Bonsoir à tous ! Me revoici avec un nouveau chapitre, cette fois-ci je n'aurai pas trop tardé :) À présent que les Enfants Élus ont trouvé un moyen de poursuivre la lutte contre Yggdrasil, ils doivent se préparer au retour dans le monde digital. Au programme, quelques surprises, et à nouveau de l'action. J'espère que cela vous plaira.
Bonne lecture à tous !
Chapitre 59
Quand Koushiro rentra chez lui avec Tentomon, il trouva ses parents assis à la table du salon en train de regarder la télévision : les dégâts causés par leur bataille contre Yggdrasil faisaient déjà la une de tous les journaux. Sa mère, une main sur la bouche, ne cessait de penser à son fils. Aussi, quand elle entendit la porte d'entrée crisser, elle bondit aussitôt sur ses pieds.
– Koushiro ? C'est toi ?
– Oui, c'est moi maman. Je suis rentré.
L'adolescent s'avança vers ses parents et sa mère le prit dans ses bras pour une fois, il se sentit pas gêné et répondit à son étreinte. Quand il se redressa, son père lui donna une accolade. L'adolescent les contempla avec un sourire : la nuit avait été éprouvante et il avait été sur le point de mourir plusieurs fois. Après tant de combats, d'angoisses pour ressusciter Meicoomon et d'efforts pour mettre au point un Mur de Feu, revoir ses parents eut l'effet d'un baume apaisant sur son cœur. Il se rendit soudain compte du visage sombre que son père et sa mère affichaient. L'adolescent se rappela alors qu'ils n'étaient pas encore au courant : lors du dernier coup de fil qu'il leur avait passé, il n'avait mentionné que leur défaite contre Yggdrasil, ils ignoraient que ses amis et lui pouvaient encore vaincre leur ennemi.
– Vous avez l'air d'aller bien, toi et Tentomon, souffla sa mère. Je suis contente de te voir sourire, malgré votre défaite.
– Nous n'avons pas encore perdu, maman.
Rapidement, Koushiro leur détailla les conclusions auxquelles ils étaient arrivés avec ses amis. Ses parents l'écoutèrent attentivement, et à mesure qu'il progressait dans son récit, Koushiro vit se peindre sur leur visage un mélange confus d'espoir et d'angoisse.
– Alors … cela veut dire que tu vas repartir dans le monde digital ? comprit son père.
– Effectivement … je suis désolé de vous inquiéter à nouveau, mais … je dois y retourner. Nous avons rendez-vous à dix-huit heures à l'Agence avec mes amis, mais avant, j'aimerais me reposer un peu.
– Oui, je comprends, acquiesça sa mère. Tu peux aller dans ta chambre, je t'appellerai pour le déjeuner.
– Merci, maman. Merci beaucoup.
Merci, madame, ajouta Tentomon avec sa politesse habituelle.
L'adolescent regagna sa chambre et s'effondra sur son lit : la douce sensation des draps propres le relaxa immédiatement il avait l'impression de ne pas s'être offert le luxe d'une véritable nuit de sommeil depuis des mois. Peut-être était-ce le cas, d'ailleurs. Jusqu'alors, il avait résisté à la fatigue car la situation l'exigeait : ils avaient dû trouver la qualcorite, ressusciter Meicoomon et lutter contre Yggdrasil, ne bénéficiant d'aucune trêve pour prendre du repos. À présent qu'il pouvait se relâcher, il sentit l'épuisement qu'il avait contenu se manifester et ses paupières se fermèrent d'elles-mêmes. Tentomon, lui, se lova dans une couverture en fausse fourrure que le jeune homme laissait toujours posée sur sa chaise de bureau. Ils sombrèrent rapidement dans le sommeil et dormirent une grande partie de la journée.
Vers dix-sept heures quarante-cinq, ils ne s'étaient toujours pas réveillés. Le père de Koushiro était parti travailler et sa mère était partie faire des courses. Soudain, quelqu'un sonna : le bruit strident réveilla Koushiro en sursaut. Il se redressa, hagard, et jeta un œil à son réveil. Quoi, déjà cette heure-là ? Il avait donc dormi si longtemps ? S'il ne se dépêchait pas, il serait en retard au rendez-vous. On sonna de nouveau. Koushiro se leva à la hâte mais s'empêtra dans ses couvertures : il dégringola de son lit et se cogna la tête contre son bureau.
– Aïe !
– Koushiro ? Tout va bien ? demanda Tentomon en se réveillant à son tour.
– Oui, oui tout va b…
Il s'interrompit envoyant des gouttes rouges s'écraser sur la moquette de sa chambre. Il releva la tête vers le miroir de sa penderie et constata que son arcade sourcilière venait de s'ouvrir dans sa chute : il saignait abondamment.
– Ah non, ça ne va pas du tout ! Je vais tout tâcher !
Il tira à toute vitesse trois ou quatre mouchoirs d'une boîte pour arrêter le massacre de la moquette et les plaqua sur son arcade sourcilière. On sonna une troisième fois.
– Voilà, voilà, j'arrive !
Il sortit rapidement de sa chambre et alla ouvrir. Il se retrouva alors nez à nez avec Sakae, qui se tenait sur le seuil de son appartement avec Ryudamon. La jeune fille le dévisagea avec étonnement. « Avec cette tonne de mouchoir au-dessus de mon œil, je dois vraiment avoir l'air idiot », songea l'adolescent avec désespoir.
– Koushiro … tout va bien ?
– Oui, oui, je viens juste de me cogner en ... en me levant, admit-t-il, les joues rouges de honte.
– Comment as-tu fait ton compte ?
– Je me suis levé un peu brusquement et je me suis pris un rebord de table, grommela-t-il. Ensuite, j'ai pris des mouchoirs pour éponger, mais ça n'arrête pas de couler … et je n'ai pas eu le temps de prendre un pansement …
Sakae le contempla fixement et ne put s'empêcher de rire devant son air grognon. Elle s'approcha de lui et lui dit doucement :
– J'étais venue te chercher parce que la plupart de nos amis sont déjà à l'Agence. Comme je ne te voyais pas arriver, je commençais à m'inquiéter.
– Vraiment, tout le monde est déjà là ? Je suis vraiment désolé, je me dépêche !
– Ne t'inquiète pas. Je suis contente de voir que tu t'es reposé, tu étais sans doute celui qui en avait le plus besoin de nous tous. Avant de partir, tu devrais essayer de soigner ta plaie, tu ne crois pas ?
– Si, tu as raison. Ma mère doit avoir des pansements dans la salle de bain.
– Je peux entrer ?
– Je t'en prie.
Sakae retira ses chaussures et entra dans l'appartement, suivie de Ryudamon. Koushiro disparut dans la salle de bains et elle l'entendit fouiller des tiroirs à la recherche de désinfectant et d'un pansement. Tentomon proposa alors à Ryudamon de lui montrer les livres qu'il préférait dans la bibliothèque de Koushiro Ryudamon accepta avec enthousiasme et le suivit en direction de la chambre du jeune homme. Sakae les laissa faire et préféra plutôt avancer jusqu'au salon. Dans l'air flottait encore une bonne odeur de poulet caramélisé et de riz étuvé. La table à manger, la cuisine, toute la maison respirait la propreté, sans paraître impersonnelle pour autant. Une tiédeur d'été imprégnait les rideaux de lin, le canapé moelleux et le bois doré des meubles, enveloppant d'un halo accueillant le visiteur. Sakae se sentit tout de suite à l'aise dans cet appartement elle y devinait une vie de famille harmonieuse, où chacun des membres s'accordait attention et amour. Son regard tomba sur une photo, sur une étagère. Elle s'approcha et l'observa de plus près : elle représentait Koushiro lorsqu'il devait avoir quatre ou cinq ans, entouré de ses parents adoptifs. Il souriait, de ce même sourire qu'il arborait encore aujourd'hui et qu'elle adorait voir apparaître sur son visage. Elle reporta son regard sur le salon baigné d'une atmosphère de paix. Elle avait connu des moments de joie au sein de sa propre famille adoptive, mais jamais elle n'avait ressenti de manière aussi marquée la sensation de bien-être qui l'envahissait dans cette maison. L'espace d'un instant, elle se demanda si elle pourrait éprouver une émotion comparable si elle décidait d'habiter avec son véritable père. Le directeur de l'Agence avait frôlé la mort quinze ans auparavant, et elle-même avait risqué sa vie à plusieurs reprises ces dernières semaines. À présent qu'elle savait que leur combat contre Yggdrasil n'était pas terminé, elle espérait pouvoir goûter à la vie de famille avec cet homme qui s'était révélé être son véritable père.
– Sakae, tout va bien ?
La jeune fille sursauta et se retourna : Koushiro se tenait sur le seuil de la salle de bain, un pansement sur son arcade sourcilière. Elle ne l'avait même pas entendu, absorbée par ses pensées. Elle cilla et dit finalement :
– Toi et ta famille avez une très jolie maison. Je me sens merveilleusement bien, ici.
Le jeune homme parut surpris de cette remarque, à laquelle il ne semblait pas s'attendre. Il esquissa un demi-sourire et acquiesça :
– Oui, j'aime revenir ici après une longue période dans le digimonde. Retrouver mes parents, cet appartement qui m'est familier, c'est comme une oasis.
Sakae lui sourit à son tour et dans la lumière mordorée de septembre, elle se surprit à trouver l'adolescent encore attirant que d'habitude. Des images de la nuit précédente et leur bataille contre Yggdrasil lui revinrent en mémoire. Elle revit le toit se fissurer en craquant, entendit les systèmes de ventilations s'envoler, ressentit presque le tsunami glacé d'Yggdrasil les happer, elle et Koushiro. Jusqu'à présent, son cerveau avait oblitéré tous ses souvenirs trop douloureux à supporter après leur défaite. Maintenant qu'elle savait que la lutte continuait, sa mémoire s'était réactivée, en même temps que sa combativité. Elle baissa les yeux et murmura :
– Koushiro ?
– Oui ?
– Tu sais, jusqu'à la nuit dernière … j'ignorais ce qu'on peut ressentir à l'approche de la mort. Mais quand la vague d'Yggdrasil nous a emportés, j'ai vraiment cru que tout allait s'arrêter … et c'était un sentiment terrible.
Koushiro cilla. À voix basse, il souffla :
– J'ai ressenti la même chose.
Les deux adolescents gardèrent le silence pendant plusieurs minutes dans les rayons de soleil qui traversaient le salon, des milliers de particules poussières dansaient. Dans un souffle, Sakae ajouta :
– J'ai aussi pensé que … j'allais te perdre, Koushiro. Jusqu'à ce que tu prennes ma main, alors que nous ne pouvions plus respirer.
Le jeune homme ne dit rien, mais son cœur s'était brusquement accéléré. D'une voix sourde, Sakae murmura :
– Je voulais te demander … quand nos digimons ont uni leur ADN, j'ai entendu deux cœurs battre dans ma poitrine c'était une curieuse sensation. Je crois que c'était mon cœur et le tien. Est-ce que … tu as ressenti la même chose ?
Elle releva lentement la tête et le regarda droit dans les yeux. Koushiro la dévisagea intensément, troublé. La première fois qu'il l'avait vue, depuis le balcon de son appartement, il avait étrangement deviné que quelque chose les unissait mais à ce moment-là, il ignorait quoi. Cela relevait plus d'un sentiment que d'une certitude rationnelle cela l'avait inquiété, car il n'avait pas l'habitude de se fier à son intuition. Lorsqu'il avait fait officiellement la connaissance de Sakae, pendant le pique-nique qu'avaient organisé ses amis, il avait ressenti un mélange de méfiance et d'attraction pour la jeune fille. Puis, lorsqu'ils s'étaient retrouvés devant la tombe de leurs parents biologiques au cimetière de Sakai, il avait compris. Ce lien qu'il pressentait entre eux, c'était celui de leur passé : ils étaient liés, comme leurs pères l'avaient été par la promesse qu'ils s'étaient faite. Depuis ce jour, Sakae le fascinait et l'intriguait à la fois. Son caractère enjoué, sociable et artiste était à l'opposé du sien, plus réservé, indépendant et scientifique. Malgré cela, le passé les avait rapprochés en découvrant les secrets de M. Tagaya, de M. Omura et de M. Mochizuki, ils s'étaient découvert l'un l'autre, ils avaient appris à se connaître, à se comprendre, à se soutenir. Peu à peu, le lien du passé avait fait place au lien du présent, un lien solide, fort, comme s'ils s'étaient toujours connus depuis l'enfance. En moins de trois semaines, Koushiro avait l'impression d'être devenu aussi proche de Sakae que de ses autres amis, qu'il connaissait depuis des années. Cela l'émerveillait et l'inquiétait tout à la fois. Oui, Sakae lui plaisait, et par les quelques mots qu'elle venait de lui adresser, par le regard intense et vibrant qu'elle posait sur lui, il savait qu'elle éprouvait les mêmes sentiments.
Lentement, s'approcha de la jeune fille Sakae ne bougea pas, ne recula pas, ne détourna pas le regard. Avec douceur, il saisit ses deux mains et la dévisagea longuement. Sakae sentit une étrange chaleur l'envahir et ses jambes fléchirent. Koushiro, lui, entendait son cœur cogner dans sa poitrine et sa nuque se hérisser de frissons. Son cerveau hésitait, ses mains tremblaient, mais son cœur, lui, devinait. Lentement, il ferma les yeux et se pencha vers Sakae. Ses lèvres cherchèrent les siennes, les frôlèrent dans un baiser furtif. À ce contact, Sakae sentit toute sa peau se couvrir de chair de poule et une sensation électrique remonta le long de sa colonne vertébrale. Elle posa ses mains sur le torse du jeune homme et chercha sa bouche à son tour. Quand leurs lèvres se touchèrent pour la deuxième fois, elle passa ses bras autour de son cou tandis qu'elle sentait que les mains de Koushiro entouraient sa taille. Alors ils s'embrassèrent, passionnément, comme jamais ils ne se seraient crus capables de le faire.
Lorsqu'ils se détachèrent l'un de l'autre, ils se fixèrent pendant plusieurs minutes puis, ils se sourirent. Leur baiser venait de sceller définitivement le lien qui les unissait depuis leur naissance, et jamais ils ne s'étaient sentis si heureux. Sakae passa une main sur la joue, puis la nuque de Koushiro, caressa ses cheveux au rouge si intense. Le jeune homme lui sourit et effleura doucement son visage à son tour. D'une voix assurée, au timbre plus grave que de coutume, il murmura alors :
– Maintenant, nous pouvons aller à l'Agence.
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Lorsque Koushiro, Sakae et leurs digimons arrivèrent à l'Agence, tous leurs amis s'y trouvaient déjà. Aucun d'eux ne portait de sac à dos ou de vivres : cette fois, ils ne s'arrêteraient pas avant d'avoir vaincu Yggdrasil. Peu leur importait combien de temps la bataille durerait : humains comme digimons affichaient une détermination redoutable. M. Tagaya, M. Mochizuki et Chisako étaient venus assister à leur départ. Dès qu'ils furent tous réunis, Taichi déclara :
– Bien, avant de partir, faisons le point.
– Nous savons qu'Hikari a la faculté de se rendre dans l'Océan des Ténèbres depuis la Terre, déclara Miyako.
– De plus, étant donné qu'Yggdrasil a détruit le Mur de Feu, ajouta Iori, l'Océan des Ténèbres doit désormais être relié au digimonde. Notre seule possibilité pour retourner là-bas est donc de passer par l'Océan des Ténèbres.
– Une minute, intervint Joe. Hikari ne pourra pas tous nous transporter à la fois : nous sommes trop nombreux.
– Elle ne sera pas seule, déclara Ken. Je vais l'aider : moi aussi, je peux entrer dans l'Océan des Ténèbres.
– Sora et moi aussi, ajouta Yamato. À quatre, nous pourrons tous vous téléporter.
– Il serait bon que nous décidions également d'un plan une fois sur place, souligna Takeru.
– Je crois qu'il va être difficile d'élaborer une stratégie, dit Hikari.
– Pourquoi ? s'étonna Mimi.
– L'union de l'Océan des Ténèbres et du digimonde a sûrement perturbé l'équilibre des deux mondes il est fort possible que le monde digital ne ressemble plus à celui que nous connaissions.
– Hikari a raison, acquiesça Koushiro.
– Dans ce cas, il faut que nos digimons se tiennent prêts à évoluer dès que nous arriverons, déclara Daisuke.
– Tout à fait, acquiesça Taichi. Quelqu'un d'autre veut-il poser une question ? Non ? Alors, allons-y.
D'un pas ferme, tous sortirent dans la cour intérieure de l'Agence. La pluie avait cessé et des rayons dorés transpercèrent les nuages noirs, comme des traits de lumière sur un tableau baroque.
Tous se positionnèrent pour former un carré Hikari, Ken, Sora et Yamato se placèrent aux quatre points cardinaux : ils seraient la boussole qui guiderait leurs amis vers l'Océan des Ténèbres. Les autres adolescents se placèrent entre eux et solennellement, se donnèrent la main. Leurs partenaires digimons s'accrochèrent à leurs épaules ou à leurs jambes. Taichi releva alors la tête vers M. Tagaya, M. Mochizuki et Chisako.
– Ayez confiance. Nous reviendrons.
Ils acquiescèrent avec une expression grave. Puis, les Enfants Élus resserrèrent les liens qui unissaient leurs mains, ils échangèrent un regard et hochèrent la tête. Taichi adressa un regard à Hikari, Ken, Yamato et Sora :
– Allez-y.
Les quatre adolescents fermèrent les yeux et se concentrèrent. Ensemble, ils invoquèrent leurs plus grandes peurs, celles s'enracinaient le plus profondément dans leur cœur. Peu à peu, leur corps et celui de leurs amis commencèrent à grésiller, leur peau devint transparente. Ils se sentirent de plus en plus léger et brusquement, ils eurent la sensation d'être aspirés dans un tunnel glacé. Ils fermèrent les yeux tandis que leur cœur battait plus fort : ils avaient réussi à ouvrir un passage.
Alors qu'ils traversaient le corridor numérique qui reliait les deux mondes, le ressac inquiétant de l'Océan des Ténèbres leur parvint. Lorsqu'ils rouvrirent les yeux, ils se trouvaient sur une plage au sable gris comme la cendre un vent glacé leur apporta les miasmes d'algues en décomposition, tandis que le reflux de l'eau noire venait mourir lentement à leurs pieds.
– L'Océan des Ténèbres, murmura Ken en fronçant les sourcils.
C'était dans ce sinistre monde qu'il avait découvert les tours noires lorsqu'il était enfant. Plus tard, lorsqu'il était devenu l'Empereur des Digimons, il avait construit des tours semblables dans le monde digital, relayant sans le savoir le pouvoir d'Yggdrasil. Le jeune homme serra les poings : bientôt, il pourrait définitivement expier ses fautes.
Parmi les adolescents, certains découvraient l'Océan des Ténèbres pour la première fois : Joe, Mimi, Sakae, Koushiro, Daisuke et Iori frémirent devant le spectacle de désolation qui s'offrit à eux.
– Quel silence, souffla Miyako.
– Ne t'y fie pas, répliqua Hikari. Les créatures de l'Océan des Ténèbres peuvent surgir à tout instant.
Yamato observait l'Océan des Ténèbres, sourcils froncés : la dernière fois qu'il était venu dans ce monde, il avait quelque chose de différent. Les yeux de l'adolescent s'écarquillèrent.
– Regardez ! dit-il en pointant le doigt vers l'horizon. Vous voyez cette terre, au loin ? Elle n'était pas là, la dernière fois.
Tous plissèrent les yeux et distinguèrent effectivement les reliefs d'un continent, au-delà de la brume qui pesait sur les eaux noires de l'océan.
– C'est … le monde digital ? comprit Mimi.
– On dirait bien, acquiesça Joe.
– Il faut le rejoindre sans perdre de temps, dit M. Nishijima.
– Si l'on survole l'océan, ça devrait être rapide, dit Daisuke.
– Oui, mais si Dagomon sort des eaux, nous n'aurons aucune terre sur laquelle nous reposer pour combattre, observa Sora.
– Il faut prendre le risque, décréta Taichi. Que tous les digimons qui le peuvent se digivolvent au niveau ultime !
Les Enfants Élus acquiescèrent et sortirent leur digivice : ils émirent une lumière intense et leurs partenaires évoluèrent, d'abord au niveau adulte, puis au niveau ultime : Métalgreymon, Garudamon, Méga Kabuterimon, Lillymon, Magna Angemon, Angewomon, Hisyaryumon, X-Vmon, Stingmon et Aquilamon apparurent. Chaque adolescent grimpa sur le dos de son partenaire Yamato et Gabumon montèrent avec Sora sur le dos de Garudamon Miyako prit Iori et Armadillomon sur le dos d'Aquilamon M. Nishijima grimpa aux côtés de Taichi sur le dos Métalgreymon Joe rejoignit Koushiro sur la carapace de Méga Kabuterimon.
Ensemble, ils déployèrent leurs ailes et décollèrent. Les digimons prirent de la vitesse et filèrent bientôt au-dessus des flots obscurs de l'Océan des Ténèbres la traversée dura plus de vingt minutes. Ils scrutaient le moindre remous qui pouvait rider la surface de l'eau, redoutant de voir Dagomon surgir à tout instant. Mais aucun monstre, aucune créature informe ne jaillit pour leur barrer la route.
– C'est louche, murmura Takeru, suspicieux.
Ils approchèrent du continent et ne sentirent aucun effet de transition lorsqu'ils entrèrent dans le digimonde : aucune frontière ne séparait plus les deux mondes. Ils survolèrent alors une forêt ravagée par un incendie, dont les troncs calcinés dressaient leur squelette décharnés vers le ciel. Aucun ne fumait les cendres étaient déjà froides, ce qui signifiait que la bataille qui avait décimé ce bois s'était achevée depuis plusieurs heures. À cet instant, les yeux d'Hikari s'agrandirent :
– Ce n'est pas possible ! Regardez, droit devant nous !
Elle désignait l'orée de la forêt qui se terminait abruptement en falaises : au pied de ces éperons rocheux, une mer noire refluait sur une plage grise.
– C'est … encore l'Océan des Ténèbres ? dit Sakae.
– Je croyais que nous étions entrés dans le monde digital ? s'étonna Joe.
Meiko fronça les sourcils.
– Cela ne peut vouloir dire qu'une chose : l'Océan des Ténèbres a envahi le digimonde.
– Quoi ? lâchèrent ses amis, terrifiés.
– Oui, c'est plausible, puisque que les deux mondes sont maintenant connectés, réfléchit alors Koushiro.
– Mais c'est horrible ! s'effraya Miyako.
– En plus, cela doit complètement perturber l'équilibre du monde digital, ajouta Iori. L'Océan des Ténèbres est une sorte d'enfer, seuls de mauvais digimons décédés sont censés s'y trouver. Si cet océan submerge le digimonde, c'est comme si le monde des morts envahissait le monde des vivants.
– Il faut arrêter ça, déclara fermement Ken.
Ils passèrent au-dessus d'une nouvelle portion d'océan, puis survolèrent une ville en ruines dès qu'ils dépassèrent les derniers décombres, l'Océan des Ténèbres se déroula à nouveau sous eux. À cet instant, des échos de déflagrations leur parvinrent. Ils plissèrent les yeux et tendirent l'oreille, cherchant à localiser la provenance du son au milieu des hurlements du vent.
– Ça vient de par-là ! cria Daisuke en pointant un doigt vers sa droite.
Tous les digimons acquiescèrent et suivirent le grondement de la bataille. Bientôt, ils arrivèrent en vue d'une terre bordée par les flots sombres, recouverte par une épaisse forêt dont la végétation semblait tropicale. Des arbres avaient été abattus sur la rive sablonneuse pour ouvrir une tranchée dans une forêt et la cime de la tour d'un château se dressait au milieu de cette jungle. Sur leur gauche, les Enfants Élus remarquèrent alors un incendie. Des éclats lumineux jaillissaient au milieu des flammes : deux digimons s'affrontaient, qu'ils reconnurent aussitôt.
– C'est Alphamon et Jesmon ! dit Yamato.
– Il y a aussi les Sept Seigneurs Démoniaques et les quatre Bêtes Sacrées ! dit Sora.
– Mais je ne vois pas Yggdrasil, nota Taichi.
– Il doit rester en retrait, dit M. Nishijima. Il a suffisamment de sbires pour ravager le digimonde à sa place.
– Voilà pourquoi Jesmon n'a pas pu nous venir en aide la nuit dernière : il était déjà en train de se battre contre Alphamon, dit Sakae.
– Il faut aller l'aider, lui et les Bêtes Sacrées ! cria Takeru.
À ce moment précis, un bouillonnement s'éleva depuis les eaux de l'Océan des Ténèbres et une inquiétante spirale se forma à quelques centaines de mètres de la rive, en produisant des remous d'écumes. Soudain, un gigantesque monstre à l'aspect de poulpe creva les eaux. Ses nombreux tentacules dégoulinants étaient reliés par des chaînes qui formaient quatre pattes sur lesquelles la créature s'appuyait pour se déplacer. Des membranes palmées roses se déployaient dans son dos et un tatouage rouge ceignait son front. Le monstre hideux ouvrit alors une gueule aux dents plus effilées que celles d'un requin.
– Dagomon ! s'écria Hikari, effrayée.
Les digimons piquèrent vers la rive pour s'éloigner du poulpe géant et les Enfants Élus sautèrent à terre.
– Il va falloir nous séparer, déclara Taichi. Yamato, nous, on va rejoindre Jesmon pour s'occuper d'Alphamon.
– Ne devrait-on pas plutôt rester pour s'occuper de Dagomon ? objecta son ami. Ou des Seigneurs Démoniaques ?
– Non, car si on arrive à vaincre Alphamon, Jesmon pourra nous venir en aide et ce sera un renfort de poids. Nous devons lui prêter main-forte en premier.
– D'accord, je vois le truc.
Taichi se tourna vers Daisuke et Ken.
– Je voudrais que vous veniez avec nous.
– Tu es sûr de toi, Taichi ? s'étonna Daisuke. Même si X-Vmon et Stingmon se digivolvent, ils ne feront jamais le poids pour affronter Alphamon.
– Je ne veux pas que X-Vmon et Stingmon atteignent leur niveau ultime, déclara Taichi. Je veux qu'il digivolvent leur ADN pour faire apparaître Imperialdramon.
– Qu … quoi ? dit Ken, stupéfait. Mais si nous faisons cela, Taichi, vous ne pourrez pas faire apparaître Omegamon avec Yamato !
– J'en suis conscient. Cependant, Omegamon a déjà affronté Alphamon par le passé et il n'a pas pu le vaincre en revanche, peut-être qu'Imperialdramon pourra y parvenir. Et puis, Wargreymon et Métalgarurumon seront là pour vous aider : même s'ils ne fusionnent pas, ils restent des digimons puissants.
Daisuke et Ken échangèrent un regard, décidés.
– D'accord, on vous suit, acquiesça Daisuke.
Takeru fixait Dagomon qui avançait droit vers eux. Il sortit fermement son digivice et échangea un regard avec Hikari, qui hocha la tête.
– Hikari et moi allons rester pour retenir Dagomon, déclara-t-il. Nous partenaires se sont déjà battus contre lui, ils connaissent ses attaques.
– D'accord, dit Taichi.
– Iori et moi allons rester avec eux, renchérit Miyako. Mais si vous voyez les Bêtes Sacrées, un peu de renfort ne serait pas de refus !
– D'accord, nous leur transmettrons le message, acquiesça Yamato.
– Dans ce cas, déduisit Joe en croisant les bras, Mimi, Koushiro, Sora, Sakae, Meiko et moi allons nous charger des Sept Affreux.
– C'est le nouveau nom que tu leur as trouvé ? demanda Mimi avec un sourire.
– Oui, je trouve que ça leur convient mieux.
– Tout le monde est prêt ? demanda Sakae.
Les quatorze Enfants Élus acquiescèrent et levèrent leur digivice : le corps de leurs partenaires s'illumina alors d'un puissant éclat pour accéder au niveau méga : Wargreymon, Hououmon, Herakle Kabuterimon, Rosemon, Vikemon, Seraphimon, Holydramon, Ouryumon. Meicoomon, pour sa part, évolua en Meicrackmon Aquilamon se transforma en Yatagaramon Armadillomon passa par le stade adulte puis devint Brachimon.
Daisuke et Ken pointèrent alors leur digivice face à face.
– Prêt, Ken ?
– Prêt, Daisuke !
Leurs digivices étincelèrent et le corps de Stingmon et d'X-Vmon se décomposèrent en ligne de codes binaires, verte pour Stingmon, bleue pour X-Vmon. Ces deux lignes s'entremêlèrent et fusionnèrent dans une explosion de lumière pour donner naissance à Paildramon. Puis, le digimon se transforma pour accéder à niveau méga et le colossal Imperialdramon se dressa sur la plage de cendres. Daisuke et Ken sourirent : cela faisait longtemps que leurs partenaires n'avaient pas atteint ce stade d'évolution.
– Ça fait plaisir de te revoir, Imperialdramon ! lui lança Daisuke.
– Le plaisir est partagé, répondit-il. Montez !
Ken, Daisuke, Taichi et Yamato grimpèrent dans la bulle vitrée qui reposait sur le dos d'Imperialdramon. Taichi se retourna alors vers M. Nishijima :
– Venez avec nous. Si Baihumon est là-bas, il se battra mieux s'il vous voit.
Son professeur acquiesça et saisit la main qu'il lui tendait. Taichi se retourna vers ses amis demeurés sur la plage : la détermination vibrait dans leur regard.
– Bonne chance à tous.
