LA BRAISE SOUS LA CENDRE

Disclaimer : voir prologue.

Chapitre 26 : Réaction en chaîne

Cachée derrière un voile magique, Hermione se concentra sur l'Atout et appela doucement la présence de Malefoy. Progressivement, elle s'insinua dans l'univers du Mangemort et le décor de sa chambre au bord de la mer disparut. C'était comme si elle se trouvait matériellement dans le bureau de Lucius, sauf qu'aucun des deux protagonistes présents dans la pièce, ne la voyaient. Invisible à leurs yeux, elle voyait en revanche tous leurs faits et gestes, et entendait tout ce qu'ils se disaient...

(...) Présentement, Jeremy Bentham regardait son maître arpenter furieusement le bureau dans les grandes largeurs, en tempêtant contre l'incapacité de ses hommes à effectuer une simple surveillance. L'homme de main venait d'apporter à Malefoy la nouvelle que Graham Fisher était introuvable depuis la veille, et que, comble de malchance, cette traînée de Sirêna Jones avait aussi disparu...

Lucius avait ravalé un commentaire cinglant à ces paroles, se contentant d'un regard froid comme la glace à l'encontre de son sous-fifre et d'un « J'en fais mon affaire » révélateur. Mal à l'aise, Bentham avait glissé un regard rapide vers la porte fermée de la pièce adjacente. Hermione soupçonnait qu'il savait exactement où l'intéressée se trouvait. Il se pouvait fort bien qu'il s'agisse de la jeune femme que Severus et elle avaient vue hier soir en compagnie de Lucius...

Impassible, Bentham attendit que passe l'orage et se contenta de souligner qu'il n'était pas responsable de Graham Fisher et que tout le monde avait sous-estimé le traducteur. Au bout d'un moment, effectivement, Malefoy cessa ses imprécations et lui donna ses ordres avant de le congédier.

Seule avec le Mangemort, Hermione en profita pour l'observer. Un phénomène ne tarda pas à la frapper quand elle réussit à l'identifier. Lucius respirait le pouvoir, mais aussi la malfaisance à l'état brut. C'était quelque chose de très noir, de franchement maléfique, qui la fascinait malgré elle. En analysant ses impressions, la jeune sorcière prit alors conscience qu'il existait une différence fondamentale entre Malefoy et Rogue. Autant ce trait présent à une moindre échelle chez Severus lui conférait un certain charme, sous la forme d'une attirance sulfureuse et troublante, autant chez Lucius, cette caractéristique donnait envie à Hermione de goûter aux dangers que cet homme représentait comme à un fruit défendu, de se brûler les ailes aux feux de sa puissance et d'embrasser la malignité et la noirceur de son âme... C'était séduisant... attirant... terriblement envoûtant...

Un signal d'alarme retentit brutalement dans la tête de la jeune sorcière qui se reprit in extremis avec horreur en constatant vers où ses pensées dérivaient. Elle s'aperçut alors qu'elle s'était approchée inconsciemment de Lucius. Sans l'émeraude accrochée à son cou, elle aurait été sur le point de lui faire connaître sa présence… Elle fit un effort qui lui coûta beaucoup et battit en retraite en se traitant d'imbécile. Bon sang ! Malefoy baignait dans la Magie noire ! C'était lui, la tentation dont lui avait parlé Rogue, lui, qui pouvait l'entraîner sur des territoires que sa raison refusait d'explorer... Mais en ce qui concernaient ses émotions, c'était une autre affaire. Severus lui avait pourtant dit qu'elle éprouvait ces désirs violemment même si elle n'en était pas tout à fait consciente… Merlin ! Elle devait se surveiller et ne pas faire confiance à ses sentiments. Mentalement, elle se blinda et se répéta « non, je ne succomberai pas » comme un mantra en fermant les yeux pour ne plus voir l'objet de tentation qu'était Lucius. Elle se força alors à se concentrer sur le but initial de sa mission. Forte de ses résolutions nouvelles, elle suivit le Mangemort quand il passa dans l'autre pièce...

... Et quitta les lieux quelques minutes plus tard pour laisser Malefoy et la jeune femme – Sirêna Jones sans doute - en tête à tête privé... Elle n'était pas une nonne, mais il y avait des limites à la décence tout de même.

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Le craquement d'une bûche dans l'âtre sortit Sirêna Jones de la douce torpeur post-coïtale dans laquelle elle baignait. Voluptueusement, la jeune femme s'étira comme une chatte près de Malefoy, qui ouvrit les yeux à son tour, un sourire satisfait aux lèvres.

« Vous êtes une vraie bête… » lui dit-elle doucement.

« Et toi, une admirable prêtresse des sens... »

Sirêna Jones lui rendit son sourire. Toujours allongé sous les draps froissés, Lucius souleva nonchalamment le couvercle d'une boîte posée sur la table de chevet et en sortit un cigare, avant de reprendre :

« ... Combien d'années d'initiation, de travail sur les corps et les fantasmes t'a t'il fallu pour en arriver à une telle virtuosité érotique, ma belle Sirêna ? »

La jeune femme se leva avec souplesse et commença lentement à se rhabiller en riant.

« J'imagine que je n'ai aucun mérite. J'ai été repérée très jeune. J'ai pu répéter avec les meilleurs professeurs. »

« Professeurs ? »

« Des initiateurs ou des initiatrices venus des quatre coins du monde faire partager leurs savoirs et leurs expériences... Mon métier n'est pas seulement un gagne-pain, c'est aussi un véritable art. »

Sirêna finit par s'approcher du lit où Malefoy s'affairait à couper l'extrémité de son cigare avec un ciseau. Après en avoir terminé, il reprit :

« Ainsi donc, ce que l'on dit est vrai... »

« Quoi donc ? »

« Pour être une vraie pute sacrée, il faut avoir ça dans le sang. »

Avec un sourire mutin, Sirêna se pencha sur Lucius et l'embrassa langoureusement.

« Votre Grâce, vos compliments me vont... »

« ... droit au coeur, je sais » termina Lucius.

Ce qui s'ensuivit se déroula si vite qu'Hermione, qui était revenue depuis quelques minutes seulement, n'eut pas le temps de réagir… Sans hésitation, elle vit Malefoy plonger son ciseau à cigares dans la poitrine de Sirêna Jones, qui regarda alors son amant avec des yeux ronds, sans émettre un seul son...

Le temps que la jeune femme réalise ce que Lucius venait de lui faire, ce dernier l'avait déjà couchée sur le lit et la regardait se débattre en vain pour lui échapper. Les secondes s'écoulèrent, interminables...

Interdite et choquée, Hermione assistait impuissante à toute la scène dans un coin de la pièce, la main sur la bouche pour retenir un cri d'effroi…

« Lucius... Pourquoi ? » hoqueta finalement Sirêna, alors qu'elle sentait que tout était perdu.

« Parfois, il faut savoir faire des sacrifices... Crois-moi sur parole, ma chère Sirêna, celui-ci me coûte énormément... »

« Mais... je... t'aime... » réussit-elle à hoqueter, alors qu'un filet de sang apparaissait au coin de sa bouche.

Lucius dévoila un sourire effrayant. « Pauvre petite idiote... »

Ses yeux dans ceux de la prostituée, le sorcier observa avec fascination la vie la quitter. Après un dernier sursaut, la jeune femme ne bougea plus. Malefoy déposa un baiser sur son front, puis il se releva calmement, comme si de rien n'était. L'homme passa ensuite un peignoir et sortit de la chambre pour passer dans le bureau adjacent.

Avec consternation, Hermione s'approcha du corps sans vie de Sirêna Jones alors que, dans le bureau, Malefoy jetait de la poudre de cheminette dans l'âtre et convoquait Jeremy Bentham. La sorcière venait d'assister à un meurtre commis de sang-froid, motivé uniquement par un désir de vengeance. Malefoy venait de punir une femme qui l'aimait en lui ôtant la vie pour une faute dont elle n'était peut-être pas même responsable ! D'ailleurs, surprise par le geste de son amant, la jeune femme était morte en arborant une expression de trahison sur son visage parfait. Hermione ressentit alors une vague de haine la submerger. Cet homme était un véritable monstre !

« Débarrasse-moi de ça... » l'entendit-elle ordonner, dans le silence du salon.

Quelques secondes plus tard, Jeremy Bentham pénétrait dans la chambre et avisait sans surprise le cadavre de Sirêna Jones. Avec indifférence, il roula la jeune femme dans les draps et la mit sur son dos sans effort. Encore secouée, Hermione le suivit dans le bureau où Lucius allumait un autre cigare sans trahir d'émotions.

« Jeremy, je suis obligé de changer mes plans. Je vais m'occuper de Fisher personnellement. Par conséquent, je te charge de t'occuper de la petite soirée au Ministère demain soir... »

Hermione sentit son coeur bondir dans sa poitrine à ces mots et retint un cri. Demain soir ! Cela ne leur laissait que peu de temps pour essayer d'empêcher l'attentat sur Arthur Weasley ! En quête d'informations supplémentaires, elle écouta attentivement les paroles suivantes de Malefoy alors que ce dernier s'avançait vers Bentham.

« ... Fais en sorte que tout se déroule comme prévu. Contactes-moi immédiatement dès que ce sera terminé... Si tu échoues, je te tiendrai directement pour responsable... J'espère que tu comprends ce que cela signifie, Jeremy ? » demanda Malefoy d'un ton lourd de menaces.

L'intéressé essaya de paraître sûr de lui. « C'est très clair, Lucius. Tout se déroulera comme prévu. »

« Je quitte cette demeure dans l'heure. Tu emmèneras Narcissa à Falcon Crest, puis tu veilleras sur elle. »

« Bien, Lucius... Et pour Rogue et Granger ? »

« Tu avertiras Flavius de me les amener au plus vite à l'endroit que tu sais. Qu'il les neutralise et les ramène vivants tous les deux... Au besoin, aide-le. Je leur réserve une surprise de mon cru... »

Hermione déglutit et sentit un frisson de peur irrationnelle remonter le long de sa colonne vertébrale. Qu'est-ce que ce malade comptait faire ? Visiblement Malefoy avait des projets et il avait besoin d'eux pour les réaliser. Après l'horreur qu'elle venait de vivre, elle était réellement effrayée et désireuse de quitter les lieux le plus vite possible pour avertir Severus Rogue.

Elle ne perdit pas de temps à retrouver sa chambre et se précipita immédiatement dans le salon en hurlant :

« Severus ! Réveillez-vous ! »

Le sorcier sursauta et ouvrit des yeux hagards, tout en cherchant de manière réflexe sa baguette magique dans sa robe. Quand il fixa son regard sur Hermione, il fronça les sourcils et la transperça d'un regard chargé de ressentiments.

« C'est pour demain soir ! » s'écria t'elle sans lui laisser le temps de dire un mot.

Rogue comprit immédiatement à quoi elle faisait référence et chassa les dernières traces de sommeil. « Demain soir, mais... »

« ... Nous n'avons pas le temps, je sais. Il faut que je prévienne Ginny pour qu'elle parle à son père... Elle seule peut le convaincre de tout arrêter ! »

Déjà, Hermione s'était emparée du Portoloin et s'apprêtait à l'actionner.

« Attendez une minute ! » tonna Rogue. « Racontez-moi d'abord ce que vous avez vu ! »

Rarement il avait vu Hermione Granger aussi agitée. Même si le caractère Gryffondor de la jeune femme la conduisait souvent à agir impulsivement au lieu de réfléchir froidement à un problème, elle semblait particulièrement troublée, et pas seulement à cause de l'urgence de la situation. Il le voyait à la façon dont ses yeux s'agitaient en tous sens et à son expression inquiète, presque paniquée... Le frisson qui la parcourut au même instant ne lui échappa pas non plus et renforça ses soupçons.

« Vous tremblez… » murmura Rogue en prenant spontanément les mains d'Hermione dans les siennes. « Venez-vous asseoir un instant… »

Le contact physique qu'ils établirent ne troubla pas Hermione outre mesure, tellement elle était saturée par les émotions fortes suscitées par la présence de Malefoy et les événements qu'elle avait vécus. Au contraire, elle fut reconnaissante à Rogue de montrer une telle sollicitude. Le geste n'était pas inattendu en soi maintenant qu'elle connaissait mieux le sorcier. En cet instant, elle l'appréciait même clairement.

« Dites-moi ce qui s'est passé... »

Sans le regarder, Hermione lui fit en frissonnant le récit de ce qu'elle avait vu et entendu. Le meurtre affreux de Sirêna Jones, la façon dont Lucius avait utilisé la jeune femme et ce qu'il avait dit à Jeremy Bentham... Trop honteuse de sa réaction, elle passa sous silence ce qu'elle avait ressenti un bref instant pour Malefoy, pour ce monstre égoïste et sans cœur qui la dégoûtait à présent profondément.

« Malefoy veut nous avoir vivants tous les deux, Severus… » termina t'elle. « ... Il a dit qu'il nous réservait une surprise de son cru... » Hermione sentit Rogue imperceptiblement se raidir à ses côtés. Elle releva la tête et considéra avec inquiétude son visage devenu grave. « ... Il veut m'utiliser contre vous pour se venger, n'est-ce pas ? »

« C'est possible... »

« Alors, il sait que vous... vous... »

Hermione baissa les yeux, soudain incapable de croiser le regard de Rogue et chercha ses mots maladroitement, un comportement dont elle était peu coutumière. Merlin que c'était difficile ! Elle eut l'impression de revivre la même tension que cinq années auparavant, à Poudlard, le matin où elle avait reçu sa troublante confession... Même si les circonstances étaient différentes à présent, qu'ils avaient tous les deux changé, l'angoisse d'aborder ce sujet particulier de conversation avec lui la rendait tout de même nerveuse et incertaine. C'était délicat, d'autant qu'elle ignorait s'il éprouvait toujours ces sentiments pour elle. Oh, elle avait bien sa petite idée sur la question, mais ce n'était que des suppositions, rien de concret... Elle inspira finalement et se jeta à l'eau.

« ... vous étiez épris de moi ?... »

Rogue se figea, aussi mal à l'aise qu'elle, et s'éclaircit la gorge. Bizarrement il s'arrêta sur le choix des mots de la jeune femme et l'emploi de l'imparfait pour désigner un fait révolu selon elle. La prudence inhabituelle de ses paroles et ses hésitations en disaient long sur le malaise et l'embarras qu'elle devait ressentir en sa présence.

Elle n'était pas prête à entendre une confession et il n'était pas prêt à en délivrer une... D'abord, parce que ce n'était ni le moment, ni l'endroit. Ensuite, parce qu'il n'était plus sûr de rien... Ces quelques jours passés en compagnie d'Hermione à s'apprivoiser l'un l'autre et à essayer de se comprendre, avaient jeté le doute et la confusion dans son esprit. Elle n'était plus la jeune fille qu'il avait aimée, et bien qu'il tint toujours indéniablement à elle, il ignorait honnêtement si ses sentiments étaient toujours les mêmes ou s'ils avaient évolué...

Il y avait aussi un facteur déterminant qu'il lui fallait prendre en compte : Hermione lui avait accordé son amitié et ne l'aimait pas au sens où il l'entendait. Comment aurait-elle pu ? Ce n'était pas quelques jours partagés douloureusement dans des circonstances exceptionnelles qui allaient effacer d'un coup leur passé commun et qui allaient changer le cours de leurs vies. Derrière toutes ces considérations, il devait reconnaître qu'il avait tout simplement peur de souffrir : lui avouer qu'il l'aimait encore, c'était certainement s'exposer à une rebuffade gênée et polie qui le laisserait désemparé et malheureux, même s'il n'en montrait rien.

Ensuite et surtout, cette révélation se doublait d'un autre constat d'échec beaucoup plus cuisant sur un aspect de son passé qu'il tâchait désespérément d'oublier. Sa captivité et les tortures qu'il avait subies étaient une plaie qui n'avait jamais cicatrisée et dont il ne voulait parler à personne, pas même à elle. Au delà de la souffrance physique, c'était une blessure profonde en son âme, son secret le plus inavouable, l'aveu de sa faiblesse...

Hermione commença à s'inquiéter quand le silence se prolongea. Elle voyait bien qu'il venait d'entrer précipitamment dans sa coquille en se renfrognant sombrement comme si elle avait touché une corde sensible en lui. Elle était parfaitement consciente que le sens de sa question était ambigu et double. De la même façon, une réponse serait hautement révélatrice. Bien qu'elle sentit que ce n'était pas le moment d'insister sous peine de s'exposer à une répartie cinglante, sa curiosité naturelle l'emporta et elle brava ce que la prudence lui imposait.

« Severus ? »

Le sorcier se leva et alla se planter devant la fenêtre où il contempla farouchement l'océan, les bras croisés sur la poitrine. En le voyant ainsi, Hermione eut une vision surgie du passé : elle le vit dans le cloître de Poudlard, haute figure autoritaire et sombre, drapée dans sa solitude et ses regrets amers...

Etrangement, le silence pesant se prolongea. Hermione devint perplexe et se demanda comment elle devait interpréter son absence de réactions. Sa présente attitude confirmait toutefois ce que la jeune femme soupçonnait depuis un moment. Il y avait bien plus en jeu entre Malefoy et l'ancien Maître des Potions que ce qu'il avait bien voulu lui dire. Au delà de leurs rivalités auprès de Voldemort, les deux hommes étaient liés par un terrible secret, quelque chose dont Rogue ne voulait pas parler…

« Comment Malefoy aurait-il su ?... »

Hermione passa mentalement en revue plusieurs hypothèses mais aucune ne la satisfaisait entièrement. Perdue dans ses pensées, elle ne s'était pas rendu compte qu'elle avait parlé à voix basse et que Rogue s'était brusquement redressé en entendant ces quelques mots. Ce n'est que lorsqu'elle aperçut la brusque tension dans la ligne des épaules du sorcier qu'elle comprit qu'elle venait de commettre un impair.

Avec appréhension, Hermione hésita à poursuivre plus en avant alors que Rogue, le dos toujours tourné, se débattait en silence avec des sentiments contradictoires. Elle sentait que l'atmosphère entre eux venait subtilement de changer et s'était soudain faite plus électrique. Ce qui ne pouvait que signifier une chose : elle avançait en terrain miné.

Pourtant, ce fut à cet instant précis que tout s'éclaira soudain dans l'esprit de la jeune femme. Avec fascination, elle remit les pièces du puzzle en place, en oubliant de prendre garde aux signaux clairement hostiles que le Maître des Potions lui envoyait, et s'écria :

« Mon Dieu ! C'est lui qui a commis toutes ces atrocités sur vous, n'est-ce pas ?... »

A peine les mots avaient-ils jaillis qu'elle s'en voulut immédiatement de sa stupidité. Trop tard, le mal était fait. En un éclair, Rogue s'était retourné vers elle, les yeux brillants de fureur, le visage déformé par la colère. Les poings serrés, il tâchait de contrôler la rage qui bouillonnait en lui...

« Vous, les Gryffondors, ce n'est pas un lion qui aurait du vous symboliser le mieux, mais un bélier fonçant tête baissée sans réfléchir ... » siffla t'il d'une voix glaciale à peine audible. « ... Jusqu'à présent, j'ai toléré votre maudite impertinence. J'ai fait même montre d'une patience exemplaire, mais maintenant vous outrepassez vos droits... »

Terminée la complicité et la sollicitude... Le brusque changement d'humeur de Rogue laissa Hermione désemparée et sans voix, tout en lui rappelant combien l'homme était difficile. Le sorcier était réellement furieux après elle. La vérité qu'elle lut dans les yeux d'ébène de son compagnon à cet instant la fit se sentir toute petite. Si seulement elle avait gardé son commentaire pour elle...

« ... Sous prétexte que vous m'avez sauvé la vie, vous exigez que je fasse toute la lumière sur les ombres de mon passé... » continua Rogue en se dirigeant vers la sortie. « ... Allons donc ! Vous ne supporteriez déjà pas d'entendre le quart de ce que je pourrais vous raconter ! Et en plus, vous pensez sincèrement que le fait d'en parler m'aiderait à faire la paix avec moi-même... » Il secoua la tête, eut un rire de dérision à faire froid dans le dos et ouvrit la porte. « ... Miss Granger, votre naïveté est affligeante... »

Il n'avait rien perdu de sa froide suffisance et de son mépris mordant envers les autres. Hermione se mit à rougir jusqu'à la pointe des racines alors que Rogue sortait et marchait d'un pas déterminé vers la plage. Interdite par son accès de colère froide et ne sachant pas trop quoi en penser, Hermione le suivit du regard à travers la fenêtre jusqu'à ce qu'il disparaisse derrière les dunes.

La jeune femme se demanda alors ce qu'il convenait de faire. S'excuser était certainement la chose la plus sensée à faire, même si elle doutait qu'elle fut véritablement responsable de ce qui venait de se produire. Elle l'avait blessé, c'était vrai, mais elle se demandait honnêtement si ce n'était pas lui qui se punissait pour ce qu'il avait fait quelques années plus tôt. S'il n'arrivait pas à se pardonner, alors comment réussirait-il à tourner la page ? S'il refusait son aide, alors comment pourrait-il avancer dans sa vie ?

Le laisser ruminer seul dans son coin pendant quelques temps était aussi la plus sage des décisions. Pourtant, il y avait urgence. Il fallait prévenir le Ministère de ce qui se préparait. Hermione demeura incertaine, et finalement décida à contrecoeur d'attendre le retour de Rogue pour agir...

Une demi-heure plus tard, la jeune sorcière releva la tête quand elle entendit la porte s'ouvrir. Avec appréhension, elle se leva alors qu'il entrait et croisa son regard sans ciller.

« Severus, je suis sincèrement désolée... »

Rogue accepta ses excuses d'un simple hochement de tête. Un silence inconfortable s'installa alors entre eux. Le sorcier fit lentement quelques pas dans la pièce, avant de se tourner finalement vers elle.

« Je vous accompagne chez les Potter... » dit-il enfin.

Hermione comprit le message instantanément : inutile de revenir sur la discussion précédente, le sujet qui fâchait était clos. Un immense poids disparut de ses épaules en même temps qu'elle s'alarmait de sa déclaration.

« Mais vous ne pouvez pas... On va vous reconnaître ! »

Sans même prendre sa baguette, Rogue fit un simple geste de la main devant son visage en prononçant doucement Transfiguro...

Hermione ouvrit de grands yeux et resta sans voix pendant quelques secondes. Ce n'était pas la performance d'avoir fait de la magie sans baguette qui suscitait cette réaction, mais parce qu'un parfait inconnu se tenait tout à coup devant elle. Basiquement, il y avait bien quelques similitudes de traits mais elle devait reconnaître qu'il était différent.

Ses cheveux noirs étaient beaucoup plus courts, légèrement tirés en arrière et plutôt coiffés en bataille. De petits favoris descendaient sur ses joues dont le contour semblait ainsi moins émacié. Le nez était moins crochu, plus large, plus harmonieux. L'ensemble donnait l'impression que la mâchoire était carrée et énergique. L'expression du regard, elle, n'avait pas changé : perçante, inquisitrice et intimidante, elle donnait de la vie à un visage à la peau toujours aussi pâle.

Un léger sourire sardonique – mais ô combien séduisant ! - étira bientôt les lèvres toujours aussi fines du Maître des Potions. Ses yeux se plissèrent et reflétèrent un amusement certain devant l'ébahissement de la jeune femme qui s'avança vers lui pour mieux le dévisager.

« Par Merlin !... C'est extraordinaire ! C'est vous, tout en étant quelqu'un d'autre ! Comment avez-vous fait ? »

« C'est un secret... »

« C'est fou mais vous me rappelez quelqu'un... »

Rogue secoua la tête et dit doucement en s'inclinant devant elle comme pour la saluer : « Vous avez devant vous le seul et unique William d'Arcy... Pour vous servir... »

Si son visage s'était métamorphosé, sa voix en revanche était toujours la même. Hermione en remercia le ciel et le contempla encore quelques secondes avant de prendre soudain conscience qu'elle le dévisageait avec insistance, comme hypnotisée. Ça ne se fait pas, voyons ! se fustigea t'elle. Elle rougit et détourna vite le regard en feignant d'être accaparée par autre chose.

La réaction d'Hermione n'échappa pas à Rogue dont le sourire s'élargit. Le sorcier savait qu'il n'était pas beau, mais qu'il possédait un certain charisme qui attirait inexplicablement les femmes. Plus jeune, quand il voulait s'en donner la peine, il parvenait à séduire sans trop de difficultés. Peut-être était-il temps qu'il sorte ce que certains appelaient le 'grand jeu' ? Dans tous les cas, les traits plus gracieux de William d'Arcy allait lui être utile...

En attendant d'en arriver là, ils avaient tous les deux une affaire plus importante à régler.

« Vous êtes prête ? » demanda t'il.

« Quand vous voulez... » répondit la jeune femme en sortant le Portoloin de sa poche.

Rogue s'avança vers elle. Hermione activa l'objet magique et ils se dématérialisèrent immédiatement...

... Pour réapparaître quelques secondes plus tard à proximité du domicile des Potter.

... A suivre...

IMPORTANT : C'était le dernier chapitre réédité suite à la suppression de la fic. Dans la foulée, j'ai reçu beaucoup de mails me demandant des explications et le pourquoi du comment. Je remercie les personnes qui se sont inquiétées et je les rassure. Je n'ai évidemment pas pris la décision de supprimer mon texte, sinon pourquoi le publier ? Comme beaucoup d'autres qui ont connues cette mésaventure, je me perds en conjectures sur les motifs réels, mais sachez qu'il y a des faits troublants et que cette disparition n'est pas innocente...

En tout état de cause, je suis sur ffnet depuis 2001, et jamais je n'ai rencontré ce genre de problèmes. Je continuerai à publier sur ce site. Si jamais la fic venait à disparaître de nouveau, sachez que vous la trouverez sur ma page perso. En plus, elle est illustrée!

Prochainement, les chapitres inédits seront mis en ligne mais soyez encoe un peu patient(e)s. Comme toujours, merci aux personnes qui laissent un petit mot.

Bises. Nad