Bonjour à tous ! Désolée de pour ces trois semaines sans publication, j'avais dit que j'essayerais de ne pas dépasser les quinze jours, mais j'ai parfois du mal à tenir le rythme. En plus, je vous avais laissés en plein suspense, je sais, c'est mal. Voici donc la suite pour me faire pardonner, j'espère qu'elle vous plaira !

Merci à tous les lecteurs qui suivent cette histoire, qui ont la patience d'attendre mes updates et qui me laissent parfois un petit commentaire. J'espère que l'aventure vous tiendra en haleine jusqu'au bout !


Chapitre 40

Quand Sora rouvrit les yeux, des points lumineux mouchetaient sa vision. Peu à peu, son mal de tête s'apaisa, le monde se stabilisa autour d'elle. Lentement, elle se redressa. À cet instant, son sang se glaça dans ses veines : ses amis et leurs digimons avaient disparu, tout comme Dianamon. Seule Piyomon se trouvait encore à ses côtés. Cependant, en face d'elle se dressaient des démons qu'elle ne connaissait que trop bien : Daemon, Laylamon, Lucemon et … Yggdrasil !

Son cœur cogna contre sa cage thoracique, la faisant trembler de tous ses membres : quelques Seigneurs démoniaques avaient réussi à entrer dans le labyrinthe. Comment ? Elle l'ignorait. Sans doute grâce à la force de leur maître. Pourtant Yggdrasil, n'était-il pas censé être prisonnier de l'Océan des Ténèbres ? Avait-il acquis une telle puissance qu'il était capable d'en sortir ? Et pourquoi était-elle demeurée seule ? Où se trouvaient ses amis ? Son cœur battait, battait, comme un marteau frappe le fer chauffé à blanc. À cet instant, Yggdrasil, qui avait repris son apparence d'être de cristal, avança droit vers elle. Sora recula, le souffle court.

– Piyomon ! lança-t-elle. Digivolve-toi, je t'en prie !

– C'est que … il y a quelque chose d'étrange, Sora … je me sens si faible … je ne peux pas me digivolver …

– Quoi ? s'étrangla la jeune fille, paniquée.

Yggdrasil tendit alors un bras vers elle et la saisit par le poignet. Sora cria et se débattit, tenta de le repousser. À sa grande surprise, Yggdrasil lâcha prise. Elle se dégagea aussitôt et recula de nouveau de plusieurs pas.

– Sora ! cria soudain une voix.

Elle se retourna vers le coin de la salle duquel provenait le cri. Bouche bée, elle découvrit alors Yamato, qui venait de surgir d'un couloir.

– Yamato ! Les Seigneurs démoniaques nous ont retrouvés ! lui cria-t-elle. Piyomon, ne peut pas se digivolver, j'ai besoin de ton aide et de celle de Gabumon !

– Je ne sais pas où est Gabumon, nous avons été séparés !

Sora, horrifiée, sentit des sueurs froides couler dans sa nuque. Ils étaient seuls et Piyomon était leur dernière chance. À ce moment précis, Daemon se tourna vers Yamato et créa une boule de feu entre ses paumes.

– Non ! cria-t-elle en se précipitant vers le jeune homme.

Ils évitèrent le tir de justesse, roulèrent au sol, se relevèrent péniblement. Sora avisa les Seigneurs démoniaques : elle devait permettre à Piyomon d'évoluer coûte que coûte. La présence d'Yggdrasil décuplait sa peur et tremblait à l'idée qu'il puisse faire du mal à Yamato ou à sa partenaire. Cette peur se mua peu à peu en colère, puis en haine contre les Seigneurs démoniaques et contre Yggdrasil. Elle saisit son digivice et cria, d'une voix si impérieuse et chargée de rage qu'elle ne se reconnut pas elle-même :

– Piyomon, digivolve-toi !

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Quand M. Nishijima avait été frappé par le rayon éblouissant de Dianamon, il s'était caché les yeux avec la manche de sa veste. Une chaleur étrange l'avait alors envahi et une migraine vertigineuse avait vrillé ses tempes. Il ne savait plus où il se trouvait, ni qui il était, ni pourquoi il était venu dans le digimonde … où se trouvait le sol, où était le plafond ? Il n'aurait su le dire. Il lui semblait qu'une immense distorsion avalait le monde. Il avait vacillé et était tombé à genoux.

Peu à peu, l'espace s'était stabilisé, et il avait lentement retrouvé des sensations normales. Quand il avait abaissé son bras et rouvert les yeux, sa vision était encore trouble. Que s'était-il passé ? Où était-il ? Il battit des cils et distingua alors des silhouettes devant lui … mais ce n'était plus les Enfants Élus, ni Dianamon. M. Nishijima écarquilla les yeux, bouche bée. Devant lui se tenaient Ibuki, Eiichiro et Shigeru, ses amis d'enfance. Ses camarades qu'il avait vu mourir, dix ans auparavant. C'était impossible. Il les fixa tour à tour, sous le coup de l'émotion :

– Vous … vous êtes … vivants ? souffla-t-il. Comment est-ce possible ? Ne vous êtes-vous pas sacrifiés pour donner votre énergie aux Bêtes Sacrées ?

– Nous pouvons brièvement nous extraire de leur corps, expliqua Shigeru.

– Quoi ? Mais pourquoi ne l'avez-vous fait que maintenant ?

– Cela nous demande une importante énergie, que nous prenons aux Bêtes Sacrées, ce qui les rend plus faible pendant un court laps de temps, dit doucement Ibuki. C'est pourquoi nous évitons de le faire. Mais la situation critique dans laquelle toi et les Enfants Élus vous trouvez nous a poussés à agir.

– Alors, les Bêtes Sacrées sont entrées dans la bulle virtuelle ?

– Oui.

– Cela faisait longtemps que nous voulions te revoir, Daigo, dit Ibuki.

– J'ai si souvent rêvé de vous retrouver, mes amis … mais où sont les Enfants Élus ?

– Nous ne le savons pas, répondit Shigeru. Mais il faut rapidement trouver l'historique du monde digital.

L'agent se redressa. À cet instant, un rire diabolique se fit entendre derrière eux. M. Nishijima fit volte-face : un digimon se matérialisait peu à peu dans le labyrinthe. Quand son image se fut concrétisée, le professeur le reconnut immédiatement :

– Piedmon ! Comment es-tu arrivé ici ?

– Les Seigneurs démoniaques ont brisé la barrière de la bulle virtuelle, ricana le clown. Yggdrasil est déjà dans ce labyrinthe … mais je vois que tu es avec tes amis, Daigo. Cela va être un véritable plaisir pour moi de vous anéantir une deuxième fois.

– Ne leur fais pas de mal !

– Je ne vois pas ce qui m'en empêche …

En prononçant ces mots, Piedmon évolua : son visage de clown prit les traits d'un pirate décharné, vêtu à la mode du XVIIe siècle. De longues épées apparurent à sa ceinture. De ses deux paires de mains squelettiques, il en saisit quatre, qu'il lança en direction de Shigeru.

– Non ! cria M. Nishijima en s'interposant.

L'attaque le frappa en pleine poitrine. Cependant, alors que M. Nishijima s'attendait à sentir une lame entailler sa peau, il eut plutôt la sensation d'avoir reçu un coup de bâton. Aucune plaie ne s'ouvrit sur son torse, mais ses côtes cassées demeuraient suffisamment fragiles pour que l'attaque lui coupe le souffle. Il s'effondra au sol, une douleur terrible irradiant sa poitrine.

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L'attaque de Dianamon avait été subite et rapide. Joe et Hikari avaient vu Sora, Piyomon et M. Nishijima être frappés des rayons de la gardienne du labyrinthe avant qu'ils ne puissent intervenir. La lumière avait enveloppé leur corps pendant quelques minutes, de la même manière que leurs digimons l'avaient été avant de sombrer dans un profond sommeil. Cependant, ni Sora, ni Piyomon, ni M. Nishijima ne s'étaient évanouis. Ils avaient d'abord vacillé, comme s'ils ne réussissaient plus à maintenir leur équilibre, puis ils étaient tombés à genoux. La lumière qui les assaillit s'était soudain éteinte. Joe, inquiet, s'était approché de Sora :

– Sora, tu vas bien ?

La jeune fille avait lentement rouvert des yeux hagards et avait balayé le labyrinthe du regard. Puis, elle avait relevé la tête vers Joe, Hikari, Zudomon, Angewomon et Dianamon. Joe avait alors lu l'effroi le plus terrible dans les yeux de son amie. Elle s'était redressée d'un bond et avait reculé en criant :

– Piyomon ! Digivolve-toi, je t'en prie !

– C'est que … il y a quelque chose d'étrange, Sora … je me sens si faible … et je ne peux pas me digivolver ! avait répondu sa partenaire, qui avait elle aussi été touchée par le rayon de Dianamon.

– Quoi ? s'était étranglé la jeune fille, paniquée.

– Mais enfin, Sora, c'est moi, Joe ! s'était exclamé son ami en la saisissant par le bras.

La jeune fille avait crié et s'était débattue. Joe, interloqué, ne comprenait plus rien. Il l'avait lâchée et son amie avait reculé à plusieurs mètres de lui. Hikari sentait elle aussi qu'il se passait quelque chose d'anormal et l'angoisse compressait sa poitrine. Au même moment, M. Nishijima s'était redressé et avait dévisagé Zudomon, Angewomon et Joe avec une expression de profond bouleversement. Il souffla, incrédule :

– Mes amis … vous êtes … vivants ? Comment est-ce possible ? Ne vous êtes-vous pas sacrifiés pour donner votre énergie aux Bêtes Sacrées ?

– Qu'est-ce qu'il raconte ? s'étonna Zudomon.

– Il n'est pas dans son état normal, pas plus que Sora et Piyomon, déclara Angewomon. Hikari, c'est ce rayon que leur a envoyé Dianamon qui les met dans cet état !

– Que leur avez-vous fait ? lança Hikari à la gardienne avec colère.

– Je vous avais bien dit de ne pas sous-estimer le pouvoir de la lune, humains ! rit la gardienne. J'ai plongé vos amis dans une illusion ! Cette jeune fille, dit-elle en tendant la main vers Sora, vous prend pour ses ennemis, et ce monsieur, ajouta-t-elle, voit à la place de vos digimons ses amis décédés. Ces illusions réveillent leurs craintes et leurs souffrances intérieures, elles les rendent faibles et grâce à cela je vais gagner contre vous.

– Vous êtes monstrueuse ! lui jeta Hikari à la figure.

– Non, je mets à l'épreuve votre capacité à résister. Pour accéder aux secrets de l'historique du monde digital, il faut être capable d'affronter la vérité, même si elle effraie. Et je constate vous n'avez aucune capacité de résistance, humains. Aucune !

– C'est ce qu'on va voir ! rétorqua Joe. Hikari, il faut absolument ramener Sora et M. Nishijima à la raison !

L'adolescente acquiesça. Le jeune homme s'approcha à nouveau de son amie et lui dit :

– Sora, Sora c'est moi, Joe ! Tu me reconnais ?

– Laissez-moi tranquille ! s'écria la jeune fille.

– C'est inutile de lui parler, dit Dianamon à Joe d'une voix doucereuse. En ce moment, elle croit que tu es Yggdrasil.

– Yggdrasil ? répéta Joe, outré, mains sur les hanches. Vous me faîtes passer pour Yggdrasil ? Vous ne manquez pas de culot !

– Tout ce que tu peux lui dire n'aura aucun impact sur elle, poursuivit la gardienne. Je transforme toutes tes paroles dans son esprit pour lui faire entendre ce que je souhaite.

Joe serra les poings. Ils devaient absolument libérer ses amis de l'influence de la gardienne. S'ils ne pouvaient pas les atteindre par la parole, alors ils devaient vaincre Dianamon. C'était le seul moyen de briser l'illusion dans laquelle elle les maintenait. Il saisit son digivice :

– Zudomon, nous avons besoin de la puissance de Vikemon !

– D'accord !

Le digivice de Joe s'illumina, et Zudomon se digivolva en Vikemon.

– Artic blizzard ! lança-t-il.

– Yamato ! s'exclama Sora en se précipitant devant Dianamon.

– Sora, non ! s'écria Joe dont le sang ne fit qu'un tour. Vikemon, retiens tes masses !

Le digimon s'exécuta : ses armes passèrent à un cheveu de la tête de la gardienne et de Sora, qui s'était jetée devant elle. Joe pesta intérieurement : Sora prenait Dianamon pour Yamato ! Vikemon ne pourrait jamais l'attaquer dans ces conditions. C'était un cauchemar. La gardienne ricana :

– Grâce à vos amis, je suis intouchable !

Elle saisit alors sa lance armée de deux haches et la projeta vers Vikemon.

– Shigeru ! cria M. Nishijima.

Épouvantés, Hikari et Joe virent leur professeur s'interposer entre la lance et Vikemon. Heureusement, ce dernier réussit à lancer ses deux masses : elles frappèrent si durement la lance de la gardienne qu'elles en brisèrent les deux haches à ses extrémités. La barre métallique poursuivit néanmoins sa course et frappa M. Nishijima en pleine poitrine. Il s'effondra, le souffle coupé. Joe, atterré, fixa leur professeur au sol, puis Sora qui protégeait Dianamon, puis échangea un regard avec Hikari : ils n'allaient jamais y arriver.

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Dans l'illusion qui l'emprisonnait, Sora luttait toujours contre Yggdrasil. Elle saisit alors son digivice et cria à Piyomon, pour la grande terreur de ses amis :

– Piyomon, digivolve-toi !

À cet instant, le digivice émit une lumière sombre, très différente de la lueur rouge et chaleureuse qu'il produisait normalement. Dianamon sourit. Hikari, elle, sentit des sueurs froides couler dans son dos. Elle savait exactement ce qui était en train de se produire.

– Non, Sora, non ! lui cria-t-elle, désespérée.

– Ah, ah, ah ! rit Dianamon. Voilà ce que j'attendais ! Votre incapacité à vous dominer, humains, va se retourner contre vous et vos partenaires !

Le corps de Piyomon avait commencé à s'illuminer, de la même manière que lorsqu'elle évoluait habituellement. Toutefois, la lumière qui l'entourait était contaminée par des vapeurs noires inquiétantes. Hikari les fixait, effrayée : il s'agissait des mêmes vapeurs que celles qui avaient enveloppé Holydramon dans l'Océan des Ténèbres, lorsqu'elle s'était laissé envahir par le désespoir. Le désespoir qui avait corrompu la lumière qui habitait son cœur. Pour Sora, ce n'était pas le désespoir, mais la colère, la rage qui la gagnaient en cet instant. La colère qui annihilait l'amour qu'elle portait normalement aux autres.

– Joe ! lança Hikari à l'adolescent. Sora est en train de pousser Piyomon à réaliser une évolution sombre ! Il faut l'en empêcher !

– Quoi ? Mais … comment peut-on l'arrêter ?

– Je … je ne sais pas … il faudrait que …

– Trop tard ! s'exclama Angewomon.

En effet, Piyomon avait déjà réalisé sa transformation. Quand les vapeurs violettes se dissipèrent, le digimon qui surgit ressemblait à Birdramon, mais son plumage noir luisait comme de l'encre il arborait une expression vindicative et mauvaise.

– C'est Saberdramon ! s'exclama Vikemon. La forme virus de Birdramon !

L'oiseau décolla et ouvrit ses ailes : des flammes noires en jaillirent en direction des digimons de Joe et d'Hikari. Ceux parèrent son attaque sans difficultés, car leur niveau de digivolution était supérieur à celui de Saberdramon. Néanmoins, ils n'osèrent pas contre-attaquer : ils n'oubliaient pas que cette créature effrayante avait été Piyomon avant d'effectuer une digivolution sombre, et Piyomon était leur amie. Joe et Hikari le savaient tout autant qu'eux. Néanmoins, Saberdramon se préparait à leur lancer une nouvelle salve de flammes.

– On n'a pas le choix ! cria Joe aux deux digimons. Maintenez Saberdramon à distance le temps que l'on trouve une solution pour raisonner Sora et M. Nishijima !

Au même moment, Dianamon tirait une nouvelle flèche de son carquois et bandait son arc en direction des partenaires de Joe et d'Hikari. Vikemon saisit ses masses et brisa la flèche. La gardienne ramassa alors sa lance, réduite à une simple barre métallique, et attaqua le digimon frontalement. Saberdramon ouvrit ses ailes dans le même temps.

– Angewomon, occupe-toi de Saberdramon ! lança Vikemon à l'ange. Je m'occupe de Dianamon !

– D'accord !

Hikari, déchirée, vit sa partenaire fuser vers l'oiseau noir pour le repousser, tandis que Vikemon résistait contre Dianamon. Les illusions que la gardienne du labyrinthe avait créées poussaient le digimon de Sora à se battre contre ses propres amis, tandis que M. Nishijima aurait pu mourir si Vikemon n'avait pas détruit les haches qui armaient la lance de Dianamon à temps. Elle serra les poings, et d'une voix déterminée, elle lança à Joe :

– Retourne voir Sora, je m'occupe de M. Nishijima ! Il faut rompre le sortilège de Dianamon ! On ne peut pas la laisser gagner !

Joe dévisagea la jeune fille, ému par son courage. Il acquiesça et courut résolument vers Sora, pendant qu'Hikari se dirigeait vers M. Nishijima.

Sora avait vu Birdramon être attaquée par Laylamon, tandis que Daemon avait emprisonné Yamato d'un cercle de feu sans qu'elle ne puisse s'interposer. Elle se sentait si faible, si impuissante. Birdramon luttait contre la démone, mais ses pouvoirs étaient nettement inférieurs aux siens. Elle ne pouvait pas lui tenir tête et protéger sa partenaire en même temps, et Sora le savait. Leurs ennemis étaient trop nombreux. La peur et la colère la dévoraient. À ce moment, Yggdrasil avança de nouveau vers elle d'un pas décidé. La jeune fille, tétanisée, recula, recula, jusqu'à buter contre le mur du labyrinthe. Yggdrasil la saisit alors par le bras. Elle cria, se débattit, mais cette fois Yggdrasil ne la lâcha pas.

Joe tenait Sora par le poignet tandis qu'elle s'agitait comme une forcenée pour lui échapper. Sans lâcher prise, il tenta de la calmer :

– Sora ! Sora, écoute-moi ! C'est moi, Joe !

Rien à faire. Ses paroles ne l'atteignaient pas Dianamon les modifiaient pour faire entendre à la jeune fille ce qu'elle désirait. Comment faire ? Il fallait qu'il trouve un moyen de lui faire reprendre contact avec le monde réel. Une idée traversa son esprit. Ça ne marcherait peut-être pas, mais au point où il en était, il n'avait plus rien à perdre.

– Sora, donne-moi ta main !

Voyant qu'elle ne réagissait pas, il saisit sa main droite et déplia ses doigts. Puis, il retira ses lunettes et les posa dans sa paume.

Sora tressaillit : quand Yggdrasil lui avait ouvert de force la main, elle pensait qu'il allait utiliser le pouvoir de la glace sur elle. Au lieu de cela, il y avait déposé un objet invisible. Elle replia les doigts, perplexe : pourquoi ne voyait-elle rien dans sa paume ? Elle y sentait pourtant quelque chose. Cela ressemblait à du verre, avec des baguettes de métal. Elle releva la tête vers le Seigneur de l'Océan des Ténèbres, stupéfaite : il l'avait relâchée et la regardait étrangement, en silence. Que se passait-il ?

Pendant ce temps, Hikari courut vers M. Nishijima qui était toujours plié en deux à cause de la douleur de ses côtes cassées.

– Monsieur ! Monsieur, est-ce que vous m'entendez ? lui demanda-t-elle, inquiète, en s'agenouillant près de lui. Vous avez mal ?

Le professeur ouvrit faiblement les yeux et releva la tête vers elle. À cet instant, sa bouche s'ouvrit sans qu'il n'en sorte un son, ébahi. Entre deux respirations haletantes, il murmura d'une voix incrédule :

– Hime … Hime, c'est toi ?

Hikari tressaillit, désarçonnée : M. Nishijima la prenait pour Mlle Himekawa. La jeune fille savait qu'il avait éprouvé des sentiments pour elle, et qu'il en éprouvait probablement encore. Elle l'avait deviné très tôt, bien avant que leur professeur ne se confie à Taichi. Elle savait qu'il se reprochait de ne pas avoir pu la sauver. Que devait-elle faire, à présent, pour le ramener dans le monde réel ? Tandis qu'elle réfléchissait à toute vitesse, Dianamon pointa une flèche dans leur direction.

– Vite, levez-vous ! lança-t-elle à M. Nishijima en l'aidant à se redresser.

Ils évitèrent de justesse la pointe métallique et se plaquèrent contre un mur. Tandis qu'ils reprenaient haleine, le professeur souffla à la jeune fille :

– Hime … tu es revenue ? Tu as cessé de servir Yggdrasil ?

Hikari se détacha de la paroi et le dévisagea. Il y avait tant d'espoir dans sa voix, dans ses pupilles. Mais ce qu'il voyait n'était qu'une illusion.

– Je ne suis pas Maki Himekawa, monsieur, dit-elle tandis qu'une ride de peine se creusait sur son front.

Ses paroles n'eurent aucun effet. M. Nishijima continuait de la fixer, rempli d'espérance. Hikari, le cœur battant, se demandait comment elle pourrait mettre fin à ce envoûtement terrible. Elle voulait croire qu'en continuant de parler au professeur, ses paroles auraient finalement un impact sur son esprit.

Joe dévisageait Sora, dont l'expression s'était troublée. Son astuce semblait fonctionner. La jeune fille touchait sa paire de lunette, dubitative. Elle ne semblait pas la voir, mais tout au moins pouvait-elle la sentir. Joe serra les dents : à présent que son amie commençait à douter, il ne devait pas la laisser retomber entre les griffes de Dianamon. Il savait que la gardienne tenterait d'influencer son esprit pour dissiper le trouble que lui causait cette paire de lunette. Comment lutter contre son pouvoir ? Sora n'entendait pas ses paroles, elle ne pouvait que percevoir sa présence. Si seulement il pouvait interférer les paroles que Dianamon diffusait dans sa tête, il pourrait …

Il s'immobilisa brusquement. Un souvenir venait de ressurgir dans son esprit : six ans auparavant, alors que Devimon l'avait séparé de ses amis par la dislocation de l'île des Fichiers Binaires, il s'était retrouvé sur île avec Sora. Là, ils avaient été capturés par des Bakemon, des digimons fantômes qui projetaient de les dévorer pour leur dîner. Heureusement, Gomamon et Piyomon s'étaient digivolvés à temps pour les sauver. Néanmoins, le chef des Bakemon était puissant, et leurs digimons ne parvenaient pas à le vaincre. Joe s'était alors souvenu que les incantations shintoïstes pouvaient affaiblir les fantômes. Il en avait donc récité une, avec l'aide Sora qui marquait le rythme en tapant sur son casque avec un bâton de bois. La prière avait effectivement diminué les pouvoir du chef des Bakemon Ikkakumon et Birdramon avaient alors pu le terrasser.

Et si le pouvoir de lune que contrôlait Dianamon pouvait être altéré de la même manière ? Il devait tenter le coup. Joe fronça les sourcils, posa les mains sur ses genoux et ferma les yeux. Intérieurement, il formula : « Pouvoir de la lune contrôlé par Dianamon, que cette prière détruise ton influence … Sora, entends-moi … c'est moi, Joe … pouvoir de la lune contrôlé par Dianamon, que cette prière détruise ton influence … Sora, entends-moi … c'est moi, Joe … » À mesure qu'il répétait ces paroles, il eut la sensation d'entrer peu à peu dans l'esprit de Sora. Cependant, une autre force s'y trouvait, une force qui voulait l'empêcher d'atteindre son amie. Dianamon. Joe réitéra son incantation avec plus de détermination. La puissance qui envahissait l'esprit de Sora sembla ployer, sa résistance s'étiolait …

Hikari s'approcha de M. Nishijima et lui dit doucement :

– Monsieur, je ne suis pas Maki Himekawa. Ceux que vous voyez autour de vous ne sont pas vos amis. Vos amis ont fait le plus grand sacrifice qui soit pour protéger le monde digital et le monde réel, il y a dix ans. Leur énergie nourrit maintenant les Bêtes Sacrées. Je sais qu'ils doivent vous manquer. Mais leur souvenir, lui, sera toujours dans votre cœur.

M. Nishijima fixa intensément la jeune fille. Son expression se modifia. Il sourcilla, comme s'il entrevoyait que celle qui lui faisait face n'était pas la Hime qu'il connaissait.

– Je sais que vous voudriez que cette illusion soit la réalité, poursuivit Hikari. Mais ce n'est qu'une ruse de Dianamon. Résistez-lui, monsieur. Je sais que vous le pouvez. Je ne suis pas Maki Himekawa. Je m'appelle Hikari Yagami. Je suis la sœur de Taichi Yagami. Vous rappelez-vous de Taichi, monsieur ? Vous lui avez sauvé la vie.

À mesure qu'elle prononçait ces paroles, le trouble grandit dans le regard de M. Nishijima. Il secoua la tête. Que lui arrivait-il ? Qui était ces murmures qui s'entrechoquaient dans son esprit ? L'une des voix, grave et impérieuse, semblait avoir le dessus, mais il s'efforça de prêter plus d'attention à l'autre. C'était un timbre jeune et doux. Il ne comprenait pas totalement ce que cette voix lui disait, mais soudain un mot se détacha du reste de ses paroles. Un mot qui eut l'effet d'un détonateur dans son esprit.

Taichi. Taichi Yagami. Oui, il se souvenait. Les Enfants Élus avaient besoin de lui. Il releva la tête vers ses amis d'enfance, vers Voltobautamon : leur corps devenait étrangement flou, s'effaçait. Le cœur du professeur se mit à battre. Ce qu'il voyait n'était pas réel. Quelqu'un l'appelait, quelqu'un qui avait mentionné le nom de Taichi. Il devait sortir de cette illusion. Il ferma les yeux et entreprit de repousser la voix qui le maintenait dans ce monde irréel.

Sora se sentait complètement déboussolée. Yggdrasil, après l'avoir fixée intensément, avait fermé les yeux, à genoux sur le sol. Quelques minutes passèrent, et tout-à-coup la jeune fille entendit deux voix dans sa tête. Ces voix résonnaient comme un écho contre ses tempes. Elles s'affrontaient. L'une était féminine, doucereuse … l'autre était masculine, ferme. Que se passait-il ? Elle sentait toujours l'objet invisible en verre dans sa main. Soudain, le monde autour d'elle devint trouble. Elle ne voyait plus Yggdrasil, ni les Seigneurs démoniaques, ni Yamato … et la voix féminine s'évanouit peu à peu, comme si elle était en train d'être anéantie. Elle entendit alors plus nettement la voix masculine : « Sora, entends-moi … » Cette voix. C'était celle de Joe. Sora regarda de nouveau devant elle : le monde devenait de plus en plus confus. Brusquement, elle comprit : tout ce qu'elle voyait n'était qu'une hallucination. Yggdrasil et les Seigneurs démoniaques n'étaient jamais entrés dans le labyrinthe. Elle n'avait jamais été séparée de ses amis, et c'était Joe, en cet instant, qui tentait de la sauver de l'illusion dans laquelle elle avait été plongée. Elle ferma les yeux et secoua la tête énergiquement. Quand elle les rouvrit, Yggdrasil avait disparu. En face d'elle, Joe agenouillé sur le sol, la fixait avec une expression de soulagement. Il avait réussi. Sora cligna des yeux, hébétée.

– Que s'est-il passé ?

– Dianamon t'avait envoûté grâce au pouvoir de la lune. Mais je me suis rappelé notre combat contre les Bakemon, il y a six ans, et j'ai pu te sortir de son influence.

Sora sourit à son ami, reconnaissante.

– Merci, Joe. Mais … où sont tes lunettes ?

– C'est toi qui les as, répondit-il avec un sourire.

La jeune fille ouvrit la main et demeura stupéfaite : l'objet en verre. C'était donc ça ! Joe avait toujours de bonnes idées. Elle releva alors la tête et vit Angewomon se battre contre Birdramon, dont le plumage était devenu entièrement noir.

– Qu'est-il arrivé à Birdramon ? s'exclama-t-elle, effrayée.

– Pendant ton envoûtement, tu l'as conduite à effectuer une digivolution sombre parce que tu étais affolée, expliqua Joe.

– Je n'ai jamais voulu faire ça ! Birdramon ! Je t'en prie, pardonne-moi ! Je tiens à toi !

Alors que le cri de la jeune fille se répercutait en écho dans tout le labyrinthe, une lumière claire enveloppa Saberdramon. Elle régressa soudain en Piyomon et s'effondra au sol. La jeune fille courut la prendre dans ses bras :

– Piyomon, excuse-moi ! Je ne savais pas ce que je faisais ! Je suis vraiment désolée … je ne voulais pas …

– Je … je sais, lui murmura sa partenaire.

À quelques mètres de Joe et de Sora, la vue de M. Nishijima redevenait stable. Quand il releva la tête, Eiichiro, Ibuki et Shigeru avaient disparu. Voltobautamon également. Quant à Hime, elle n'avait jamais été en face de lui : c'était Hikari qui l'avait aidé à sortir du maléfice qui l'emprisonnait. Il cligna des yeux, déconcerté.

– Que m'est-il arrivé ?

– Dianamon vous avait plongé dans une illusion, lui expliqua Hikari. Mais je savais qu'en gardant espoir, ma voix parviendrait jusqu'à vous.

Le professeur la dévisagea longuement, puis lui sourit avec reconnaissance :

– Merci. Tu as apporté la véritable lumière dans mon cœur.

Hikari sourit à son tour. À cet instant, son digivice brilla d'une lumière rosée et Angewomon accéda au son stade méga : Holydramon décolla vers la gardienne du labyrinthe et ouvrit la gueule pour cracher un feu vert étincelant. Celle-ci émit un cri aigu de rage en constatant que son pouvoir avait été vaincu. Les croissants de lue qui armaient ses tibias crachèrent un nouveau rayon lumineux vers la barre métallique qu'elle tenait, et aussitôt, la lance s'arma de deux nouvelles haches. La gardienne s'élança, mais Vikemon et Holydramon répliquèrent. Quand le feu émeraude d'Holydramon percuta la lance de Dianamon, tout le labyrinthe trembla. Au même instant, les masses de Vikemon ouvrirent une faille profonde dans le sol. Hikari bondit en arrière tandis qu'une crevasse la séparait de M. Nishijima. Joe et Sora, qui tenait Piyomon dans ses bras, reculèrent à leur tour. Joe vit une nouvelle brèche se former sous les pieds d'Hikari.

– Attention !

Il se précipita et tira la jeune fille en arrière avant qu'elle ne tombe dans le fossé. Sora paniquée, releva la tête vers M. Nishijima, qui se trouvait seul de l'autre côté de la brèche. Au même instant, elle remarqua une silhouette derrière lui, qui venait de déboucher d'un couloir latéral. Ses yeux s'écarquillèrent.

– Professeur ! s'écria-t-elle. C'est Mlle Himekawa !

M. Nishijima fit volte-face : ses yeux rencontrèrent alors ceux de Maki Himekawa, qui s'était immobilisée. Contrairement à l'illusion dans laquelle l'avait plongé Dianamon, aucune chaleur n'habitait le regard de cette Hime-là. La jeune femme tourna les talons et repartit en courant.

– Suivez-la ! cria Joe au professeur. Il ne faut surtout pas qu'elle s'empare de l'historique du monde digital !

M. Nishijima acquiesça et voulut s'élancer. Au même moment, une grimace contracta tous ses traits et un élancement terrible lui traversa les côtes. Il inspira longuement, serra les dents, en essayant mentalement de faire fi de la douleur. Puis, il reprit sa course. Il tourna à droite, accéléra la cadence. Quand il arriva à un embranchement, il regarda dans toutes les directions. Personne. Il ne pouvait pas la perdre ! Il entendit alors des bruits de pas dans un couloir sur la gauche. Il se remit à courir et au bout du couloir, il distingua à nouveau Hime sur la droite.

– Maki ! Arrête !

Son cri se perdit dans les méandres du labyrinthe. Il courut de plus belle, tourna à gauche, puis à droite, encore à droite, puis de nouveau à gauche. La douleur de ses côtes lui remontait jusque dans la mâchoire, il commençait à avoir le tournis. Il força l'allure. Maki avait disparu mais il entendait toujours ses pas. Elle n'était pas loin. Il prit de nouveau deux fois à gauche, puis à droite.

Une lumière attira soudain son regard et il s'immobilisa : au fond du couloir, sur sa droite, il devina une salle éclairée d'une lumière pâle et pure. Le cœur du labyrinthe ! Il marcha le plus vite qu'il le put dans cette direction, en se tenant les côtes.

Il pénétra alors dans une petite salle ronde sur laquelle débouchaient cinq couloirs, telles les branches d'une étoile. Au centre de cette salle, un livre trônait sur un autel de pierre. Il mesurait au moins trente centimètres de hauteur. Le cuir bleu nuit de sa couverture attirait tout de suite l'œil : son grain semblait moucheté de poussière d'étoile, brillant dans la semi-obscurité du labyrinthe comme de la nacre et projetant sur les murs des lueurs tantôt rosées, tantôt vertes, tantôt bleues, tantôt mordorées.

C'était l'historique du monde digital.

Alors que M. Nishijima s'avançait pour s'en saisir, des bruits précipités de pas résonnèrent dans le souterrain. Maki Himekawa fit brusquement irruption dans la salle ovale, le souffle court. Elle repéra immédiatement le livre et fit un pas en avant pour s'en emparer.

– Hime, non ! s'exclama M. Nishijima.

Ils s'élancèrent vers l'autel de pierre en même temps. Là, ils se figèrent, face à face, le livre entre eux. M. Nishijima se rappela l'espoir qui avait inondé son cœur, quand, prisonnier de l'illusion de Dianamon, il croyait qu'Hime était revenue vers lui. Cependant, l'impassibilité avec laquelle elle le fixait en cet instant balaya cette espérance comme le sable étouffe le feu. Maki Himekawa, elle aussi, le dévisageait intensément. Elle savait qu'elle ne devait pas faiblir, ne pas douter. Pourtant, derrière la glace de son regard, son cœur vacillait. Les paroles de Wisemon résonnaient dans sa tête avec un timbre menaçant, accusateur. Elle songea une nouvelle fois à Bakumon, releva la tête vers Daigo, le sang battant à ses tempes. Le professeur sentit son oscillation. D'une voix douce, il lui dit :

– Hime … Yggdrasil se sert de toi. Il ne pense qu'à lui et ne pensera jamais à toi. Ne continue pas à le servir. Nous pouvons trouver les réponses à nos questions par nous-mêmes, dans ce livre.

Il hésita un instant, puis ajouta :

– Je sais que tu as souffert. J'aurais voulu l'avoir compris plus tôt, pour être à tes côtés quand tu en avais besoin. Pardonne-moi.

Mlle Himekawa cilla, se troubla. Elle agrippa ses doigts à l'autel sur lequel reposait le livre comme si elle voulait se retenir, comme si elle voulait raffermir sa pensée.

M. Nishijima la fixait, percevait son émotion. Allait-elle, pour la première fois, l'écouter ? Le cœur battant, il la vit se redresser, le dévisager à nouveau …

… et arracher l'historique du monde digital de l'autel sur lequel il était exposé. Avant qu'il n'ait eu le temps de réagir, elle s'enfuit en courant.

– Hime, non ! hurla-t-il en s'élançant à sa suite.

À cet instant précis, la douleur de ses côtes irradia si fortement dans sa poitrine qu'elle lui coupa le souffle. Il s'arrêta net. Un violent vertige lui monta à la tête, sa vue se brouilla. Il se retint à un mur et ouvrit la bouche pour tenter de reprendre sa respiration.

Au même moment, un énorme grondement se répercuta en écho dans le labyrinthe. Il semblait que le monde digital rugissait. À différents points du dédale, les Enfants Élus se figèrent. Sous leurs yeux stupéfaits, le labyrinthe commença à se désintégrer. Mur par mur, couloir par couloir, tout explosa en une pluie de pixels. Ils se retrouvèrent alors à l'extérieur, devant la pyramide. Celle-ci se désagrégea à son tour, ses pierres se volatilisant comme de la vapeur. Puis, les maisons de la ville qu'ils avaient traversée, les rues, les habitations, les fontaines, la pelouse, tout disparut, comme un squelette déjà vieux de plusieurs siècles tombe en poussière. Finalement, la bulle virtuelle qui abritait la ville éclata.

Ils se retrouvèrent alors sur le plateau venteux du nord du digimonde … et devant eux se tenaient les Sept Seigneurs démoniaques. Ils serrèrent les dents : tous leurs digimons avaient déjà utilisé leurs forces pour lutter contre les gardiens du labyrinthe, et tous avaient régressés. Ils n'étaient plus en état se battre. M. Nishijima, désespéré, vit Mlle Himekawa monter sur le dos de Leviamon tout en serrant contre elle l'historique du monde digital. Les Seigneurs démoniaques décollèrent, et avant qu'aucun des partenaires digimons des adolescents n'aient le temps d'agir, ils furent hors de portée. Anéantis, les Enfants Élus les virent s'éloigner, tandis que la bourrasque du nord du monde digital gémissait.

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Les Seigneurs démoniques rejoignirent rapidement l'Océan des Ténèbres. Quand Mlle Himekawa se laissa glisser du dos de Leviamon, elle leva la tête vers la pagode d'Yggdrasil avec inquiétude. Elle avait quitté l'Océan des Ténèbres depuis cinq jours. C'était le délai qu'avait fixé Yggdrasil avant d'utiliser la spore de Ken Ichijouji. Elle espérait qu'il ne soit pas trop tard.

Ce fut Piedmon qui les accueillit. Voyant qu'il voulait lui prendre l'historique du monde digital pour le remettre lui-même à Yggdrasil, Maki Himekawa le serra plus fort contre elle.

– Ce n'est pas vous qui avez affronté les épreuves du labyrinthe où se cachait ce livre, que je sache. Alors ce ne sera pas vous non plus qui l'apporterez à Yggdrasil.

Piedmon la toisa avec dédain, puis haussa les épaules et la conduisit, elle et les Seigneurs démoniaques, dans la grande salle. Yggdrasil y trônait, impénétrable. Il avait repris son avatar de glace, qui le rendait si majestueux et si implacable à la fois. Quand il vit l'historique du monde digital, néanmoins, une convoitise ardente incendia son regard.

– Vous l'avez trouvé ?

– Oui, acquiesça Mlle Himekawa en détachant le livre de sa poitrine. Voici l'historique du monde digital, seigneur.

Yggdrasil se saisit de l'ouvrage avec une délicatesse à laquelle se mêlait une avidité frémissante. Il brûlait de le lire. Il releva alors la tête vers les Seigneurs démoniaques et Mlle Himekawa.

– Laissez-moi seul.

Tous s'inclinèrent et se retirèrent. Mlle Himekawa, toutefois, s'approcha d'Yggdrasil avant de sortir.

– Seigneur …

– Qu'y-a-t-il ? demanda-t-il, agacé.

– Le jeune humain que vous gardez en prison, Ken … avez-vous déjà utilisé sa spore ?

– Hum … pas encore, déclara Yggdrasil avec humeur. Il me résiste, veut repousser les ténèbres qui se referment pourtant sur lui comme un étau. Je pensais encore attendre jusqu'à demain. D'ici-là, sa spore sera suffisamment mûre pour que je puisse l'extraire.

Mlle Himekawa soupira intérieurement : l'enfant était toujours en vie. Pas pour longtemps, hélas.

– Bien. Seigneur Yggdrasil ?

– Quoi, encore ?

– J'ai risqué ma vie pour vous rapporter cet historique. Les informations qu'il contient m'intéressent vivement. Pourrais-je moi aussi le consulter quand vous en aurez fait une première lecture ?

Yggdrasil la considéra avec hauteur, comme importuné par l'insolence de la jeune femme.

– Je me moque de votre peur de la mort, humains. Si tu as risqué ta vie, c'est ton problème. Quant à ce livre, j'en serai l'unique lecteur.

– Vous m'aviez dit que je trouverai les réponses à mes questions dans cet ouvrage, que je pourrai le lire ! Si vous ne respectez pas votre parole, vous ne valez pas mieux qu'Homeostasis !

Yggdrasil releva la tête vers elle et la dévisagea d'un regard si pénétrant et si froid qu'elle eut la sensation que son corps avait été plongé dans un lac gelé. Elle cilla, tremblante : elle était allée trop loin. Elle le lisait dans les yeux d'Yggdrasil. Celui-ci tendit alors la main devant lui et elle sentit l'air lui manquer, ses membres se refroidir. Elle tomba à genoux, affaiblie. Soudain, l'emprise du Seigneur des Ténèbres se relâcha. Tandis qu'elle se redressait, pantelante, elle entendit sa voix prononcer durement :

– Ne me compare jamais à Homeostasis, humaine. Je n'ai rien en commun avec lui. Sors d'ici.

Lentement, elle se redressa et quitta la grande salle en chancelant. Quand elle fut seule dans les couloirs de la pagode, elle se mordit l'intérieur de la joue pour s'empêcher de crier. Une fois de plus, elle avait tout sacrifié pour parvenir à la connaissance, et elle avait été trahie.

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Après avoir vu les Seigneurs démoniaques et Mlle Himekawa disparaître, les Enfants Élus, accablés, étaient demeurés sur le plateau battu par les vents du monde digital. Désormais, plus rien ne leur importait. Ils n'avaient même plus la force de chercher un abri. Tous les efforts de Koushiro et du directeur de l'Agence, toutes les épreuves qu'ils venaient d'affronter avaient été vaines. M. Nishijima, en particulier, se sentait terriblement responsable.

– C'est ma faute. Si je n'avais pas eu ces maudites côtes cassées, j'aurais pu courir plus vite, j'aurais pu la rattraper …

– Cela ne sert à rien de vous culpabiliser, dit Takeru.

– C'est vrai, acquiesça Taichi. Nous sommes tous responsables.

Ils baissèrent les yeux vers le sol, découragés.

– Sans l'historique, nous n'aurons jamais accès à la connaissance qui nous aurait permis de vaincre Yggdrasil, dit Koushiro. Et qui sait ce qu'il va trouver dans ce livre et qu'il pourrait utiliser contre nous …

– Alors, il n'y a aucun espoir ? souffla Mimi, effrayée.

– Cette fois, c'est quand même mal parti, reconnut Joe.

– Après tout ce que nous avons traversé ? s'exclama Sakae. Ce n'est pas possible !

– Pourtant, c'est peut-être la vérité, dit gravement Yamato.

Ils demeurèrent en silence. Seul le vent autour d'eux rugissait, tandis que le ciel de tempête glissait vers la nuit. À cet instant, Takeru releva la tête et serra le poing droit :

– Non, ça ne peut pas se finir comme ça ! Nous avons trop donné de nous-mêmes pour laisser Yggdrasil gagner !

Meiko le dévisagea et elle acquiesça, tandis qu'un éclair combatif se rallumait dans ses yeux :

– Takeru a raison. Nous avons consenti trop de sacrifices pour nous avouer vaincu maintenant !

– Mais que voulez-vous que nous fassions à présent qu'Yggdrasil a le livre ? demanda Hikari d'une petite voix.

Taichi se tourna vers la mer du nord qu'ils devinaient au-delà du plateau, au-delà de la forêt qui s'étendait au pied de la falaise.

– Allons libérer Xuanwumon. C'est la dernière Bête Sacrée. Yggdrasil est en possession d'informations que nous ignorons, nous devons donc nous préparer à ce qu'il attaque à tout moment. Nous n'avons plus le choix : nous devons réunir les quatre Bêtes Sacrées pour tenter de faire un contrepoids à ce qu'il pourrait mettre en œuvre.

– Je suis avec toi, Taichi, déclara Takeru.

– Moi aussi, acquiesça Meiko.

– Moi aussi, renchérit M. Nishijima fermement en se levant. Il est temps d'assumer nos erreurs.

– Et vous ? demanda Taichi en se tournant vers le restant de ses amis.

Sora, Yamato, Joe, Koushiro, Mimi, Sakae et Hikari échangèrent des regards dubitatifs. Puis, ensemble, ils se levèrent à leur tour. Ils n'admettraient pas aussi facilement la défaite.