LA BRAISE SOUS LA CENDRE
Disclaimer : voir prologue.
Chapitre 21 : Sous la surface, partie 1
Hermione Granger se réveilla en sursaut. Il lui fallut quelques secondes pour reconnaître la chambre d'amis de l'appartement de David et se remémorer les événements de la soirée précédente.
La rencontre entre David Talbot et Severus Rogue ne s'était pas passée tout à fait comme elle l'avait escomptée. Dire que la prise de contact entre eux avait été catastrophique, était un euphémisme. Tout s'était joué dans les premières minutes. L'antipathie entre les deux hommes avait été immédiate et partagée.
En voyant David pour la première fois, Rogue avait marqué un temps d'arrêt en découvrant le jeune métis d'origine pakistanaise qui lui tendait la main, un sourire éclatant qui dévoilait des dents blanches et parfaites aux lèvres. Le coup d'oeil féroce qu'il lui avait lancé à cet instant, avait été éloquent.
Gêné, David était resté le bras en l'air quelques secondes à attendre une poignée de main hypothétique qui ne viendrait pas. Froidement, Rogue l'avait salué d'un bref hochement de tête et s'était présenté d'une voix qu'elle ne connaissait que trop bien pour l'avoir entendue maintes fois quand il s'adressait à Harry Potter : soyeuse en apparence ; dénué de chaleur et à la limite de l'impolitesse en réalité.
David avait tout de suite trouvé l'individu déplaisant. Il le jugea à son aspect physique – aussi grand que lui, mais sec - à l'expression glaciale de ses yeux noirs, deux puits ténébreux sans fond et à son rictus dédaigneux, légèrement cruel. Un homme suffisant, arrogant et désagréable.
Le jeune homme s'était alors tourné vers elle et lui avait souri chaleureusement, avant de la prendre dans ses bras pour l'étreindre avec affection. De leur passé, ils avaient gardé une complicité intacte et des familiarités qui révélaient une histoire et une vie commune. Devant cette domesticité affichée qu'Hermione acceptait parce qu'elle en connaissait les limites, son ancien professeur – qui détestait toutes effusions de sentiments – avait fait étalage de son mépris.
Rogue avait croisé les bras sur sa poitrine sans rien dire, en attendant que les deux jeunes gens en terminent avec leurs bavardages insipides. Mais ses yeux l'avaient trahi, quand Hermione avait croisé son regard. On y lisait clairement du dédain, de la colère et quelque chose qu'elle avait immédiatement identifié. De la jalousie... brûlante... extrême.
Elle s'était écartée de David sans en être consciente, frappée par l'intensité de ce qu'elle venait de découvrir. De son côté, le jeune homme n'avait rien remarqué et en avait profité pour les mener au salon où il les avait laissés quelques minutes pour aller chercher des boissons.
Hermione n'avait pas osé croiser à nouveau le regard de Rogue et s'était plutôt perdue dans la contemplation de la décoration du salon de David alors qu'en fait, elle réfléchissait. Elle voyait du coin de l'oeil combien le sorcier était tendu et faisait d'efforts pour se contenir. La spontanéité entre les deux anciens amants devait le gêner. C'était la seule explication car elle n'osait envisager une autre conclusion. Naturellement, quand David était revenu, il s'était installé à côté d'elle et machinalement, lui avait pris la main en engageant la conversation. Sous le regard bouillant de colère de Rogue, Hermione s'était alors dégagée lentement pour ne pas que David s'étonne de son revirement.
Même après cette alerte, les hostilités entre les deux hommes avaient continué. Un Rogue désagréable et difficile avait répondu à un David choqué et perplexe. Le ton avait failli s'envenimer à plusieurs reprises, et la jeune femme avait dû intervenir pour calmer le jeu. Dépitée et en colère, Hermione s'était enfin levée et s'était excusée auprès de David avant de demander à 'William' un petit entretien en privé.
Dans la cuisine, ils avaient eu une explication – plutôt une querelle - dont elle se souvenait mots pour mots. Cela avait commencé par :
« Je peux savoir quelle mouche vous a piqué ? David est là pour vous aider et vous lui parlez avec ce même mépris que vous affichiez envers vos anciens élèves ! »
« A bien des égards, il agit comme un gamin ! Il se plaît à faire comme si vous étiez encore ensemble ! »
« Et alors ? Qu'est-ce que ça peut bien vous faire ? » avait demandé Hermione, en se doutant de ce qui le rendait aussi irritable. « ... Ce ne sont pas vos affaires ! »
« Je souhaiterai que ce ne le soit pas ! Malheureusement, je suis le témoin de ces démonstrations affectives déplacées... »
« Déplacées ? David est un gentleman ! Il est attentionné, doux, patient, ouvert... » avait protesté Hermione. Au fur et à mesure qu'elle donnait raison à David et qu'elle étalait ses qualités, l'expression de Rogue s'était faite de plus en plus dédaigneuse, à la limite du dégoût. Pour finir, elle avait lâché : « ... Evidemment, ce sont des sentiments que vous ne pouvez pas comprendre ! »
Immédiatement, Hermione avait senti qu'elle était allée trop loin. Le visage pâle, Rogue avait fait un pas vers elle en serrant les poings. Sa voix s'était faite soudain glaciale et d'un calme effrayant.
« Il est vrai que ma vie ne m'a pas permis jusqu'à présent de développer ces qualités dont vous êtes si friande, et ce n'est certainement pas maintenant que je vais changer. Mais elle m'a appris à me comporter décemment, avec honneur et droiture... ce que semble avoir oublié ce jeune homme qui convoite ce qui ne lui appartient pas... »
« Severus Rogue, je vous prierai de ne pas oublier que je ne suis pas une chose. Je n'appartiens à personne ! »
« Si vous ne l'aimiez plus, vous ne le laisseriez pas vous traiter ainsi... »
« Je n'arrive pas à y croire... Vous êtes jaloux ! »
Rogue avait ricané d'un ton désinvolte : « Jaloux ? Moi ? C'est décidément mal me connaître... »
« Oh si, vous êtes jaloux de David, de l'amour qu'il éprouve peut-être encore pour moi et de sa façon de me montrer que je compte pour lui ! »
Rogue était devenu livide à ces mots qui, manifestement, jetaient de l'huile sur le feu. Hermione éprouva une joie mauvaise en voyant qu'elle venait de faire mouche. En une seconde, toutes ses années d'humiliation à l'école venaient d'être effacées par le seul plaisir de voir cet homme habituellement impassible et froid, entrer dans une colère noire devant elle.
« Comment osez-vous... ! » gronda t'il en avançant vers elle d'un air menaçant.
Hermione recula soudain, inquiète de ce qu'elle venait de déclencher. Mais c'était plus fort qu'elle. De quel droit s'emparait-il de sa vie et la jugeait-il ? Son histoire d'amour avec David était terminée, mais il n'en demeurait pas moins un ami proche, quelqu'un qui la comprenait et sur lequel elle pouvait compter en cas de difficultés.
« J'ose parce que David est mon ami. Je ne vous permettrai pas de lui faire la leçon sur la conduite qu'il doit tenir en votre présence... »
« ... Tellement typique de votre part » cracha Rogue avec dédain. « On vient à la rescousse de son petit ami quand il n'est pas capable de se défendre tout seul ? »
« ... David est un grand garçon mais il est bien trop poli pour vous faire une remarque ! Comme l'humilité est apparemment un concept qui vous échappe, je vous rappelle que nous sommes ici chez lui, pour qu'IL vous aide à retrouver VOTRE magie... Et je ne tolérerai... aucune attaque personnelle... contre lui... »
Rogue l'avait acculée contre la table et elle ne pouvait plus reculer. Le regard noir du sorcier la dominait et était devenu insoutenable alors qu'elle lui faisait bravement face. Intimidée par sa formidable présence et son expression féroce, elle s'était attendue à une répartie cinglante de sa part, quand il l'avait brusquement saisie par les épaules et s'était penché en avant pour… Quoi ?... Tenter de l'embrasser ?... Impossible à savoir, il n'avait pas eu le temps d'achever son geste.
CLAC !
Hermione entendait encore le bruit caractéristique qu'avait produit sa main en s'abattant sur la joue de Severus Rogue. La jeune sorcière voyait encore le regard écarquillé de surprise du sorcier, alors qu'il tournait lentement la tête vers elle, après s'être écarté d'elle spontanément.
Pendant de longues secondes, ils s'étaient dévisagés en silence, incrédules, toutes colères de part et d'autre évanouies. Hermione avait immédiatement regretté son geste, alors que Rogue tâchait de reprendre contenance, la mine défaite, conscient d'avoir été trop loin et de n'avoir reçu que ce qu'il méritait.
« Mon Dieu... Je ne voulais pas... » avait elle simplement murmuré en tendant une main tremblante vers lui.
Devant ce geste, il avait encore reculé d'un pas, le visage soudain fermé, et s'était détourné d'elle.
« Severus... Attendez ! »
Mais elle n'avait pu le retenir. Il était sorti de la cuisine sans un regard en arrière et elle avait entendu la porte d'entrée claquer après son départ. Quelques secondes plus tard, David arrivait, visiblement perplexe et inquiet, et devant sa mine contrite, la prenait dans ses bras pour la réconforter, sans poser de questions.
Le visage présentement enfoncé dans l'oreiller, Hermione tâchait d'oublier cette scène qui l'obsédait. Comment pouvait-elle éprouver autant de culpabilité alors que c'était lui qui avait commis un geste stupide et inconsidéré, que c'était lui qui avait mis en danger leur amitié naissante par un comportement aussi puéril ? Une seule explication : elle y était aussi forcément pour quelque chose.
Rogue éprouvait des sentiments pour elle et elle l'avait humilié avec ses propos blessants et un comportement qui l'avait mis hors de lui. Elle eut un gémissement coupable. Tout à coup, elle se retrouva catapulter quelques années en arrière, à la lecture de cette lettre qui l'avait tellement bouleversée, à tel point qu'elle l'avait conservée précieusement. La lettre... Hermione y repensa, en sentant soudain un frisson lui parcourir le dos. Combien de fois l'avait-elle relue, en s'émerveillant de sa simplicité et de cette force de caractère qui révélait une âme tourmentée ? Elle avait appris à aimer ces mots et en était venu peu à peu à imaginer Rogue les lui disant avec sa voix au timbre si particulier.
« Je suis dingue... complètement dingue... » commença t'elle à se répéter, en se frappant la tête dans l'oreiller.
Elle soupira et finit par s'asseoir. Ils avaient tous les deux agi sans réfléchir, sous le coup de la colère. Si elle avait toujours soupçonné que Rogue cachait une nature passionnée sous une froideur apparente, elle en avait maintenant la preuve... Poussé à bout, il pouvait perdre son sang-froid. Maintenant la question qui se posait était de savoir comment elle allait faire pour sauver cette amitié qui, sans qu'elle s'en rende vraiment compte, lui était devenue chère.
Elle passa rapidement à la douche. C'est alors qu'elle s'aperçut qu'il n'était que six heures et que le soleil n'était pas encore levé. Elle se couvrit chaudement et sans un bruit, quitta l'appartement de David discrètement.
Elle savait où elle pouvait trouver Rogue. A quelques rues de là se trouvait un parc qui accueillait des sans-abri. Il n'avait nulle part où aller et c'était certainement l'endroit qu'il avait choisi pour se réfugier et panser ses plaies en vieux loup solitaire.
La sorcière pénétra dans le jardin encore plongé dans la pénombre. Elle avança dans les allées. Des bancs étaient effectivement occupés par de pauvres gens, des Moldus, qui avaient tout perdu et qui s'étaient retrouvés à la rue du jour au lendemain. Elle chercha Rogue un moment avant de le trouver. Il était recroquevillé en chien de fusil, enroulé dans sa robe noire pleine de saletés, les bras croisés sur sa poitrine pour se tenir chaud.
Elle posa sa main sur son épaule et le secoua doucement.
« Severus... Réveillez-vous... »
Il ouvrit des yeux cernés de fatigue. Les cheveux graisseux en bataille, le teint blafard, les traits tirés, il semblait complètement hagard et n'avait pas dû passer une bonne nuit. En silence, il se mit en position assise et se passa les mains sur le visage pour chasser les dernières traces de sommeil. Hermione prit place à ses côtés.
« Ça va ? »
« Qu'est-ce que vous voulez ? » demanda t'il d'une voix rauque.
« Je voudrais m'excuser... » dit-elle précipitamment, avant qu'il ne l'empêche de prononcer un mot « ... Je me suis conduite de manière tellement stupide hier soir. Je suis désolée. »
« Pas autant que moi » concéda t'il après quelques secondes de silence.
C'était sa façon de reconnaître son erreur et de s'excuser. Ils se turent un instant et contemplèrent le jardin paisible. Les oiseaux saluaient le lever du soleil de leurs chants. La journée s'annonçait belle.
« Si je n'avais pas découvert que Malefoy cherchait à nous tuer et préparait un sale coup, vous auriez disparu à nouveau, n'est ce pas ? »
Il préféra ne rien dire mais son silence était éloquent.
« Je veux sincèrement vous aider… » continua Hermione. « … Et pas parce que j'ai pitié de vous… » ajouta t'elle, en pensant qu'il interpréterait mal sa générosité.
« Non ? » Le sorcier eut un rire de dérision. « Et moi qui croyais que c'était à cause de mon charmant caractère... »
« Je ne vous ferai pas l'injure de dire que vous êtes attendrissant et sympathique… » dit-elle avec un sourire malicieux, auquel il répondit par un rictus féroce. « Vous êtes toujours le même salaud aigri et arrogant que j'ai connu, mais ça ne m'empêche pas d'avoir du respect pour vous et de l'admiration… Je voudrais simplement vous voir plus… heureux… »
« Vous avez décidé de prendre la place laissée vacante par Dumbledore ? » demanda Rogue avec sarcasme. « Si c'est votre intention, je vous préviens tout de suite : laissez tomber. »
« Pourquoi ? »
« Parce que vous perdez votre temps. »
« Vous méritez d'avoir une autre chance… »
« Pour quoi faire ? Même si je retrouvais mes facultés et ma place parmi mes pairs – ce qui est hautement improbable - je ne me fais pas d'illusions : je serai toujours étiqueté comme un Mangemort... »
« Ceux qui vous connaissent, vos collègues et amis de Poudlard, tous vos anciens élèves, savent que derrière les apparences se cache un homme qui a mis sa vie au service de l'Ordre du Phénix, pour le bien de la communauté des sorciers… »
« C'est un discours que vous avez bien répété, mais qui ne masque cependant pas certaines réalités... Par exemple, comment vais-je expliquer ma disparition durant toutes ces années ? » demanda t'il amèrement. « ... Pensez-vous que l'on me croira, même si je dis la vérité ? Non, parce que le doute subsistera toujours dans l'esprit des sceptiques... »
« Vous savez quoi ? Vous devriez écrire un livre où vous raconterez tout ce que vous avez vécu... »
« Je n'ai pas envie de partager mes souvenirs avec des étrangers friands de sensationnel et qui ne veulent savoir qu'une chose : ce que l'on éprouve quand on rampe aux pieds de Voldemort... »
« Pourtant, cela vous aiderait à extérioriser toute cette rage qui bouillonne en vous. »
Rogue sursauta. « Ça se voit tant que ça ? »
« C'est en train de vous détruire, Severus. »
Il y eut un silence.
« Hermione, je ne devrais pas avoir à justifier mes choix » reprit-il doucement. « J'ai fait des erreurs que j'ai payées très chères. Mes actions devraient parler d'elles-mêmes... »
« Je sais. »
« A t'on jamais demandé à Potter de s'expliquer sur les siennes ? »
« Non. De toute façon, s'il avait pu s'exprimer, Harry n'aurait rien dit. Il déteste ce genre de publicité. »
« Nous avons au moins ça en commun » murmura le sorcier.
Hermione tourna la tête vers lui, surprise. Elle doutait que l'animosité que Rogue éprouvait envers Harry ait complètement disparue, mais peut-être était-il devenu plus tolérant ? Ou alors, cela ne signifiait qu'une chose : c'est que leur différend n'avait plus d'importance à ses yeux maintenant que Voldemort avait disparu. Elle se leva et fit quelques pas.
« Severus, je sais que je peux avoir confiance en vous. J'ai besoin que vous m'aidiez à protéger Arthur Weasley et à arrêter Malefoy. En échange, je vous promets de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que vous reveniez parmi nous, sans avoir à en souffrir. »
« Donnant, donnant… Albus a vraiment eu une mauvaise influence sur vous. »
« Sans doute... » Hermione eut un sourire. « Il y a une question que je me suis toujours posée à son sujet… »
« Oui ? »
« D'où tenait-il ce côté … hum, excusez-moi l'expression… 'Serpentard' ? »
Une lueur amusée apparut dans les yeux du sorcier. « Il n'y a pas d'offense, Miss Granger… D'après ce qu'il m'avait confié un jour, sa mère était un personnage plutôt machiavélique… »
« Ah ? Et que lui est-il arrivée ? »
« La meilleure chose qui soit... selon Albus… Elle est tombée irrémédiablement amoureuse d'un sorcier qui était tout son contraire… »
Hermione éclata de rire devant sa grimace éloquente. Rogue l'observa, alors qu'elle était transfigurée. Je dois la faire rire plus souvent, pensa t'il. Il était sous le charme et dut se secouer pour refaire surface. Il se leva finalement et fit quelques pas :
« Nous avons du travail... Vous venez ? »
-----------------------------
David pénétra dans la cuisine et s'arrêta net en voyant Rogue et Hermione ensemble, en train de prendre calmement le petit déjeuner. Il jeta un regard interrogatif vers le sorcier qui lui retourna un visage impassible, puis s'approcha de son amie.
« Hermy ? Est-ce que ça va ? »
« Viens te joindre à nous, David » répondit simplement la jeune femme avec un sourire. «Nous parlions de notre petit différent, William et moi... »
« Ah ? Et alors ? »
« Je vous prie d'accepter mes excuses pour mon comportement... excessif » dit Rogue avec raideur.
Le choix des mots fit sourire Hermione. Visiblement, leur petite discussion avait porté ses fruits, même si la formulation de Rogue ne paraissait guère sincère.
« Excuses acceptées » dit finalement David, pas dupe. « Toutefois, je dois vous dire que je ne le fais qu'à cause d'Hermione... Elle m'a demandé de vous aider. Je vous aiderai donc, mais je préfère que vous le sachiez : je ne vous aime pas, monsieur.
Un bref silence. Hermione crut que le Maître des Potions allait repartir dans une de ces diatribes dont il avait le secret.
« Je ne vous aime pas non plus » dit lentement Rogue. « Mais compte tenu des circonstances, je suis prêt à oublier certains... désagréments et à collaborer. »
Etre civil avait dû lui demander beaucoup d'efforts, pensa Hermione avec soulagement. Le connaissant mieux maintenant, elle était sûre qu'il devait ronger son frein en attendant une occasion de laisser sa nature s'exprimer. Il valait mieux profiter tout de suite de cette accalmie dans leurs relations.
« Bien, maintenant que les choses sont claires entre vous... » dit Hermione en servant un café à David. « Tu pourrais peut-être nous parler de cette fabuleuse découverte que tu as faites ? »
« Elle n'a rien d'extraordinaire, Hermy. C'est une question de bon sens. »
« Si tout le monde avait ce 'bon sens', comme tu l'appelles, les sorciers n'auraient pas besoin de médicomages... » dit Hermione. « ... Tu peux entrer dans les détails devant William, il a quelques notions en herboristerie et en potions... » ajouta la jeune femme, non sans malice.
« Ok. »
David commença à parler et très vite, ses explications prirent un tour beaucoup plus technique. Il annonça que ses recherches avaient porté sur une plante rare, récemment découverte en Amazonie, l'indigo nateris. En associant ses propriétés avec du sang de dragon et en trouvant le bon dosage, il était parvenu à concocter un premier remède au pouvoir revitalisant et curatif incroyable. Ce n'était pas tant cette découverte qui était importante, mais la formule magique qu'il avait associée avec son utilisation. David n'en était qu'au début mais savait que ses recherches pouvaient aboutir à un champ d'applications encore plus vaste.
Mettant de côté son aversion, il étudia les mains de Rogue et pratiqua quelques tests de sensibilité plus pointus que ceux qu'avait fait Hermione. Puis il commit l'erreur – bien involontaire - de savoir comment c'était arrivé. Pendant quelques secondes, seul le silence lui répondit. Le jeune homme jeta un regard vers Hermione, puis vers Rogue, mais dut détourner les yeux devant l'intensité du regard du sorcier qui le mettait clairement au défi de l'interroger. Il essaya alors quelques sorts, mais tout ce qu'il obtint, ce fut le réveil de la douleur dans les mains de Rogue. Le sorcier subit stoïquement ces épreuves jusqu'à ce que Hermione recouvre sa peau d'un nuage léger de cristaux de glace qui le soulagea immédiatement.
Le jeune médicomage les mena ensuite à son laboratoire personnel à l'étage. Ils se retrouvèrent dans une petite salle de travail d'une propreté irréprochable et d'une blancheur immaculée, mais quelque peu désordonnée. De longues tables en bois faisaient le tour de la pièce. Elles débordaient de rouleaux de parchemin, de boîtes en bois et d'innombrables cristaux de diverses tailles. Sur des étagères murales s'alignaient des bocaux proprement étiquetés, contenant des ingrédients pour les potions. David ne laissait rien au hasard.
Le médicomage les conduisit devant une paillasse sur laquelle reposait l'indigo nateris. Il la leur présenta dans ses moindres détails. Ce qui les intéressait en priorité, c'étaient les racines et les feuilles, dont on extrayait une essence par distillation. David leur montra d'ailleurs l'alambic qui chauffait doucement dans un coin et le liquide bleu qui en sortait en dégageant une odeur légèrement âcre.
Ensemble, ils se mirent au travail et planchèrent sur une première concoction. Chacun faisait des suggestions et émettait des hypothèses, mais il s'avéra rapidement que celles de Rogue étaient les plus vraisemblables. Hermione prit immédiatement conscience de l'étendue des connaissances de son ancien professeur et surtout du poids de son expérience. Même David fut complètement bluffé par ce mystérieux sorcier qui savait manifestement mener des recherches. Avec une autorité toute naturelle, Rogue prit ainsi la direction des opérations.
Non sans appréhension, Hermione se crut revenue quelques années en arrière lorsque David et elle passèrent à l'expérimentation de leur première théorie derrière un chaudron. Tournant autour d'eux comme un oiseau de proie sans rien pouvoir faire, Rogue se contentait d'observer chacun de leurs gestes en faisant des remarques assassines, si ce qu'il voyait ne lui convenait pas. A plusieurs reprises, il refroidit l'enthousiasme de ses jeunes collaborateurs avec ses habituels propos acides. Avec l'expérience de six années de potions passées avec lui à Poudlard, puis sous l'apprentissage de Maître Phelps, Hermione faisait preuve d'une patience remarquable. En fait, elle était littéralement fascinée par les raisonnements de son ancien professeur et par sa démarche empirique. Excellent pédagogue sous des dehors austères, Rogue était un interlocuteur brillant et Hermione s'engagea avec lui dans un véritable débat, où chacun apporta ses idées et ses objections de manière constructive. Elle n'avait qu'à regarder les yeux brillants de Rogue pour se persuader qu'il revivait, heureux d'être à nouveau utile et de mettre ses capacités intellectuelles à l'épreuve.
En revanche, David, peu habitué au traitement dictatorial de Rogue, finit par exploser devant les remarques acerbes du sorcier. A un moment, il quitta le laboratoire, très en colère. Hermione soupira, lança vers Rogue un regard lourd de reproches que le sorcier choisit d'ignorer et alla chercher son ami, non sans lui avoir fait comprendre que 'd'Arcy' était ainsi et qu'il ne changerait en rien son comportement. Elle lui signifia aussi à mots couverts que c'était une chance de travailler avec lui et que c'était une mauvaise idée de l'interroger sur son passé. David mit alors son amour-propre de côté.
Ils déjeunèrent avec retard tout en poursuivant leurs discussions. Quand ils reprirent leurs travaux, le temps s'écoula trop rapidement à leur goût et Rogue fit la douloureuse expérience de devoir laisser partir Hermione pour une nouvelle soirée de surveillance dans le bureau de Lucius Malefoy. Impuissant, il comprit avec un serrement au cœur la crainte que devait éprouver Dumbledore quand le vieux sorcier le laissait aller aux réunions avec Voldemort.
Hermione revint trois heures plus tard, passablement déprimée. Cachée dans le conduit, elle n'avait surpris aucune conversation nouvelle. Lucius s'était absenté une demi-heure après son arrivée et elle avait attendu son retour en vain. La journée avait été longue et elle tombait de sommeil alors qu'elle faisait son rapport. Le sorcier l'envoya dormir, alors qu'une idée germait dans sa tête.
Comment faire pour surveiller Lucius en permanence ? Il se souvenait d'une vieille sorcière dans l'Allée des Embrumes, qui lui avait un jour parlé d'un système de communications efficace, mais dangereux. Il suffisait d'utiliser des cartes de tarot magiques à l'effigie d'un individu précis. Ces Atouts comme on les appelait, permettaient d'entrer en contact avec la personne désirée, soit avec son accord, soit à son insu. Si Hermione parvenait à dissimuler une carte sur Malefoy, alors ils pourraient suivre tous ses mouvements de loin et écouter ses conversations. Le danger résidait dans le fait que Lucius ne devait absolument pas trouver l'Atout, sinon l'observateur pouvait se retrouver piéger dans la position de l'observé. Dans leur cas précis, c'était un risque à courir.
Rogue prit une plume et commença patiemment à dessiner de mémoire un portrait de Lucius avec ses caractéristiques physiques distinctives, les vêtements et les objets qu'il affectionnait. Sous ses yeux apparut le visage hautain d'un homme aux cheveux longs couleur platine, à la bouche cruelle et aux yeux bleus froids, cyniques et calculateurs. Il portait une longue cape noire fermée par une broche en or et diamant, un costume noir taillé dans les meilleurs tissus de laine écossais et de luxueuses bottes anglaises qui allongeaient sa haute silhouette. Ses mains gantées de cuir tenaient une canne dont le pommeau en argent représentait un cobra menaçant à la gueule ouverte. Après plus d'une heure d'efforts, le sorcier considéra son travail. Pas trop mal pour quelqu'un qui n'avait pas pris la plume depuis des mois et qui avait les mains raides.
Rogue laissa son croquis de côté et s'allongea dans le noir sur le canapé dans le salon. Il se sentait épuisé mais savait que le sommeil réparateur ne viendrait pas facilement. A plusieurs reprises, il lança un regard vers la porte de la chambre dans laquelle la sorcière dormait. La jeune femme prenait beaucoup trop d'importance dans sa vie à son goût mais il n'y pouvait rien. La tentation de la rejoindre en cet instant et de lui montrer combien il l'aimait était forte, et il dut y résister avec toute sa volonté. Hermione Granger ne partageait pas son affection et ne lui retournait pas ses sentiments. Et ne le ferait probablement jamais... Il n'avait qu'à regarder la vérité en face : après toutes ces années où il s'était conduit comme un véritable tyran, un égoïste, ignorant les autres et piétinant l'amour propre de tout un chacun, il récoltait ce qu'il avait semé. Il était redouté et détesté. Au moins, pas par la femme qu'il aimait, c'était déjà ça. Elle lui avait dit qu'elle éprouvait du respect et de l'admiration pour lui. Mais c'était une piètre consolation pour un coeur meurtri !
Il finit par s'endormir d'un sommeil de plomb sans rêves, ce qui ne lui était pas arrivé depuis longtemps. Ce fut Hermione qui le réveilla avec l'impression qu'il s'était endormi cinq minutes auparavant. Même après avoir pris une douche et passé des vêtements propres – qui appartenaient à David - il mit du temps à émerger, au grand amusement d'Hermione. La jeune femme le taquina en inscrivant 'Grincheux' sur son mug de thé. Quand il s'en aperçut, il se contenta de grogner un « très drôle », de lui lancer un regard noir et de replonger dans le plus grand mutisme. Non, décidément, il n'était pas du matin !
Le petit déjeuner expédié, Rogue montra à Hermione le portrait de Lucius Malefoy qu'il avait dessiné la veille. La jeune femme s'émerveilla de ses talents de physionomiste alors qu'il lui expliquait comment fonctionnaient les cartes. Hermione trouva l'idée formidable et accepta de poser pour lui, afin qu'il réalise la contrepartie à l'Atout de Malefoy.
David les attendait au laboratoire. Rogue et lui revirent leurs notes de la veille et accompagnés d'Hermione, ils commencèrent à discuter des variantes possibles à la formule. L'idée de départ avait déjà beaucoup évoluée et les combinaisons étaient multiples. Hermione fut étonnée par la complémentarité des deux hommes. Rogue cherchait par tâtonnements successifs alors que David était davantage un intuitif. Hermione les écouta et appuya une théorie du jeune homme. Elle insista pour que cette dernière soit étudiée. Les recherches furent orientées en ce sens.
Dans le milieu de l'après-midi, ils disposaient d'une seconde potion, qui refroidie, devait être mélangée en faible quantité avec de l'extrait de belladone, la trop fameuse atropa beladona, connue pour ses propriétés curatives mais aussi toxiques, voire mortelles. En ajoutant un corps gras au mélange obtenu, David fabriquerait un onguent qu'ils essaieraient ensuite sur les mains de Rogue.
Le sorcier profita de ce répit pour entreprendre le dessin de l'Atout représentant Hermione. Pour son plus grand plaisir, la jeune femme se prêta au jeu et prit la pose docilement dans le salon. Rogue était bien décidé à en tirer parti et à en profiter au maximum. Il s'attela à la tâche avec soin comme il le faisait d'habitude pour tout.
Hermione ne se souvenait pas de l'avoir vu aussi concentré. En fait, il mettait une telle application à ce qu'il faisait qu'elle en fut saisie. Elle remarqua alors deux ou trois petits détails révélateurs. D'abord, il faisait plus vieux que son âge réel. Elle le voyait bien, car en cet instant, les lignes de tension qui marquaient habituellement ses traits avaient disparu. Disparus aussi l'arrogance et le mépris qu'on lisait en permanence sur son visage. Bien qu'il ne fut pas beau, il irradiait de lui en cet instant une puissance intérieure, une sorte de séduction ténébreuse, qu'elle ne pouvait attribuer qu'à la part sombre de sa personnalité. Mais le plus étonnant, c'était la métamorphose qui s'était opérée dans son regard, le rendant... vivant. Oui, c'était le mot juste. Elle arrivait à y lire à présent tout un lot d'émotions qu'il cachait habituellement soigneusement sous des montagnes de froideur. Lorsque Rogue l'observait par exemple, elle avait l'impression qu'il la caressait doucement alors qu'il promenait ses yeux lentement sur son corps et sur son visage. A plusieurs reprises, intentionnellement, leurs regards s'attachèrent l'un à l'autre, comme s'ils cherchaient à s'apprivoiser et à se conquérir. Hermione sentit à chaque fois naître au creux de son estomac une délicieuse tension comme s'il lisait au plus profond de son être. Essaie t'il de pénétrer mes pensées en ce moment même ? se demanda t'elle en s'inquiétant légèrement. Elle n'avait jamais eu la chance de pratiquer l'Occlumencie et la Légilimencie, et ne savait donc pas à quoi s'attendre. Le sentirait-elle s'il s'insinuait au plus profond de son esprit comme un cambrioleur discret ?
Hermione resta sur ses interrogations tout en le regardant travailler. Elle connaissait pourtant ces sensations, prémisses d'une attirance certaine, mais n'en était pas moins étonnée de les éprouver en retour. Qu'il fut attiré par elle ne la surprenait guère - il l'avait avoué et l'avait démontré par ses actes récemment - mais qu'elle ressente du désir pour lui, c'était une nouveauté. Plutôt plaisante... Hermione apprécia l'ironie de la situation. Qui aurait pensé qu'elle eut pu être attirée par son ancien professeur de potions, connu pour son caractère infect et associable ? Personne, à commencer par elle. A moins que ce ne soit le résultat d'une attirance plus sombre, liée au fait qu'elle sentait la magie noire présente chez lui ?
Une fois le croquis achevé, Rogue lui montra son travail. Hermione ouvrit des yeux ronds devant cette version parcheminée d'elle qui lui paraissait plus vrai que nature, mais aussi représentative d'une époque où elle était plus heureuse. Ce dessin sentait la joie de vivre, la simplicité et l'insouciance. Il évoquait l'intelligence, la passion et aussi le pouvoir d'une grande sorcière. Qu'il ait réussi à capturer ces instants, alors qu'elle pensait qu'il ne faisait pas attention à elle et qu'il semblait étranger à ces sentiments, cela la mettait mal à l'aise. Mais elle tenta de n'en rien montrer en faisant diversion.
« Incroyable... » fit-elle au bout d'un moment. « J'ai l'impression que... »
« Oui ? » demanda Rogue avec curiosité.
« ... Que mon portrait va s'animer sous mes yeux. »
Rogue eut un petit rire. « C'est exactement ce qui va se produire une fois que les cartes auront été enchantées. »
Rogue lui expliqua brièvement le procédé d'enchantement et Hermione s'exécuta. Sous ses doigts, les cartes devinrent soudainement froides et brillèrent brièvement d'un éclat mystérieux. A peine l'incantation terminée, Rogue recouvrit les deux cartes de ses mains et les retourna, face contre table.
« Voilà comment cela fonctionne désormais : pour établir le contact avec la personne représentée sur l'Atout, il vous suffit de regarder le portrait en pensant à son propriétaire et en l'appelant à voix haute par son nom. La carte va s'animer et le corps réel du correspondant va se substituer à celui dessiné. A cet instant, il peut vous voir et vous entendre, comme si vous étiez à ses côtés. Il existe cependant une autre utilisation et c'est celle-ci qui nous intéresse. Vous fixez la carte sans rien dire, en ayant au préalable créé magiquement un 'Voile' suffisamment puissant qui vous empêche d'être vu et entendu, et vous établissez le contact à l'insu de la personne. »
« Si le 'Voile' est réussi, je pourrai espionner Malefoy sans qu'il me remarque, c'est cela ? »
« Exact, sauf qu'il vous faudra être très prudente, car les sorciers sont plus ou moins réceptifs aux ondes magiques émises. Dans le cas de Malefoy, j'ignore comment il va réagir. »
« Il pourrait se sentir surveiller ? »
« Sans en connaître l'origine, oui. Il est alors possible qu'il se tienne sur ses gardes. »
« J'ai compris. »
Rogue lui tendit les deux cartes, face cachée, qu'elle rangea aussitôt dans la poche de sa robe.
« Vous devez cacher la carte vous représentant sur Malefoy. Si vous réussissez à la dissimuler dans la doublure de sa cape par exemple, il ne remarquera rien. A l'aide de l'Atout représentant Lucius, vous écouterez ses conversations et le suivrez partout. »
« Que se passerait-il s'il trouvait ma carte ? »
« Vous seriez en grand danger. Il pourrait vous contacter et vous attaquer à n'importe quel moment. On m'a dit qu'il était possible de bloquer une intrusion, mais j'ignore comment il faut procéder. L'idéal, ce serait de trouver un sort spécial d'autodestruction s'il venait à poser les yeux sur votre Atout... »
Hermione se mit à réfléchir, en passant en revue tous les sortilèges de sa connaissance. Aucun ne semblait convenir à cette situation précise, et comme elle ignorait l'existence de ces Atouts une heure auparavant, elle n'avait pas le temps de faire des recherches. Dépitée, elle secoua la tête.
« Je suis prête à prendre le risque, quitte à récupérer l'Atout ultérieurement en volant la cape de Malefoy. »
« C'est une possibilité. Vous savez, Hermione, rien ne m'aurait fait plus plaisir que de prendre votre place. Je n'aime pas l'idée de vous mettre en danger, surtout quand Lucius et moi avons des comptes personnels à régler. »
« Vous ne voulez toujours pas m'expliquer ? »
« C'est une longue histoire » dit-il en souriant tristement. « Malefoy a toujours considéré que j'étais son plus grand rival auprès du Seigneur des Ténèbres. C'était une sorte de compétition entre nous, chacun essayant de s'attirer les faveurs de Voldemort à la moindre occasion. Il a rendu ma tâche d'espion très difficile et j'ai dû faire preuve d'ingéniosité pour retenir l'attention de Jedusor. Mon atout principal, c'est que j'espionnais en permanence Dumbledore, et ça, Lucius, même en étant membre du Conseil de l'Ecole, n'a jamais pu faire mieux. Il me jalousait et il a essayé bien des fois de me discréditer. Mais Voldemort a fini par se lasser de ses manoeuvres souterraines. Malgré les ambiguïtés de mon rôle, Jedusor me faisait confiance... jusqu'à ce qu'il découvre finalement la vérité sur mon compte... » Il fit une pause. « … Ma position devenant trop inconfortable, Albus a décidé qu'il était temps que je fasse un choix ouvertement si je voulais continuer à vivre. Je ne suis plus allé aux réunions des Mangemorts malgré les appels insistants de Voldemort. »
« Mon dieu... »
« J'ai vécu des journées difficiles, drogué et cloîtré pendant une dizaine de jours, jusqu'à ce qu'Albus et Madame Pomfresh trouvent un moyen d'affaiblir les effets abrasifs de la Marque. Quand j'ai pu sortir de mon apathie, j'ai dû faire face à une mauvaise surprise que m'a envoyée le Seigneur des Ténèbres. »
« Laquelle ? »
« Nagini... »
« Harry m'a raconté à quoi elle ressemblait. Un serpent ailé de taille gigantesque avec un énorme rubis au milieu du front et deux yeux verts à vous glacer le sang... »
« Nagini est une Vouivre, une redoutable créature ensorcelante. Elle m'est apparue sous sa magnifique forme humaine et j'ignorais qui elle était. Au premier regard que nous avons échangé, elle m'a envoûté. Il me fallait cette femme à tout prix. Je l'ai suivie bien qu'au fond de moi, quelque chose me criait de me méfier d'elle...
« Que s'est-il passé ? »
« Je n'étais plus vraiment moi-même à cet instant... Je l'ai fait mienne... Alors que j'assouvissais mon désir, Nagini s'est métamorphosée en riant et m'a mordu en m'injectant son venin. Terminé l'ensorcellement, la douleur m'a fait réagir immédiatement. J'ai réussi à m'emparer de ma baguette avant que cette créature ne me mette en pièces, et à la tuer avant de m'évanouir... J'ai repris conscience à Poudlard, deux jours plus tard, grâce aux soins de Madame Pomfresh et à la tolérance que j'ai acquise lorsque j'ingurgitais toutes sortes de poisons pour le Seigneur des Ténèbres. »
« Quoi ? Vous serviez de cobaye à Voldemort ! » s'exclama Hermione en regardant Rogue d'un air horrifié.
« Entre autres choses... » Il haussa les épaules, comme si cela n'avait plus aucune importance.
« Il y a eu d'autres... » La jeune femme déglutit. « ... mauvaises surprises ? »
« Oui, mais je suis toujours vivant. »
Hermione n'en apprendrait pas davantage sur son compte pour l'instant. Comme Rogue l'avait dit, il se trouvait toujours de ce monde, alors que les tueurs que Voldemort avaient lancés contre lui, ne devaient certainement plus l'être. La réalité de ce qu'il avait été la frappa soudain. De ce qu'il avait perdu aussi.
Bien sûr, elle l'avait vu à l'oeuvre comme des centaines de ses camarades lors des duels de magie que Flitwick organisait pendant la guerre pour endurcir ses troupes. Quand Rogue acceptait d'entraîner les jeunes recrues Aurors – ce qui était rare – la nouvelle se propageait comme une traînée de poudre et l'on accourait pour le voir combattre. Le sorcier possédait des réflexes hors du commun et un sang-froid à nul autre pareil. Il était redoutable de puissance, redouté et usait de toute sa prestance pour déstabiliser son adversaire.
Harry en avait fait la triste expérience durant un duel sans merci qui était resté dans les annales de Poudlard. Quand il était monté sur l'estrade pour affronter Rogue, les deux sorciers s'étaient affrontés du regard, aucun ne voulant abdiquer devant l'autre. Dans leurs yeux brillait une telle haine qu'Hermione et Ron avaient eu peur qu'ils s'entretuent réellement. Harry se débrouillait plutôt bien et tenait tête à Rogue. Ce dernier montra une panoplie de sortilèges autant techniques qu'imaginatifs, et bientôt les spectateurs admiratifs durent reculer de peur d'être atteints par des sorts d'une puissance extraordinaire. Alerté de ce qui se passait, Dumbledore avait fini par faire son apparition et avait ordonné l'arrêt des hostilités. Il avait aussitôt enjoint Rogue de le suivre dans son bureau sans discuter. Avant de quitter l'estrade à peine essoufflé, le sorcier avait glissé à Harry quelques mots que lui seul avait entendu. Livide, le jeune homme était resté pétrifié quelques secondes et avait suivi du regard son ancien professeur qui s'éloignait tranquillement. Harry n'avait jamais voulu répéter à ses amis ce que Rogue lui avait glissé discrètement ce jour-là.
Des pas dans l'escalier interrompirent les réflexions d'Hermione. David les appelait : l'onguent était prêt à l'emploi. Rogue et elle suivirent le médicomage dans son laboratoire et contemplèrent en silence le baume de couleur violet qui ne dégageait pas d'odeur particulière.
« On y va ? » demanda David en les encourageant du regard.
A suivre...
Où l'on commence à découvrir que nos deux héros n'éprouvent pas que de l'indifférence l'un envers l'autre...
Encore un chapitre très long, que j'ai dû couper en deux cette fois. La seconde partie sera mise en ligne la semaine prochaine si ça avance comme je le veux.
L'idée des Atouts est empruntée à Roger Zelazny, et à son cycle des Princes d'Ambre. Si vous connaissez, les Atouts ont le même usage ici que dans les Ombres où se promènent la famille d'Obéron.
Un petit détail concernant Nagini. Je ne suis pas sûre que l'animal de compagnie de Voldemort soit une Vouivre. La nagini est en réalité un petit naja, à tête de femme, dans la mythologie indienne. Cela m'arrangeait d'en faire ici une redoutable créature métamorphe, à la fois femme séduisante et irrésistible, et serpent-dragon avec un rubis au milieu du front.
Notes concernant 'le Maître des Songes' : je laisse de côté cette fic pour l'instant mais ne l'abandonne pas. J'ai plein d'idées, mais je préfère terminer 'la Braise' avant d'enchaîner. Idem pour 'Wild Nature'.
Merci encore pour vos encouragements et votre soutien. Je vous embrasse.
Nad
