Bonjour à tous ! Avant tout chose je tiens à vous souhaiter un joyeux Noël ! J'espère que malgré le contexte difficile de cette année vous pourrez passer un bon moment avec vos proches. Voici donc le chapitre 42, avec le retour de personnages que vous serez sans doute contents de revoir !
Je souhaite remercier tous ceux qui suivent cette histoire depuis que j'ai commencé à la publier, ainsi que ceux qui seraient en train de la découvrir. Merci aussi à ceux qui me laissent une petite review, ça me booste toujours pour continuer à corriger et mettre en ligne la suite de cette fic :)
J'espère que ce nouveau chapitre vous plaira !
Chapitre 42
Les vagues de la mer anthracite se brisèrent avec fracas sur les rochers. L'écume gicla dans les airs et se perdit en embruns qui mouillèrent le visage des Enfants Élus. Dès que le jour s'était levé sur la forêt où ils avaient dormi, ils s'étaient remis en route pour parvenir à la mer du nord. Une brume matinale humide enveloppait le rivage ; ils ne voyaient pas à deux cents mètres devant eux. La température avait continué de baisser et à chacune de leur expiration un nuage de buée s'élevait de leur bouche.
– Selon mes calculs, avança Koushiro, Xuanwumon se trouve sur une île à une demi-heure de traversée. S'il n'y avait pas autant de brouillard, je pense que nous la verrions de là où nous sommes.
– Alors, dit Taichi, rejoignons-la au plus vite.
– Je crois qu'il n'y a pas mille solutions, déclara Yamato. Il faut nous fabriquer un radeau si nous voulons traverser pouvoir traverser cette mer.
– Tu as raison, approuva Takeru.
Digimons et humains se mirent à l'ouvrage. Ils abattirent plusieurs arbres, coupèrent les racines et le feuillage pour ne conserver que les troncs, qu'ils lièrent entre eux. Comme ils étaient nombreux, ils durent prévoir une embarcation suffisamment large et robuste pour les supporter tous. Bientôt, le radeau fut mis à flots et ils se hissèrent à bord. Puis, à l'aide de rames, ils mirent le cap vers la position calculée par Koushiro. Le brouillard qu'ils traversaient était si compact qu'il en paraissait solide, comme une ouate en suspension qui étouffait jusqu'au bruit de leur progression sur l'eau.
– Je ne capte plus rien, déclara Koushiro en fermant son portable, mais on ne devrait pas tarder à voir l'île.
Tous les Enfants Élus et les digimons regardèrent droit devant eux. D'abord, ils ne distinguèrent rien.
Puis, ils se figèrent, bouche bée : l'arête d'un mur de pierre venait d'émerger de la brume. Ils avancèrent encore et soudain, ils se retrouvèrent devant une paroi noire d'au moins sept mètres de haut, dont la base plongeait dans la mer.
L'architecture les impressionna d'abord par ses dimensions. Puis, ils furent frappés par sa technique de construction : le mur avait été érigé grâce à d'immenses aiguilles de pierres noires ingénieusement imbriquées. Un premier étage se composait de plusieurs dizaine d'aiguilles alignées les unes à côtés des autres ; au-dessus, d'autres aiguilles avaient été placées perpendiculairement aux premières ; les couches de colonnes mégalithiques se superposaient ainsi pour créer la gigantesque paroi qui se dressait devait eux. Les Enfants Élus ne tardèrent pas à s'apercevoir que ce mur se prolongeait sur plusieurs mètres sur l'eau.
– Whouah, qu'est-ce que c'est haut ! souffla Patamon.
– On dirait un rempart, dit Takeru.
– Ça a tout l'air de l'être, acquiesça Taichi.
– Alors, il y a peut-être une ville à l'intérieur ? émit Agumon.
– Pas sûr … regardez toute la végétation qui mange les pierres, remarqua Gabumon.
– C'est comme si cet endroit était abandonné, ajouta Tentomon.
– Encore des ruines ? soupira Joe. Ne pourrait-on pas rencontrer un peu de vie dans les endroits du digimonde que nous découvrons ? À chaque fois que nous avons délivré une Bête Sacrée, elle se trouvait dans un endroit désert !
– Yggdrasil a bien choisi ses prisons, observa M. Nishijima. D'abord le sommet d'une montagne, puis un volcan, et maintenant une île déserte … des lieux inaccessibles.
– C'est vrai, mais cela commence à devenir agaçant ! rouspéta Joe.
– Je n'aime pas ça, murmura Hikari.
– Moi, ces ruines me rappellent quelque chose, marmonna Mimi en réfléchissant.
Ils longèrent l'architecture sombre. Soudain, ils aperçurent un canal qui s'enfonçait entre deux pans de la muraille : ils s'y engagèrent. Cette voie d'eau était en réalité connectée à d'autres canaux qui serpentaient à travers les constructions monumentales ; ils pouvaient circuler à travers les ruines sans quitter leur radeau.
– C'est comme à Venise, souffla Sakae.
– Cette pierre noire me rappelle la pierre du volcan de Zhuqiaomon, ajouta Ryudamon.
– Mais oui, c'est ça ! s'exclama soudain Mimi en frappant sa paume gauche de son poing droit. Un été, quand j'habitais aux États-Unis, je suis allée en vacances avec mes parents dans le Pacifique. Nous avons visité une île en ruines qui possédait exactement la même architecture !
– Une île du Pacifique ? répéta Takeru.
– Oui, elle a été construite il y a très longtemps, avec des mégalithes de basalte en forme d'aiguilles, exactement comme ceux-là !
– C'est vrai que cette pierre sombre pourrait être du basalte, admit Koushiro en contemplant la muraille. Celui-ci est formé par la lave, et en se refroidissant la lave se fissure. Elle forme alors des aiguilles de basalte que les constructeurs des ruines que tu as visitées, Mimi, ont pu utiliser directement pour construire leur cité …
– Mais je me rappelle que le guide se demandait comment les gens avaient pu apporter ces pierres qui pesaient plus de cinquante tonnes sur une île au milieu de l'océan …
– C'est vrai, c'est étonnant, reconnut Tailmon.
– Alors, l'île que nous traversons serait une copie digitale de cette île du Pacifique ? récapitula Sora.
– Ça y ressemble beaucoup, en tout cas, confirma Mimi. L'île que j'ai visitée avec mes parents avait été abandonnée, comme celle-ci paraît l'être, et certaines personnes prétendaient même qu'elle était hantée …
– Hantée ? répéta Yamato, soudain inquiet.
– Tu as peur, Yamato ? rit Mimi. C'est vrai que tu n'avais pas beaucoup participé à nos récits d'histoires effrayantes, au lycée …
– Oh, ça va !
– En tout cas, c'est une drôle de coïncidence que ces ruines aient été reproduites dans le monde digital, observa Sakae.
– Plutôt, confirma Tentomon. Xuanwumon est censé être là-dedans ?
– Absolument, leur assura Koushiro. Ce sont les coordonnées exactes.
– Alors, débarquons, décida Taichi.
Certains morceaux du rempart s'étaient effondrés et des mégalithes émergeaient de l'eau : ils durent manœuvrer avec précaution pour accoster. Là, ils mirent pied à terre. Gomamon fixait le fond de l'eau, intrigué.
– Gomamon, qu'est-ce qu'il y a ? lui demanda Joe.
Son digimon plongea soudain dans la mer et descendit un peu en profondeur. Quelques secondes plus tard, il refit surface et déclara :
– C'est bien ce que je pensais : il n'y a aucune terre sous ces pierres ; cette île est complètement artificielle !
– Artificielle ? s'exclamèrent les autres.
– Et si cette île digitale avait été construite par les mêmes personnes que celles qui ont bâti la ville de la bulle virtuelle ? émit Meiko.
– C'est possible, acquiesça Taichi.
– Bon, essayons de trouver Xuanwumon, proposa M. Nishijima.
– Avant que les fantômes n'apparaissent ! plaisanta Takeru en donnant un coup de coude à son frère.
– C'est pas drôle ! répliqua Yamato.
Ils commencèrent à arpenter les rues de basalte de la cité. Effectivement, tout était en ruine ; la végétation rongeait la pierre et s'infiltrait entre tous les interstices pour plonger leurs racines directement dans la mer. Bien qu'ils se trouvent au nord du digimonde, dans un froid presque continental, les plantes rappelaient étrangement celles des paysages tropicaux. Ils débouchèrent soudain sur une terrasse envahie par de grands arbres au tronc argentés, plus hauts encore que l'architecture de basalte. Leur cime devait culminer à plus de quarante mètres et déployait un ramage de petites feuilles vertes ovales. Les racines de ces grands arbres soulevaient et déformaient les dalles du sol. Tout au fond de cette terrasse se dressait un temple qui rappelait les majestueuses ruines d'Angkor. Le porche qui permettait de pénétrer à l'intérieur était entièrement gravé de reliefs. De chaque côté de cette entrée se déroulaient des galeries couvertes. Des racines plus larges que l'un des Enfants Élus les assaillaient, se dressant depuis le sol jusqu'aux toits des galeries pour les recouvrir tels les tentacules d'un poulpe, tandis que le tronc auquel elles appartenaient continuait de se hisser vers le ciel.
– Incroyable ! s'émerveilla Sakae. Ces arbres transpercent et soutiennent les ruines à la fois !
– Tu as raison, certaines racines empêchent les ruines de s'écrouler, acquiesça Mimi.
– La nature et l'architecture sont complètement entremêlées, dit Meiko.
– C'est magnifique, souffla Sora.
– Xuanwumon se trouve sans doute à l'intérieur du temple, dit Joe.
– Alors, allons-y, déclara Taichi.
Ils s'engagèrent sous le porche. De l'autre côté, ils tombèrent sur un cloître à ciel ouvert entièrement sculpté. Ils le traversèrent jusqu'à une seconde porte : celle-ci donnait sur un escalier qui semblait descendre dans les profondeurs du temple. Ils l'empruntèrent. Au bas des marches, ils débouchèrent sur une vaste salle entièrement sculptée. Au fond de cette pièce voûtée s'élevait une immense porte close, elle aussi décorée.
– La prison de Xuanwumon, murmura Hikari.
– Regardez ça ! s'exclama alors Takeru. Qu'est-ce que c'est ?
Il pointait du doigt un ensemble de filins métalliques qui courraient le long du mur. Chaque filin passait dans un système de palans, de poulies et de contrepoids ingénieusement reliés entre eux. L'ensemble encadrait la porte ornée de bas-reliefs. Koushiro suivit des yeux le système et remarqua alors une table de pierre, sur le côté gauche de la porte. Il s'en approcha, ses amis sur ses talons. Sur la table reposait une balance à l'ancienne avec deux plateaux de cuivre. Sur l'un d'eux était posé un poids, qui déséquilibrait la balance. Quinze autres poids de diverses tailles étaient alignés à côté de la balance. Sur le mur, derrière la table, des symboles différents des ornements de la salle se détachaient.
– Ce sont des symboles digimons ! s'exclama Sora.
– Tout à fait, acquiesça Koushiro.
– Je me demande à quoi peut servir cette balance, dit Yamato.
– Que disent les inscriptions, Koushiro ? demanda Mimi.
– Attendez, j'allume mon ordinateur pour vous les traduire.
Il pianota plusieurs minutes, puis, il déclara :
– Voilà, j'ai trouvé ! L'inscription porte le message suivant :
« Dans les profondeurs des pierres et des racines, la tortue sacrée est enfermée. Qui voudra l'affranchir devra réaliser la bonne pesée, car seul l'équilibre peut donner accès à la clé. Mais le poids déjà disposé ne peut être touché, sous peine que la tortue soit définitivement scellée. Pour arriver à l'équilibre, méditez ceci : « Pour faire contrepoids, je dois peser une livre. Les quinze poids sont les quinze premiers termes de la suite de Fibonacci. Chaque boule de plomb pèse son terme en grammes. Trouvez la bonne somme, et vous atteindrez l'équilibre. » La tortue ne renaîtra que si la clé est unie au cœur de celle qui mourut pour elle. »
Les Enfants Élus échangèrent un regard, perplexe. Yamato se gratta le menton et dit à Koushiro :
– Tu pourrais le relire ? Parce que là, je crois que je suis perdu.
– Ce n'est pas évident, mais ce qui est sûr, c'est que nous sommes bien en face de la prison de Xuanwumon, déclara M. Nishijima. La tortue sacrée fait bien référence à l'ancienne partenaire d'Ibuki.
– « Qui voudra l'affranchir devra réaliser la bonne pesée, car seul l'équilibre peut donner accès à la clé. » Si je saisis bien cette phrase, réfléchit Taichi, il faut que nous trouvions les poids qui permettent d'équilibrer cette balance ?
– Oui, pour actionner le système de filins autour de la porte, dit Koushiro. C'est ce système qui devrait nous donner accès à une clé, qui, si l'on en croit le message, permettra de libérer Xuanwumon.
– Mais on doit faire tout ça sans toucher le poids déjà en place sur la balance ! souligna Sora. Le message le dit expressément : « Le poids déjà disposé ne peut être touché, sous peine que la tortue soit définitivement scellée. »
– Encore un truc super simple, marmonna Joe.
– On a tout de même des indices pour trouver les bons poids à utiliser, souligna Koushiro.
– Ce charabia à la fin ? fit Mimi, dubitative.
– Ce n'est pas un charabia ! répliqua Koushiro. Il y a juste des références mathématiques !
– Oh, excuse-moi !
– Ne nous énervons pas, tempéra Sakae. Le message ne doit pas être si difficile à déchiffrer …
– En tout cas, comme pour chacune des autres Bêtes Sacrées, nous aurons besoin de deux symboles pour ouvrir la porte, observa Meiko. Regardez, à côté du message, il y a deux alcôves prévues à cet effet !
Elle avait raison. Taichi se tourna vers M. Nishijima :
– Vous avez dit que la partenaire de Xuanwumon, avant que celle-ci ne devienne une Bête Sacrée, s'appelait Ibuki. Comment était-elle ? Il faut que nous trouvions lesquels des symboles que nous possédons lui correspondaient.
– Eh bien, Ibuki était une jeune fille très intelligente et d'une grande curiosité. Elle avait souvent les meilleures notes en primaire. Elle était bilingue en anglais depuis l'enfance et quand nous sommes arrivés au lycée elle avait commencé à apprendre le français et l'espagnol.
– Bon, je pense qu'il n'y a pas trop de doutes sur le premier symbole, déclara Takeru. C'est celui de Koushiro.
Tous hochèrent la tête.
– Que pouvez-vous nous dire de plus sur Ibuki ? demanda Taichi à M. Nishijima.
– Elle adorait apprendre de nouvelles choses et se lancer dans des expériences. Elle était passionnée de maquettisme, elle pouvait passer des heures à reproduire en miniature des villes, des paysages, après avoir dessiné le plan en 2D … elle était vraiment douée.
– Je crois qu'il n'y a pas à hésiter non plus pour le deuxième symbole, dit Mimi. C'est celui de Sakae !
– Tu as raison, acquiesça Meiko.
– Bien, il ne reste plus qu'à déchiffrer le charabia mathématique ! dit Joe en reprenant espoir.
À cet instant, une déflagration provenant de l'extérieur se répercuta à travers tout le temple. Les Enfants Élus relevèrent la tête et l'inquiétude s'alluma dans leurs yeux. Ils quittèrent la grande salle, reprirent l'escalier, traversèrent le cloître en courant et débouchèrent sur la grande terrasse. Le grondement qu'ils avaient entendu résonna de nouveau. Le son était encore loin, mais il se rapprochait. Ils rejoignirent les rives de l'île où se trouvait leur radeau et là, ils se figèrent.
Au-dessus de la mer, le brouillard s'était levé. Cependant, de pesants nuages noirs envahissaient le ciel. Filant au-dessus des flots gris, Daemon, Lucemon, Barbamon, Leviamon, Laylamon, Belphemon et Beelzemon se dirigeaient vers l'île.
– Les Seigneurs démoniaques ! s'écria Sora, paniquée.
– Quoiqu'Yggdrasil ait lu dans l'historique du monde digital, il n'aura pas perdu de temps, maugréa M. Nishijima.
– Et cette fois, il nous envoie ses sept démons en même temps ! dit Yamato en serrant les poings.
– Il nous faut de l'aide, décréta Taichi. Nous avons besoin de temps pour libérer Xuanwumon. Takeru, Hikari, Joe, Mimi, M. Nishijima ! Appelez les Bêtes Sacrées ! Avec un peu de chance, elles pourront retenir les démons !
Ses amis acquiescèrent. Takeru prit les mains d'Hikari, Mimi prit celles de Joe, et avec M. Nishijima, ils fermèrent les yeux. Ils se concentrèrent, appelant de toutes leurs forces les trois Bêtes Sacrées. Les Sept Seigneurs démoniaques se rapprochaient à toute vitesse. Soudain, un mugissement aigu et un cri d'oiseau traversèrent l'océan. Un rugissement de fauve répondit presque aussitôt à ces deux premiers appels.
– Ils nous ont entendus ! s'exclama Takeru, victorieux.
En effet, ils distinguèrent bientôt la silhouette ondoyante d'Azulongmon et les plumes flamboyantes de Zhuqiaomon qui survolaient la mer à vive allure. Au-dessous d'eux, ils reconnurent Baihumon qui fendait les flots à la nage. Azulongmon contorsionna son long corps transparent entouré de chaînes et lança en direction des Seigneurs démoniaques :
– Blue thunder !
Une décharge électrique jaillit de la corne au-dessus de sa tête et fusa vers les démons. Belphemon répliqua en générant lui aussi de l'électricité avec ses cornes de bouc, tandis que Leviamon ouvrait sa gueule pour cracher des flammes vertes. Zhuqiaomon battit des ailes pour repousser leurs attaques, puis fit feu des deux canons qu'il portait sur son dos. Lucemon répliqua par ses boules d'énergie, Belzeemon dégaina ses pistolets et tira. Les trois attaques s'entrechoquèrent en plein ciel avec une déflagration effrayante. Daemon fit naître une énorme boule de feu entre ses paumes qu'il projeta vers Azulongmon et Zhuqiaomon. Son offensive fut interceptée par une vague de métal que Baihumon venait de cracher. Laylamon et Barbamon rétorquèrent par leurs éclairs corrosifs et leurs flammes sombres, mais leurs attaques se perdirent dans la mer. Les Bêtes Sacrées forcèrent l'allure et parvinrent avant les Seigneurs démoniaques jusqu'à l'île. Là, Baihumon sortit de l'eau, tandis qu'Azulongmon et Zhuqiaomon se postaient au-dessus de la rive pour protéger l'île.
– Merci d'être venus ! leur lança Hikari.
– Dépêchez-vous de libérer Xuanwumon. Nous ne pourrons pas vaincre les démons si nous ne sommes que trois, les avertit Baihumon.
Les Sept Seigneurs démoniaques fusaient vers eux en préparant leurs attaques. Daemon créa une gigantesque boule de feu que les autres démons nourrirent de leurs attaques.
– Purgatory claws ! répliqua Zhuqiaomon.
L'oiseau de feu généra un vent puissant en battant des ailes afin de repousser la boule de feu, pendant que Baihumon tentait de solidifier l'attaque des démons avec son métal. Leviamon descendit en piqué vers Zhuqiaomon et le frappa d'un puissant coup de queue. L'oiseau, sonné, perdit de l'altitude. Azulongmon voulut le défendre, mais Lucemon et Barbamon projetèrent vers lui des flammes et des boules d'énergie qui le heurtèrent de plein fouet. Baihumon réussit à métalliser les attaques, mais trop tard. Azulongmon et Zhuqiaomon s'étaient écartés, créant une brèche dans le mur qu'ils avaient formé pour protéger l'île. Belphemon et Beelzemon s'y engouffrèrent.
– Non ! cria Baihumon.
Terrifiés, les Enfants Élus virent les deux démons arriver vers eux. Taichi saisit son digivice fermement :
– Koushiro, Sakae, retournez dans le souterrain pour résoudre le mécanisme qui libèrera Xuanwumon ! Meiko, Takeru, Hikari, allez avec eux ! Si ça tourne mal, je veux que vous soyez à l'abri !
– Mais, grand frère … protesta Hikari.
– Ne discute pas et vas-y ! Si nos digimons ne parviennent pas à retenir Belphemon ou Beelzemon, vous devez être avec Koushiro et Sakae pour leur résister ! Il faut délivrer Xuanwumon coûte que coûte !
– Taichi a raison, acquiesça Takeru en saisissant Hikari par la main. Viens !
Les cinq adolescents, suivis de Tentomon, Ryudamon, Tailmon et Patamon se précipitèrent à l'intérieur du temple.
Pendant ce temps, Taichi, Yamato, Sora, Joe et Mimi sortirent leur digivice pour permettre à leurs digimons d'évoluer : Agumon se digivolva en Greymon, Gabumon en Garurumon, Piyomon en Birdramon, Gomamon en Ikkakumon, Palmon en Togemon. Puis, les cinq symboles des adolescents s'activèrent et permirent à leurs partenaires d'accéder au niveau ultime : Greymon devint Métalgreymon, Garurumon se transforma en Weregarurumon, Birdramon en Garudamon, Ikkakumon en Zudomon et Togemon en Lillymon. Ensemble, ils se dressèrent face à Belphemon et Beelzemon qui chargeaient déjà vers eux.
– Marteau vulcain ! lança Zudomon.
– Griffe de loup ! attaqua Weregarurumon.
– Giga-blaster ! visa Métalgreymon.
Mais Belphemon accumula de l'électricité entre ses cornes et cria :
– Lightning horn !
La charge électrique explosa et neutralisa les attaques de Zudomon, Weregarurumon et Métalgreymon. Pendant ce temps, Garudamon et Lillymon fondaient sur Beelzemon et lancèrent :
– Canon fleur !
– Lame de feu !
Mais Beelzemon leva ses pistolets et tira : les balles laminèrent les attaques des deux digimons.
– Ils sont forts ! s'exclama Mimi.
– Et encore … vous n'avez rien vu ! ricana Beelzemon.
Les deux Seigneurs démoniaques se remirent en position, prêts à lancer l'offensive.
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Quand Ken avait traversé la distorsion qu'il avait fait apparaître dans l'Océan des Ténèbres, il s'était retrouvé dans l'une des nombreuses forêts du monde digital. Il avait saisi son digivice et s'était mis en quête d'un poste de télévision : à la différence des digivices de Taichi et ses amis qui ne possédaient pas cette propriété, son D3 pouvait se connecter à la Terre grâce à ces postes qui se trouvaient un peu partout dans le digimonde, et ainsi ouvrir un portail vers le monde réel. Il n'avait pas tardé à trouver une télévision. Suivi par Veemon, Hawkmon et Armadillomon, Wormon sur ses épaules, il avait orienté son digivice vers l'écran et ouvert le passage.
Il avait alors atterri dans sa chambre, à Tokyo. À peine avait-il mis un pied en dehors que sa mère sortait de la cuisine, son père à sa suite. Le soleil s'était levé et ses parents se préparaient pour aller travailler. Quand ils virent leur fils, la surprise et la joie s'allumèrent sur leur visage :
– Ken, tu es rentré ! s'exclama son père.
– Alors, ta mission avec tes amis a duré moins longtemps que prévu ? se réjouit sa mère. Cela veut dire que vous avez déjà atteint votre but ! Mais tu as retrouvé Wormon ! Comme je suis contente que vous soyez à nouveau réunis !
Ken se força à sourire, mal à l'aise. Il ne s'attendait pas à tomber sur ses parents. Même s'il était très heureux de les revoir, il ne pouvait pas s'attarder. Il devait s'assurer que Daisuke, Miyako et Iori avaient repris conscience ; de plus, ils avaient une mission à accomplir : apporter l'historique du monde digital à Taichi.
– Mais, qui sont tous ces digimons ? s'étonna alors sa mère en se penchant.
– Ce sont … ce sont les partenaires de mes amis.
– Je suis heureuse de vous rencontrer ! Vous n'avez pas eu trop de difficultés dans le digimonde ?
Veemon, Hawkmon et Armadillomon adressèrent un regard en biais à Ken. Celui-ci se mordit la lèvre : mieux valait que ses parents ignorent qu'il venait de passer une semaine dans une geôle glacée.
– Papa, maman … j'aimerais pouvoir rester avec vous, mais je dois rejoindre mes amis. Notre mission n'est pas terminée.
– Mais, Ken … tu viens de rentrer ! protesta son père.
– Je sais, mais … je dois y aller. Je suis désolé.
L'adolescent embrassa rapidement sa mère et se dirigea vers la porte. Alors qu'il allait passer le seuil, il se retourna. Il dévisagea son père et sa mère, qui semblaient déçus, et leur dit d'une voix rassurante :
– Ne vous inquiétez pas. Tout ira bien. Je vous aime.
Émus, ses parents n'émirent pas d'autres objections. L'adolescent fila dans les escaliers de son immeuble, les digimons sur ses talons.
Dès qu'il fut dans la rue, il alluma son portable et consulta les lignes de bus qui se rendaient à l'hôpital. Il en sélectionna une dont l'arrêt se trouvait proche de lui et courut le prendre. Vers sept heures du matin, il entrait dans le hall de l'hôpital. Il ne prit pas la peine de se manifester à l'accueil : il se rappelait parfaitement dans quelle chambre se trouvaient ses amis. Heureusement, les couloirs n'étaient pas encore envahis de médecins et de visiteurs et les digimons n'attirèrent pas trop l'attention. Ken monta les escaliers quatre à quatre, parcourut les couloirs. Enfin, il arriva devant une grande chambre, celle reposaient où ses amis la dernière fois qu'il y était passé. Il gardait gravé dans sa mémoire leur visage impassible, leurs yeux clos, leur corps inerte, plongés dans le coma d'Yggdrasil. Quand il arriva devant la porte, un immense soulagement envahit son cœur.
Daisuke, Miyako et Iori étaient assis dans leur lit, en blouse d'hôpital. Il semblait qu'ils venaient de revenir à eux ; ils paraissaient encore étourdis : Iori se frottait les yeux, Daisuke observait la chambre où ils se trouvaient. Miyako attrapa ses lunettes et leva alors la tête : elle aperçut Ken à travers la porte vitrée. L'adolescent pénétra dans la chambre en souriant :
– Vous êtes réveillés …
– Ken … dit Miyako, hébétée. Qu'est-ce que … qu'est-ce que tu fais là ?
– Et nous … qu'est-ce qu'on fait à l'hôpital ? ajouta Daisuke, désorienté. Que nous est-il arrivé ?
– Mais … tu es avec nos digimons ! s'exclama alors Iori en se penchant vers Ken. Armadillomon !
– Iori, comme je suis heureux de te voir ! Cela faisait si longtemps ! se réjouit le digimon en sautant sur les couvertures du jeune garçon.
– Daisuke … tu m'as beaucoup manqué, tu sais, avoua Veemon en s'approchant de son lit. Depuis quatre mois …
– Quatre mois ? De … de quoi tu parles ?
– Mon dernier souvenir est celui de notre bataille contre Alphamon, se remémora Miyako. Et nous étions en train de perdre …
– Je vais tout vous expliquer, dit tranquillement Ken. Mais avant … je tiens à vous dire que je suis très heureux que vous alliez bien.
Ses amis le fixèrent, perplexes et déroutés. Ken s'assit sur une chaise devant leurs lits et les dévisagea. Revenir à la vie après plusieurs mois d'inconscience causait un choc. Il l'avait vécu avant eux : il avait éprouvé cette étrange impression de revenir de très loin, de reconnaître le monde réel sans retrouver ses repères immédiatement. Il ne voulait pas les brusquer, mais il devait les mettre au courant de tout ce qui s'était passé. L'avenir de la Terre et du monde digital en dépendait.
Il entreprit alors de leur narrer tous les évènements qu'ils ignoraient depuis qu'ils avaient été plongés dans le coma. Il leur expliqua qu'ils étaient tombés dans une embuscade tendue par Mlle Himekawa et qu'ils avaient perdu leur bataille contre Alphamon. Par la suite, ils avaient été faits prisonniers par Yggdrasil qui les avait maintenus dans un sommeil artificiel. Leurs digimons, eux, avaient été jetés en prison. Pendant ce temps, Yggdrasil avait attaqué le monde réel grâce à Meicoomon, la partenaire d'une Enfant Élue que Taichi et ses amis avaient rencontrée quelques mois auparavant. Il leur résuma les batailles auxquelles leurs aînés avaient dû se livrer contre les Maîtres de l'Ombre ressuscités, puis contre Ordinemon. Il leur raconta comment Taichi et M. Nishijima les avaient libérés du laboratoire du monde digital dans lequel ils étaient retenus prisonniers.
Puis, Yggdrasil avait lancé une nouvelle offensive en envoyant les Seigneurs démoniaques dans le digimonde, puis sur Terre. Il leur exposa la stratégie élaborée par les autres Enfants Élus de libérer les Bêtes Sacrées pour contrer cette menace. Il leur apprit qu'une nouvelle Enfant Élue s'était jointe à leur groupe, nommée Sakae. Il leur rapporta comment il avait été fait prisonnier avec Gennai, comment ce dernier avait été emmené et probablement désintégré. Depuis, il n'avait plus eu de contact avec Taichi et les autres et il ignorait s'ils avaient réussi à libérer les Bêtes Sacrées. À mesure qu'il détaillait tous ces épisodes, il voyait mille et une émotions se succéder sur le visage de ses amis : surprise, rage, incrédulité, horreur, peine, admiration, peur. Ils comprenaient que leur sommeil avait duré beaucoup plus longtemps qu'ils ne se l'étaient imaginé et apprendre tout ce qu'il s'était produit pendant leur coma les atterra.
– Eh ben, souffla finalement Daisuke. On dirait qu'on a raté beaucoup de choses, depuis quatre mois …
– Tu l'as dit, acquiesça Iori. C'est effrayant.
– Si ça peut vous rassurer, ça ne fait que deux semaines que je suis revenu à moi, déclara Ken avec empathie. Mais c'est vrai qu'en deux semaines, il s'est déjà passé beaucoup de choses …
– Mais d'ailleurs, dit alors Miyako, tu nous as dit que tu avais été fait prisonnier, non ? Comment as-tu réussi à te libérer ?
Une ride creusa le front de Ken. Il dévisagea ses amis et leur révéla :
– C'est Mlle Himekawa qui m'a permis de m'évader.
Ses amis ouvrirent des yeux ronds de surprise.
– Mlle Himekawa … cette femme qui nous a attirés dans un piège ? se rappela Daisuke, ahuri. Celle qui nous a conduits dans le digimonde pour que nous nous retrouvions face à Alphamon ? C'est à cause d'elle que nous avons été faits prisonniers par Yggdrasil !
– Et elle t'a sauvé la vie ? lâcha Miyako, incrédule.
– Ce n'est pas possible, ça cache une ruse, se méfia Iori.
– Je sais, ça a l'air dingue comme ça, reconnut Ken. Mais … je crois qu'elle voulait sincèrement m'aider. Nous aider.
– Comment peux-tu en être aussi sûr ? lui demanda Miyako, dubitative.
– Parce qu'elle m'a donné ça.
L'adolescent mit sur ses genoux un sac à dos qu'il avait pris chez lui. Il fit coulisser la fermeture éclair et en sortit l'historique du monde digital. Ses amis fixèrent l'ouvrage à la couverture d'un bleu profond, aux grains luminescents et nacrés, fascinés.
– Qu'est-ce que c'est que ça ? souffla Daisuke.
– L'historique du monde digital. Il semblerait que ce soit un livre qu'ait convoité Yggdrasil, mais je ne sais pas comment, Mlle Himekawa a réussi à s'emparer de lui et à me le remettre. Elle m'a dit qu'il contenait toutes les informations qui concernent le monde digital et les hommes.
– Quand tu dis toutes les informations … tu veux dire que ce livre explique comment le monde digital a été créé ? murmura Iori, impressionné.
– Je ne sais pas. Je ne l'ai pas ouvert. Mlle Himekawa m'a dit que nous devions l'apporter à Taichi et à Daigo Nishijima, et que nous ne devions le lire que lorsque nous serions tous ensemble.
– Pourquoi ? demanda Iori.
– Elle m'a dit … que ce qu'il contient est trop grave pour être lu seul.
Daisuke, Miyako et Iori dévisagèrent Ken, surpris et inquiets.
– Il y a autre chose, ajouta Ken. Avant de me libérer de ma cellule, Mlle Himekawa a … elle a absorbé la spore noire qui était en moi.
– La spore … celle qui intéressait Daemon il y a trois ans ? se souvint Daisuke.
– Oui. En fait, nous ne le savions pas, mais Yggdrasil devait déjà être derrière tout cela il y a trois ans. Daemon est au service d'Yggdrasil, comme tous les Seigneurs démoniaques. Si nous ne l'avions pas vaincu ce jour-là, peut-être aurions-nous fait la connaissance d'Yggdrasil plus tôt …
– Pourquoi Yggdrasil est-il intéressé par les spores noires ? demanda Miyako, inquiète.
– Parce que grâce à elles il peut gagner en puissance et sortir de l'Océan des Ténèbres, où il est actuellement enfermé.
– Tu veux dire … qu'il pourrait attaquer le monde ? comprit Daisuke, terrifié.
– Oui. C'est aussi grâce à cette spore, et à l'affection que je vous porte, qu'Yggdrasil vous maintenait dans le coma. En prenant la spore noire dans son corps, Mlle Himekawa vous a permis de sortir de ce sommeil de quatre mois.
– Mais si je me rappelle bien, réfléchit Iori, si l'on utilise cette spore, la personne à qui elle appartient perd toute énergie …
– Oui, confirma Ken. Vu que je portais la mienne depuis des années, je crois même que si Yggdrasil l'avait absorbée … ça m'aurait tué. Comme Gennai.
– Mlle Himekawa … savait-elle à quoi elle s'engageait en transférant la spore noire dans son corps ? demanda Daisuke.
– Oui. C'est pour cela que je ne crois pas qu'elle nous manipule.
Tous baissèrent les yeux, pensifs. Iori fronça les sourcils, le regard dur.
– Moi, je n'arrive pas à y croire. Ça doit cacher un piège. Pourquoi cette femme, qui nous a trompés, qui a trompé Taichi et les autres serait maintenant de notre côté ?
– Peut-être parce qu'elle regrette, émit Miyako.
– Je n'y crois pas.
– Pourquoi ? demanda Ken. J'ai bien cessé d'être l'Empereur des digimons.
– C'était différent.
– Pourquoi ? Mlle Himekawa a fait beaucoup de mal, mais moi aussi j'avais maltraité les digimons. Vous m'avez pardonné.
– Je sais, mais … Mlle Himekawa est une adulte. Elle devrait avoir eu la sagesse de résister au mal.
– Ce n'est pas si évident, tempéra Daisuke. Rappelle-toi Oikawa : c'était un adulte. Mais il désirait tant entrer dans le digimonde, réaliser son rêve d'enfant, qu'il n'a pas hésité à servir BelialVandemon et à implanter des spores noires dans les enfants qu'Arukenimon et Mummymon avaient enlevés.
Iori pinça les lèvres. Il se rappelait bien d'Oikawa ; il le soutenait quand son corps s'était désintégré, au seuil du monde digital, pour purifier ce monde des méfaits de BelialVandemon. Cet homme, qui avait été ami de son père, aurait tout donné pour découvrir le digimonde et avoir un partenaire. BelialVandemon le savait et l'avait utilisé. Se pouvait-il que Mlle Himekawa ait été manipulée par Yggdrasil, elle aussi ? Iori croyait plutôt qu'elle avait agi de son plein gré.
Daisuke observa Iori : il se rappelait que le jeune garçon avait mis du temps à pardonner Ken d'avoir été l'Empereur des digimons. Iori considérait la droiture et la loyauté comme deux valeurs sacrées, qu'on ne pouvait pas violer. Daisuke savait que c'était pour cela qu'il ne pouvait pas croire à la reconversion de Mlle Himekawa. Mais lui voulait y croire.
– En tout cas, acheva Ken, notre mission est maintenant d'apporter ce livre à Taichi et aux autres, dans le monde digital.
– Si je comprends bien, tu nous as réveillés pour nous faire travailler ? plaisanta Daisuke.
– Désolé ! répondit celui-ci avec un sourire.
– Pas de problème ! Après quatre mois de sommeil, je déborde d'énergie ! De plus, il est temps de rattraper notre retard !
– Surtout maintenant que nous avons retrouvés nos partenaires, ajouta Miyako en prenant Hawkmon dans ses bras.
– Et puis, nous devons aider les autres, renchérit Iori. Le sort de notre monde et du monde digital est en jeu.
– Bon, alors ne perdons pas de temps ! déclara Daisuke en bondissant hors de son lit. On passe chez nous pour prendre des vêtements propres et de la nourriture, et ensuite, on y va !
– Une minute ! l'interrompit Iori. Comment va-t-on localiser nos amis dans le monde digital ?
– J'ai une idée, intervint Ken. Il y a deux semaines, nous avons fait un pique-nique avec les autres dans un parc. J'y ai rencontré M. Nishijima, qui travaille pour une agence qui a l'air d'en savoir long sur les digimons.
– Une agence qui surveille le digimonde ? s'étonna Miyako.
– Oui, mais je crois que leurs dirigeants visent d'abord à nous protéger, nous autres Enfants Élus. Peut-être pouvons-nous aller les voir et leur demander s'ils savent quelque chose à propos de Taichi et de nos amis ? Peut-être M. Nishijima a-t-il gardé le contact avec cette agence ? Dans ce cas, ils pourraient peut-être nous renseigner sur leur emplacement actuel dans le monde digital ?
– Hum … oui, ça pourrait être une bonne piste. Tentons le coup ! décida Daisuke.
Ses amis hochèrent la tête, déterminés. Une demi-heure plus tard, ils ressortaient de chez eux, après avoir salué et rassuré leurs parents de manière aussi expéditive que Ken l'avait fait. Tandis qu'ils prenaient le chemin de l'Agence Administrative, Ken jeta un œil à ses amis : ils avaient tous grandi depuis leur dernière bataille dans le digimonde, trois ans auparavant. Iori s'était étiré et affiné, Daisuke au contraire commençait à avoir les épaules qui s'élargissaient et la mâchoire qui forcissait, comme lui. Tous deux avaient rattrapé en taille Miyako, qui les dépassait en primaire. De jolies courbes avaient modelé la silhouette de la jeune fille, ce qui n'était pas sans déplaire à Ken. Oui, ils avaient grandi, mais leur cœur restait le même. L'adolescent tourna la tête vers Wormon, vers les partenaires de ses amis : il était temps que tous les Enfants Élus soient réunis.
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Yggdrasil se régénérait. Revenu à son état sphérique et liquide, il flottait au-dessus du piédestal de la grande salle. Il ne cessait de penser à ce qu'il avait lu dans l'historique du monde digital.
Il haïssait les humains. Tout était de leur faute. Ils avaient fait de lui leur créature. Quand il avait dit aux Seigneurs démoniaques, à Piedmon et à Maki Himekawa que le livre regorgeait de mensonges, ce n'était pas vrai. Il savait parfaitement que l'historique ne contenait que la stricte vérité. Mais il ne pouvait pas l'admettre. Cela lui causait trop de souffrances, lui faisait trop comprendre qu'il avait été un jouet dès sa création. Maudits humains. Ils le paieraient bientôt. Les Enfants Élus, d'abord. Puis, tous les hommes qui vivaient sur Terre. Il ne se contenterait pas d'une petite vengeance. Dehors, le ciel pâlissait. Le jour, si l'on pouvait appeler cela jour, car c'était plutôt le passage d'un ciel noir à un ciel gris, se levait sur l'Océan des Ténèbres. Yggdrasil mobilisa alors toute son énergie et reprit sa forme de glace. Il était temps d'utiliser la spore noire de Ken. Il avait un plan à mettre en exécution.
À cet instant, Maki Himekawa surgit dans la grande salle, le souffle court, les traits paniqués :
– Seigneur … l'enfant et les digimons … ils se sont échappés.
– Quoi ? murmura Yggdrasil.
Ses lèvres étaient toujours aussi pâles et immobiles, ses yeux toujours aussi froids que l'acier, pourtant, il sentit la rage l'envahir. Il lévita jusqu'à Mlle Himekawa, et appela alors :
– Piedmon !
Son plus fidèle serviteur arriva promptement. Il s'inclina et dit :
– Oui, maître ?
– Maki Himekawa vient de m'informer que l'enfant que je retenais prisonnier s'est échappé. Est-ce vrai ?
– Quoi ? s'exclama Piedmon. C'est-à-dire que … je … je n'en sais rien, maître. Je ne suis pas descendu dans les geôles depuis plusieurs jours.
– Comment, tu n'y es pas descendu ? fulmina Yggdrasil dont la voix se fit plus aigüe et plus menaçante. N'est-ce pas toi qui as mis au point le programme qui l'enfermait dans cette cellule ?
– Si, maître, mais …
– Incapable !
Yggdrasil passa devant lui en flottant et se dirigea vers l'escalier qui menait aux souterrains. Mlle Himekawa et Piedmon le suivirent. Quand Yggdrasil arriva devant la cellule, il put constater de ses propres yeux qu'elle était vide. Piedmon, désemparé et terrifié à l'idée que son maître puisse le châtier, se ratatina sur lui-même. Yggdrasil s'approcha alors de la paroi contiguë à la prison, sur laquelle était inscrit le programme qui générait la grille électrifiée. Mlle Himekawa l'observa inspecter les symboles digimons, le cœur battant. L'un des doigts blancs d'Yggdrasil se posa alors sur le caractère dont une partie avait été effacée.
– Quelqu'un a modifié le programme pour ouvrir la cellule. C'est bien toi, Piedmon, qui as tracé ces symboles ?
Piedmon émit un balbutiement incompréhensible.
– Comment ? dit Yggdrasil avec colère.
– Oui … oui, maître, c'est moi, couina son serviteur.
– Serais-tu un traître Piedmon ? As-tu aidé cet enfant à s'échapper ?
Piedmon ouvrit la bouche sans qu'aucun son n'en sorte, comme frappé de stupeur par l'hypothèse de son maître. Il reprit alors ses esprits et protesta :
– Moi ? Jamais je n'aurais fait une chose pareille ! Jamais je ne vous trahirais !
Les yeux d'Yggdrasil se réduisirent à deux fentes.
– Malheureusement, Piedmon, tu es le seul qui restait dans cette pagode cette nuit, maintenant que les Seigneurs démoniaques sont partis …
– Sauf votre respect, Seigneur, Maki Himekawa était là, elle aussi …
Yggdrasil haussa les sourcils et se tourna vers la jeune femme. Celle-ci sentit son cœur s'accélérer, mais garda une expression impassible.
– Piedmon a raison, Maki … je t'avais presque oubliée.
– Comment aurais-je pu libérer l'enfant, Seigneur ? répliqua-t-elle posément. J'ignorais le fonctionnement de ce programme.
– Qui sait …
– Cependant, si vous me le permettez, j'ai peut-être une explication.
– Je t'écoute.
– Vous avez dit que les spores noires augmentaient les capacités intellectuelles et physiques de ceux qui en abritaient une, n'est-ce pas ?
– Oui, et alors ?
– Alors, peut-être qu'à force d'attendre la maturation de la spore de Ken – et sans vouloir vous insulter nullement, Seigneur – celle-ci a donné à l'enfant la faculté de comprendre le programme. Même si les digimons qui se trouvaient avec lui dans la cellule ne pouvaient pas se digivolver, peut-être que leur attaques sont parvenues à effacer le caractère qui la grille électrifiée fermée …
Yggdrasil dévisagea intensément Mlle Himekawa, à l'affût d'un mouvement de ses traits qui aurait trahi le mensonge. Mais le visage de la jeune femme demeura impénétrable. Alors qu'Yggdrasil y avait souvent lu le doute ou la peur ces derniers temps, les yeux de Mlle Himekawa reflétaient cette fois une attitude parfaitement calme, parfaitement sûre d'elle-même. Cela le surprit. Il avait peine à croire que l'enfant ait pu s'évader seul. Le principe de la spore noire s'était-il vraiment retourné contre lui ?
– Puisque tu es si intelligente, Maki, poursuivit-il, que penses-tu que Ken va faire maintenant ?
– Il est très probable qu'il essaye de rejoindre les Enfants Élus. Mais vous ne devez pas avoir de craintes, maître : il est seul, et tant que la spore noire vit en lui, vous empêcherez ses amis de reprendre conscience. Son digimon n'est capable de se digivolver qu'au niveau champion : c'est un grain de sable face aux Seigneurs démoniaques. Même si Ken retrouvait Taichi et les autres, sa présence ne suffirait pas à faire pencher la balance en notre défaveur. De plus, les Enfants Élus ignorent votre plan, puisque vous seul possédez la connaissance de l'historique du monde digital. Vous avez un temps d'avance sur eux, n'en doutez pas.
Mlle Himekawa fixait Yggdrasil avec assurance : tôt ou tard, elle savait qu'il la démasquerait. Mais tant qu'elle le pouvait, elle devait faire gagner du temps aux Élus. Jusqu'à ce qu'ils lisent le livre, jusqu'à ce qu'ils sachent. Ken était en route. Bientôt, il donnerait l'historique à Taichi et à Daigo. Bientôt, Yggdrasil serait en position de faiblesse, mais il l'ignorait. Il devait continuer à l'ignorer le plus longtemps possible.
Yggdrasil fronçait les sourcils, pesant le pour et le contre des arguments de Mlle Himekawa : elle avait peut-être raison. Lui seul connaissait les vérités de l'historique ; Ken et son digimon ne représentaient pas une grande menace. Néanmoins, il comptait sur sa spore pour gagner en puissance.
– L'évasion de cet enfant m'importune, cependant, je ne crois pas qu'elle m'empêche d'accomplir mes plans.
– Que voulez-vous dire ? demanda Piedmon.
– Je vais recourir à un programme assez difficile que contenait l'historique. Si je parviens à le mettre en place, je n'aurais plus besoin de Ken pour sortir de cet océan.
À ces mots, le sang de Mlle Himekawa se glaça.
