LA BRAISE SOUS LA CENDRE

Disclaimer : voir prologue.

Chapitre 28 : La Nature du Mal

Les rideaux étaient tirés mais il était facile pour Rogue de distinguer les meubles et les objets disposés dans la chambre. Le sorcier enregistra machinalement les détails de son environnement et laissa ses yeux s'habituer à la pénombre. Ce qui l'intéressait uniquement reposait devant lui et avait un nom : Harry Potter, le garçon qui avait survécu, le vainqueur de Voldemort... présentement réduit à l'impuissance et promis à une mort certaine si Hermione et lui ne tentaient rien.

L'ancien prodige de la magie semblait dormir. Rogue en profita pour dévisager minutieusement le jeune homme, notant les changements surprenants survenus chez lui. Le plus frappant était son visage amaigri et fatigué, marqué par la malédiction qui faisait de lui un vieillard avant l'heure. Sa peau ridée et jaunie ressemblait à du parchemin et était clairsemée de petites tâches brunes. Comme lui avait dit Hermione, la cicatrice légendaire avait disparu de son front. Les traits du garçon, autrefois volontaires, laissaient apparaître à présent une grande lassitude et l'acceptation résignée de son sort. Sous les draps, la respiration faible soulevait à peine un corps amaigri et des membres déformés par l'inactivité. On aurait dit que Potter était déjà mort...

La jeune femme s'approcha de son ami et lui parla à voix haute : « Harry ? C'est Hermione à nouveau... »

Le jeune sorcier ouvrit lentement des yeux sans éclat et observa le visage de son amie, puis celui de l'inconnu qui se tenait à ses côtés. Harry ressentit une très nette impression de déjà-vu lorsque deux yeux noirs se plantèrent sans ciller dans son regard. Comme les traits de l'homme ne lui disaient rien, il n'y avait qu'une explication possible : il devait y avoir un sort de dissimulation derrière cette apparence trompeuse... Qui était réellement cet individu ? Que voulait-il ?

« Harry, je te présente mon ami, William d'Arcy. Je lui ai parlé de toi et il a accepté de nous aider à trouver une solution... » Hermione jeta un regard en biais vers Rogue, honteuse de devoir mentir à son ami d'enfance, et ajouta en baissant la voix : « ... Il a quelques connaissances en magie noire qui pourraient nous être précieuses... »

Rogue se pencha vers Hermione et lui murmura : « Il faut que je lui pose des questions... »

« Harry vous écoute et vous comprend, mais il ne peut pas s'exprimer oralement... Il peut juste vous répondre par oui ou par non, en clignant des yeux... »

« Il y a une autre possibilité... » chuchota Rogue.

Le sorcier sortit sa baguette. Hermione le regarda avec des yeux ronds. Les Aurors avaient-ils oublié de la lui demander en entrant ou avait-il réussi à la soustraire à leur vigilance ?

« Assurez-vous que personne ne nous dérange... »

« Qu'allez-vous faire ? » demanda Hermione, intriguée.

« Prendre un risque... Legilimens ! »

Harry entendit le cri étranglé d'Hermione, alors qu'il se sentait simultanément et brutalement investi par un esprit étranger et néanmoins, familier. Avec un choc, il reconnut immédiatement l'homme qui se tenait devant lui et qui l'agressait... C'était Severus Rogue ! Des pensées incohérentes s'entrechoquèrent dans sa tête alors qu'un vent de panique le submergeait. C'était impossible, il était mort ! Et pourtant, il n'y avait pas d'erreur possible... C'était sa voix, son esprit torturé et vindicatif, son style avec cette même façon de prendre d'assaut les sens du jeune sorcier en l'effrayant et en le brutalisant, comme une signature qui lui était propre...

Réagissant uniquement par instinct, Harry repoussa le viol psychique de toutes ses forces. Pendant l'espace de quelques secondes, il crut presqu'il était parvenu à mettre en déroute l'esprit inquisiteur de Rogue, mais une nouvelle vague d'assaut encore plus puissante que la première le fit reculer. Le jeune homme résista de toutes ses forces à l'invasion, alors que la voix de Rogue dans sa tête lui répétait de l'écouter et de se calmer...

Volonté contre volonté... Âme contre âme... Harry perdait du terrain et ne faisait que retarder l'échéance, car il ne pouvait contenir l'intrus sans sa baguette et ses pouvoirs, tout affaibli qu'il était par le sortilège de Voldemort. Et ce qui devait finir par arriver, arriva. Il céda d'un coup et capitula.

Indifférent à ce qui pouvait maintenant arriver, Harry attendit la prochaine attaque inévitable avec résignation. Finalement, peut-être que le destin, en la personne du professeur qui l'avait le plus détesté, lui faisait une fleur et hâtait son départ vers un monde qu'il espérait meilleur...

Quand rien ne vint, Harry sortit de sa léthargie en s'avisant que la présence de Rogue s'était tout à coup faite moins pressante, moins inquisitrice... Surpris malgré sa fatigue, il entendit alors la voix ferme de Rogue dans sa tête...

'Potter, vous m'entendez ?'

'O...Oui ?'

'Est-ce que ça va ?'

Rogue lui demandait si ça allait ! Et d'un ton… soucieux ( ?) qu'Harry ne lui connaissait pas... Mais peut-être qu'il interprétait mal les choses. Un début de panique l'envahit à nouveau...

'Qu'est-ce qui se passe ? Que faites-vous ici ?... Hermione !'

'Ça suffit, Potter ! Calmez-vous... Miss Granger sait qui je suis réellement. Je suis ici à sa demande.'

Ce qui n'était pas tout à fait exact, mais il était inutile d'alarmer plus que nécessaire le jeune homme, déjà fortement secoué par son intrusion forcée.

'Mais vous êtes mort !'

'J'ai l'air d'être mort, Potter ?' reprit la voix avec ce mordant, cette impatience propre à l'homme qu'Harry avait connu.

'Mais comment... ? Que vous est-il arrivé ? Où étiez-vous ?'

'C'est une longue histoire et je n'ai pas le temps de vous la conter aujourd'hui. Ce qui compte, c'est comment vous vous sentez...'

'A votre avis ?... Vous croyez que j'ai toutes mes chances de jouer dans le prochain championnat de Quidditch ?'

'Ne soyez pas impertinent ! Je vois bien que vous êtes mal en point physiquement... Ce qui m'intéresse, c'est de savoir ce que vous ressentez mentalement, comment le sort que le Seigneur des Ténèbres vous a lancé se traduit et vous affecte sur le plan magique...'

Ainsi il savait. Hermione devait lui avoir tout dit. Mais on n'effaçait pas sept années de méfiance comme cela et Harry avait de nombreuses interrogations. A commencer par...

'Pourquoi ?'

'Le sort vous causerait-il aussi des déficiences sur le plan intellectuel ?...Ça me semble évident... Pour que je puisse découvrir le charme qui vous sortira de l'état dans lequel vous vous trouvez...'

'Vous ! Vous voulez m'aider ?'

'N'allez pas vous imaginer que c'est parce que vous me manquez, Potter… C'est uniquement parce que vous êtes une énigme indéchiffrable, un spécimen à étudier, si vous préférez...'

'Et moi qui a cru un instant que vous n'agissiez que par pur altruisme...'

'Je n'ai pas changé... Si ça n'avait tenu qu'à moi, je ne serai pas ici...'

'Qu'est-ce qu'Hermione vous a promis en échange de votre aide ?'

Une brève hésitation...

'Votre amie m'a sauvé la vie...'

'... Et vous lui devez une faveur... J'imagine combien vous devez détester cette situation, Rogue. D'abord, moi, puis Hermione, la 'Miss-je-sais-tout' de Gryffondor... Aussi étrange que cela puisse paraître, je n'ai jamais compris comment votre honneur de Serpentard vous obligeait à honorer vos dettes. Ce n'est pas dans les habitudes de la Maison. En revanche, comploter et trahir...'

'Ça suffit, Potter !' Une vague de fureur s'abattit sur Harry. 'Vous ne savez rien de moi ! Je ne crois même pas que vous compreniez mes raisons s'il me venait un jour l'envie de vous les expliquer, ce qui n'est pas prêt d'arriver, je vous le garantis. Je ne vous dois rien. Collez-vous ça dans la tête une bonne fois pour toute. Je ne vous aide que parce qu'Herm... Miss Granger me l'a demandé !'

Harry tiqua. Qu'avait-il failli dire dans sa colère ? Hermione ? Jamais Rogue n'avait appelé son amie par son prénom... Il n'aurait jamais osé, à moins que des liens d'amitié se soient tissés entre elle et lui. Mais c'était hautement improbable, connaissant le caractère franchement asocial de l'ancien professeur de potions.

L'homme n'avait pas répondu à sa question et Harry soupçonnait qu'il y avait une autre raison. Il se mit à réfléchir et choisit une approche moins directe.

'Je suis conscient des efforts d'Hermione pour améliorer ma condition, mais pourquoi vous en particulier ?'

'Ne suis-je pas le mieux placé pour identifier ce que vous avez subi s'il s'agit de magie noire ?...'

'Vu sous cet angle évidemment...'

'Quoi que vous en pensiez, je peux être votre lien avec l'extérieur, Potter, mais c'est à vous de décider...'

La balle était dans son camp. Harry se mit à réfléchir. Il avait tant de choses à exprimer et il ne savait vraiment pas par où commencer, surtout avec Rogue. Tout ça était trop soudain et jetait la confusion dans son esprit. L'intrusion de cet individu détestable qu'il croyait à jamais disparu, cette proposition d'aide qui impliquait une confiance aveugle et immédiate alors qu'elle émanait de quelqu'un dont il se méfiait intrinsèquement, viscéralement... Mais s'il restait une possibilité, un mince espoir, pouvait-il y renoncer à cause de leurs incompréhensions et de leurs haines mutuelles ? Avait-il le choix en la matière ? Oh, Merlin, il était si las...

'Professeur, croyez que j'apprécie ce qu'Hermione et vous essayez de faire mais je crains qu'il ne soit trop tard pour moi...'

Un nouveau silence.

'Potter, il n'est jamais trop tard... Je sais que vous êtes épuisé et que vous aimeriez en finir, mais ne baissez pas les bras... Tant qu'il vous restera un souffle de vie, il y aura de l'espoir...'

'C'est vous qui dites ça ? Vous ne m'avez jamais semblé d'un optimisme débordant...'

Un son étrange se fit entendre. Un rire ? Harry resta incrédule.

'Les gens changent...'

'Vous, non.'

'Je pourrais vous surprendre...'

Le ton n'était pas dépourvu d'ironie, ce qui surprit Harry, plus que le commentaire sibyllin. Que répondre à cela ? Harry resta perplexe pendant de longues secondes. Si Rogue changeait – quand il gèlera en enfer, lui souffla une petite voix - alors tout n'était-il pas possible ? Indécis, partagé entre le refus que lui criait sa raison et la tentation de l'acceptation, il resta silencieux un long moment encore. Finalement, il fit un acte de foi et se jeta dans l'inconnu.

'Très bien. Que voulez-vous savoir ?'

'Commencez par me raconter précisément ce qui s'est passé avant que le Seigneur des Ténèbres vous lance ce sortilège...'

Et Harry parla de ce qu'il avait vécu, du combat que Voldemort et lui s'étaient livrés, de la puissance grandissante des attaques et de l'âpreté des sortilèges de défense. Il lui parla de tout, répondant parfois aux questions de son ancien professeur, jusqu'à cet instant où il ne se souvenait plus de rien d'autre que cette sensation de tomber indéfiniment dans un puits noir sans fond.

'... C'était terrifiant parce qu'au fil de la descente, j'ai perdu rapidement mes cinq sens. La vue d'abord, puis l'ouïe, le toucher, l'odorat et le goût. J'ai paniqué et comme ça n'en finissait pas, je me suis dit que j'étais mort... Je ne sentais plus rien. Autour de moi, il n'y avait que le silence et les ténèbres. J'ai perdu toute notion de temps et d'espace. J'étais dans le néant...'

'Comment en êtes-vous sorti ?'

'Je n'étais pas seul comme je l'avais toujours cru. Voldemort m'avait laissé un compagnon d'infortune.'

'Un compagnon ?'

'C'est comme cela que j'ai fini par l'appeler. C'est lui qui m'a refait prendre conscience de mon environnement et de mes sens. Et en même temps, c'est lui qui a créé l'enfer dans lequel je vis. Cette... chose... est restée tapi dans l'ombre à me guetter et à aspirer ma magie et ma force vitale.'

'A quoi ressemble-t-il ?'

'Je ne sais pas exactement ce que c'est. Il n'est ni masculin, ni féminin. Il change constamment de formes et prend à volonté toutes les apparences. Tout ce que je ressens dès qu'il approche, c'est qu'il est le mal incarné et qu'il se nourrit de moi.'

'Je ne sens pas sa présence. Est-il ici en ce moment avec nous ?'

'Non. J'ai construit une sorte de forteresse dans laquelle je me réfugie quand j'ai suffisamment d'énergie, mais maintenant qu'Albus n'est plus là...'

'Miss Granger vous a donné de l'énergie tout à l'heure.'

'Hermione n'a pas ce dont j'ai besoin...'

'De quoi avez-vous besoin ?'

Harry marqua un temps d'hésitation.

'Je ne sais pas. Mais Hermione n'a pas cette… force en elle. Peut-être ne maîtrise t'elle pas cette technique comme Dumbledore ou s'y prend-elle mal ?'

'C'est à vous d'analyser la nature de cette « force », comme vous l'appelez. Pensez-y et vous me ferez part de vos réflexions une autre fois… Je voudrais que vous me parliez encore de la créature… Comment la combattez-vous ?'

'Par projections mentales. Je pense que je suis insaisissable par exemple, et je deviens insaisissable. Au début, j'arrivais à être invisible, mais maintenant, la créature a évolué et elle sent ma présence. Je suis obligé de faire preuve de créativité constamment car elle finit par s'adapter. C'est épuisant à la longue. J'ai peur d'arriver à court d'idées…'

'Ce serait une première. Si je me souviens bien, Potter, vous n'étiez jamais à court d'idées pour brillamment contourner le règlement de Poudlard…'

Harry se mit à sourire devant ce commentaire sarcastique. Il prit alors conscience du ton particulier de leur conversation. Sans être forcément confortable l'un avec l'autre, ils étaient parvenus à communiquer et à aller au-delà de leurs rivalités. Momentanément.

'Pourquoi Albus n'a-t-il jamais utilisé l'occlumencie pour établir un contact avec moi comme vous le faites maintenant ?'

'Je ne peux pas répondre à sa place. Il avait sans doute ses raisons.'

'Je me sens si seul parfois...'

'Pourtant vous ne l'êtes pas. Votre femme communique avec vous, non ?'

'Ginny n'a aucune idée de ce que je vis. Elle s'inquiète déjà trop pour moi... Je le vois bien. C'est comme si elle se consumait...' Harry resta silencieux quelques secondes avant de reprendre. '... Il vaut mieux que vous ne lui disiez rien...'

'Je ne lui dirai rien.'

Il y eut un silence.

'... Je ne me suis pas habitué à la solitude... Je me demande comment vous êtes arrivé à la supporter…'

Le ton redevint immédiatement incisif et impatient : 'Potter, je ne suis pas là pour « papoter » avec vous ou parler de ma vie…'

Harry se révolta. 'Vous êtes mon premier vrai interlocuteur depuis quatre ans ! Je ne peux même pas répondre à Ginny quand elle me parle !'

Rogue soupira. 'J'ai accepté de vous aider à vous sortir de cet état de légume dans lequel vous vous trouvez, mais n'attendez pas de moi que je sois amical et ouvert. Vous avez eu beau défaire le Seigneur des Ténèbres et libérer notre monde, je vous considère toujours comme un jeune écervelé impétueux et insouciant. Vous représentez tout ce que je déteste chez les Gryffondors... Vous ne recherchez que la gloire, vous êtes dépourvu de tact, arrogant et trop confiant, vous manquez de discern...'

Harry avait senti la moutarde lui monter au nez devant tant d'accusations et finit par réagir au quart de tour :

'Je sais que vous me détestez ! Vous m'avez toujours détesté !'

'C'est vrai, mais...' commença à objecter Rogue.

'... Pas un instant, il ne vous ait venu à l'esprit que moi aussi je pouvais avoir changé ? Rogue, je me fiche comme d'une guigne de mon statut de héros... Je donnerai tout ce que j'ai pour pouvoir parler à nouveau, marcher, être libre, prendre dans mes bras la femme que j'aime, avoir une famille... Je préférerai mille fois avoir la vie d'un sorcier normal plutôt que ça... Je suis las de combattre et de perdre un peu chaque jour de mon humanité face à cette chose dont j'ignore tout et qui me dévore à petit feu... Je suis seul malgré les personnes qui m'entourent. Parfois, il m'arrive d'avoir envie de tout abandonner et de glisser dans l'oubli et le néant... Alors ne me parlez pas de gloire et de lauriers dont je n'ai que faire ! Je n'ai jamais demandé à être « le garçon qui a survécu », celui qui était destiné à combattre Voldemort !'

Il y eut un silence.

'Où est donc passé votre fameux courage, Potter ?'

'Je suis mort de trouille, et à ma place, vous n'en mèneriez pas large non plus !'

Rogue écarta ce qui était sans doute une vérité.

'Si vous m'aviez laissé finir ma phrase plus tôt, je vous aurai corrigé, mais maintenant cela est inutile. Je n'ai plus le temps et l'énergie de m'appesantir sur le passé...'

'C'est bien commode, n'est-ce pas ? Et tellement facile !'

'Je me moque de ce que vous pensez...'

'Attendez que je redevienne moi-même et je vous ferai payer pour toutes ces années passées à nous persécuter, mes amis et moi !'

Rogue eut à nouveau cet étrange rire.

'La haine et la vengeance sont de formidables stimulants, n'est-ce pas Potter ? Vous voilà prêt à vous battre et à revenir parmi les vivants pour me faire la leçon...'

'Je n'ai rien oublié... Rien jusqu'à cette ultime phrase que vous m'avez glissée à l'oreille lors de notre dernier duel...'

'J'y compte bien et je vous attends de pied ferme... Cette fois-ci, vous ne pourrez pas vous cacher derrière Dumbledore...'

Harry ressentit une grande tristesse à l'évocation du vieil homme. Le long silence qui suivit fut rempli d'hostilité et de tension.

'Mais avant d'en arriver là...' reprit finalement Rogue d'une voix posée. '... Il faut que je voie cette créature de mes yeux et que j'en sache un peu plus sur elle...'

'La voir ?... Vous êtes complètement fou !'

'Je n'ai jamais été aussi sain d'esprit, Potter. Le sort qui a créé cette abomination est la pire des choses que le Seigneur des Ténèbres ait pu produire. Je ne peux la combattre que si je connais ses faiblesses...'

'Elle n'en a pas...'

'La peur obscurcit votre jugement...'

'C'est possible. En tous cas, je vous souhaite bien du plaisir car cette créature va justement utiliser vos peurs contre vous. Vous avez intérêt à avoir des pensées positives, mais comme j'ai des doutes à ce sujet...'

'Je me débrouillerai...' coupa la voix impatiente de Rogue.

Harry vit tout à coup avec alarme qu'une porte venait d'apparaître sur l'un des murs en pierre qu'il avait construit autour de lui.

'C'est vous qui avez fait ça ?' demanda t'il, avec un début de panique.

'Oui, et ne vous inquiétez pas, je la ferai disparaître derrière moi...'

'Et comment ferez-vous pour revenir ?'

'Je suis ancré dans la réalité. Je peux sortir de votre esprit quand je le désire...'

Rogue sentit le changement d'humeur du jeune homme aussi tangiblement que s'il s'était tenu devant lui.

'Reprenez-vous, Potter...' dit sèchement Rogue. '... Je pensais que vous aviez plus de cran que ça...'

'Bien tenté... Mais la provocation n'y changera rien. C'est moi qui suis coincé ici, pas vous...'

Harry sentit la présence de Rogue s'amenuiser.

'Nous essaierons de faire ce qui est en notre pouvoir pour vous sortir de là... En attendant, ne renoncez pas... Je reviendrai...'

Dans son esprit, Harry vit la porte s'ouvrir brièvement et se refermer sur une forme invisible, avant de disparaître complètement. La solitude lui parut soudain encore plus lourde maintenant que son seul contact avec le monde réel était parti. Avec un soupir, il commença à attendre...

Hermione ne quittait pas des yeux les deux hommes immobiles tout en guettant le moindre bruit dans le couloir. L'attente se prolongeait. Depuis le temps, le contact devait s'être établi entre les deux sorciers sinon Severus serait déjà revenu. Que pouvaient-ils se dire ? Etaient-ils parvenus à s'entendre ? Harry avait-il reconnu leur ancien professeur ?

Tant de questions pour l'instant sans réponses que sa curiosité naturelle soulevait. Hermione soupira et tira un rideau pour contempler le jardin à l'arrière de la maison. Derrière la vitre, le soleil la réchauffa singulièrement et elle ferma les yeux pendant quelques secondes en inspirant profondément pour chasser la tristesse et le stress de la journée.

Elle se sentit plus légère et s'autorisa à revenir sur les événements qui s'étaient produits dans la salle de bain, quand elle s'était retrouvée seule avec Severus...

Le souvenir de leurs baisers enflamma ses joues alors qu'une sensation de plaisir naissait au creux de ses reins. Ainsi donc le sorcier lui faisait cet effet... Elle tourna la tête vers la silhouette noire et en profita pour contempler le profil d'aigle de Rogue. Il lui apparut sous un jour nouveau. Non pas qu'il fut soudain devenu séduisant et beau, mais elle lui trouva un certain charme. Le charisme, la force de son caractère et l'énergie qui animait l'homme se lisaient sur ses traits et dans ses moindres gestes. Elle n'avait aucun doute que les expériences qu'il avait vécues l'avaient façonné. Hermione s'aperçut alors que ce qu'elle avait toujours considéré comme des défauts chez lui, prenaient un nouveau sens.

Par exemple, il était acéré comme le tranchant d'une lame fine, plus corrosif que le plus puissant des acides. Mais ses traits cinglants cachaient une perspicacité à toute épreuve. La dureté qui le caractérisait n'était pas dépourvue d'honnêteté, de droiture, ni de franchise. Et son entêtement... en fait, il n'était qu'un signe certain de son perfectionnisme...

Les pensées d'Hermione furent brutalement interrompues alors que le sorcier était soudain rejeté en arrière et s'étalait de tout son long devant elle en bousculant une chaise avec fracas.

« Par Merlin ! »

Harry ouvrit les yeux au même instant en entendant le bruit et son amie crier. Rogue était au sol comme un boxeur groggy et secouait la tête comme pour s'éclaircir les idées. Hermione l'aida à se relever, alors que dans le couloir, des bruits précipités de pas approchaient.

La porte s'ouvrit sur une Ginny anxieuse, qui glissa un rapide coup d'œil vers son mari impassible.

« J'ai entendu du bruit. Est-ce que tout va bien ? »

« J'ai juste fait tomber la chaise... Désolée pour le dérangement, Ginny... » répondit Hermione en regardant Rogue, dont les yeux semblaient encore avoir du mal à se focaliser.

Ginny ignora Hermione et s'approcha du lit où elle prit la main d'Harry dans la sienne.

« Tout va bien ? Tu n'as besoin de rien ? »

Harry lui fit un signe négatif imperceptible de la tête. Soulagée Hermione soupira, alors que Rogue se redressait et prenait la parole :

« Madame Potter, nous allons prendre congé, mais serait-il possible de faire appel à plusieurs de vos amis ? Nous devons discuter et nous préparer pour la soirée de demain soir... »

« Bien sûr, mais... »

« ... Très bien, je compte sur vous. Nous reviendrons demain matin. Qu'ils soient tous là vers neuf heures... »

Ginny lança un regard interrogatif vers Hermione qui haussa les épaules avant de suivre le sorcier qui venait de quitter la pièce.

« Qu'est-ce que cela signifie ? Vous avez un plan ? » demanda Hermione en chuchotant.

Mais Rogue ne desserra pas la mâchoire. En silence, ils prirent leurs manteaux et sortirent, puis se mirent à marcher jusqu'au premier point d'apparition.

« Mais enfin, allez-vous m'expliquer ce qui se passe ?... » s'écria Hermione. « ... Avez-vous parlé à Harry ? »

Rogue se tourna vers elle, le visage du sorcier sombre.

« Ça ne s'annonce pas bien, n'est-ce-pas ? » demanda Hermione, soudain inquiète.

« Il ne faut plus que vous donniez votre énergie à Potter. Cela ne lui profite pas... »

« Mais... »

« Il n'y a pas de 'mais', Hermione. Le sort du Seigneur des Ténèbres a créé une créature qui se nourrit de la force vitale de Potter. C'est cette chose qui grandit en puissance à l'intérieur de lui. »

Avec un choc, Hermione réalisa toute l'horreur de la situation et son visage refléta son angoisse.

« Un succube !... »

« Exact. C'est une des créatures les plus difficiles à combattre... Plus le sorcier est puissant et plus le succube le devient à son tour... »

« Vous l'avez vu ? »

Rogue hocha la tête en silence alors que ses yeux exprimaient soudain un dégoût profond.

« Oui. Cette chose est intelligente et se sert des peurs de Potter pour l'affaiblir... Une fois qu'elle aura achevé son œuvre de destruction, j'ai peur qu'il ne reste pas grand chose de lui... »

« Mais il faut faire quelque chose ! » reprit Hermione.

Rogue secoua la tête. « Désolé, mais dans l'immédiat, l'urgence va à Lucius Malefoy et à sa tentative d'assassinat contre Arthur Weasley. »

Hermione se raidit. « Vous m'aviez promis !... »

« ... Et je ne reviendrai pas sur ma parole. Mais réfléchissez aux priorités. Il me semble que le problème d'Arthur passe avant celui de votre ami... Temporairement... »

Hermione se mit à réfléchir, le visage soucieux.

« Vous avez raison » admit-elle finalement. « Que comptez-vous faire ? »

« J'ai demandé à Ginny Potter de nous faire entrer au Ministère demain soir. »

« Vous croyez que ça peut marcher ? »

« Avec l'aide de vos autres amis, nous pourrons peut-être identifier l'assassin parmi la foule. »

« Je l'espère... » Hermione garda le silence, puis ajouta : « Et où m'entraînez-vous maintenant ? »

« Vous et moi allons prendre un peu de repos. Nous rentrons à la maison au bord de la mer. »

Hermione lança un regard latéral vers son compagnon et le dévisagea. Elle se rendit alors compte combien il avait les traits tirés. Mentalement, elle calcula le nombre d'heures de sommeil qu'il avait dû avoir durant ces dernières vingt quatre heures. Peu. Ça et l'effort qu'il avait fourni pour entrer en contact avec Harry...

« Très bien » dit-elle finalement. « Mais il faudra que je surveille encore Malefoy. »

« Ce n'est pas nécessaire pour l'instant. Evitons de lui faire savoir que nous sommes au courant pour ses projets... »

Ils étaient arrivés au point d'Apparition. Après un regard autour d'eux, ils se concentrèrent sur leur objectif commun et disparurent en silence...

A suivre...

Pardonnez-moi pour le retard sur ce chapitre Je viens de terminer HBP qui m'a tenu occuper ces derniers jours. Et je ne dirai rien à ce sujet ! Y'a des forums pour ça !

Notez bien que la scène entre Rogue et Harry a été écrite bien avant la lecture du livre et n'est donc pas influencé par ce que j'ai lu.

J'ai remarqué que j'avais vu juste sur au moins deux aspects et que je colle à la vérité « Rowlinguienne ». Là encore, pas de spoilers. J'en reparlerai plus tard ou alors amusez-vous à les retrouver. L'un est évident, l'autre pas...

Je suis sur dix milles choses à la fois. Donc la suite risque de se faire attendre...

Merci pour vos commentaires et bonnes vacances...

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