Chapitre 39

– Ça ne sert à rien, je n'ai aucune connexion ici ! s'exclama Koushiro.

Le jeune homme venait de passer une dizaine de minutes à essayer d'obtenir un plan du labyrinthe en vain. À ses côtés, Mimi et Meiko regardaient l'écran de son ordinateur, dubitatives. Taichi, lui, commençait à s'impatienter.

– Bon, je crois qu'on n'a pas trop le choix, déclara-t-il à ses amis. Il va falloir nous débrouiller par nous-mêmes, sans programme informatique.

– Alors, comment va-t-on s'orienter ? s'inquiéta Mimi.

– Nous pourrions toujours suivre le même mur, suggéra Meiko.

– Ce n'est pas bête, observa Koushiro. Si tous les murs de ce labyrinthe sont reliés entre eux, il y a des chances pour qu'en suivant toujours le même nous retrouvions notre chemin.

– Et puis, même si on se perd en route, on peut au moins espérer retomber sur les autres, ajouta Tentomon.

– C'est vrai, acquiesça Agumon, et alors, ensemble, nous serons sans doute plus à même de trouver la sortie.

– D'accord, alors essayons, conclut Taichi. Je vous propose de suivre le mur de droite.

Ses amis acquiescèrent. Le jeune homme avança vers le mur en question, posa la main dessus et se mit en marche en laissant courir ses doigts sur la pierre. Au bout du couloir, le mur bifurqua sur la droite. Ils le suivirent. Ils tournèrent encore à droite, puis à gauche, puis deux fois à droite, puis de nouveau à gauche. Ils avancèrent ainsi à l'aveuglette dans le dédale empreint d'obscurité. Tous les couloirs semblaient identiques. Ils avaient la sensation que cette quête n'aboutirait jamais, et que jamais ils ne reverraient la lumière du jour.

Soudain, ils débouchèrent sur une vaste salle ovale.

– Un cul-de-sac ! s'exclama Meiko.

– Bon, ce n'est pas grave, revenons sur nos pas en suivant le mur de droite, dit Taichi.

Mais lorsqu'ils revinrent vers le couloir par lequel ils étaient arrivés, ils se retrouvèrent face à un mur. Un mur qui leur bouchait toute sortie.

– C'est impossible, nous venons de passer par là, et le couloir se poursuivait ! s'angoissa Koushiro.

– Tu veux dire qu'on est … enfermés ? souffla Mimi, terrifiée.

À cet instant, un grincement se fit entendre derrière eux. Ils firent volte-face, le cœur battant : la silhouette d'un imposant digimon se pixélisa brusquement dans la salle ovale. Il ressemblait à un guerrier vêtu d'une armure violette dont chaque couture était faite d'un sarment de vignes. De nombreuses plumes vertes couvraient ses épaules, tandis qu'un haut casque noir orné d'une plume rouge protégeait sa tête et une partie de son visage masqué. Deux yeux rouges supplémentaires s'ouvrirent sur ce casque. Du dos du digimon se déployèrent des branches armées de serres et de griffes à leurs extrémités.

– Qui es-tu ? lui lança Taichi.

– Je suis Algomon, répondit le digimon. Je suis l'un des gardiens de ce labyrinthe, et je ne vous en laisserai pas sortir d'ici vivants sans que vous ne m'ayez prouvé votre valeur.

Algomon étendit alors l'un de ses sarments à la vitesse de l'éclair. La vigne s'enroula autour de Meiko, l'empêcha de bouger, puis la souleva dans les airs pour la ramener près d'Algomon.

– Meiko ! cria Taichi.

Le jeune homme sortit son digivice et Agumon se digivolva : Greymon apparut et se dressa face au gardien du labyrinthe.

– Lâche Meiko ! lança-t-il.

– Essaye donc de la libérer ! rétorqua Algomon.

– Tir nova !

– Elimination line ! répliqua Algomon.

Les yeux rouges qui équipaient le casque d'Algomon émirent soudain un faisceau lumineux intense qui aveugla les Enfants Élus et balaya l'attaque de Greymon, puis brûla le digimon. Greymon émit un rugissement de douleur.

– Taichi ! cria Koushiro à son ami. Algomon doit être un digimon de niveau ultime ! Greymon ne pourra pas le battre à ce stade de digivolution !

– Compris ! acquiesça Taichi en sortant de nouveau son digivice. Greymon, digivolve-toi !

Le digivice de Taichi émit une lumière orangée et son symbole du courage s'activa. Greymon se transforma alors en Métalgreymon.

– Koushiro, aidons-le ! fit Tentomon à son partenaire. Avec mon électricité, je dois pouvoir faire brûler les branches de vignes qui servent de tentacules à cet abominable gardien !

Koushiro acquiesça et sortit son digivice : Tentomon se métamorphosa en Kabuterimon.

– Méga électrochoc !

Algomon projeta soudain devant lui des dizaines de sarments de vignes dont l'extrémité était pourvue de serres. Les griffes s'ouvrirent et générèrent un courant électrique qui contra l'attaque de Kabuterimon.

– Incroyable ! s'ébahit Koushiro. C'est un digimon hybride ! Il est composé de plantes, comme Palmon, mais il est capable de créer de l'électricité comme Kabuterimon !

– Ce n'est pas ça qui va nous arrêter ! répliqua Taichi avec rage. Métalgreymon, à toi !

– Giga-blaster !

Les yeux d'Algomon rétorquèrent par un rayon incandescent si puissant que Métalgreymon dut se poster devant les Enfants Élus pour les protéger des brûlures. Profitant que son rayon aveuglait les deux digimons, Algomon étendit ses sarments vers Kabuterimon et l'emprisonna.

– Non ! s'exclama Koushiro.

Le digimon tenta de se dégager en émettant une décharge électrique, en vain. Les serres des vignes d'Algomon se refermèrent sur ses membres et l'électrocutèrent. Le corps de Kabuterimon s'illumina et il régressa en Tentomon. Il s'effondra au sol, groggy.

– Tentomon ! cria Koushiro en se précipitant vers lui.

À cet instant, Algomon déploya une branche de vigne et saisit Koushiro par la taille pour l'emporter près de Meiko.

– Non ! s'écria Meiko en se débattant. Laisse Koushiro tranquille !

Avec un regard mauvais, Algomon ouvrit alors l'une de ses serres et la referma sur le bras de Meiko. Sous les yeux horrifiés de Taichi, un courant électrique en jaillit. La jeune fille cria et perdit connaissance.

– Meiko ! hurla Taichi. Koushiro ! Métalgreymon, digivolve-toi en Wargreymon ! Avec ta nova force, tu devrais pouvoir venir à bout de ce maudit gardien !

– Taichi, ce n'est peut-être pas une bonne idée ! l'avertit Mimi en le saisissant par le bras.

– Pourquoi ?

– L'attaque de Wargreymon est très puissante, elle pourrait se faire écrouler le labyrinthe sur nous … et peut-être détruire l'historique que nous cherchons.

– C'est une très juste observation, acquiesça Algomon avec un rictus. Mais si tu tiens tellement à mourir sous les gravats de ce labyrinthe, jeune humain, libre à toi.

Taichi serra les poings, sans pouvoir détacher son regard de Meiko. Qu'elle ait été capturée par Algomon décuplait son angoisse, l'empêchait de penser rationnellement. Il aurait fait n'importe quoi pour qu'Algomon la relâche, elle et Koushiro. Le gardien du labyrinthe semblait le deviner.

– Le courage ne sert à rien si l'on perd son sang-froid, grinça-t-il en étendant ses bras devant lui.

Les vignes qui flottaient autour de son corps s'animèrent brusquement. Les branchages s'étirèrent, se déployèrent sur plusieurs mètres, rampèrent sur le sol à une vitesse vertigineuse. À mesure qu'elles croissaient, elles envahirent tout l'espace à leur disposition. En quelques secondes, elles eurent recouvert la quasi-totalité du sol de la salle ovale, à l'exception de l'endroit où se tenaient Métalgreymon, Tentomon, Taichi, Mimi et Palmon. Les serres qui terminaient les branchages s'ouvrirent et générèrent un immense champ électrique. Quiconque mettrait le pied dans ce nid de vipères serait immédiatement électrocuté. Algomon se tenait de l'autre côté de ce champ électrifié, serrant fermement Koushiro et Meiko dans ses sarments.

Mimi se tourna vers Taichi : elle percevait son angoisse. Elle-même avait du mal à masquer sa peur : elle avait vu Meiko s'évanouir et son cœur battait à tout rompre. Cependant, elle devait se ressaisir pour contrer Algomon. Elle fixa le nid de vignes électrifiées. Métalgreymon était trop imposant pour décoller dans cette salle. Algomon le savait et avait étendu ses vignes à dessein. Palmon pouvait encore se digivolver en Lillymon, et peut-être pourrait-elle passer au-dessus du champ de vignes … mais Mimi craignait qu'elle ne fasse pas le poids contre le gardien du labyrinthe. Les rayons qu'il émettait étaient redoutables. Si seulement ils pouvaient libérer Meiko et Koushiro ! Métalgreymon et Lillymon seraient ensuite plus libres d'attaquer Algomon …

Soudain, les yeux de la jeune fille s'écarquillèrent : un vieux souvenir refit brusquement surface dans son esprit. Six ans auparavant, la première fois qu'elle était venue dans le monde digital, elle s'était déjà retrouvée dans un labyrinthe avec Koushiro. Ils avaient alors fait face à Leomon, qui était à cette époque-là possédé par Devimon. Il avait bien failli les tuer, ce jour-là. Cependant, Mimi et Koushiro avaient brandi leur digivice et la lumière qu'il avait émis avait libéré Leomon de la mauvaise influence de Devimon. Mimi sortit son digivice de sa poche : et si son pouvoir pouvait affaiblir Algomon aujourd'hui ? Peut-être pourrait-elle libérer Meiko et Koushiro ? Son regard se posa de nouveau sur les sarments électrifiés, puis sur Palmon.

– Taichi, Palmon, j'ai une idée ! s'exclama-t-elle avec une expression décidée.

– Qu'est-ce que c'est ?

– Je pense que la puissance de mon digivice peut déstabiliser Algomon afin qu'il relâche Meiko et Koushiro. Si nous les libérons, nous pourrons ensuite attaquer frontalement Algomon. Mais pour que ça marche, il faut que je traverse ce champ de maudites vignes !

– Mais si l'on met un pied là-dedans, on va se faire tuer, répliqua Taichi. Et les yeux du casque d'Algomon nous surveillent, ils ne nous laisseront pas avancer.

– C'est pour cela que j'ai besoin d'une diversion ! poursuivit Mimi, sûre d'elle. Toi, Taichi, et Métalgreymon, attirez l'attention d'Algomon. Pendant ce temps-là, Palmon, tu vas m'aider : comme tu es un digimon plante, les sarments de vignes d'Algomon ne pourront pas t'affecter, n'est-ce pas ?

– Oui, je crois.

– Alors, voici ce que tu vas faire : tu vas étendre tes sumacs vénéneux au-dessus des vignes et me faire un pont jusqu'à nos amis, pendant que Taichi et Métalgreymon distrairont Algomon. Dès que j'atteindrai l'autre côté, j'utiliserai mon digivice. Toi, Palmon, tu te digivolveras pour aider Métalgreymon.

– Mimi, tu te rends compte des risques que tu vas prendre ? s'exclama Taichi. Si tu tombes pendant que tu traverses cette mer de branchages, tu seras électrocutée !

– Et alors, tu as une meilleure solution ? Il faut avoir foi en ce que nous faisons ! Sinon nous perdrons notre courage !

Cette phrase eut sur Taichi l'effet d'une gifle. Mimi avait raison : il devait sortir de sa paralysie. La peur qu'il éprouvait en cet instant ne lui ressemblait pas. Il reprit ses esprits, serra les poings, puis acquiesça.

– D'accord, nous allons te couvrir. Allons-y, Métalgreymon !

– Je suis avec toi, Taichi ! acquiesça son partenaire.

Le digimon fit de nouveau feu sur Algomon. Cependant, le gardien souleva plusieurs branches de vignes qui attrapèrent les missiles au vol et les détruisirent. Pendant ce temps, Palmon fit jaillir des lianes ses pattes et les tendit au-dessus du champ de vignes électrifiées. Mimi prit une grande inspiration : elle ne devait pas commettre de faux-pas. C'était le moment de voir si ses cours de gymnastique lui avaient été utiles. Elle monta sur les lianes, mit quelques minutes à trouver son équilibre, bras écartés.

– Mimi, ça va ? lui demanda Palmon, inquiète.

– Ça va, ne t'en fais pas.

Lentement, la jeune fille mit un pied devant l'autre. Les lianes se mouvaient terriblement, et elle fut à deux doigts de s'écrouler.

– Attends ! lui cria Palmon. Accroche-toi à cette seconde liane pour garder ton équilibre !

Le digimon ouvrit l'autre patte, de laquelle jaillit une deuxième liane qui se tendit au-dessus de la tête de Mimi. La jeune fille sourit :

– Bien vu, Palmon !

Elle s'agrippa à la ligne en hauteur et s'en servit d'appui pour mettre un pied devant l'autre. Peu à peu, elle s'avança au-dessus du champ de vignes électrifié.

Pendant ce temps, Métalgreymon bombardait Algomon afin de détourner son attention. Malheureusement, le gardien répliquait avec rapidité et ses rayons lumineux affaiblissaient Métalgreymon.

Mimi, telle une funambule, progressait au-dessus du vide. Elle avait maintenant parcouru plus de la moitié du chemin. Précautionneusement, elle posait un pied devant l'autre en s'assurant de sa stabilité avant de continuer. Elle n'était plus qu'à deux mètres de l'arrivée …

Soudain, sa basket dérapa sur les lianes de Palmon. Elle perdit pied et se retrouva suspendue par les mains à la liane au-dessus de sa tête. La jeune fille aurait voulu crier, mais elle se retint. Elle vit que Palmon avait également étouffé une exclamation de frayeur. Elle serra fermement les lianes et se balança pour réussir à remettre ses pieds sur la liane inférieure. Au premier coup, ses pieds glissèrent, et elle se retrouva à nouveau dans le vide. « Je dois ressembler à un vieux torchon en train de sécher » ne put-elle s'empêcher de penser en se balançant encore une fois. Enfin, ses pieds se posèrent sur la liane de Palmon et elle parvint à s'y maintenir. Elle retrouva son équilibre, puis, lentement, elle termina la traversée … et sauta de l'autre côté du champ de vignes, indemne.

– Ouais ! s'exclama-t-elle avec un sourire victorieux.

La jeune fille sortit son digivice et courut vers Algomon. Celui-ci, occupé à repousser Métalgreymon, lui tournait le dos. Elle brandit l'appareil électronique vers le gardien. Aussitôt, il s'activa et émit une vive lueur. Algomon fit volte-face.

– Qu'est-ce que …

La lumière aveuglante le frappa brutalement au visage. Le digimon cria. Au même moment, les vignes qui enserraient Koushiro et Meiko se relâchèrent et les adolescents tombèrent au sol. Mimi se précipita pour glisser un bras sous les aisselles de Meiko afin de l'aider à se relever, tandis que Koushiro s'était déjà redressé. Algomon les fixait, en furie :

– Espèce de petite vermine ! Vous allez me le payer …

Les yeux de son casque se mirent alors à briller. À cet instant, le digivice de Mimi s'illumina de nouveau et Palmon s'élança : Togemon apparut. Puis, le symbole de la sincérité de Mimi enveloppa Togemon d'un halo vert et celui-ci atteignit son niveau ultime : Lillymon décolla.

– Canon fleur !

En écho à son attaque, Métalgreymon rugit :

– Giga-blaster !

Les deux attaques se conjuguèrent et cette fois, elles firent ployer Algomon. Koushiro, Mimi et Meiko s'étaient plaqués contre un mur pour éviter les répercussions des tirs des digimons. Lillymon et Métalgreymon attaquèrent Algomon et ses vignes électrifiées. Cette fois, ils étaient deux digimons de niveau ultime : Algomon ne faisait plus le poids. Ses sarments se mirent à flamber. Métalgreymon les balaya de ses pattes métallisées et vint prendre Mimi, Meiko et Koushiro sur son dos pour les ramener de l'autre côté de la salle ovale. Algomon, fou de rage, chargea les yeux de son casque d'un rayon incandescent.

– Non ! cria Mimi.

Le digivice de la jeune brilla une quatrième fois, et cette fois, Lillymon accéda à son niveau méga : Rosemon apparu. Elle se plaça devant Métalgreymon et lança :

– Forbidden temptation !

L'attaque rougeoyante percuta Algomon et le projeta en arrière. La puissance de la frappe fit trembler le sol du labyrinthe. Taichi, qui se trouvait contre la paroi murée qui les enfermait dans la salle ovale, perdit pied. Mais au lieu de s'effondrer contre le mur, il passa au travers. Ébahi, il se retrouva dans le couloir par lequel ils étaient arrivés à la salle ovale. Il comprit alors, se redressa et passa de nouveau à travers le mur :

– Les amis ! Métalgreymon, Rosemon ! Nous n'avons jamais été prisonniers ! Ce mur était un leurre créé par Algomon ! Sortons d'ici, vite !

Métalgreymon acquiesça et passa à travers la paroi. Rosemon lança une dernière attaque contre Algomon, qui disparut dans l'incendie de ses vignes. Puis, elle repassa le mur, alors que la salle ovale s'effondrait sur elle-même. Le fracas terrible se répercuta dans tout le labyrinthe, comme le rugissement d'un monstre qui se meure. Puis, le silence retomba, presque irréel.

Rosemon régressa alors en Tanemon et Métalgreymon se retransforma en Agumon.

Hors d'haleine, les adolescents fixaient le couloir condamné derrière lequel venait de disparaître le gardien du labyrinthe.

– Eh ben, on l'a échappé belle, souffla Koushiro. Merci, Mimi. Tu as eu une excellente idée.

– Palmon m'a bien aidée, dit la jeune fille en soulevant Tanemon dans ses bras. Pas vrai, Tane ?

– Oui, mais c'est toi qui as gardé ton équilibre comme une acrobate !

– Merci, Mimi, ajouta Meiko d'une voix reconnaissante.

Taichi fixait la jeune fille. Meiko chancelait encore légèrement après avoir subi l'attaque d'Algomon. Il s'approcha d'elle et demanda doucement :

– Meiko, ça va aller ?

– Taichi … je vais bien, ne t'inquiète pas. Merci à toi aussi d'être venu à mon secours.

– Oh, tu sais, c'est surtout Mimi qui a réfléchi, dans cette histoire …

– C'est vrai, mais tu as su surmonter ta peur pour l'aider. Sans toi, elle ne serait jamais parvenue de l'autre côté du champ de vignes électrifiées. Alors, je tenais à te remercier.

Les deux adolescents se sourirent.

– Meimei, loin de moi l'idée de t'interrompre, dit Mimi à l'attention son amie, mais on a encore l'historique du monde digital à trouver.

– C'est vrai, allons-y, acquiesça la jeune fille en redevenant sérieuse.

Et tous se remirent en route en suivant le mur de droite.

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– J'attends ta première question, Wisemon.

Maki Himekawa fixait le gardien du labyrinthe avec défiance. Ses yeux jaunes sans pupilles luisaient dans un visage dévoré par le néant. Ce regard à la fois aigu mais inexpressif, omniprésent mais vide mettait la jeune femme mal à l'aise. Wisemon semblait voir à travers elle tout en étant aveugle. Il tendit l'une des sphères qui flottaient au creux de ses paumes et ferma les yeux. Le livre qui se trouvait sous ses pieds exhala alors un halo blanc et d'or. La lueur se concentra en une petite boule claire et se téléporta jusqu'à la sphère qu'il tenait dans sa main. Le digimon rouvrit les yeux et énonça d'une voix profonde :

– « Je n'ai qu'une couleur, mais mille formes. Collée au sol, j'accompagne pourtant l'oiseau qui s'envole. Je suis le soleil mais je m'évade la nuit, et jamais je ne souffre d'être piétinée. » Que suis-je ?

Mlle Himekawa fronça les sourcils et se mit à réfléchir à toute vitesse. Qu'est-ce qui pouvait prendre mille formes tout en gardant toujours la même couleur ? Un fantôme ? Non, cela ne fonctionnait pas, car la chose en question demeurait collée au sol et pouvait s'envoler à la fois. « Je m'évade la nuit … » donc, la nuit, cette chose n'était plus visible, ou n'existait plus. Que piétine-t-on et qui n'en souffre jamais ? Elle baissa les yeux vers le sol, pensive, quand elle remarqua une forme sombre sur le dallage. Bien-sûr. La réponse se trouvait à ses pieds depuis le début. Elle releva la tête, triomphante, et dit :

– C'est l'ombre.

– Exact, acquiesça Wisemon. Passons à l'énigme suivante.

Le livre ouvert sous le grand digimon produisit de nouveau un halo pâle et une nouvelle boule d'énergie fut transférée à l'une des sphères qui reposaient dans la main de Wisemon. Maki Himekawa comprit qu'il tirait son savoir de cet immense livre qui le suivait partout. D'une voix solennelle, le digimon prononça :

– « Plus j'ai de gardiens, moins je suis gardé. Moins j'ai de gardiens, mieux je suis gardé. » Que suis-je ?

Mlle Himekawa sourit : celle-là était facile. Après des années à mentir et à dissimuler ses actions aux membres de l'Agence Établie et à Daigo, elle savait parfaitement à quoi se référait l'énigme.

– Un secret, répondit-elle.

Les yeux de Wisemon se plissèrent comme s'ils exprimaient un mécontentement, bien que l'absence de bouche sur le visage du digimon empêchât Maki Himekawa d'en être certaine. De nouveau, le livre de Wisemon brilla et un nouveau halo vint animer la sphère qui flottait dans sa main gauche :

– « D'un être ou d'une chose, je suis ce que l'on voit. Par moi on est aisément trompé, mais il en est d'autres que l'on peut sauver. »

La jeune femme porta son pouce et son index repliés à ses lèvres, pensive. Quelque chose que l'on voit, mais qui peut tromper … une illusion ? Le regard ? Mlle Himekawa savait qu'elle était passée maître dans l'art de dissimuler ses émotions. Elle avait appris à contrôler son expression pour que personne ne devine jamais ses pensées. Ce qu'elle était réellement, elle l'avait enfoui au fond d'elle-même, tandis que le visage qu'elle montrait en public n'était qu'une …

Ses pensées s'arrêtèrent brusquement. Elle savait.

– Ce sont les apparences, répondit-elle en relevant la tête.

– Cela ne m'étonne pas que tu aies trouvé celle-ci, dit Wisemon avec un ricanement. Passons aux deux énigmes les plus difficiles.

Il ferma de nouveau les yeux, et le livre sous ses pieds s'enveloppa de fumée, cette fois argentée et bleutée. Cette dernière rejoignit les deux sphères que le gardien gardait entre ses paumes. Wisemon rouvrit alors les yeux, et d'une voix caverneuse, il déclama :

– « Invisible, impalpable, personne ne me voit, pourtant chacun me possède. Je donne la vie mais je ne peux pas mourir. Si tu me vends, tu pourrais périr si tu veilles sur moi, immortel tu pourrais devenir. »

Mlle Himekawa cilla, désarçonnée par cette quatrième énigme. Une chose que personne ne voit ni ne peut toucher, mais que tout le monde possède … la voix ? Non, car la voix ne donne pas la vie et ne peut se vendre, à moins que l'on soit chanteur professionnel … quelque chose ne collait pas …

– Pour résoudre cette énigme, ajouta Wisemon, l'esprit à lui seul ne suffit pas. Il te faut chercher la réponse plus loin, plus profondément, dans ton cœur.

Maki Himekawa dévisagea Wisemon. Dans son cœur ? Elle l'avait muré dans le silence depuis de nombreuses années et ne le consultait presque jamais. Toutes ses actions n'étaient guidées que par sa raison. Tout au moins essayait-elle de s'en persuader. Car, au fond d'elle-même, elle savait que la chape de plomb qu'elle maintenait sur ses émotions était plus fragile que le verre. Elle savait que ce cœur qu'elle avait bâillonné brûlait de parler, de crier, d'exploser. Si elle prêtait attention ne serait-ce qu'un instant à ses murmures, il la dévorerait. Chercher la réponse de l'énigme dans ce cœur pouvait être dangereux. Pourtant, Wisemon la fixait d'un air insistant. Elle ferma donc les yeux et tenta de faire le vide en elle. Le silence l'entoura, pénétra son esprit et son corps. Elle s'efforça d'écouter son instinct. D'abord, elle n'entendit rien. Puis, peu à peu, son cœur commença à chuchoter. « Invisible, impalpable … je donne la vie mais je ne peux pas mourir …. si tu veilles sur moi, immortel tu peux devenir. »

Mlle Himekawa tressaillit et rouvrit les yeux. L'énigme parlerait-elle de … l'amour ? Elle battit des cils. Elle ne croyait plus à l'amour. L'amour n'existait pas. Il était trop évanescent, trop versatile. Elle avait aimé Bakumon, et elle l'avait perdu. Elle avait aimé Daigo, et elle l'avait perdu. L'amour perdu ne se retrouve jamais, Bakumon lui en avait fourni la preuve elle avait tout donné pour le revoir. Elle avait trompé, dissimulé, trahi. Elle avait menti à Daigo, le perdant une deuxième fois. Qu'avait-il pu penser d'elle quand il avait découvert la vérité ? Une terrible douleur s'empara d'elle, elle serra les poings. Oui, tout cela, elle l'avait fait. Pour rien. Pour retrouver un digimon amnésique, incapable de lui rendre l'affection qu'elle avait pour lui. Pourtant, elle aurait tout donné pour renouer ce lien perdu. Elle aurait été prête à vendre …

Elle releva brusquement la tête, le souffle court. Elle repassa l'énigme dans sa tête, le cœur battant. Évidemment. Ce ne pouvait être que cela.

– L'âme … murmura-t-elle, la voix légèrement tremblante.

– Comment ? fit Wisemon.

– La réponse à ton énigme est l'âme, répéta-t-elle en se redressant.

Wisemon demeura un moment silencieux, la dévisageant de ses yeux étincelants. Très calmement, il remarqua :

– Cette dernière question semble t'avoir troublée, Maki Himekawa.

– N… non, pas du tout.

– C'est sans doute le plus mauvais mensonge que tu aies formulé. Mais passons à la dernière énigme, si toutefois tu te sens capable d'y répondre.

– Je t'écoute.

– La voici : « Il est parfois difficile de me discerner entre les ombres qui prennent mon apparence. Beaucoup ne veulent pas me connaître, car je peux les blesser. Regarde-moi en face si tu en as le courage tourne-moi le dos et tu vivras dans un mirage. »

Mlle Himekawa pinça les lèvres. Encore une histoire d'apparences, de mirages, de blessures … elle adressa un regard accusateur à Wisemon. Elle commençait à comprendre que le gardien ne choisissait pas ses énigmes au hasard. Tous les mots du rébus résonnaient étrangement avec son propre vécu. Wisemon jouait avec elle. Cela l'insupportait. Cependant, elle ne devait pas le laisser transparaître. Elle devait rester impassible, lui montrer qu'il n'avait aucune prise sur elle. Jamais personne ne la ferait ployer. Jamais.

Elle songea de nouveau à l'énigme. Des ombres qui prenaient l'apparence d'autres choses … cela lui rappelait une histoire, mais laquelle ? « Beaucoup ne veulent pas me connaître, car je peux les blesser ». Donc, la clé de l'énigme concernait quelque chose que les hommes redoutaient. La mort ? Si elle suivait le raisonnement de Wisemon, toutes les énigmes qu'il lui avait posées jusqu'à présent avaient un lien avec ses interrogations profondes, celles qu'elle se refusait normalement à explorer. Or, elle ne craignait pas la mort. Cela ne pouvait donc pas être la réponse à l'énigme. La mention de mirage la titillait. Si l'on refusait de faire face à cette chose qui effrayait tant les hommes, on vivait dans un mirage … c'est-à-dire, dans une illusion.

Les yeux de la jeune femme s'écarquillèrent. Elle venait de se rappeler à quelle histoire lui faisait penser les ombres qui prenaient l'apparence d'autres objets. L'allégorie de la caverne de Platon ! Dans cette caverne souterraine, des hommes étaient enchaînés et tournaient le dos à la sortie, ne pouvant la voir. Ils ne distinguaient que leurs propres ombres sur la paroi qui leur faisait face et les ombres d'objets projetées derrière eux. Pour découvrir le monde tel qu'il était, ils devaient se libérer de leurs chaînes et sortir de la caverne. Mais nombre d'entre eux se contentaient des ombres du souterrain, les considérant comme de véritables objets … ainsi, ils vivaient dans une illusion et non dans la réalité. Ils se mentaient à eux-mêmes car reconnaître leur tort les auraient fait souffrir. Et dans cette folie autoentretenue, ils refusaient de faire preuve de courage pour affronter la … vérité. Mlle Himekawa, frémissante, planta son regard dans celui de Wisemon :

– La réponse à ton énigme est : la vérité.

Cette fois, Wisemon ne ricana pas, ne la railla pas. Il se contenta de garder le silence, un silence imperturbable, teinté de respect. D'une voix grave, il approuva :

– C'est exact. Je suis impressionné.

– C'était ta dernière énigme, Wisemon, le coupa Mlle Himekawa. J'ai rempli ma part de notre marché. À toi de me laisser passer.

Elle fit un pas en avant, mais le gardien du labyrinthe étendit son bras gauche pour lui barrer la route.

– Avant de te laisser partir, je voudrais te poser une dernière question.

– Ce n'était pas ce que nous avions conclu, rétorqua-t-elle.

– C'est vrai, mais tu n'es pas de taille à t'opposer à moi.

– Alors, vas-y, je t'écoute ! dit la jeune femme avec humeur.

– Cette fois-ci, ce n'est pas une énigme. Une simple question.

– Laquelle ?

– Pourquoi es-tu venue dans ce labyrinthe, Maki Himekawa ?

La jeune femme fit un pas en arrière. Ce n'était pas le moment de perdre la face devant le gardien du labyrinthe. Elle répondit aussitôt, comme si c'était une évidence :

– Pour chercher l'objet qui y est caché et pour le rapporter à Yggdrasil.

– Ça, je le sais déjà. Ce que je veux savoir, c'est la véritable raison de ta venue ici, la véritable raison de ton alliance avec Yggdrasil. Que cherches-tu dans le monde digital, Maki Himekawa ?

La jeune femme cilla. Au début, elle s'était compromise avec Yggdrasil pour revoir Bakumon et pour se venger d'Homeostasis. Elle savait que cela était dangereux, mais elle l'avait quand même fait. Quand enfin elle avait retrouvé Bakumon, il ne se souvenait plus d'elle, ni de l'amitié qu'ils avaient partagés. La souffrance qu'elle avait alors ressentie était indicible, ineffable. Elle aurait voulu crier, hurler, disparaître à jamais. Elle avait eu la sensation d'avoir tout sacrifié, jusqu'à son âme … pour rien. Absolument rien. Alors, pourquoi avait-elle continué à servir Yggdrasil ? Elle n'était pas vraiment sûre de le savoir. Son cœur battait à toute vitesse. Pourquoi avait-elle si chaud, tout-à-coup ? Pourquoi se sentait-elle si mal à l'aise ? Elle avait gardé tant de secrets, pris tant de masque … mais en fin de compte, que voulait-elle réellement ? Quelle raison l'avait conduite dans ce labyrinthe, aujourd'hui ? La vengeance ? Le désir de vérité ? Cette vérité sur les Enfants Élus qu'elle n'avait jamais pu percer ? Ou bien le désespoir ? Le désespoir face à l'amour qu'elle avait perdu ? Les visages de Bakumon de Daigo surgirent de nouveau dans sa mémoire. Elle eut la sensation qu'on lui enfonçait une épée dans le cœur. Sa mâchoire se contracta, ses yeux s'humidifièrent. Elle les ferma, serra fort les paupières. Quand elle les rouvrit, elle répondit à Wisemon, la voix déterminée :

– Je veux la justice.

Wisemon la dévisagea longuement.

– C'est un noble désir. Tu es une humaine très intelligente, Maki Himekawa. Mais tu étouffes ton cœur et la vérité qui est à l'intérieur. Ne crois-tu pas que pour rétablir la justice il faut déjà accepter la vérité ?

Mlle Himekawa ne répondit pas.

– Tu vis dans la caverne des illusions depuis de trop nombreuses années, poursuivit Wisemon. Tu n'obtiendras ce que tu voudras que si tu acceptes le monde tel qu'il est. Ne l'oublie pas.

En prononçant ces dernières paroles, le corps du gardien se mit à grésiller. Sa tunique, son visage, le livre sous ses pieds s'évanouirent peu à peu, devenant transparent.

L'instant d'après, Wisemon avait disparu.

Le silence granitique du labyrinthe enveloppa alors Mlle Himekawa comme une ombre oppressante. Le temps lui semblait soudain suspendu, tandis que les mots de Wisemon résonnaient comme de longs échos accusateurs dans son esprit.

Elle prit une grande inspiration, passa une main sur son front en sueur, et se remit en route.

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– Ici, il y a une marque ! s'exclama Hikari.

– Alors, ça veut dire qu'on est déjà passé par là, soupira Joe.

Joe, Sora, Hikari et M. Nishijima progressaient précautionneusement dans le labyrinthe depuis une quinzaine de minutes. Quand ils s'étaient interrogés sur la meilleure manière de s'orienter dans le labyrinthe, M. Nishijima leur avait proposé de toujours tourner à droite en marquant leur passage si le passage était marqué, ils tourneraient à gauche. Ils avaient aussitôt adopté cette technique, mais c'était la première fois qu'ils retombaient sur l'un des couloirs qu'ils avaient marqués.

– Vous croyez qu'on est perdu ? souffla Sora.

– Non, mais peut-être que nous tournons en rond, déclara M. Nishijima. Prenons à gauche.

Tous le suivirent. Ils débouchèrent soudain sur un carrefour où se croisaient quatre couloirs.

– Regardez ! s'exclama alors Sora en s'approchant d'un mur. Quelqu'un d'autre que nous est déjà passé par ici ! Il y a une marque à la craie, alors que nous laissons nos marques au feutre !

– Peut-être que les autres sont près de nous, dit Joe en fronçant les sourcils.

Il se redressa et appela :

– Mimi ! Koushiro !

– Grand frère ! cria Hikari.

– Taichi ! Takeru ! Meiko ! Sakae ! lança Sora à son tour.

Seul le silence leur répondit.

– Peut-être cela fait-il longtemps qu'ils sont passés par ici, émit M. Nishijima. Continuons. Nous devrions suivre le couloir marqué à la craie, avec un peu de chance il nous mènera aux autres.

Les adolescents acquiescèrent. Mais alors qu'ils avançaient, les murs autour d'eux se mirent à trembler. Ils dégagèrent brusquement une éblouissante lumière opaline. Tous les Enfants Élus se cachèrent les yeux. Quand ils les rouvrirent, un impressionnant digimon robotique était apparu devant eux.

Il ressemblait à une femme vêtue d'une armure métallisée resplendissante comme de l'argent. Un casque rutilant couvrait sa tête, tandis qu'une plaque de métal bleu électrique dissimulait sa bouche, ne laissant voir que deux grands yeux de cuivre. Au niveau de ses épaulettes métallisées saillaient deux croissants de lune bleu roi. Deux autres croissants blanc irisé, pourvus d'yeux et de bouche protégeaient ses tibias. L'étrange femme était armée d'une lance dont chaque extrémité se terminait en une hache en forme de croissant de lune de son dos saillait un carquois rempli de flèches.

– Qui es-tu ? murmura Hikari.

– Mon nom est Dianamon, répondit le digimon d'une voix robotique et féminine. Je suis l'un des gardiens de ce labyrinthe.

– Nous cherchons l'historique du monde digital, lui expliqua Sora.

– Je le sais.

– Pourrais-tu nous aider à trouver notre chemin ? demanda Hikari.

– Non. Je suis ici pour vous combattre.

– Nous combattre ? répéta M. Nishijima en haussant les sourcils. Mais nous ne sommes pas tes ennemis !

– Mon rôle est de mettre à l'épreuve quiconque pénètre dans ce labyrinthe. Vous n'y échapperez pas.

– Alors ça, n'y compte pas ! répliqua Joe. Nous n'avons pas de temps à perdre. Gomamon, digivolve-toi !

– D'accord !

Le digivice de Joe s'illumina, et Gomamon se transforma en Ikkakumon.

– Torpille harpon !

Mais la gardienne para le missile avec sa lance en ricanant.

– Imbécile, tu crois pouvoir me vaincre ?

Hikari fronça les sourcils et sortit à son tour son digivice :

– Tailmon, allons-y !

– Avec plaisir !

Le digivice et le symbole d'Hikari brillèrent et Tailmon accéda au niveau ultime : Angewomon déploya ses ailes et décolla. Elle bandit son arc, puis tira :

– Arc céleste !

La flèche piqua droit vers Dianamon. Celle-ci eut un sourire dédaigneux et se saisit de l'une de ses propres flèches métallisées :

– Arc d'Artémis !

Sa flèche fusa vers celle d'Angewomon, qu'elle brisa net en deux. Hikari lâcha un cri de stupeur.

– Comment les flèches de Dianamon peuvent-elles détruire celle d'Angewomon ? s'ébahit Joe. Elles faisaient exactement la même taille !

– Il n'y a qu'une explication, dit M. Nishijima. Cette gardienne doit être un digimon de niveau méga. Si vos partenaires n'évoluent pas à leur niveau le plus élevé, nous ne pourrons pas la battre.

– Alors, c'est ce qu'il faut faire ! déclara Joe fermement.

– Et unir nos forces ! ajouta Sora en sortant son digivice. Piyomon, à ton tour !

– D'accord !

– Il est vain de vouloir vous mesurer à moi, déclara la gardienne avec hauteur. Je vais vous faire mieux comprendre : goodnight moon !

Les deux croissants de lune qui protégeaient ses tibias ouvrirent soudain leurs yeux et s'illuminèrent d'une intense lumière blanche. De leur bouche jaillirent deux rayons qui allèrent frapper Ikkakumon, Angewomon, Piyomon. Les digimons s'effondrèrent au sol, paralysés par la lueur qui leur fit perdre connaissance. Les Enfants Élus se figèrent, terrifiés.

– Que leur avez-vous fait ? lança M. Nishijima à la gardienne du labyrinthe.

– Je possède le pouvoir de la lune, leur apprit-elle. Il me permet de plonger qui je souhaite dans un sommeil aussi profond qu'immédiat. Vos digimons n'ont pas le pouvoir de se mesurer à moi.

– Il faut trouver un moyen de les réveiller ! dit Joe.

– Angewomon ! s'écria Hikari en accourant vers l'ange.

En vain. Ni Angewomon ni Ikkakumon ne revenaient à eux. Sora fixait le corps inanimé de Piyomon et réfléchissait à toute vitesse. Une idée traversa alors son esprit, la même que celle qui avait traversé l'esprit de Mimi quelques instants auparavant, à l'autre bout du labyrinthe.

– Et si nous utilisions nos digivices ? Peut-être leur pouvoir pourrait-il sortir de leur torpeur nos partenaires ? Ils ont bien été capables de contrer l'influence de mauvais digimons il y a six ans, pourquoi ne pourrait-il pas vaincre le sommeil malfaisant de Dianamon ?

– C'est vrai, c'est une bonne idée, acquiesça Joe. Essayons !

Les trois adolescents se saisirent chacun de leur digivice et les pointèrent vers leur digimon. Les petits appareils électroniques brillèrent alors et émirent une lueur claire, qui enveloppa Ikkakumon, Angewomon et Piyomon. Au bout de quelques minutes, la lueur s'affaiblit, et les digimons ouvrirent les yeux.

– Cela fonctionne ! dit M. Nishijima avec un sourire.

Leurs partenaires revinrent lentement à eux. Ils se redressèrent, encore un peu sonnés, mais ils reprirent rapidement leurs esprits. Ils firent alors de nouveau face à Dianamon.

– Il en faut plus que ça pour nous vaincre ! lui lança Ikkakumon férocement. Tu as oublié que nous avons des partenaires prêts à nous défendre ! À présent, nous allons te montrer de quoi nous sommes capables !

– Bien parlé ! approuva Joe.

Le jeune homme serra fermement son digivice, qui s'illumina de nouveau : Ikkakumon se digivolva en Zudomon. Angewomon décolla et se prépara elle aussi au combat. Zudomon leva son marteau indestructible et lança :

– Marteau vulcain !

– Charme divin ! attaqua Angewomon.

Dianamon prit sa lance et para les attaques sans difficulté grâce aux haches qui constituaient son extrémité. Les Enfants Élus serrèrent les dents.

– M. Nishijima a raison, constata Hikari. Dianamon doit être à son niveau méga ! Angewomon, il faut te digivolver !

– Zudomon, toi aussi ! renchérit Joe.

– Attendez, je vais vous aider ! s'exclama Sora en levant son digivice.

– Ah, ah ! rit Dianamon. Vous avez peut-être la faculté de contrer le sommeil dans lequel je peux plonger mes adversaires, mais ce n'est que l'un de mes pouvoirs. Ils m'en restent bien d'autres ! Vous êtes naïfs, humains. Vos digimons sont puissants grâce à vous. Mais que se passera-t-il si vous n'êtes plus là pour eux ?

– Que veux-tu dire ? demanda Hikari, inquiète.

– Tu ne peux pas détruire le lien qui nous unit à nos partenaires ! rétorqua Sora.

– Vraiment ? Voyons cela. Crescent Harken !

Les deux croissants de lune qui armaient les tibias de Dianamon brillèrent de nouveau, mais cette fois, le rayon qu'ils crachèrent alla toucher Sora, Piyomon et M. Nishijima.

– Non ! cria Hikari.

La clarté les éblouit si fortement qu'ils eurent la sensation de devenir aveugles. M. Nishijima leva un bras pour protéger son visage, Sora se recroquevilla au sol et ferma les yeux. Ils eurent alors l'impression que le monde disparaissait dans un tsunami de lumière.