Chapitre 49
Quand Sora et Mimi arrivèrent à l'Agence, la nuit avait recouvert les reliefs du haut bâtiment d'un aplat d'encre noire. Elles se dirigeaient vers le porche d'entrée ; alors qu'elles approchaient, elles distinguèrent soudain une haute silhouette se mouvoir derrière la porte vitrée du hall.
– C'est Joe ! le reconnut Sora.
– Qu'est-ce qu'il fabrique ? s'étonna Mimi.
Le jeune homme tournait en rond dans le vestibule, mains sur les hanches et l'air anxieux. Il semblait parler tout seul, avec de grands mouvements de bras, comme s'il répétait un rôle de théâtre. En s'approchant, les deux jeunes filles distinguèrent l'écho de sa voix :
– Allons, Joe, calme-toi ! Il faut ordonner tes pensées … tu ne dois pas perdre ton sang-froid … c'est toi le plus vieux, c'est à toi de réfléchir sur ce qu'il convient de faire maintenant … mets de l'ordre dans ta tête … c'est simple, c'est comme pendant un examen …
À ce moment, il s'immobilisa et sembla prendre conscience de l'absurdité de ses paroles. Il porta les mains à sa tête et s'arracha les cheveux :
– Ah nooon, ce n'est pas du tout comme un examen ! Qu'est-ce tu racontes, mon pauvre Joe ? Tu viens d'apprendre que le sort de la Terre a été complètement chamboulé à cause du digimonde et tu veux raisonner comme à un examen ? Tu perds la tête ! Raah, qu'est-ce que je dois faire ? Il y a beaucoup trop d'informations à gérer en même temps !
Mimi poussa la porte de l'Agence et s'exclama :
– Joe ! Tout va bien ?
Le jeune homme sursauta et fit volte-face et quand il reconnut les deux jeunes filles son teint vira au cramoisi. Honteux, il bafouilla :
– Vous … vous avez entendu ce que je disais ?
– Oui, un peu, reconnut Mimi.
– Oubliez-le ! s'écria-t-il en agitant ses mains. Je racontais n'importe quoi …
– Ce n'était pas n'importe quoi ! Nous aussi, on se pose des questions … c'est bien normal, après ce qu'on vient d'apprendre. Finalement, chacun d'entre nous digère ça comme il peut. Tu as bien le droit de réfléchir à voix haute si ça t'aide … mais tu sais, Joe, tu aurais vu ta tête il y a deux minutes … c'était à mourir de rire !
– Ce n'était pas censé être drôle !
– Voyons, tu sais bien que je plaisante ! Il faut qu'on reste calmes.
– Calmes ? Calmes ? Nous sommes les seuls au courant d'un secret qui a bouleversé l'histoire du monde, et tu veux que nous restions calmes ?
– Arrête, tu exagères !
– Moi, je te comprends, intervint Sora.
Mimi et Joe se retournèrent vers leur amie, qui était demeurée imperturbable. Elle les dévisagea sans prononcer un mot et me silence retomba entre les trois adolescents. Au bout de quelques secondes, Mimi le rompit :
– Avant de nous casser la tête sur la décision à prendre, on devrait penser à nourrir notre estomac. On pense toujours mal le ventre vide ! Et si l'on rejoignait les autres ?
Joe dévisagea son amie : elle avait raison. Même s'il lui arrivait d'être encore frivole par moments, Mimi avait beaucoup mûri ces dernières années. L'enfant gâtée et insouciante s'était muée en une jeune fille ferme et optimiste, et en cet instant peut-être était-elle elle qui montrait la plus grande force d'âme. Joe l'admirait pour cela.
– On y va, acquiesça-t-il avec un sourire.
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Après avoir quitté la salle de réunion, Daisuke, Miyako, Iori et Ken étaient allé prendre une boisson à la machine à café. Hikari, qui était allée se rafraîchir, les y retrouva.
– Takeru n'est pas avec vous ? s'étonna-t-elle.
– Non, je ne l'ai pas vu depuis qu'on est sortis, répondit Daisuke.
La jeune fille fronça les sourcils, légèrement inquiète. Néanmoins, elle s'assit sur l'une des banquettes à proximité du distributeur de boissons. Ses amis tenaient tous un gobelet sur leurs genoux, en silence, et rien ne semblait pouvoir briser l'atmosphère lourde qui pesait sur leurs épaules. Finalement, Daisuke lâcha avec une pointe d'ironie :
– Je me demande, Ken, si tu n'aurais pas mieux fait de nous laisser dormir à l'hôpital … parce qu'avaler les évènements des quatre mois qu'on a manqués plus ceux de l'historique du monde digital, ça fait vraiment trop d'un seul coup je crois que je fais une indigestion d'informations …
– Arrête d'en parler comme si c'était drôle ! le réprimanda Iori.
– Malgré tout, il n'a pas tort, admit Miyako. Moi aussi, je me sens un peu écrasée par tout ce qu'on a appris.
Daisuke posa son gobelet sur une table-basse et releva la tête vers Ken, qui gardait les yeux rivés au sol, le visage sombre.
– À quoi tu penses, Ken ? Aux tours noires que tu as construites ?
Le jeune homme se mordit la lèvre :
– Sans moi, Yggdrasil n'aurait peut-être pas recouvert sa puissance aussi vite.
– Arrête de te culpabiliser ! Même sans ces tours noires, Yggdrasil aurait trouvé tôt ou tard un moyen de se régénérer. Tu n'es plus l'Empereur des digimons.
– Mais je l'ai été. Même si j'ai changé, mon passé ne s'effacera pas pour autant. Quand je vois que mes actes peuvent avoir des conséquences aujourd'hui encore, j'ai tellement … honte.
Daisuke fronça les sourcils : il considérait Ken comme son meilleur ami et il ne supportait pas qu'il continue de se flageller pour ce qu'il avait été. Cependant, il savait également qu'il n'avait aucune prise sur les peurs et les remords enracinés dans le cœur de son ami, et que seul Ken pouvait les combattre. Iori posa ses mains sur ses cuisses et déclara :
– Moi, ce que je trouve le plus incroyable, c'est d'avoir appris que les digimons ont une âme. Nous savions déjà qu'ils éprouvaient les mêmes émotions que nous, mais en fait ... nous sommes exactement pareils.
– C'est vrai, acquiesça Miyako. Je me sens encore plus proche d'Hawkon, à présent.
– Et moi d'Armadillomon. Cependant, je trouve maintenant les guerres entre humains et digimons encore plus horribles. Je me demande jusqu'à quel point nous avons le droit de détruire des êtres vivants si semblables à nous.
– Si Yggdrasil nous attaque, il faudra bien qu'on se défende, répliqua Daisuke.
– Oui, mais malgré tout lorsqu'on détruit un mauvais digimon, on le condamne à l'Océan des Ténèbres.
– Non, le contredit gravement Ken. Le digimon qui sert le mal s'est déjà condamné lui-même.
– A-t-on le droit de le désintégrer pour autant ? Finalement, c'est un peu comme commettre un meurtre. C'est une grave responsabilité.
– On n'aura peut-être pas le choix, hélas, souligna Daisuke sombrement.
Hikari, le visage grave, gardait le regard rivé sur le couloir sans le voir. Elle comprenait les réticences de Iori, mais elle savait que c'était Daisuke qui avait raison.
– Au fait, dit-elle en relevant soudain la tête, où sont Tailmon et les autres ? Ils sont sortis tous ensemble de la salle de réunion, et je ne les ai plus revus …
– Je crois qu'ils voulaient se réunir entre eux, déclara Miyako. Après ce que nous avons appris, c'est normal. Si pour nous le choc a été grand, je n'imagine même pas ce qu'ils ont pu ressentir en assistant à la création de leur espèce …
À cet instant, des bruits de pas résonnèrent dans l'escalier qui montait depuis les étages inférieurs et Joe, Mimi et Sora apparurent.
– Nous vous avons acheté de quoi grignoter ! s'exclama Mimi.
– Ah, c'est vraiment gentil à vous ! la remercia Miyako.
Au même moment, Koushiro et Sakae arrivèrent de l'escalier qui descendait du dernier étage, suivis par Meiko, M. Nishijima et Yamato qui débouchèrent d'un couloir perpendiculaire.
– C'est parfait, nous sommes presque au complet ! dit Joe.
– Tenez, servez-vous, dit Sora en tendant les deux sacs de courses à ses amis.
Tandis que chacun piochait un sandwich ou des biscuits, Hikari releva la tête vers les couloirs de l'Agence : Takeru ne les avait toujours pas rejoints, son frère non plus et cela commençait vraiment à la préoccuper. Elle sortit son téléphone portable et tenta de les joindre en vain.
À cet instant, Takeru surgit au coin d'un couloir et les rejoignit d'un pas lent ses traits étaient tirés et son regard assombri, absorbé par de noires pensées.
– Takeru … est-ce que ça va ? lui demanda Hikari.
– Oui, ne t'en fais pas.
Le ton de sa voix indiquait tout le contraire. Hikari le dévisagea, inquiète : elle avait rarement vu son ami avec une expression aussi accablée, mais elle ignorait quoi lui dire pour qu'il se sente mieux. Le regard lointain, presque absent du jeune homme lui fit comprendre qu'elle ne pouvait pas l'aider dans l'immédiat. Takeru alla s'adosser au mur, près de la machine à café, sans se servir dans la nourriture qu'avaient rapporté Mimi et Sora. Hikari, le cœur lourd, porta son beignet à sa bouche sans réelle faim.
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Dans la salle des sofas de l'Agence, les treize digimons avaient formé un cercle au milieu des canapés. Après avoir découvert les révélations de l'historique, ils avaient ressenti le besoin de s'isoler un moment de leurs amis humains, mais à présent qu'ils étaient entre eux, ils ne savaient pas quoi se dire. Chacun fixait le sol, encore hébété, hanté par les images du passé. Finalement, ce fut Veemon qui déclara :
– Personne n'a quelque chose de drôle à dire ? C'est horrible, ce silence …
– Quelque chose de drôle à dire ? rétorqua Hawkmon. Comment veux-tu qu'on soit d'humeur à rire après ce qu'on a découvert ?
– C'est pour détendre l'atmosphère !
Hawkmon haussa les épaules et le silence retomba. Au bout de quelques minutes, Piyomon murmura :
– Vous vous rendez compte … on sait maintenant que les digimons ont été créés il y a douze mille ans.
– Cela fait beaucoup plus longtemps que ce qu'on croyait, reconnut Gabumon.
– C'est incroyable de penser que l'on existe depuis tout ce temps, réfléchit Armadillomon.
– Moi, je pense à Yggdrasil, dit Patamon. Il a tout détruit, parce qu'il ne supportait pas la relation que nous avions avec les humains …
– Il ne pouvait pas la comprendre, intervint Agumon.
Tous les digimons se tournèrent vers le partenaire de Taichi, surpris. Agumon avait parlé avec un sérieux qui ne lui était pas coutumier et dans ses yeux verts brillait une gravité lucide.
– Yggdrasil ne possède pas d'âme … mais nous, oui. C'est ce qui nous permet de comprendre les sentiments de nos partenaires et d'être à leurs côtés, quoiqu'il arrive. C'est aussi ce qui donne sens à notre existence quand je suis avec Taichi, je me sens vivant. Aujourd'hui, je sais que c'est ce qui a manqué à Black Wargreymon quand je l'ai rencontré. En fait, il cherchait quelqu'un avec qui partager ses moments de félicité ou ceux où il se sentait triste … ce qu'il souhaitait, c'était tisser un lien avec quelqu'un qui donnerait sens à sa vie. C'est ce lien que nous partagerons avec nos partenaires, il est très précieux alors, nous ne devons pas laisser Yggdrasil le briser.
– C'est bien la première fois que je te vois parler comme ça, Agumon, déclara Gomamon. Mais je suis d'accord avec toi à cent pour cent : je ne laisserai personne détruire mon amitié pour Joe !
Tailmon fronça les sourcils :
– Hikari et les autres se sont toujours sentis responsables du sort du monde digital et de la Terre parce qu'ils avaient été élus par Homeostasis. Mais les vrais responsables du sort des deux mondes, c'est nous.
– C'est vrai, acquiesça Gabumon. Nous aussi, nous avons été choisis par Homeostasis.
– C'est notre responsabilité de protéger Ken et les autres, ajouta Wormon, justement parce qu'ils ont accepté leur mission tout en sachant qu'ils n'ont pas la puissance de lutter contre les mauvais digimons. C'est à nous de leur apporter notre force.
– Nous avons vu ce que les dix digimons du passé ont dû faire pour vaincre Yggdrasil, dit Tentomon gravement. C'était vraiment impressionnant … et si cela est possible, je voudrais que Koushiro et les autres n'aient pas à subir le même sort. Mais nous, en tant que partenaires, nous devrons peut-être ...
Tentomon ne put achever sa phrase. Les digimons, le cœur serré, se turent, et leurs yeux se perdirent dans l'obscurité de la salle sur laquelle on avait tiré des rideaux. Les pupilles d'Agumon se mirent alors à briller et il déclara :
– C'est vrai, nous devrons peut-être le faire. Et si cela se présente, nous devrons être prêts.
– Nous ne devrons pas montrer de signe de faiblesse, renchérit Tailmon.
– Je me suis déjà sacrifié pour Takeru, et je serai prêt à le refaire cent fois s'il le fallait, assura Patamon.
– Tant de nos anciens amis ont donné leur vie pour sauver la nôtre, se rappela Palmon. Léomon, Wizardmon, Chuumon … si jamais nous devons disparaître, nous leur ferons honneur.
Les digimons relevèrent la tête et échangèrent des regards décidés. Plus que jamais, ils savaient maintenant ce qu'ils devaient faire.
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Taichi appuya sa main contre la vitre : depuis cette aile parallèle de l'Agence, il surplombait l'étage où ses amis étaient en train de dîner. Derrière la seule fenêtre éclairée de tout le bâtiment, il devinait les silhouettes des adolescents et même s'ils lui tournaient le dos, il savait identifier chacun d'eux. Ils se connaissaient depuis si longtemps, ils avaient presque grandi ensemble et aujourd'hui, ils étaient les dépositaires du plus grand secret de l'humanité. Taichi ne pouvait effacer de son esprit le souvenir de ces cinq premiers hommes et de cinq premières femmes qui s'étaient sacrifiés pour sauver les deux mondes. Lui et ses amis avaient traversés bien des épreuves, ils avaient failli mourir, plusieurs fois, mais jamais il ne lui serait venu à l'esprit qu'ils devraient peut-être renoncer volontairement à la vie. Il savait que cette possibilité existait et rien que d'y penser, il avait l'impression qu'un vide abyssal s'ouvrait sous ses pieds. Ses épaules se crispèrent, il fronça les sourcils, et il se rappela alors de ce que M. Nishijima leur avait raconté, lorsqu'Eiichiro, Shigeru et Ibuki avaient disparu : ils avaient affirmé qu'ils savaient pourquoi ils avaient été choisis et qu'en donnant leur vie, ils ne faisaient qu'accomplir leur devoir. Homeostasis leur avait-il révélé la vérité dans un éclair ? Ou l'avaient-ils réellement compris par eux-mêmes ? Ils n'avaient pas reculé à l'heure de prendre l'ultime décision et Taichi espérait qu'il saurait faire preuve du même courage si lui et ses amis devaient se confronter à cette grave décision. Mais il ne pouvait pas les obliger à le suivre chacun d'eux demeurait libre et en tant que chef, Taichi devait respecter cette liberté. Il guiderait ceux qui voudraient l'accompagner. Yggdrasil pouvait encore être vaincu. Taichi serra les poings, déterminé, et se dirigea vers l'escalier.
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Les Enfants Élus mangeaient en silence, quand soudain, la cadence d'un pas gravissant des marches leur parvint. Ils tournèrent la tête et virent Taichi émerger de l'ombre de l'escalier : sur son visage se dessinait des rides d'une solennité qui n'était pas celle d'un adolescent. Il les observa tour à tour, gardant d'abord le silence, puis d'une voix grave, il déclara :
– Je sais que vous devez encore être tous bouleversés par ce que nous avons appris. Moi-même, je mentirai en vous disant que cela ne m'affecte pas.
Ses amis le dévisagèrent en silence. Dans le scintillement de ses yeux, sur les lignes de contraction de sa mâchoire, sur la courbe arquée de ses sourcils se dessinait une détermination qui semblait former une aura autour de son corps. Taichi, parfaitement calme, poursuivit :
– Nous savons désormais pourquoi nous avons été choisis et quelles responsabilités reposent sur nos épaules. Actuellement, Yggdrasil se régénère pour achever ce qu'il n'a pas pu mener à bien par le passé : éliminer les hommes et tous les digimons qui se sont liés à eux. Nous sommes les Enfants Élus, et nous devons tout faire pour l'arrêter.
Il cilla et continua, en détachant chacune de ses syllabes :
– C'est pourquoi … nous devons envisager l'éventualité d'accomplir le même sacrifice que les dix premiers hommes. C'est une décision difficile, qui met en jeu notre vie et celle de nos partenaires, et si certains d'entre vous ne sentent pas prêts à s'y engager, je le comprendrai. Cependant, je vous demanderai de bien vouloir vous manifester maintenant, s'il vous plaît.
Tous les adolescents, désarçonnés, échangèrent des regards glissants. Chacun scruta la réaction de son voisin, certains se mordirent la lèvre, d'autres se tordirent les mains, d'autres encore oscillèrent sur leur siège. Taichi fixait ses amis avec la crainte que l'un d'eux ne se lève pour abandonner, mais personne ne prit la parole. Personne ne bougea. Taichi, dont le cœur battait sourdement, sentit brusquement son angoisse se figer, puis diminuer graduellement. Ses amis relevèrent les yeux vers lui.
– On est allé trop loin ensemble pour renoncer maintenant, n'est-ce pas ? déclara Yamato avec un sourire désabusé.
– C'est vrai, acquiesça Joe. S'il y avait un moment pendant lequel nous aurions pu abandonner, c'était tout au début. Mais on a tenu bon.
– Alors, il faut continuer, décréta Mimi.
– Les dix premiers humains y sont arrivés, pourquoi pas nous ? ajouta Koushiro.
– Nous devons prouver que nous sommes dignes d'avoir été choisis, conclut Meiko.
– Surtout nous, dit Daisuke en jetant un œil à Miyako et Iori. Nous avons dormi pendant quatre mois, alors il est temps qu'on se rattrape ! Qu'est-ce que t'en penses, Taichi ?
Taichi sourit, le cœur gonflé de gratitude devant le courage de ses amis. Il se rendit alors compte que M. Nishijima le dévisageait avec intensité et dans son regard, Taichi lut de la fierté et du respect. Il sut alors qu'il avait cessé d'être enfant à ses yeux : M. Nishijima le reconnaissait désormais pleinement comme homme et chef des Enfants Élus, et lorsqu'il prit conscience de cette vérité, Taichi sentit son énergie se décupler. Il se tourna de nouveau vers ses amis et décréta :
– Dans ce cas, nous n'avons pas de temps à perdre !
– Ça, c'est bien parlé Taichi ! s'exclama alors une voix.
Agumon et ses amis digimons surgirent alors de l'escalier, d'un pas décidé sur leur visage se lisait de la détermination.
– On vous accompagnera, quoiqu'il arrive, déclara Gabumon.
– Votre mission est aussi notre mission, confirma Veemon.
– Nous avons tous été choisis, renchérit Tentomon.
Les Enfants Élus sourirent à leurs partenaires, émus Takeru, en particulier, fixait Patamon avec une émotion difficilement contenue.
– Cette fois, nous sommes vraiment au complet, dit Taichi avec fierté. Dans ce cas, établissons dès ce soir notre plan d'action !
– Que comptes-tu faire exactement ? lui demanda Hikari.
– D'après ce que nous avons pu apprendre de l'historique, Yggdrasil poursuit deux buts : le premier, se venger des humains qu'il considère responsables de lui avoir fait croire qu'il était un véritable dieu, alors qu'il n'est qu'un programme informatique le second, couper la liaison entre la Terre et le monde digital pour que nous ne puissions plus l'attaquer de front. Pour cela, il va essayer de mettre la main sur les deux blocs de qualcorite qui alimentent le monde digital. L'un se trouve sur Terre, l'autre dans le monde digital. Si l'un d'entre eux est détruit, le passage entre le monde digital et le nôtre deviendrai impossible.
– Yggdrasil ne peut pas sortir de l'Océan des Ténèbres, souligna Sora. Ce serait donc logique qu'il envoie d'abord les Sept Seigneurs démoniaques chercher le bloc de qualcorite qui se trouve dans le monde digital, vous ne croyez pas ?
– C'est possible, admit Joe, mais le digimonde est vaste et Yggdrasil ignore où se trouve ce bloc. En revanche, il sait précisément où se situe le bloc qui est demeuré sur Terre : selon Gennai, la qualcorite qui maintient le digimonde se trouve à l'endroit où avait été bâtie la capitale Jomon, près de l'actuelle île de Yonaguni.
– C'est une île du Japon, dit Miyako.
– Oui, acquiesça Taichi. Yggdrasil sait que s'il parvient à créer une distorsion, il pourra directement accéder à notre pays. C'est pourquoi je pense qu'il va plutôt tenter d'envoyer les Sept Seigneurs démoniaques sur Terre pour retrouver la qualcorite … mais aussi pour attaquer les hommes.
– Il ferait d'une pierre deux coups, comprit Iori.
– Exactement, confirma Taichi.
– Mais comment Yggdrasil va-t-il ouvrir un passage vers le monde réel si Mlle Himekawa refuse de l'aider ? souligna Mimi.
– Qui sait, dit Koushiro. Yggdrasil a eu accès à l'historique du monde digital et à tous les programmes qu'il contient. Il pourrait tout à fait utiliser l'un d'eux pour créer une distorsion sans l'aide d'un digivice. Taichi a raison : le bloc de qualcorite qui se trouve sur Terre pourrait être rapidement en danger.
– Alors, notre priorité est de le retrouver avant Yggdrasil et de le protéger, décréta Daisuke.
– C'est ça, dit Taichi. Mais pour cela, il faut nous rendre sur l'île de Yonaguni.
Ken sortit son téléphone portable et consulta les offres de transports en ligne.
– Le plus rapide, constata-t-il, c'est de prendre l'avion … mais avec des billets pris à la dernière minute, ça va nous coûter un bras à chacun.
M. Nishijima se leva et déclara :
– Pour ça, laissez-moi faire.
