à un moment à une bribe de conscience qui l'avait ramené dans le monde des vivants. Intérieurement, il se mit à chérir cette étincelle chancelante quand ses bourreaux lui laissaient un peu de répit.
La folie. L'homme pleurait la perte de sa raison. Lui qui chérissait tant la connaissance et l'intelligence, il hurlait dans son silence intérieur alors que son esprit brillant était déchiré et que les morceaux étaient éparpillés aux quatre vents. Il ne parvenait ni à saisir l'essence de ses pensées, ni à leur donner un sens cohérent. La douleur et les visions occultaient tout.
La solitude. L'absence de compagnie. Tout ce qu'il lui restait était cette impression grandissante d'être seul. Ayant perdu toute notion de temps, il s'interrogeait dans ses moments de lucidité : les jours avaient dû se transformer en semaines, et les semaines en mois. Mais personne n'était venu à son secours. Même les visites de ses bourreaux s'étaient fait de plus en plus rares. On l'avait abandonné. Il n'était plus rien.
Alors le désespoir s'abattait sur le prisonnier enchaîné. Il commençait à gémir – un signe que son esprit brisé allait bientôt basculer dans le néant – et frottait les entraves de ses poignets l'une contre l'autre, réouvrant ses plaies à vif. Ses longues mains dont il avait été si fier, étaient à présent informes, brûlées par des acides. Plus aucune sensation de toucher ne circulait dans ses nerfs.
Son cerveau lui jouait alors des tours : il revoyait des visages familiers et inconnus, entendait des voix, des rires, des chants. Son monde se peuplait d'images qui finissaient par ne plus avoir de sens. Pour leur échapper, il se roulait en boule sur la paille de son cachot et se berçait en chantonnant doucement jusqu'à ce que le sommeil vienne et lui fasse oublier sa misère. Le froid ne l'incommodait plus, même s'il était pris parfois de tremblements convulsifs. Il passait la majeure partie du temps dans une hébétude totale, inconscient de la réalité. On le nourrissait alors pour le maintenir en vie.
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Un jour, ce furent les hurlements d'un prisonnier dans une autre partie des cachots qui sortirent le malheureux de sa catatonie. Désorienté, paniqué, l'homme s'assura d'abord qu'il n'était pas celui qui criait et qu'il était bien seul dans la pénombre. Les mots incohérents qui lui parvenaient n'avaient pas de sens, mais c'était les premiers qu'il entendait depuis bien longtemps.
Le temps passa lentement. Le pauvre bougre finit par s'endormir et quand il se réveilla à nouveau quelques heures plus tard, il se demanda pourquoi quelqu'un n'était pas venu pour arrêter le malheureux qui continuait à gémir. Il laissa sa tête barbue et hirsute reposer sur le banc et écouta les bruits de sa cellule. De la vermine, certainement des souris, courait sous la paille pourrie. Des relents de salpêtres envahirent ses narines. Quelque part, des gouttes d'eau tombaient régulièrement et devaient former une flaque. Il se laissa dériver en laissant vagabonder ses souvenirs où émergeaient quelques images heureuses de son enfance et le visage souriant d'une jeune femme dont le nom lui échappait mais à laquelle il se sentait attaché.
Tout fut soudain silencieux. L'homme fronça les sourcils et tourna la tête légèrement pour écouter attentivement si ses bourreaux approchaient. Il attendit avec résignation et crainte que la porte s'ouvre mais rien ne se produisit de ce côté là. A la place, il ressentit un brusque serrement au cœur. Une tension palpable dans l'air s'abattit sur le cachot. Mal à l'aise, il remua et attendit, tous ses sens en éveil.
Tous les sorciers et les sorcières prisonniers sentirent qu'une magie puissante et ancienne était utilisée. Le sentiment d'immense puissance s'intensifia et l'homme frissonna, heureux de ressentir pour la première fois depuis longtemps ses propres pouvoirs magiques répondre instinctivement à ce mystérieux appel. Les courants d'énergie qui entouraient le manoir disparurent brusquement. Une onde argentée d'une incommensurable puissance traversa alors rapidement les murs du cachot comme une vague avant d'être accompagnée par un grondement sourd phénoménal qui fit trembler tout l'édifice. Puis le silence se fit.
Après cet événement magique étrange, une douleur fulgurante explosa dans l'avant-bras gauche du prisonnier. Il porta la main droite sur son bras et avec un cri qui s'étrangla dans sa gorge, roula sur lui-même, incapable de respirer. La brûlure de la Marque des Ténèbres sur son avant-bras atteignit son paroxysme avant de disparaître soudainement comme elle était apparue. L'homme resta en boule pendant un certain temps en haletant et en transpirant à grosses gouttes. Quand la douleur reflua, il fut à nouveau capable de bouger et toucha la peau de son bras gauche d'une main tremblante.
L'homme laissa ses doigts se poser à l'endroit où la marque horrible se trouvait et ne rencontra aucune aspérité. Il releva sa manche et eut un exclamation de surprise : il n'y avait plus aucune trace du tatouage familier sur sa peau encrassée, ni défauts, ni cicatrices. Il comprit que quelque chose de très important venait de se produire. Mais trop fatigué pour réfléchir, il s'allongea sur la paille et sombra dans un sommeil agité.
A suivre…
Chapitre court, mais dont l'intensité émotionnelle est à son comble. Pauvre Severus, je dois dire qu'il aura connu l'enfer sous ma plume…
Désolée pour son arrivée tardive, mais j'avais besoin de planter le décor pour une fic digne de ce nom… Personnellement, je n'aime pas bâcler les intrigues et le monde d'Harry est trop riche pour négliger les autres personnages. J'ai lu malheureusement trop d'histoires sans intérêts qui ne parlent que d'Hermione et Severus, et les mettent tout de suite ensemble - comme si c'était la chose la plus naturelle au monde - sans montrer leurs relations au préalable et leur attirance. Pour moi, la séduction et le désir sont les bases qui permettent à deux êtres de se connaître et d'établir un rapport de confiance avec des liens profonds. Ce n'est seulement qu'après cette étape qu'une relation amoureuse peut se développer.
Ces deux-là auront donc une histoire à partager. Tant pis pour ceux ou celles qui n'auront pas la patience d'attendre…
Dans l'intervalle, je pars profiter des bienfaits de la mer et du soleil. La prochaine mise à jour aura lieu dans une dizaine de jours à mon retour. Je vous embrasse, et n'oubliez pas de m'envoyer vos petites reviews toujours tant appréciées…
Nadège