LA BRAISE SOUS LA CENDRE
Disclaimer : voir prologue.
Chapitre 17 : La Bataille du Pentacle
« Croyez-moi sur parole, Miss Granger, quand je vous dis que ce n'est pas quelque chose que vous aimeriez entendre… »
Hermione ne put s'empêcher de frissonner en se souvenant que, chez lui, cette colère froide était un signe d'extrême irritabilité et qu'il fallait être stupide pour l'affronter quand il était dans cet état. La sorcière décida de ne pas insister et retourna s'asseoir sans un mot.
La colère de Rogue était bien réelle, mais ce qu'Hermione ignorait, c'est qu'elle n'était pas dirigée contre elle. Le sorcier avait senti un élan de souffrance dans les propos de la jeune femme, comme un écho à la sienne. Ses paroles pleines de rage avaient traversé la cuirasse dont il se paraît en permanence, et l'avaient rendu vulnérable à sa détresse. Severus Rogue avait alors pris conscience qu'Hermione Granger avait changé. Il n'en fût pas surpris au fond car c'était dans l'ordre des choses. La jeune femme avait mûri et perdu son innocence comme beaucoup de ces adolescents involontairement impliqués dans un conflit qui les dépassait. Mais il y avait bien plus que cela. Il sentait confusément que de l'amertume et de la hargne consumait la sorcière, deux sentiments qu'il ne connaissait que trop bien et qui l'avait détruit au fil de toutes ces années. Ce changement dans sa personnalité l'inquiétait profondément, et le rendait furieux contre les responsables qui l'avaient provoqué.
Mais qu'espérait-il ? Qu'elle soit restée la même jeune femme innocente, généreuse et pleine de bonté après avoir vu le pire ? Un être qu'il adorait pour sa pureté et qu'il ne pouvait toucher, de crainte de la salir ? Il savait pour l'avoir lui-même vécu qu'on ne ressortait pas indemne de tels événements. Chaque blessure laissait sa marque indélébile. Lui l'avait gardée graver au fer rouge - au propre comme au figuré - bien en évidence pendant plus de vingt ans sur son bras et dans son esprit. Et même depuis la mystérieuse disparition de la Marque des Ténèbres, il ne s'était pas passé une seule journée sans qu'il en vint à regretter son erreur de jeunesse.
Hermione Granger semblait perdue dans de sombres pensées. Rogue la dévisagea longuement, la découvrant pour la première fois réellement telle qu'elle était à présent. Il avait devant lui une jeune femme à la beauté froide et réfléchie, et à l'expression réservée et sévère. Il en éprouva un choc, lui qui l'avait connue si souriante et si spontanée, à un point tel qu'il pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert. Ce qu'elle était devenue le désolait et l'attristait profondément.
« Que saviez-vous au juste du combat final ? » demanda t'elle au bout d'un moment.
« Ce que Dumbledore avait jugé prudent de me révéler… » Rogue repensa à sa rencontre avec le vieux sorcier à Avallon et à ses paroles. « … C'est-à-dire pas grand chose. Le risque était trop grand si j'étais capturé. »
« Pourtant, vous saviez pour les cinq potions… »
« J'ai travaillé sur certaines en ignorant leurs champs d'applications finales. Je savais seulement quels étaient les effets que je devais obtenir, mais j'ignorais dans quel but précis je les mettais au point… De même, l'étendue des travaux de Vector et de Flitwick était un mystère pour moi et j'ai respecté leurs discrétions, même si la tentation de savoir a été parfois forte. Seul Albus connaissait la finalité de nos efforts individuels et comment ils s'inscrivaient dans un plan commun qu'il avait imaginé en s'inspirant de ses recherches personnelles… Malheureusement, vous connaissez la suite. Je n'ai pas pu poursuivre mes travaux et Dumbledore a dû me remplacer… »
« Non, c'est moi qui les ai achevés… »
« Vous ? » demanda t'il avec surprise.
Hermione secoua la tête. « Dumbledore m'a demandé de jeter un œil après votre disparition. Vous aviez laissé des notes si détaillées… Je n'ai eu qu'à passer à l'expérimentation pour ainsi dire ! »
« Pour ainsi dire… » répéta t'il lentement en la fusillant du regard.
Hermione se mit à rougir de sa maladresse et s'en voulut immédiatement. Involontairement, elle venait de signifier à Rogue que cela avait été un jeu d'enfant pour elle de terminer les potions… Evidemment, cela n'avait pas été aussi simple. Les travaux du sorcier avaient été un véritable défi intellectuel pour elle et comptaient pour beaucoup dans sa décision de poursuivre des études dans ce domaine exigeant. Certes, elle était parvenue à surmonter les difficultés, mais seulement après avoir fait tout de même quelques erreurs qui avaient failli lui coûter cher…
Orgueilleux comme un Serpentard, disait-on. Et bien la vanité de Rogue venait d'en prendre un coup et il devait fulminer derrière son masque d'acier. En cet instant, Hermione redoutait une réaction explosive de la part de son ancien professeur…
Rien de tout cela ne se produisit même si le silence se prolongea, la mettant mal à l'aise. En fait, Rogue résista à l'envie de lui faire la leçon. Il connaissait l'avancée de ses travaux à l'époque et savait qu'il avait été proche du but quand il avait dû s'interrompre. Il était aussi parfaitement conscient que la jeune femme, même inexpérimentée, savait se servir de sa tête. Elle pouvait d'une certaine manière, s'enorgueillir de sa réussite, mais ça, jamais Rogue ne l'aurait admis à voix haute. Autant la laisser se morfondre et croire qu'elle avait commis une gaffe…
Il se contenta donc de la regarder énigmatiquement et de jubiler intérieurement pendant un court moment, en se réjouissant du petit effet qu'il produisait toujours, avant de reprendre tranquillement.
« Donc vous les avez mises au point… Et ensuite ? »
Hermione resta interloquée quelques secondes. Aucune remontrance, pas de reproches… Elle attribua son humeur généreuse au fait qu'il était fatigué et ne voulait pas s'engager dans une discussion à ce sujet avec elle. Ce ne fut que lorsqu'elle le vit froncer les sourcils qu'elle réagit et répondit à sa question.
« Elric le Nécromancien a révélé les noms de ceux qui devaient combattre Voldemort et leur a attribué les Pierres dont il était le Gardien. »
« Je connais cette partie de l'histoire. Il y avait Potter, les deux Weasley, Londubat et vous… Par pure curiosité, auriez-vous hérité de la Pierre de Connaissance ? »
Hermione tira sur la chaîne en or autour de son cou et sortit l'émeraude de forme ovale qui miroita alors de milles feux dans toutes les nuances de verts permises. Malgré lui, Rogue fut fasciné et plongea ses yeux au cœur du joyau.
« On m'avait vanté sa beauté, » murmura Rogue. « Elle est magnifique… »
« Est-il vrai que Salazar Serpentard aurait donné n'importe quoi pour la posséder ? »
« Hein ? » Rogue sembla sortir de sa rêverie. « Oui, il paraît… Rangez-la maintenant… » dit-il en détournant le regard.
Hermione s'exécuta sans faire de commentaires. On l'avait mise en garde contre les convoitises que pouvaient susciter l'Oeil de Vénus chez certains sorciers. L'histoire de cette pierre était semée de drames. D'ailleurs, elle la tenait cachée sous ses vêtements en permanence pour éviter tout problème. Jusqu'à présent, elle n'avait heureusement rencontré personne qui réagissait à la vue du joyau quand elle le montrait. Et elle espérait bien qu'il en soit toujours ainsi.
Rogue avait croisé les bras sur sa poitrine et semblait attendre. Hermione rassembla brièvement ses souvenirs et commença son récit.
« Je me souviens du jour de la Bataille du Pentacle comme si c'était hier… » dit-elle d'une voix douce. « … Je me suis réveillée brutalement au petit matin, au son de la cloche qui annonçait l'apparition des troupes de Voldemort dans la vallée. Il faisait encore nuit, mais c'était l'effervescence au château. Tout le monde s'empressait, sans panique, prêt à accomplir la tâche qui lui avait été assignée. Nous étions prêts car Firenze le Centaure avait prédit cet événement en le lisant dans une conjonction de planètes. Les Centaures se trompent rarement et des rumeurs nous étaient parvenues qu'une offensive contre Poudlard se préparait. Nous étions donc sur le qui-vive depuis plusieurs jours... »
« … Les Mangemorts ont d'abord attaqué Pré-au-Lard. Les combats y ont été acharnés et ont fait de nombreuses victimes. Quand le soleil s'est levé, le village était tombé aux mains des ennemis qui nous coupaient toute retraite. Les troupes menées par Lucius Malefoy ont ensuite marché sur Poudlard. On m'a rapporté qu'il paradait fièrement en tête de colonne comme un prince royal, sûr de sa victoire prochaine… »
« … Les Mangemorts ont ensuite évité la Forêt Interdite et ont même tenté de l'incendier. Heureusement, dans nos rangs se trouvait un puissant marabout africain qui a provoqué un véritable déluge en invoquant un obscur esprit de la pluie et qui a empêché ainsi le pire de se produire. Le duel magique entre les forces du bien et du mal s'est alors enclenché. »
« … Nos troupes se sont postés à des endroits stratégiques pour retarder la progression des sorciers de Voldemort. Des séries de sortilèges avaient été mis en place pour les affaiblir et les fragiliser. Rien de bien méchant, juste quelques sorts pour qu'ils se sentent suffisamment malades pour être moins combatifs et efficaces. Dans un premier temps, ça a marché. Puis ils ont pris des potions revigorantes et sont revenus à l'assaut… Cela a été terrible. Il y avait des morts partout. Jamais autant d'Impardonnables n'avaient été lancés en une seule mâtinée… Remus vous raconterait cela mieux que moi, il était sur place… »
« Pendant ce temps là, où vous trouviez vous ? »
« A l'intérieur du château, dans la Salle des Cérémonies… Tous les Cinq réunis, nous attendions le moment propice pour nous attaquer à Voldemort. »
« Comment saviez-vous quand intervenir ? »
« Grâce à Elric… Cela a été un long apprentissage pour apprendre à maîtriser les pouvoirs des pierres et les sorts à invoquer. Le travail de préparation s'effectuait toujours individuellement et séparément pour de courtes périodes. C'était trop dangereux de travailler en groupe, et cependant, chacun savait ce que l'autre était capable de faire. Le Nécromancien nous avait longuement décrit ce qui se passerait une fois le combat engagé dans le Pentacle, comment nous réussirions automatiquement à nous ajuster les uns aux autres pour ne former qu'un, comment nous serions projeté dans un autre dimension, alors que nos corps restaient physiquement à Poudlard…»
« Voldemort a fait une erreur tactique en sous-estimant ce sorcier aux pouvoirs occultes extraordinaires » dit Rogue en hochant la tête. « Il est à bien des titres aussi puissant et doué que l'était Dumbledore. Heureusement pour notre monde, Elric n'a jamais eu d'ambitions… »
« C'est un sorcier humble et d'une grande sagesse, comme l'était Albus. C'est ce qui fait qu'il est certainement le nécromancien le plus important de notre histoire. Elric a réussi à interroger les Morts et à prédire assez précisément que le Seigneur des Ténèbres n'hésiterait pas à invoquer des alliés surnaturels en utilisant la Magie noire, des Démons et des Esprits… Cela se sentait d'ailleurs dans l'air. Comme un être vivant, le Pentacle Sacré de Vector réagissait en leurs présences… »
Rogue leva un sourcil interrogatif mais la laissa continuer.
« … Comme tout les autres dans la Salle, je contemplais le Pentacle dont la couleur rouge braise virait progressivement au blanc. C'était réellement fascinant de le voir frémir comme s'il allait brutalement prendre feu. Les murs de la pièce semblaient s'animer sous l'effet d'ombres chinoises insaisissables qui semblaient se combattre. Chacun d'entre nous se tenait à une des pointes de l'Etoile. Nous devions attendre qu'elle nous attire de manière irrésistible, boire nos potions et nous engager à l'intérieur... »
« … En soi, l'opération était assez compliquée et nécessitait un parfait synchronisme. Ginny avait été désignée pour orchestrer cette action. La tension était extrême entre nous et j'avoue que je guettais Neville du coin de l'œil… Ce qui était injuste. Il avait consacré une énergie incroyable à l'entraînement et une persévérance qui faisait notre admiration…. Etiez-vous au courant pour la Prophétie qu'Harry avait découverte dans le Département des Mystères il y a sept ans ? »
« Celle qui laissait planer un doute sur l'identité de celui qui vaincrait Voldemort ? »
« Oui… Neville n'a jamais été informé de son existence. Dumbledore ne voulait pas qu'il y ait de la pression sur ses épaules. »
« Et il avait raison… »
« Mais c'était injuste ! Dumbledore a exposé Harry à tous les risques ! »
« Miss Granger, Albus Dumbledore était un fin stratège. Il a toujours su que Potter, avec son potentiel, serait la cible idéale pour Jedusor, qui chercherait par tous les moyens à prendre sa revanche. En détournant l'attention du Seigneur des Ténèbres sur votre ami, il laissait à Londubat le temps de mûrir et d'apprendre à gérer ses pouvoirs… et surtout sa peur. »
« Vous le saviez, n'est-ce pas ? »
« Vous imaginiez peut-être que je prenais un plaisir sadique à terroriser Londubat en cours de potions ? » demanda vicieusement Rogue.
« Et bien… » Hermione rougit et détourna les yeux.
Le silence qui suivit était éloquent. Apparemment, la jeune sorcière ne lui accordait pas le bénéfice du doute. Rogue finit par secouer la tête.
« Je guettais des réactions de rébellion de sa part… Mais jamais il n'y en a eu. »
Ces paroles soulevèrent des tas de questions dans l'esprit d'Hermione. Il y en avait notamment une qu'elle mourrait d'envie de lui poser. Prenant son courage à deux mains, elle se jeta à l'eau.
« Votre comportement vis-à-vis des élèves… c'était feint ? Je veux dire, vous jouiez un rôle, celui du méchant ? ou bien… »
« A votre avis ? »
La question revint comme un boomerang. Hermione rougit à nouveau et hésita, en se maudissant de s'être engagée dans ce bourbier. « Je ne sais pas. C'est à vous de me le dire… »
Hermione regarda Rogue attentivement mais ce dernier resta parfaitement impassible, ne trahissant aucune émotion. La jeune femme sentit confusément que quelque chose lui échappait mais elle ne parvenait pas à savoir quoi. Etait-il important qu'il sache ce qu'elle en pensait ? Elle doutait qu'il fut le genre de personnes à se préoccuper de sa réputation, surtout après tant d'années. Alors quoi ? Le sorcier ne la laissa pas s'appesantir sur cette idée et reprit doucement :
« Nous nous sommes éloignés du sujet. Reprenez votre récit, Miss Granger. »
« Oui… Lorsque la pression a été insupportable, Ginny nous a donné le signal et nous sommes entrés d'un même élan dans le Pentacle… Comment vous décrire l'impression que j'ai ressentie ? Il y a d'abord eu la confusion liée à cet environnement étrange, comme si tous mes sens étaient agressés en même temps par des bruits indistincts, des odeurs variées, des souvenirs du passé, des images multicolores et insaisissables… Puis j'ai eu soudain la sensation d'être arrachée du sol… Ce n'était pas douloureux, simplement totalement désorientant. La panique s'est emparée de moi, alors que qu'en bien même, je savais que mon esprit se dissociait de mon corps… J'ai vu - sans réellement voir physiquement avec mes yeux - que les autres subissaient le même sort et se débattaient contre le phénomène en vain. Nous sommes ensuite tous sortis de la pièce, puis du château… Nous avons commencé à nous élever et à survoler les troupes qui se battaient en contrebas, puis le lac a défilé sous nos corps astraux… Nous volions en esprit vers une destination inconnue… »
« … Harry s'est imposé comme notre guide spirituel grâce à la cicatrice sur son front. La prophétie parle d'elle comme d'un pouvoir que n'aurait pas le Seigneur des Ténèbres. La marque faite par Voldemort lui-même allait être à l'origine de sa perte. Pour la première fois, Harry allait laisser Jedusor s'immiscer partiellement dans ses pensées et tromper sa vigilance en lui envoyant de fausses informations… Vos leçons d'occlumencie ont été très précieuses, et croyez-moi, Harry vous en est reconnaissant… »
Rogue se contenta de la regarder avec dédain, comme si la reconnaissance d'Harry Potter était le cadet de ses soucis.
« Poursuivez. »
« Nous volions donc jusqu'à ce que nous parvîmes à ce qui semblait être notre destination finale. C'était un vieux château fort perché sur une falaise au-dessus de la mer. En cet endroit, le soleil allait bientôt se coucher et un orage se préparait à l'horizon… Sans hésitation, nous avons suivi Harry qui est descendu sur l'une des tours… »
« … Nous avons atterri au milieu d'une vaste salle plongée dans la pénombre. Le feu dans la cheminée était la seule source de lumière. Il n'y avait apparemment personne, mais nous sentions une présence malveillante. En inspectant l'endroit, Ron a aperçu une grosse boule de cristal, noire et brillante sur un piédestal. Il nous a interpellés et il semblait que c'était la source du mal que nous sentions. Harry a dit de ne pas y toucher et de la regarder le moins possible. Tandis que je lui jetais un dernier regard, j'ai vu vaciller en son cœur une petite flamme… »
Hermione se tut un instant en se souvenant de l'attraction qu'elle avait ressentie et combattue immédiatement sous l'action de l'œil de Venus.
« L'objet que vous avez vu était un Palantir, Miss Granger. C'est une Pierre Clairvoyante très puissante et très rare, crée par les Noldor pendant les jours anciens. Celui qui observe la Pierre, voit la petite lumière s'étendre jusqu'à ce que la surface du globe devienne une masse tournoyante de couleurs. L'esprit peut alors se projeter à l'intérieur et se transporter à l'endroit où celui qui regarde le désire, sans limite de temps, ni de distance. »
« C'est ce qu'a fait Voldemort… Nous avons entendu une vibration qui est allée crescendo. Alors que nous regardions dans la direction de la Pierre, elle s'est enflammée et la réalité a semblé se tordre devant nos yeux. Le phénomène a duré quelques secondes, et soudain, IL était là… Et il n'était pas venu seul… »
Hermione frissonna à ce souvenir.
« … Je croyais connaître ce qu'était le Mal, mais je me trompais. L'image de Voldemort que nous avions devant nous était répugnante et dégageait une telle malveillance qu'on aurait dit que c'était l'essence même du Mal… Jamais un être humain n'avait été autant corrompu par la Magie Noire. Instinctivement, je crois, nous avons tous reculé devant cette vision d'horreur… Pendant un instant, j'ai senti mon sang se glacer dans mes veines et le désespoir s'abattre sur moi comme si plus rien n'importait et ne valait la peine d'être vécu… »
« … Heureusement, à cet instant, c'est notre entraînement qui nous a tous sauvé la vie… De curieux phénomènes de distorsion spatiale se sont produits quand Voldemort a tenté d'invoquer les esprits liés aux éléments que nous représentions… Ce qu'il ignorait, c'est que chacun d'entre nous bloquait ses actions via les Pierres et les Potions… »
« … A peine avait-il pris apparence avec Adrian MacNair Jr, Aldwin Montagu, Rodolphus et Bellatrix Lestrange, que les sorts d'attaque ont commencé à pleuvoir sur chacun d'entre nous. Au début, je me suis défendu de manière réflexe. Je faisais ce pour quoi j'avais été formée. C'était une gigantesque partie d'échecs où chacun tentait de prendre l'avantage sur l'autre sans y parvenir. J'ignore combien de temps cela a duré. Nous rendions coups pour coups jusqu'à ce que je m'aperçoive que Voldemort et ses Mangemorts manœuvraient pour isoler Harry de notre groupe… »
« … Notre équilibre à tous était menacé. J'ai réussi à le faire comprendre aux autres et nous avons contré ces tentatives. Nous nous déplacions rapidement, esquivant les attaques et ripostant. Cela s'est avéré de plus en plus compliqué et cela demandait une concentration extrême. A un moment, Rodolphus et Bellatrix Lestrange ont lancé un sort conjugué sur Neville qui a atteint partiellement son but. Neville a été mis hors jeu quelques temps. Ginny et Ron sont intervenus pour le protéger. Nous avons été déséquilibrés et Harry s'est retrouvé seul face à Voldemort, MacNair Jr et Montagu. J'ai hurlé quand j'ai compris qu'il était à la merci de Jedusor. Je ne sais pas comment j'ai fait, mais j'ai réussi à écarter Harry mentalement… »
« … J'y ai juste pensé très fort, et tous, nous avons ressenti ce bref déplacement sur un autre plan de conscience. Harry a été le premier surpris, puis nous nous sommes mis à 'permuter' – c'est le terme le plus proche pour décrire de ce que nous faisions mentalement - tous les deux de plus en plus vite pour éviter les sortilèges. Ginny m'a rapporté qu'à cet instant là, nous n'étions plus que deux ombres qui bougeaient tellement vite qu'il était impossible de prévoir où nous nous trouvions. MacNair Jr est tombé le premier et a disparu. Nous ignorions à ce moment quelle était l'étendue des dommages qui pouvaient être causé dans cet univers particulier… »
« … Pendant ce temps, Neville avait récupéré. Ron, Ginny et lui s'occupait du couple Lestrange qui commençait à pratiquer les permutations à leur tour. Tout était flou autour de moi. J'ai perdu toute notion d'espace et de temps… Parfois, la nuit quand je rêve, il m'arrive encore de ressentir ces mêmes impressions fugitives… »
Hermione se tut, les yeux dans le vague. Rogue s'aperçut qu'elle était ailleurs, sans doute en train de tenter de ressaisir ces sensations étranges. Le silence se prolongea.
« Miss Granger ? » demanda t'il doucement au bout d'un moment.
Pas de réaction. Rogue se leva lentement, éprouvant ses forces par la même occasion. Il sut immédiatement qu'il n'était pas dans une forme terrible, et se traîna prudemment jusqu'à la jeune femme qui n'avait toujours pas bougé d'un pouce.
« Miss Granger, vous m'entendez ? » demanda t'il encore. Il se pencha sur elle et lui serra doucement l'épaule droite.
Hermione cligna des yeux et rougit en le découvrant si près d'elle, le visage visiblement inquiet. Elle fut surprise par cette expression qu'elle voyait pour la première fois sur les traits de son ancien professeur et qu'elle lisait dans ses yeux noirs. Lui qui, dans son souvenir, ne trahissait jamais un sentiment, qui était constamment sur ses gardes, semblait en ce moment même complètement ouvert et transparent.
« Ca va ? »
« Qu'est-ce que je… ? demanda t'elle, désorientée, avant de s'écrier soudain pour masquer son embarras : « Bon sang ! Voulez-vous me faire le plaisir de retourner dans votre lit immédiatement ! Dans votre état… »
« Je ne suis pas en verre… » grogna Rogue pour toute réponse.
Malgré sa protestation, il obtempéra et soupira d'aise quand il fut à nouveau allongé. Hermione l'observa pendant tout ce temps, hésitant à poursuivre. Il était fatigué. Il devait se reposer. Elle fit le geste de se lever lorsqu'il l'arrêta.
« Restez… Racontez-moi la fin de l'histoire… »
« Demain. Vous devez dormir… »
« Seulement après que vous m'ayez tout dit… » Comme elle secouait la tête, il ajouta : « S'il vous plaît … »
Involontairement, Rogue l'avait implorée avec le ton et la moue qu'aurait employés un enfant dans la même situation, et cela fit sourire Hermione tout en la surprenant. Y aurait-il des restes d'humanité en lui ou est-ce que je découvre enfin un autre Rogue ? se demanda t'elle, intriguée par cet être complexe qui se dévoilait peu à peu. Elle se rendit compte qu'elle n'avait plus vraiment envie de partir maintenant qu'elle le trouvait… attachant. A sa façon…
« Très bien, mais votre numéro de charme ne marchera pas la prochaine fois… »
« Vous croyez ? » laissa t'il échapper en la dévisageant intensément.
Hermione resta sans voix. Les yeux du sorcier brillaient d'une indéniable lueur amusée… Une première ! Rogue flirtait avec elle ! Alors là, c'était bien la dernière chose à laquelle elle s'attendait de sa part, même si elle se rappelait qu'il avait été attiré par elle et qu'il lui avait écrit sa passion ! Etrange, c'était la première fois depuis leurs retrouvailles qu'elle repensait à cette lettre qu'elle avait conservée par devoir de mémoire, comme le souvenir d'un être cher… Eprouvait-il toujours cette attirance pour elle ? se demanda t'elle brièvement. Elle soutint son regard un instant en se disant que, malgré leur passé commun, elle avait en face d'elle un parfait étranger, mystérieux et intriguant. Elle préféra ne pas s'appesantir sur le sujet Severus Rogue, par trop perturbant, et tâcha de se concentrer sur la reprise du récit de la Bataille du Pentacle.
« Comme je vous disais tout à l'heure, les événements se sont précipités. Montagu a disparu à son tour. Tout le monde permutait et les duels étaient acharnés. Chacun y mettait de sa personne. A un moment, un cri nous a soudain alertés et nous nous sommes presque tous figés. Ginny venait d'être blessé. Harry a été désemparé et a voulu courir au secours de sa femme. Mais Ron et moi l'avons devancé. Nous nous sommes précipités vers Ginny pour la protéger… » Le ton d'Hermione devint grave. « … C'était une erreur. A cet instant, nous étions tous les trois vulnérables. Bellatrix Lestrange a joint ses efforts à ceux de son mari et Ron est devenu leur cible… Ron, qui se battait comme un lion, se dépensant sans compter… »
L'émotion étreignit la voix d'Hermione et la sorcière détourna soudain la tête vers la fenêtre – en regardant le cerisier sans réellement le voir. Rogue ne dit rien, respectant ce moment où les souvenirs douloureux refaisaient surface.
« … Ron se tenait à quelques pas devant moi quand il s'est effondré… Avant que je puisse intervenir, Bellatrix l'a éloigné et s'est déchaînée sur lui avec un rire démoniaque. Ron hurlait de douleur, mais j'avais toujours un temps de retard sur eux deux. Ils bougeaient sans cesse et cette… cette ordure jouait avec lui comme un chat avec une souris… Elle ne le lâchait pas et le torturait en riant comme une démente qu'elle était… Neville a essayé d'intervenir, mais sans succès. Comme il savait Harry exposé face à Voldemort et Lestrange, il est revenu vers eux… »
« … Je voyais que Ron était à la merci de Bellatrix… Oh ! comme cette chienne a fait durer le plaisir… Ron s'affaiblissait et ne faisait plus que gémir en me lançant des regards implorants... J'ai dû atteindre Bellatrix une ou deux fois, mais c'était insuffisant… Quand elle a senti qu'elle était en danger, elle a fini par achever Ron… Et je n'ai rien pu faire pour l'en empêcher… »
La voix de la sorcière se brisa et elle ravala un sanglot. Rogue fut tenté de se lever à nouveau et de la prendre dans ses bras, mais il se retint de toute la force de sa volonté.
« Ce n'est pas de votre faute… » dit doucement le sorcier. « … Bellatrix Lestrange a beau être folle, c'est une sorcière redoutable et redoutée. Weasley n'avait aucune chance contre elle… »
Qu'aurait-il pu ajouter pour qu'elle se sente moins coupable ? Rien, car il connaissait la Mangemort et la savait impitoyable. A contrecœur, Hermione reprit :
« … Ron a essayé de me dire quelque chose, puis il a brusquement disparu… J'ai compris à cet instant qu'il n'était plus, que c'étaient nos âmes et nos cœurs qui se battaient en cet endroit étrange et éthéré… Et que plus rien ne le ramènerait… »
Hermione se leva et sortit un mouchoir de sa poche. Tête baissée, image même de la désolation, elle fit quelques pas dans la chambre, les mains serrés autour de sa poitrine pour empêcher le chagrin de la submerger. Le sentiment d'abandon qu'elle avait ressenti à cet instant était toujours aussi vivace, ainsi que la douleur de ces derniers moments.
Devant cette détresse à peine contenue, un sentiment de jalousie envahit Rogue à la pensée que Ron Weasley et Hermione Granger aient pu être plus que des amis. Il y avait eu des bruits à une époque, des rumeurs qu'il avait d'entendues et qui avait jetées le doute dans son esprit. Il avait refusé cette éventualité, observant les jeunes gens à la dérobée, épiant malgré lui tous signes confirmant ce qu'il avait fini par imaginer. Au bout d'un certain temps, il s'était raisonné et avait décidé de ne plus en souffrir… Et maintenant, la question revenait le hanter. Et s'ils avaient été réellement amants ? Et si, malgré la disparition de Weasley, elle continuait à l'aimer ? Cette pensée lui était insupportable, même encore maintenant, alors qu'il croyait avoir tout fait pour étouffer son amour envers la jeune femme.
Il l'observa, alors qu'elle reprenait la parole.
« … Bellatrix a profité de la confusion pour s'enfuir avec son mari. J'étais seule et en regardant autour de moi, j'ai vu les dégâts que nous avions causés. Le château n'était plus qu'une ruine. L'orage grondait au-dessus de nous et des éclairs annonçaient la tempête qui approchait à l'horizon sur les flots déchaînés. Je suis revenue vers Ginny et Neville, puis j'ai cherché Harry et Voldemort des yeux… »
« … C'était une vision terrifiante. Harry et Jedusor se jetaient des sorts destructeurs et modifiaient en permanence leurs formes et leur environnement. Ils absorbaient l'énergie des sorts parfois, sans se soucier des conséquences. Jamais je n'avais vu ça. Ils n'étaient qu'énergies pures et volontés. C'était à celui qui céderait le premier… »
« … A un moment, Harry a semblé accusé le coup, puis a formulé un sort qui a touché Voldemort. Ce dernier a réagi furieusement comme une bête blessée. C'est le moment où il a porté l'estocade et a blessé Harry grièvement. Nous avons tous hurlé quand nous avons vu Harry s'effondrer. Neville s'est interposé immédiatement pour détourner l'attention de Jedusor. Mais Voldemort a balayé Neville d'un geste négligent et ne s'est plus occupé de lui, trop absorbé par la destruction finale d'Harry Potter... Ce fut son ultime erreur. Neville s'est relevé tout de suite, a rassemblé ses forces et son courage et s'est mis à prononcer une incantation dans un langage incompréhensible… Il a frappé Voldemort alors que ce dernier ne s'y attendait pas et s'apprêtait à délivrer le coup de grâce à Harry. Surpris, Voldemort s'est tourné vers Neville comme s'il n'y croyait pas, puis il a brutalement disparu en nous maudissant tous et en se consumant… »
« … Tout était calme soudain… Neville ouvrait des yeux ronds et n'en revenait pas. Je me suis précipitée vers Harry qui était inconscient. Il n'avait aucune blessure externe. J'ai tenté de le ranimer sans succès, jusqu'à ce qu'une bourrasque plus forte que les autres me rappelle l'endroit insolite où nous nous trouvions... Neville a pris Harry dans ses bras et je me suis occupée de Ginny, qui était consciente mais très faible… Nous sommes revenus en quelques instants dans le Pentacle à Poudlard… »
« … Minerva et Madame Pomfresh nous attendaient. Les premiers soins ont été donnés à Harry. Ginny était folle d'inquiétude, mais Madame Pomfresh l'a mis sous sédatif immédiatement. Neville et moi étions épuisés, vidés de toute énergie. Assis dans un coin, nous regardions, sans y croire, la forme étendue sur un brancard, recouverte d'un drap blanc… C'était Ron… »
Elle se tut un instant, le regard empli de tristesse. Elle soupira enfin et reprit :
« … Après un moment, Dumbledore est entré et nous a annoncé l'arrêt des combats… Nous avions gagné… Mais nous avions payé le prix fort… Nous lui avons raconté ce qui s'était passé, et il a expliqué à Neville le pourquoi de son intervention miraculeuse… »
« … Madame Pince, ainsi que les professeurs Trelawney et Sinistra avaient fait des recherches sur la famille Londubat. C'est l'une des plus anciennes lignées de Sang-Pur qui remonte aux Temps Anciens. Un certain Maximilien Londubat a été le meilleur ami de Godric Gryffondor et des rivalités l'ont opposé à Salazar Serpentard parce qu'il détenait un secret transmis de générations en générations... L'Héritier savait que les Londubat représentaient un danger pour lui, et c'est pourquoi il a d'abord essayé de convertir les parents de Neville à sa cause. Comme ils ont refusé, Voldemort les a punis. Il ne pouvait les tuer, sinon il s'attirait les foudres de toute la communauté des sorciers. Alors il a ordonné qu'on les rende fous et a lancé un sort d'Oubliette contre leur fils… »
« Mais Londubat s'est rappelé. » intervint Rogue.
« Pendant qu'il affrontait Rodolphus Lestrange, il a ressenti une impression de déjà-vu qui s'est intensifiée. Puis il s'est rappelé une histoire que lui racontait sa grand-mère quand il était enfant… »
« Cette histoire, il la vivait en réalité, n'est-ce pas ? »
« Oui. Il n'a fait que prononcer les mots étranges qu'elle lui répétait quand le Chevalier Blanc tuait son ennemi juré. »
« Comment avez-vous su que Voldemort était parti pour de bon ? »
« La cicatrice d'Harry avait disparu de son front… Dumbledore a dit que le lien entre eux était brisé pour toujours. »
Rogue pensa à sa propre Marque, disparue dans des conditions similaires. Comme rare témoignage d'estime, c'était Voldemort lui-même qui l'avait apposée sur son bras. « Je me suis toujours demandé, » murmura t'il pour lui-même.
« Quoi ? »
« Rien. »
Hermione se leva, prêt à le laisser dormir.
« Il se fait tard, je dois retourner à Poudlard. Je suis partie un peu trop précipitamment pour qu'ils ne s'inquiètent pas... » Rogue se tendit à ces mots et la regarda, soudain inquiet. « … Et je ne leur parlerai pas de vous… à deux conditions… »
Hermione le vit serrer lentement les poings et s'assombrir.
« … D'abord, vous m'autorisez à revenir demain pour m'assurer que vous allez mieux… »
Les yeux noirs de Rogue lancèrent des éclairs. Très habile de la part de la jeune femme. Cela impliquait qu'il ne devait pas disparaître de la circulation, sinon elle avertissait Remus Lupin.
« Et ensuite ? » grinça t'il entre ses dents, concédant implicitement ce point.
« Vous me promettez de me raconter ce qui vous est arrivé. »
« Mais c'est du chantage ! » protesta Rogue, révolté.
« Et alors ?… » répondit Hermione en haussant les épaules. « … Personnellement, je pense que vous avez tout à y gagner. »
Rogue considéra un moment ces paroles. Qu'est-ce qui lui garantissait qu'Hermione Granger n'irait pas tout raconter à Lupin ?
Hermione vit qu'il hésitait et en comprit la cause. Accepterait-il de se fier à elle ?
Peut-être était-il temps en effet qu'il fasse confiance à quelqu'un. Il connaissait les risques encourus mais vivait seul depuis si longtemps avec un passé qu'il ne pouvait plus partager avec Dumbledore. S'il lui expliquait, alors que peut-être, elle comprendrait.
« Très bien… » concéda t'il finalement. « Je vous le promets. »
« Parfait… Reposez-vous maintenant… Je vous retrouve demain… »
Hermione lui adressa un salut. Elle allait refermer la porte, lorsqu'il l'interpella.
« Miss Granger ? »
« Oui ? »
« Merci de m'avoir sauvé la vie. »
Hermione eut un dernier sourire qui éclaira ses traits, puis quitta la chambre en se disant qu'elle allait devoir sérieusement revoir son point de vue sur cet homme.
A suivre…
Ouf ! Je suis heureuse d'en avoir terminé avec le – long - premier flash-back !
Impossible de résister à la tentation de glisser une référence au « Seigneur des anneaux » et des mystérieux Palantirs. Ceci dit, avez-vous remarqué combien Harry Potter « emprunte » à l'œuvre de Tolkien ? Commencez par comparer Dumbledore et Gandalf, et vous découvrirez d'autres points communs troublants avec d'autres personnages.
Je m'aperçois qu'il est possible qu'il y ait quelques erreurs de noms, de lieux ou de sorts dans mon récit. Ce sont mes traductions, étant donné le fait que j'ai lu la série en anglais.
D'un point de vue technique, mes mises à jour risquent d'être erratiques pendant quelques temps. J'ai du travail par-dessus la tête en cette rentrée, et pas franchement de temps pour écrire.
Autre chose : pour les personnes qui souhaiteraient glisser un lien vers cette histoire sur leurs sites ou y poster cette fic, merci de me demander mon accord avant. En général, je ne suis pas contre. C'est juste que je veux en être informée.
Et bien sûr, comme toujours, merci de me laisser un petit commentaire fort apprécié.
Bises. Nad.
