LA BRAISE SOUS LA CENDRE
Disclaimer : voir prologue.
Chapitre 18 : L'espion, la sorcière et les brigands
Vingt quatre heures après sa visite, Hermione Granger transplana dans le salon de la maison de Severus Rogue. Signalant immédiatement sa présence, elle eut la surprise de ne recevoir aucune réponse à son appel.
Hermione se dirigea alors vers la chambre du sorcier et frappa. Là encore, il n'y avait personne, constata t'elle après avoir jeté un œil dans la pièce. Le lit était fait et tout semblait en ordre.
Elle ouvrit ensuite la porte de l'herboristerie et constata que le rideau était baissé. Rogue ne se trouvait pas non plus dans la réserve attenante. Hermione commença à s'inquiéter et se demanda si le sorcier n'était pas parti, en n'honorant pas sa promesse de la veille.
Elle revint dans le salon et pénétra dans la cuisine. Personne. Par contre, la porte qui donnait sur le jardin était entrouverte. Hermione l'ouvrit et son regard saisit tout de suite l'image de Severus Rogue allongé sur une vieille banquette en bois, les yeux fermés, profitant de la chaleur déclinante des rayons de soleil en cette fin de journée.
Rogue ne devait pas l'avoir entendue. Hermione resta un moment immobile à l'observer. Il était habillé comme un Moldu, et portait un pantalon noir et une chemise en soie à manches longues également noire, ouverte au col. Malgré sa maigreur apparente, l'ensemble lui conférait une certaine élégance. Il était rasé de près et ses traits pâles se découpaient de manière aiguë dans le soleil qui filtrait à travers le cerisier, donnant à ses cheveux d'ébène un aspect soyeux et des reflets presque bleutés, comme ceux que l'on voit sur les ailes des corbeaux. L'effet était saisissant et captivait Hermione qui se demandait à présent si ce que des centaines d'élèves à Poudlard avaient toujours pris pour des cheveux gras, n'était tout simplement pas dû à l'absence d'un effet de lumière sur des cheveux fins et sans volume.
« Ce que vous voyez vous plaît-il ? » demanda soudain Rogue d'un ton nonchalant.
Il tourna la tête vers elle. Surprise en flagrant délit, Hermione se mit à rougir furieusement, alors que les yeux du sorcier trahissait un certain amusement. Dans un souffle, elle réussit à dire :
« Bonsoir, professeur Rogue… »
« Severus, s'il vous plaît… » dit-il tranquillement, après s'être redressé. « Le professeur Rogue de Poudlard n'existe plus. »
Hermione Granger se sentit gênée par son commentaire et se demanda si elle réussirait à l'appeler par son prénom, elle qui ne l'avait connu qu'en tant que son professeur. Rogue s'aperçut de ses hésitations et avec un sourire rassurant, il lui fit signe d'approcher et de prendre place à ses côtés.
« Comment s'est passée cette journée ? » demanda t'elle.
« Je n'ai fait que dormir, Miss Gran… Au fait, c'est toujours Miss Granger ? »
« Effectivement… » répondit-elle avec un sourire, avant d'ajouter : « … Mais vous pouvez aussi m'appeler Hermione… »
Voilà qui les remettait sur un pied d'égalité. Rogue lui jeta un bref coup d'œil, visiblement aussi peu à l'aise qu'elle, quelques instants plus tôt.
Hermione Granger se rendit compte qu'ils faisaient tous deux des efforts pour paraître amical et conciliant, malgré leurs mécanismes de défense qui avaient automatiquement refait surface. Ce n'était pas que la confiance de la veille avait disparu, mais tout simplement que de nouveaux codes étaient en train de se mettre en place entre eux. Ils avançaient en territoires inconnus et ignoraient où cela les mènerait.
Hermione n'osait lui poser des questions et Rogue semblait nerveux, inquiet à l'idée qu'elle lui réclame ce qu'elle lui avait fait jurer la veille. Il s'éclaircit finalement la voix.
« Voulez-vous boire quelque chose ? »
Hermione avisa quelques bouteilles d'alcool posées sur la table de jardin. L'une d'elles contenait un liquide vert étrange. A sa connaissance, jamais elle n'avait vu une boisson présenter une pareille couleur. Sa curiosité naturelle l'emporta.
« Qu'est-ce que c'est ? »
« Dans notre monde, cette liqueur a pour nom 'Fée verte'… Chez les Moldus, elle est connue sous le nom d'absinthe… »
« Je la connais. On prétend qu'elle rend fou ! »
« C'est vrai. C'est dû à une toxine contenue dans l'extrait de plante. Cependant, il faut en consommer sans modération avant d'en arriver là. »
« Je croyais que sa vente en était interdite ? »
« C'est moi qui l'ai fabriquée… »
« Vous l'avez distillée ? »
« Oui, vous voulez goûter ? »
Hermione le regarda, incertaine, puis accepta pour ne pas le froisser, bien qu'elle ne bût jamais d'alcool. Il lui en versa une rasade dans un verre qu'il lui tendit ensuite. Elle contempla l'étrange breuvage aux couleurs irisées, qui lui rappelèrent l'éclat de son émeraude. La question qui la tracassait depuis la veille lui traversa à nouveau l'esprit et elle se décida enfin à la lui poser.
« Votre état s'est détérioré lentement, je ne me trompe pas ? … Pourquoi alors n'avez-vous pas concocté une potion pour vous soigner ? »
Rogue la contempla en silence. La sorcière soutint son regard.
« Si je n'ai rien tenté, c'est que je ne pouvais rien faire… » dit-il lentement en se versant à boire à son tour.
« J'écarte l'idée que vous vouliez mourir… Alors expliquez-moi… »
« C'est simple : je suis dans l'incapacité d'utiliser la magie, Miss Granger. »
Un silence suivit cette déclaration aux conséquences dramatiques. Hermione fronça les sourcils et sut qu'il avait choisi méticuleusement ses mots. Un sorcier ne perdait pas brutalement ses pouvoirs qui étaient innés, à moins d'avoir subi de puissants dommages physiques et moraux. De son propre aveu, Rogue n'était pas incapable de faire de la magie, il n'avait pas perdu ses pouvoirs, mais seulement la possibilité ou la capacité de les utiliser. Il reprit :
« Pour me punir de ma désobéissance, Voldemort a brisé ma baguette… »
Hermione comprit l'implication politique et sociale de cet acte dans le monde magique. Sa légitimité pouvait être remise en doute puisqu'il avait été commis par le Seigneur des Ténèbres lui-même, mais le geste était tout de même significatif car il brisait le lien entre le sorcier et l'outil qui exprimait sa puissance.
Malgré elle, Hermione laissa échapper un regard compatissant, qui eut pour effet immédiat d'irriter Rogue, qui détestait ce genre d'attitude apitoyée.
« … En soi, ce préjudice est réparable… » dit-il d'un ton désagréable. « … Il suffit d'en acheter une nouvelle. Mais je ne m'en suis jamais procurée, car la vente de baguettes est strictement contrôlée par le Ministère de la Magie qui répertorie ainsi efficacement tous les sorciers et les sorcières... »
« Or, vous tenez à votre anonymat… »
Rogue hocha la tête, puis la garda baissée. Le visage caché derrière le rideau de ses cheveux, il semblait profondément vulnérable.
« C'est la raison première… » Il soupira bruyamment, comme si les paroles qu'il allait prononcer lui coûtaient beaucoup. « … En réalité, une baguette ne m'aurait servi à rien à cause de… »
Il y eut un silence gêné.
« … A cause de l'état de vos mains ? » avança prudemment la jeune femme, dont le regard tomba sur les gants noirs de Rogue.
Rogue ouvrit la bouche et faillit lui demander comment elle avait deviné. Il se tut quand il se souvint qu'elle était Médicomage, et donc, mieux à même de comprendre comment la magie circulait dans le corps humain.
« Laissez-moi les examiner… »
Se passant la langue sur les lèvres, Rogue hésita un long moment avant d'enlever lentement ses gants. Hermione prit sa main droite dans la sienne et l'examina avec attention. De nombreuses boursouflures dues à des brûlures marquaient la peau en divers endroits, jusqu'au-dessus du poignet. Au-delà de la gravité physique des lésions, la blessure morale devait être profonde pour qu'il cache ainsi l'état de ses mains. Il ne devait pas supporter cette vue qui lui rappelait constamment son handicape.
« Fermez le poing… »
Rogue s'exécuta, visiblement avec des difficultés. Ses doigts crochus ressemblaient à ceux d'un vieillard arthritique.
« Ressentez-vous des douleurs ? »
« Oui. »
« De quelle intensité. ? »
« Cela dépend… Parfois, ce n'est qu'une gêne, comme des douleurs articulaires. Parfois, c'est insupportable… à s'en couper les mains. »
Hermione tiqua. « A quelle fréquence ? »
« Souvent… »
« Que faites-vous alors ? »
« J'utilise de la glace… Jusqu'à ce je ne sente plus rien… C'est le traitement le plus efficace. Il m'est arrivé d'utiliser un baume, mais sans grand succès. »
Hermione fit apparaître un kit qu'elle portait en permanence sur elle. Il contenait quelques outils de travail. Elle sortit une longue aiguille et prit sa main.
« Je vais tester votre sensibilité. Si vous sentez quelque chose, vous réagirez de manière réflexe. »
Elle commença à piquer la peau du bout des doigts. Rogue ne tressaillit qu'à de rares moments. Des zones entières de ses mains semblaient insensibilisées, des zones où il n'avait plus de toucher. Sachant que les mains étaient les membres qui véhiculaient la magie, elle comprenait mieux maintenant son incapacité à produire des sorts et des enchantements. De fait, il n'était plus un sorcier, et encore moins, un Maître des Potions en état de travailler. Elle comprenait aussi mieux maintenant pourquoi il s'était isolé chez les Moldus.
« C'est inutile » finit par lâcher Rogue avec amertume, alors qu'elle faisait subir le même test à la main gauche.
Hermione resta quelques secondes silencieuse et se mit à réfléchir. David, son ex-petit ami, lui avait parlé d'une nouvelle molécule mise au point tout récemment, dont les capacités régénératrices étaient impressionnantes. Heureusement qu'ils étaient restés bon amis après leur séparation, il faudrait qu'elle lui demande conseil dès le lendemain. Elle en informa Rogue, en lui demandant son accord pour effectuer des tests et en insistant sur le fait qu'elle n'était pas sûre que cela soit efficace dans son cas.
D'abord réticent, le sorcier finit par céder et accepta l'idée d'un éventuel traitement, à condition que personne ne se doute qu'il était toujours en vie. Hermione considéra sa réponse comme une grande victoire et mesura l'importance de cette fragile confiance qu'il plaçait en elle. La jeune femme était décidée à faire son possible pour ne pas le trahir.
Il lui restait cependant encore une question importante à résoudre.
« Comment avez-vous réussi à faire disparaître votre Marque des Ténèbres ? »
« Vous avez remarqué ? » demanda t'il, surpris, en se massant inconsciemment le bras gauche. « Je n'ai rien fait. Il semblerait que ce soit votre action finale contre Voldemort qui ait déclenché sa disparition. Je pense que c'est exactement le même processus que pour la cicatrice de Potter… »
« Mais pourquoi vous, et pas les autres Mangemorts ? »
« La mienne a été faite par Jedusor lui-même. Seuls quelques rares privilégiés ont eu ce triste honneur… »
« Vous n'êtes donc pas le seul… Cela signifie que d'autres Mangemorts pourraient se retrouver sans la Marque, n'est-ce pas ? »
« Exact… »
« Qui, par exemple ? »
« Des fidèles de la première heure, à commencer par notre ami Lucius Malefoy… » Le sarcasme mordant de ces propos n'échappa pas à Hermione. « … Que devient-il d'ailleurs ? »
« Du fait de l'absence de Marque des Ténèbres, il a nié toutes les accusations en bloc et n'a pas été reconnu officiellement comme un partisan de Voldemort. Ses défenseurs – grassement payés - ont obtenu qu'il soit emprisonné à la prison de Nottingham pendant vingt ans. »
« Une bien douce punition pour un sorcier qui a brisé tant de vies… »
Avec raideur, Rogue se leva et se dirigea vers la porte de la maison.
« Où allez-vous ? » demanda Hermione.
« Chercher la preuve qu'il était l'un des serviteurs les plus dévoués de Voldemort… Je reviens tout de suite... »
Hermione sentit son cœur battre plus rapidement devant cette nouvelle inattendue. Elle se souvint des paroles de Remus Lupin et de son désespoir devant son impossibilité à faire emprisonner le riche sorcier à la prison d'Azkaban – et ce, malgré les révélations obtenues sous veritaserum, invalidée pour des raisons de procédure administrative. Elle-même avait été folle de rage en entendant le verdict plutôt clément des juges.
Si Rogue possédait une preuve irréfutable de la culpabilité de Malefoy, alors il serait peut-être possible de revoir son procès et de le condamner à finir ses jours à Azkaban. En quoi consistait-elle, cette preuve ? s'interrogea Hermione avec curiosité. La jeune sorcière se doutait que Rogue connaissait depuis longtemps Malefoy – les deux hommes avaient un passé commun trouble - et devait détenir des éléments contre le puissant sorcier. Pourquoi Rogue ne les avait-il pas utilisés ? Sa volonté de rester caché n'excusait pas tout. Il devait certainement avoir gardé des contacts dans le monde magique. Il lui aurait été facile de donner ces preuves à un ami sans dévoiler son existence. A moins que les choses n'aient pas été aussi simples… ce qui semblait être souvent le cas avec Rogue.
Le sorcier tardait à revenir. Hermione n'avait pas touché à son verre et contemplait le curieux breuvage aux parfums d'anis et de racines végétales. Une autre odeur très caractéristique l'interpella soudain. Son odorat particulièrement aigu et ses études de toxicologie lui permirent d'associer immédiatement l'odeur de l'amande amère avec le produit et elle eut une réaction d'horreur. Il ne pouvait s'agir que de cyanure !
Rogue avait cherché à l'empoisonner ! Ce fut sa première pensée. Puis elle s'interrogea sur la raison qui avait poussé le sorcier à vouloir sa mort lorsque son regard tomba sur le verre qu'il s'était versé. Elle le prit et le renifla. L'odeur particulière était présente. Elle prit la bouteille et renouvela l'opération, avec le même résultat.
Hermione vérifia ainsi tous les alcools présents sur la table. Tous, sans exception, renfermaient du cyanure. C'était incompréhensible.
Un fracas de verre brisé à l'intérieur de la maison la fit se retourner et froncer les sourcils. Hermione se leva et rentra dans la cuisine. Des sons étouffés lui parvinrent du salon, suivis par des vociférations et des bruits de lutte. Hermione sortit sa baguette et s'apprêta à intervenir, lorsque au même moment, la porte s'ouvrit brutalement.
Hermione se retrouva face à face avec un inconnu armé d'un couteau. La jeune sorcière n'eut que le temps de reculer et de prononcer un repulso, suivi d'un stupefix, alors que l'homme se jetait sur elle, avec la franche intention de la trucider.
L'homme s'effondra, paralysé. Le regard de la jeune femme tomba ensuite sur deux inconnus qui maintenaient solidement Rogue au sol, alors qu'un troisième essayait d'étouffer le Maître des Potions en lui maintenant la tête sous un oreiller ! Hermione réagit instinctivement :
« Evanesco oreiller ! »
L'oreiller disparut. L'homme qui le tenait laissa échapper un cri de surprise et se retourna vers elle en poussant un rugissement. Hermione n'eut pas le temps de s'assurer que Rogue allait bien et lança un nouveau sort :
« Waddiwasi vase ! »
Un vase chinois traversa la pièce à une vitesse phénoménale et vint se fracasser contre le visage de l'homme qui la menaçait. Assommé, ce dernier s'écroula alors que les deux autres agresseurs traînaient Rogue hors de la pièce. Hermione se lança à leur poursuite en enregistrant machinalement le fait que ces hommes étaient des Moldus.
« Locomotor Mortis ! »
L'un des inconnus poussa un juron, alors que ses jambes refusaient de lui obéir. Il sortit un revolver et essaya de s'en servir contre Hermione.
« Accio pistolet ! »
L'arme à feu vola à l'autre bout de la pièce et glissa sous le vieux canapé. Avec un Petrificus Totalus, elle saucissonna le bandit, puis s'avança vers l'autre malfrat qui menaçait d'égorger le Maître des Potions, toujours inconscient.
Ils s'observèrent brièvement. Le Moldu mourait visiblement de peur et était prêt à tout.
« Lâchez-le immédiatement ! » s'écria Hermione.
« Vas te faire foutre ! »
L'homme essaya de se glisser vers la porte, mais sa progression était ralentie par le corps de Rogue. Il regardait alternativement vers la porte et la jeune sorcière ne sachant visiblement pas quoi faire.
« Qui vous envoie ? »
« T'occupes ! »
« Je vous préviens : si vous ne me répondez pas, je n'hésiterai pas à vous transformer en un hideux crapaud plein de pustules… »
« C'est des conneries ! »
« Tu ne m'en crois pas capable ? Tu as pourtant vu ce que j'ai fait à tes petits camarades… »
L'homme se passa la langue sur les lèvres en hésitant. Pris au piège, il cherchait visiblement une solution sans en trouver une à sa convenance. Hermione avança d'un pas, mais s'arrêta lorsque le bandit raffermit sa prise sur Rogue et hurla :
« N'approches pas, sorcière, ou je lui tranche la gorge ! »
Ainsi, le Moldu savait très exactement ce qu'elle était. Cette attaque n'était pas le fruit du hasard. Quelqu'un devait les avoir prévenu de ce qui les attendait en s'attaquant à Rogue et à elle.
« C'est vous qui avez mis le cyanure dans les bouteilles, n'est-ce pas ? Vous avez agi sur ordre, c'est ça ?... Je veux savoir le nom de celui qui a tout manigancé. »
L'homme ne répondit rien.
« Il te fait peur celui qui t'a demandé de nous tuer, hein ? » demanda Hermione. « Est-il comme moi ? Est-il aussi un sorcier ? »
Le Moldu secoua la tête un peu trop énergiquement et Hermione sut immédiatement qu'il mentait. Elle se rendit compte qu'elle était dans l'impasse avec lui et qu'elle devait agir avant qu'il ne soit trop tard. La vie de Rogue en dépendait. Avec rapidité, elle leva sa baguette et lança le sort :
« Gueurnouillis ! »
Touché, le Moldu essaya d'égorger Rogue, mais déjà ses mains… ou plutôt ses pattes lâchaient le couteau et son corps rapetissait… En l'espace d'une seconde, il n'y eut plus qu'une masse de vêtements informes au sol, avec en son centre un gros crapaud baveux et pétrifié, qui émit soudain un coassement pitoyable !
Hermione se précipita vers le corps de Rogue pour s'assurer qu'il était toujours en vie. Le pouls battait régulièrement, mais comment savoir s'il n'avait pas ingéré le poison mortel ? Hermione secoua le sorcier et se mit à l'appeler en n'essayant de ne pas céder à la panique…
Rogue reprit lentement conscience et se rendit compte qu'il était allongé contre un corps qui sentait bon. Gardant les yeux fermés, il se laissa guider par son exceptionnel odorat. C'était un parfum délicieusement envoûtant que celui d'une femme jeune et nubile. Il y avait toute une palette d'odeurs distinctes, fruitées et/ou épicées, boisées et/ou ambrées. Les dominantes étaient composées de fleurs d'eau, de roses, de zestes de citron et d'orange amer, de muscade, de cannelle, de notes d'huile d'amande douce et d'essence de géranium. Rogue cessa de dresser la liste des caractéristiques olfactives des femmes pour simplement les apprécier chez cette jeune personne.
Quelque chose lui chatouilla le nez et il le frotta doucement contre la courbure d'un sein, en expérimentant un sursaut de désir dans son bas-ventre. Il fut sur le point de saisir entre ses lèvres le mamelon qui pointait de ce fait au travers du tissu de la robe de la jeune femme quand il se rendit compte que la voix inquiète et haut perchée qui prononçait son nom, était celle d'Hermione Granger.
La femme qu'il aimait… mais sur laquelle il n'avait aucun droit.
Merde…
Passée la déception, il garda les yeux fermés et retint des larmes de pur bonheur, à l'idée qu'après toutes ces années stériles, il pouvait encore avoir envie d'elle.
Il s'aperçut aussi qu'il n'avait pas particulièrement envie de partager cette découverte avec le jeune femme – ni avec qui ce soit d'autre d'ailleurs. S'il restait allongé, sa démonstration de désir finirait par s'apaiser d'elle-même. Evidemment, d'un autre côté, voir disparaître cet indéniable marque de bien-être et de vie, était la dernière chose qu'il souhaitait.
Il ne voulait pas non plus bouger. Cela faisait très, très longtemps que quelqu'un ne l'avait plus tenu ainsi. La main de la jeune femme placée sous sa tête lui massait doucement la nuque et le cuir chevelu, lui donnant envie de ronronner de plaisir. Et à part le fait qu'elle sentait merveilleusement bon, elle avait vraiment la plus belle des poitrines.
Oh, Merlin ! Pourquoi pensait-il soudain à son corps ? Déjà qu'elle réussissait à le tourmenter rien qu'en respirant !
Ce qu'elle sentait bon ! C'était une vraie torture pour ses sens !
Celui qui aspirait à devenir un Maître des Potions digne de ce nom, se devait de posséder un excellent odorat, bien au-dessus de la moyenne. Dans la Corporation, il existait un test implacable qu'on faisait passer à un apprenti. On le plaçait dans une salle remplie de jeunes filles en fleurs et on le mettait au défi de citer les différents ingrédients qui entraient dans la composition de quelques chaudrons bouillonnants. S'il parvenait à les isoler et à les identifier, alors il pouvait aspirer à la Maîtrise… Rogue avait vécu ce cauchemar pendant plus de vingt ans à Poudlard, sans que jamais ses élèves ne soupçonnent un seul instant ce qu'il endurait au quotidien…
Un signal d'alarme résonna soudain dans sa tête. Quelque chose au sujet d'une odeur bizarre et familière… Il essaya de capturer cette pensée et de se rappeler… Il se trouvait dans le salon, s'apprêtant à sortir des papiers compromettants de leur cachette, quand des hommes l'avaient agressé au moment où il réalisait…
Rogue se redressa soudain comme un ressort. Hermione sursauta brusquement alors que le sorcier la saisissait aux épaules et la regardait avec affolement.
« L'alcool ! Est-ce que vous y avez touché ? » demanda t'il, paniqué. « Avez-vous bu l'absinthe ? »
Hermione secoua avec véhémence la tête. « Non ! Non !… Et vous ? »
« Non… Oh, Merlin ! Merci !… »
Le soulagement dans ses paroles en disait long sur la peur qu'il avait ressentie. Hermione lui sourit et lui serra l'épaule doucement pour le rassurer.
« Du cyanure… » prononcèrent-ils tous les deux en même temps en frissonnant.
Rogue hocha la tête. « Qui ? Qui étaient ces hommes ? »
« Quatre Moldus… Nous devrions les interroger… »
« Je m'en charge… » dit-il avec un regard vengeur.
Rogue se releva prestement et lui proposa de l'aider. Elle accepta la main gantée qu'il lui tendit. Une fois debout, il garda la main d'Hermione dans la sienne en regardant intensément la jeune femme dans les yeux.
« C'est la seconde fois que vous venez à mon secours… Comment vous remercier ? »
« Accordez-moi votre amitié, » hasarda Hermione en rougissant de son audace.
« Vous l'avez… » Et il lui baisa doucement la main, comme un galant homme le ferait avec une dame.
Ce simple geste de respect et de confiance toucha Hermione plus que tout au monde. Avec regret, il lui lâcha la main et retourna dans le salon où il trouva les bandits neutralisés.
« Où est le quatrième ? »
« Je l'ai transformé en crapaud. Il reprendra forme humaine dans vingt quatre heures. »
Rogue lui lança un regard acéré, indiquant à quel point il détestait ce qu'il appelait poliment 'les mouvements de baguette insensés'. Hermione s'en amusa et fut tentée de lui tirer la langue, mais finalement se contenta de lui dire :
« C'était la seule façon de le rendre inoffensif… Il allait vous égorger. »
Rogue se pencha sur l'homme saucissonné à ses pieds et défit son bâillon. Le Moldu se mit aussitôt à gémir et à supplier qu'on le libère.
« Tu vas nous dire ce que tu sais… » dit Rogue d'une voix glaciale. « Sinon, je te tuerai lentement pour en apprécier chaque seconde… »
Immédiatement impressionné, le Moldu écarquilla les yeux et lança un regard implorant vers Hermione qui resta parfaitement impassible.
« Tu ne dis rien ?… » Rogue sortit le poignard que le complice avait voulu utiliser contre lui quelques instants plus tôt. « … Voyons voir, par où vais-je commencer ? »
Rogue fit mine de chercher sur le corps tremblant de l'homme. Puis revint sur son visage. Avec un sourire diabolique, dont il avait le secret, il s'écria :
« Je sais ! Je vais d'abord t'arracher un oeil ! »
« Non ! »
« Ensuite, je passerai au second… »
« Par pitié ! »
« Dis-nous qui vous a envoyé ici… »
« Je ne connais pas son nom. Nous l'avons surnommé 'le Vampire' ! »
« Pourquoi ? A t'il d'étranges pouvoirs ? »
« Oui… Comme… comme votre amie ! »
« A quoi ressemble t'il ? »
« Il est grand… blond aux yeux bleus… sinistre… toujours habillé en noir et rouge… »
Rogue et Hermione échangèrent un regard significatif. Ils pensaient à la même personne, mais comment était-ce possible ?
« Pourquoi veut-il nous tuer ? »
« Je crois qu'il a un compte personnel à régler avec vous. »
« Tu crois ou tu en es sûr ? »
L'homme hésita. Rogue pointa son poignard vers son visage.
« J'en suis sûr ! »
« Et la jeune dame ? »
« Elle ne devait pas se trouver ici ! »
« Alors vous deviez aussi vous en débarrasser ? »
« Oui. Elle gênait. »
« Mais comment est-ce possible ? » demanda Hermione.
« Ils me surveillaient » répondit Rogue. « Quand ils ont vu que je n'allais pas mourir 'naturellement' grâce à vous, ils ont décidé d'agir. C'est bien ça, n'est-ce pas ? »
Le Moldu hocha la tête silencieusement.
« Où rencontriez-vous votre commanditaire ? » continua Rogue
« Je ne peux pas vous le dire. Il me tuerait… »
« Si ce n'est pas lui, c'est moi qui le ferais… Alors ? »
L'homme se tut. Hermione eut alors une idée et posa une main sur l'épaule de Rogue, pour l'empêcher d'aller plus loin.
« Combien vous a t'il payé ? Je suis prête à vous en offrir le double… »
« Cent mille Livres ! » s'écria l'homme. « … Je doute que vous ayez cette somme sur vous… »
« Et si je vous remettais ceci… » dit Hermione, en sortant l'Oeil de Venus. « … en gage de ma bonne volonté. »
« Miss Granger, non ! Ne faites pas ça ! » s'exclama Rogue, alarmé.
Le Moldu ouvrit des yeux grands comme des soucoupes en voyant la taille de la magnifique émeraude.
« Bon sang, ce n'est pas une vraie ? »
« Oh si, tout ce qu'il y a de plus vraie… »
« Vous êtes folle… » s'écria Rogue. « Cette pierre est inestimable ! »
Le Moldu regarda Hermione de manière incertaine. Rogue semblait en colère devant le geste inconsidéré de la sorcière, mais la jeune femme ne céda pas à son intimidation. Elle voulait qu'il lui fasse confiance.
« Il nous a donné rendez-vous demain soir au pub gothique MacMillan à Canterbury… » finit par dire l'homme.
Evidemment, ce nom éveillait des souvenirs chez nos deux compagnons. C'était un repaire de Mangemorts.
« Vous me libérez maintenant ? » demanda l'homme.
Hermione leva sa baguette. Rogue l'arrêta.
« Vous n'allez pas le libérer ! Il va aller tout raconter à celui qui est derrière tout cela ! »
Hermione lui fit un clin d'œil discret.
« Oubliettes ! » s'écria Hermione.
L'homme cligna des yeux plusieurs fois et demeura assis, à se demander ce qu'il faisait par terre, dans le salon de deux inconnus.
« Qu'est-ce que je fais ici ? Qui êtes-vous ? » demanda t'il.
Hermione prit doucement l'homme par le bras et le guida jusqu'à la porte d'entrée.
« Vous avez pris un mauvais coup sur la tête en travaillant. Vous devriez rentrer chez vous et vous reposer. C'est ce qu'il y a de mieux à faire… »
« Mais je ne me souviens de rien… »
« La mémoire vous reviendra plus tard… Ne vous inquiétez pas. Rentrez chez vous maintenant… »
« Mais c'est où, chez moi ? »
« Vous devez avoir un carnet d'adresses sur vous ? Regardez à l'intérieur et appelez un ami… » et sur ce, elle ferma la porte sur un homme passablement désorienté, perdu dans la rue.
Quand elle revint dans le salon, Rogue examinait les deux autres Moldus toujours inconscients.
« Qu'est-ce qu'on fait d'eux ? »
« On utilise le même sort que pour notre ami qui vient de partir et on les laisse ici. »
« Ici ? Et moi ? »
« Je crois que la meilleure solution, c'est que vous veniez à mon appartement. C'est plus sûr… Je ne pense pas que ces hommes savaient qui je suis… »
« Possible. Nous serons vite fixés de toute façon si c'est Malefoy qui a organisé tout cela. »
« Mais comment a t'il fait ? Il est en prison ! »
« Il dispose de réseaux d'informations qu'il continue à contrôler. Des hommes à lui ont dû retrouver ma trace. Il veut se venger. »
« Pourquoi ? »
« Pour la trahison de son fils et sa mort, dont il me rend responsable. »
« Draco ? »
Hermione resta perplexe un instant. Rogue se dirigea vers le buffet et s'agenouilla. Dans le fond du meuble, il actionna un mécanisme. La sorcière le regarda avec curiosité se pencher et chercher quelque chose à l'intérieur.
« … En outre, il sait que je détiens des preuves de son implication avec Voldemort. Moi, vivant, je représente un réel danger pour lui… Heureusement, ses sbires sont intervenus un peu trop tôt et ne m'ont pas vu fouiller dans ce meuble… pour retirer ceci… »
Rogue sortit une petite serviette en cuir brun assez ancienne, qu'il ouvrit et d'où il retira des parchemins tâchés.
« C'est le sang de Draco… Lucius a découvert qu'il travaillait pour moi, contre ses intérêts. Il a torturé son propre fils jusqu'à ce qu'il avoue tout... Draco a profité de l'intervention de sa mère, folle d'inquiétude, pour s'enfuir et venir me rejoindre… Il est mort dans mes bras en apportant ces documents qui accusent son père… »
« J'ignorais tout ceci… »
« Draco refusait d'être un Mangemort. Il pouvait être arrogant et fier, mais il était loin d'être un idiot… »
« Jamais je n'ai soupçonné qu'il était de notre côté… »
« Lui-même ne l'aurait jamais reconnu. Penser et agir comme Potter, allons donc, quelle idée ! » ajouta Rogue avec une grimace dédaigneuse.
Dans ses yeux brillait cependant une lueur amusée et Hermione éclata de rire, agréablement surprise. Elle venait de découvrir que Rogue avait un sens de l'humour particulier, ce qu'elle n'aurait jamais cru.
« Il faut mettre ces papiers en sécurité. » reprit la jeune femme après ces quelques secondes de distraction.
« Il n'y a qu'un endroit sur terre où personne ne viendra les chercher. »
« Gringotts... »
« Exact… Il faut qu'on parte maintenant. »
Hermione s'occupa des deux hommes pendant que Rogue jetait un dernier regard grimaçant à son salon. Enfin, il rejoignit la jeune femme qui s'apprêtait à les renvoyer à Londres.
« C'est sans regret que je quitte cet endroit… » dit Rogue.
« Je suis toute prête à vous croire… »
Avec un plop caractéristique et de petits scintillements, ils disparurent.
… A suivre…
Merci à toutes et à tous pour vos commentaires encourageants. Un seul mot d'ordre : continuez !
Je tenais aussi à m'excuser pour la petite erreur de temps dans le chapitre précédent. J'ai rectifié 'demain matin', par 'demain' (tout court)…
'Gueurnouillis' est un sort de mon invention. Tous les autres sorts existent dans les livres ou les jeux.
J'espère que les scènes d'action préfigurent bien de ce qui va se passer par la suite. Désolée pour les gens qui me réclament à corps et à cris un 'bisou', mais Severus Rogue est un gentleman qui, comme vous le découvrirez au fur et à mesure, est plutôt vieux-jeu… Ce qui ne l'empêchera pas d'être aussi un fieffé coquin…
Quand à Hermione, elle nous réserve quelques surprises, je ne vous dis que cela…
Le prochain chapitre porte sur le passé de Rogue et son histoire personnelle. Vous devriez apprendre plein de choses surprenantes… et logiques. Il est terminé depuis très longtemps – le seul chapitre écrit en amont - mais ne sera pas posté avant une semaine. Patience, donc…
A plus. Nadège.
