Coucou ! Merci, merci beaucoup pour les review ! Je vais essayer de garder un rythme de sortie du mercredi soir !
Ce chapitre est plus long que tout les autres et contient aussi un content warning : une crise d'angoisse est évoquée (sans être décrite mais elle est là.) Faites attention si ça vous triggers
Des bises et enjoy !
Chapitre 4 : Café de Olla
Aiolos regarde la tasse fumante devant lui : « à trois, on y va, tous, ensemble ! » Il serre la main de son frère dramatiquement et de l'autre agrippe l'épaule de Camus, paternel jusqu'au bout.
« Chevaliers ! » Rugit Aiolos. « Nous avons connu pire. Cette épreuve nous rendra plus forts, resserrera nos liens. Et à la fin, nous vaincrons ! »
« Vous ne pensez pas que vous exagérez ? » Demande Milo.
- À la une…
- Je vous parle !
- À la deux…
- Ce n'est que du CAFÉ !
- Et à la… »
Les trois l'ignorent, prennent chacun leur tasse, et l'engloutissent en même temps. On pourrait croire que ces crétins ont préparé une chorégraphie juste pour l'énerver.
Ces grands imbéciles sont assis à même le sol autour de la table basse de Milo. Elle garde des traces de restes d'une autre soirée que ni lui ni Aiolia n'ont jamais réussi à totalement effacer. Heureusement, le tapis en fausse fourrure blanche a par miracle, survécu aux empreintes de chaussures et divers accidents de cuisine. Il espère que son appart n'a pas l'air trop sale. Camus semble être du genre super clean, toujours un chiffon à la main. Milo espère ne pas être jugé.
Dès les premières gorgées, trois plaintes d'horreur sortent de leurs bouches. Aiolia et Aiolos se battent pour se servir un verre d'eau; Camus se lève sans un mot, et entre dans la salle de bain.
« Mais vous ne pensez pas que vous exagérez là ! » S'insurge Milo.
« Non. » Gronde Aiolia. « Immonde ! Essai pour voir et tu comprendras. »
Milo trempe ses lèvres dans le Café de Olla. Il a essayé une nouvelle recette en prévision de la spéciale Halloween / Jour des morts qu'ils vont organiser au café. Les résultats pour le moment ne sont pas très probants. Ils ont raison. Mais de là à faire une telle comédie !
Un « Tuez-moi. » S'échappe de la salle de bain.
Les deux frères exercent une mauvaise influence sur Camus.
« La première règle d'un chef cuisinier, c'est de goûter ce qu'il fait. » Explique Aiolos. Son index pointe vers le ciel, il ressemble à un professeur; Milo a le soudain désir de l'étrangler. « L'équilibre entre les épices et le sucre de canne ne fonctionne pas du tout. Mais tu aurais dû le remarquer avant de nous le servir. »
« Ça tombe bien que je sois barista et pas chef alors. » Persiffle Milo.
Il réintègre sa place sur son pouf. Naïvement, il pensait que ce serait une bonne excuse pour faire venir Camus dans son appartement. L'amitié fragile qu'ils cultivent est une nouveauté étrange. Il n'a jamais été ami avec quelqu'un qui lui plaît. Là, les choses sont plus ambiguës et sans doute à sens unique.
« Tu m'as blessé dans mon âme. » Déclare-t-il à Camus. Le traitre a enfin daigné quitter la salle de bain.
Camus a une expression qu'on pourrait qualifier d'amuser quand on le connait et qu'on a appris à capter en une milliseconde l'étirement d'une lèvre. Il change de sujet : « J'aime beaucoup cet appartement. Il vous ressemble. »
« Tu veux dire qu'il est crade ? » Demande innocemment Aiolos.
- La ferme Aiolos.
- Je n'irais pas jusque là, mais… comment dire ? Enfin, je dirais plutôt : chaleureux. »
Aiolos semble réfléchir puis décide : « Et bien on a qu'à visiter le tien la prochaine fois. Cette semaine on prend quelques jours après Halloween. File-moi ton téléphone.
- Oh. Ton timing est parfait ! Je serais en vacances. Et Hyôga sera là. Vous pourrez faire sa connaissance. »
Avec envie et prudence, Milo observe l'échange. Et il a raison. Lorsque Aiolos a fini de noter le numéro, il jette un coup d'œil qui prédit une mort certaine à Milo s'il ose en faire de même.
Pour cacher sa déception, Milo annonce : « Je fais une nouvelle tentative, vous êtes prêt ? »
Alors qu'il retourne dans la cuisine, Aiolos cri : « bon, il se fait tard, tu viens avec moi Camus ? Aiolia, tu nous emmènes avec la voiture ? Le soir, je ne suis pas rassuré...
- C'est les autres qui devraient avoir peur de toi…
- Est-ce que tu as envie de prendre le risque de rester avec Milo et son café dégueu ?
- T'as pas tort. Je vous raccompagne au moins… jusqu'au métro. Après, débrouillez-vous ! »
Alors qu'il touille le café et les épices, Milo entend les fermetures des manteaux et le frottement des écharpes contre les cous.
Une présence derrière lui le fait sursauter : « pardon, je ne voulais pas te faire peur. »
Milo sourit. Camus s'est assis sur une chaise de la cuisine et a posé une main sous son menton. Sans dire un mot, il regarde Milo, et attend.
On pourrait croire qu'ils sont au café, tellement l'ambiance est simple, délicate. Camus est là, après tout !
Aiolos a une petite voix plaintive qui gâche tout : « Camus, tu viens ?
- Je rentre plus tard.
- Tu es sûr ?
- Aiolos ! Tes amis et ta famille ne sont pas des enfants. » Le ton de Camus est autoritaire, sans être tranchant. Alors Milo ne peut pas s'empêcher de rire : ça se voit que Camus à deux frères : il sait se faire écouter.
Un silence, puis un sanglot. « Tu as fait pleurer Aiolos. Félicitations. » Lance Aiolia.
« Il fait semblant. » Explique Milo pour épargner une crise de panique à Camus.
« Soit sage Milo ! » Insiste Aiolos une dernière fois avant de passer la porte. Milo soupire, il sait tout de même se tenir un minimum, s'il vous plait !
« Et Camus, » poursuit Aiolos. « On te revoit à la soirée Halloween ! Si tu as survécu à ses décoctions.
- Je l'espère aussi. »
Milo s'apprête à se défendre, mais la porte se referme. Il est seul avec Camus. Juste eux. Ça n'était pas arrivé depuis le départ d'Aphrodite.
Concentre-toi Milo. On est juste ami. Aiolos ne peut pas avoir raison à ton sujet. Tu n'es pas un animal.
« Tu es un être HUMAIN ! » Insiste Milo vers la casserole bouillante.
« À peu près », dit Camus qui ne montre aucune surprise face aux dérapages du misérable, misérable, Milo… « courage! Tu vas y arriver. »
Le café de Olla. Milo avait oublié. Il le retire du feu, prend sa cuillère, souffle dessus, la colle contre sa bouche et grimace. Trop sucré !
« Laisse-moi goûter. » Camus se lève, puis s'assoit sur le comptoir, légé dans son geste. Milo reste un instant muet. Ses jambes sont longues, musclées et élégantes. La recette de Milo devient difficile à suivre.
Sans rien révéler de plus, Camus tapote de son doigt ses propres lèvres et sur le coup Milo se demande : doit-il les embrasser ?
Son cerveau redémarre et il se rend compte que Camus veut tester lui aussi. Tout ceci ressemble à du flirt, si Milo s'y connait un peu. Et Milo s'y connait très bien.
Au diable Aiolos ! Longue vie à Aphrodite ! Au pire, il retrouvera un autre travail, mais pas un autre Camus.
Il se penche, à deux doigts du visage de l'autre homme. Celui-ci ne recule pas, ses yeux brillent d'un éclat intense. Milo ne fait aucune remarque avant d'approcher la cuillère.
« Fais Ah ! » Ordonne Milo. Est-ce qu'il rêve ou Camus a du rouge sur ses joues ?
« Tu es bien autoritaire, d'un seul coup. »
« Je sais ce que je veux. » Ment Milo sans vergogne. « Attention, c'est chaud. »
Camus le laisse le servir. Ses lèvres sont, par la suite, lumineuses. Milo est comme hypnotisé.
« Et qu'est-ce que tu veux, là, maintenant ?
- Ton avis.
- Tu y as mis trop de sucre et tu devrais rajouter des clous de girofles.
- Entendu. Tes désirs sont des ordres. J'ai bien envie d'autres choses. Tu devines ?
- Tu me donnerais un indice ou tu veux que je cherche… »
Les délicieuses idées de Camus ne parviendront jamais aux oreilles de Milo. La sonnette de la porte les fait bondir et Camus tombe sur ses pieds, maladroitement.
« Penses-tu qu'Aiolia a oublié ses clefs ? » Demande Camus, l'air presque fautif. Milo se moquerait de lui gentiment s'il n'était pas en pleine panique.
Aiolos a raison : il est un animal.
On frappe la porte maintenant. De grands coups. Milo a du mal à respirer. « Tout va bien Milo ? » Une main fraiche prend son visage. Mais c'est comme si Milo ne voyait rien.
Qu'est-ce qui lui prend ? Il a besoin de ce travail. À Athènes tout se fait ou se trouve par copinage : les appartements, les jobs. Il ne peut pas jouer à ça, il ne peut pas trahir ses amis : « tu veux bien ouvrir ? S'il te plait Camus. »
Camus semble choqué, puis il acquiesce. Le regard fuyant. « Oui… je… entendu. »
La main le quitte et il est seul dans la cuisine. Le contenu de la casserole finit dans l'évier.
Moins de sucre. Plus de clou de girofle. Se rappelle Milo alors qu'il prépare une nouvelle tournée.
À la porte, il entend : « Saga ?
- Non. » Répond une voix familière.
« Kanon ? » Crit Milo.
« Lui-même. » Répond son ami. « Ton nouveau jouet ne me laisse pas entrer ?
- Pardon ? Un jouet, moi ?
- Ou une nouvelle conquête. Je me fiche du nom qu'il te donne.
- Répétez pour voir ! »
Milo se précipite dans le salon. Parce qu'il sent que quelque chose de terrible pourrait arriver : « allons, on se calme ! Tous les deux. » Parce que oui, Kanon et Camus se toisent. La première impression est exécrable apparemment.
« Voici Camus. Et il a raison, traite-le avec respect, c'est avant tout mon ami. Pas une vulgaire conquête. » Camus sourit délicatement. Pour une fois, Milo a dit ce qu'il fallait.
« Et ce trou d'uc est Kanon. Pas Saga. Ils sont jumeaux. Il est aussi mon ami. »
- Son meilleur ami. Rouquin.
- Sois sage, Kanon. Il ne savait pas pour Saga.
- Mais tu ne vas pas lui raconter ma vie non plus !
- Il a des problèmes avec son frère et le fait payer à tout le monde.
- Qu'est-ce que je viens de dire !?
- Dis-moi pourquoi tu es ici ce soir. Il doit être deux heures du matin. »
Kanon les évite, puis il s'écroule sur le canapé. Son souffle est court, il s'est précipité jusqu'ici. Ses chaussures sont couvertes de boue et salissent le tapis. Quelle tristesse ! Il était si blanc !
Avant de prendre une balayette, Milo fait signe à Camus de s'assoir. Il semble hésiter, puis il choisit la chaise la plus éloignée d'eux. Les bras croisés, le visage fermé.
Génial. Vraiment Génial.
« Saga a fait une crise. Et j'ai appelé Aiolos. » Explique Kanon. Milo va lui chercher un verre d'eau, et lui tend. Kanon le prend volontiers avec un mouvement rapide de la tête. Il a eu très peur, pense Milo, parce que sa poitrine se soulève à toute allure, ses mains tremblent autour du verre.
Après avoir essuyé ses lèvres avec sa manche, Kanon poursuit : « Aiolia a emmené tout le monde à l'hôpital. Ils m'ont dit de te prévenir. Tu ne réponds pas au téléphone. Crétin. On s'est dit que tu devais te taper le Rouquin. Ou un truc du genre. »
« Pardon ? » « Mais tu vas la fermer ! » S'insurgent Milo et Camus d'une seule voix.
« Je m'en fou, du moment que tu réponds au téléphone. Tu sais bien que je n'aime pas appeler. » Dit sombrement Kanon.
« Oh ! Aiolos a essayé de me joindre trois fois. » Camus a sorti son portable. Son visage est livide. « La moindre des choses serait de lui laisser un message. Il doit être dans un état…
- Il ne te répondra pas Rouquin. Il doit dormir à l'hôpital. Et puis il a l'habitude. Saga est le pire.
- Premièrement, je peux essayer, ça ne coute rien. Deuxièmement, s'il ne veut pas me parler, il ne me répondra pas. Troisièmement, mon prénom est Camus. Tu as la mémoire courte. Tâche de la travailler en commençant par t'en souvenir… » Camus sort sur le balcon et pianote vivement.
Milo a envie de s'enfoncer sur sa chaise. Pourquoi doivent-ils se détester ? Qu'est-ce que j'ai bien pu faire à la déesse Athéna pour qu'elle me haïsse à ce point ?
Kanon siffle : « il a du caractère lui. Ça change.
- Je ne relèverais pas. Oh, la vache, sept messages d'Aiolia ? Mais je n'ai rien entendu…
- Trop occupé à jouer avec lui ?
- On discutait, rien de plus. »
Comme Kanon secoue la tête, Milo ajoute : « je suis désolé. Sincèrement. »
Kanon plisse les yeux, puis s'empare d'un oreiller et s'allonge sur la banquette.
« Tu ne vas pas dormir ici ? » S'insurge Milo. « Prends mon lit, au moins. » Il a l'habitude que Kanon débarque à l'improviste, après des jours et des jours sans nouvelles. Un peu comme un chat errant qui accepte de la nourriture uniquement de la main de Milo.
« Je suis fatigué. » Répond Kanon. À peine allongé, qu'il le quitte déjà pour les bras de Morphée !
Milo se lève et rejoint Camus sur le balcon. L'air est frais, mais comme toujours, Camus se balade avec son éternel T-shirt sans manche et pas même une petite chair de poule à l'horizon sur ses bras blancs laiteux. Milo, lui frissonne.
La voix de Camus n'est pas celle qu'il connait d'habitude, il a l'air profondément choqué : « Tu veux que je vienne ? Je suis désolé. Je comprends… si je peux faire quelque chose pour toi, dis-le-moi. Non, non. Je ne le prends pas mal. Repose-toi bien. »
Il raccroche, se tourne vers Milo, le visage totalement défait.
« Il va si mal, Saga ? » Camus demande confirmation, mais Aiolos à sans doute déjà expliquer en long en large et en travers. Rien ne sert d'insister.
« Depuis toujours. » Répond Milo. « Mais avec les médicaments, ça se soigne bien. Juste quelques crises parfois. Elles sont rares, mais spectaculaires.
- Pourquoi Aiolos ne vit-il pas avec lui ? Ils ont l'air… plus que proche.
- Tu ne lui as pas demandé ?
- Je n'ai pas osé…
- Parce que Saga croit qu'il ne mérite pas d'avoir quelqu'un de bien dans sa vie. Et tu connais Aiolos : il peut être étouffant quand il aime. »
Et après avoir entendu ses mots, des larmes s'agglutinent sur les cils de Camus.
« Bon sang ! J'ai dit quoi cette fois-ci encore !
- Isaak ne viendra pas me voir, il a annulé pour la quatrième fois cette année et… il n'y aura que Hyôga et son copain.
- Quoi ?
- Je me fais du souci pour lui. Mais il m'a dit de le lâcher. Il viendra quand il viendra. Je suis désolé. Cette histoire entre Saga et Aiolos, m'a fait penser à lui : il ne veut pas me parler en ce moment, il prétend que je l'étouffe. »
Milo a du mal à résister. La tentation de le serrer dans ses bras est presque tranchante. Isaak est le prénom de son deuxième frère, s'il se souvient bien. Mais vue comme Camus parlait d'eux à la fête d'Aphrodite, Milo pensait que leur famille s'entendait merveilleusement bien.
Avec courage, il se contente de serrer uniquement la main de Camus et de la garder dans la sienne quelques minutes. Avant de glisser vers son avant-bras. Un léger frisson parcourt le corps de son ami, mais Milo prétend qu'il n'a rien remarqué.
Ça vaut mieux. Se répète-t-il. Peut-être que j'ai trop d'imagination. Ou qu'il vient de se rendre compte qu'il fait froid. Après tout ce temps passé dehors.
Camus essuie ses yeux. Son expression se détend avant de faire place à la culpabilité : « Ce qui arrive à Aiolos est nettement plus grave. Qu'est-ce qui me prend de me comparer à eux ? »
« Hé bée ! Pour une reine des glaces, tu verses souvent des larmes.
- Arrête avec ce surnom. Je suis humain comme tout le monde.
- Je sais ! Je sais ! »
Comme Camus ronge l'un de ses ongles peints en rouge, Milo explique : « Tant qu'ils sont ensemble -je veux dire, Aiolos et Saga – je ne me fais aucun souci. Tu comprendras la prochaine fois que tu les verras. »
Le plus charmeur de ses sourires ponctue sa phrase (du moins, il l'espère, il l'a suffisamment travaillé dans la glace pour atteindre la perfection.) Camus répond par une moue dubitative : « entendu… je vais te faire confiance.
- Ha ! Quand même ! »
Puis Milo attrape les épaules de son ami et le pousse à l'intérieur. « Dépêche ! Dépêche ! On rentre ! Je sens que je vais mourir de froid.
- Tu recommences à me donner des ordres ? Pour qui te prends-tu ?
- Arrête de te plaindre. Je suis certain que tu ne détestes pas. En ce qui concerne tes frères, il y en a au moins un qui va venir te rendre visite et avoir le plaisir de me rencontrer. Un sur deux, ce n'est pas mal. J'aurais deux fois moins de monde à impressionner. Je suis rassuré. »
Enfin ! Un sourire s'étire sur le visage de Camus. Un jour, peut-être, il parviendra à le faire rire à gorge déployée. Par-dessus son épaule, Camus lui lance un regard qui pourrait être subjectif si ses yeux n'étaient pas brouillés par des larmes résiduelles : « Tu m'impressionnes déjà, je ne te suffis pas ? »
« Ayez pitié », les interrompt Kanon. « On dirait des ados. Ce n'est. Vraiment. PAS. Le. Moment ! » Camus et Milo s'éloignent l'un de l'autre : il n'a pas tort.
Avec un geste de mépris, Kanon poursuit : « Je n'écouterais pas une minute de plus vos conneries. Bonne nuit Milo. Toi aussi Camus. Soyez gentil : mettez-la en veilleuse. » Kanon ne lâche pas son oreiller, comme s'il s'agissait d'un ours en peluche, leur fait un petit signe d'adieu et les abandonne en claquant la porte de la chambre de Milo.
Camus soupir : « il a l'air de s'inquiéter sincèrement pour son frère… » et il ajoute, alors qu'il marche vers le vestibule et cherche son sac : « pourtant la prochaine fois que nous nous verrons, j'aurais des choses à lui dire sur son comportement. Il m'a fatigué à se mêler de ce qui ne le regarde pas. Enfin, nous verrons… et puis, il semble qu'il a retenu mon prénom. Je peux peut-être considérer cela comme une victoire. »
« Ça, c'est sûr ! Tu n'imagines pas à quel point c'est impressionnant ! » S'écrit Milo, « la plupart du temps il m'appelle : « Hey toi ! » et je suis supposé être son meilleur ami… »
Camus lève les yeux au ciel, puis prend son manteau. Il éparpille autour de sa tête les cheveux qui restaient coincés dans son col. Ceux-ci retombent comme une vague dont Milo suit attentivement le déferlement. Le contraste est superbe entre la toison rousse et la fausse fourrure blanche. Camus a vraiment bien choisi ce vêtement.
« Ilo… Milo ? Tu m'écoutes ? » Demande Camus. Il n'a pas l'air vexé par la distraction de Milo. Au contraire, il semble satisfait. L'enfoiré ! « Je te disais que je vais rentrer en taxi.
- Tu pars déjà ?
- Déjà ? Je ne peux plus prendre le métro depuis longtemps. »
Sur ses mots, son ami redresse la tête. Milo soudain se demande si Camus va l'embrasser, parce que son visage est proche de sa joue et il est français. On embrasse bien pour dire bonjour et au revoir en France, nan ? Mais Camus finalement recule. Il enroule son écharpe autour de son cou, comme si de rien était. « Merci. Pourrais-tu dire au revoir à Kanon de ma part ? »
Milo le regarde s'éloigner jusqu'à ce que la lumière automatique de l'immeuble s'éteigne. Puis, il reste, pour écouter les pats raisonnés dans le couloir.
L'alarme incendie retentit. Encore influencé par un sommeil fragile, Milo saute du canapé et dévale dans la cuisine. Il avait laissé la casserole sur le feu. Quel imbécile. De grands yeux et un visage efféminé suffisent donc à lui faire bruler son appartement. Kanon s'est levé aussi, il lui met une tarte et retourne se coucher. « De la part d'Aiolia, s'il était là. »
Beaucoup trop d'émotion pour juste une nuit. Se dit Milo.
Il n'arrive plus à dormir et épuisé, il devra ouvrir seul le café. Aiolia et Aiolos méritent de se reposer.
Au matin, il suffit d'un coup d'œil sur les cernes de Milo pour que Kanon déclare : « OK, je vais t'aider à tenir votre bouiboui. » Milo ne se fait pas prier.
Son ami a de nombreux défauts, mais on peut compter sur lui.
Halloween est très populaire à leur café.
Ils n'ont pas un instant à eux. Les clients les appellent, ils courent. Par bonheur, Kanon n'est pas le genre à se plaindre, mais plutôt à agir : tout est plus facile grâce à lui. Milo lui en est reconnaissant. Son ami dresse la table de nouveaux arrivants sans faire tomber une goutte de leurs mokas. Vraiment, merci Kanon !
Il a mis le tablier réglementaire, a fait l'effort de trouver un béret, et dit à qui veut l'entendre qu'il est déguisé en « artiste incompris », puisque personne n'est assez fin pour deviner en quoi il est déguisé. Une vraie mise en abîme des plus prétentieuses. Mais bon, il s'agit de Kanon.
Milo quant à lui a enfilé super vite son costume de gladiateur de l'année dernière. Il avait eu beaucoup de compliments de la part des dames et des messieurs qui constituaient sa petite cour. (Après tout, il est torse nu dans ce costume.) Il a un faible pour les sandales et la jupe romaine. Ces vêtements lui semblent si confortables ! Peut-être que dans une précédente vie, il était un combattant au service d'un dieu ? Ce serait amusant.
Les choses se passent correctement : seules trois tasses se sont cassées, dont deux en cuisines. Mais ils ont définitivement besoin d'une troisième personne pour la caisse : une queue se forme devant le comptoir et ne semble pas se désemplir.
Milo d'habitude, aime les fêtes, il les adore ! Mais là, sans Aiolia ni Aiolos, il n'en profite pas vraiment.
Régulièrement, il jette un coup d'œil sur son portable pour connaître les nouvelles. Saga va mieux. Il va rentrer chez lui, accompagné des deux frères dans la journée. Ils connaissent tous le processus par cœur…
Pauvre Aiolos. Pense Milo. Pauvre Saga.
Cette fois-ci aussi, Saga va sans doute se renfermer. Étouffer par la culpabilité, il évitera Aiolos et lui demandera – le suppliera - de le laisser. Rien n'est facile pour eux. Mais Aiolia et Milo seront là pour les soutenir.
Tout ce que peut faire Milo pour le moment, c'est poursuivre sa mission. Soudain, il entend un appel. Il décroche, le numéro lui est inconnu. Pourvu qu'il ne s'agisse pas de l'hôpital ou d'un médecin.
« Bonjour… heu... désolé, je n'ai pas l'habitude d'appeler.
- Camus ?
- J'espère que je ne t'ennuie pas.
- Comment as-tu eu mon numéro ?
- Je…désolé de l'avoir demandé à Aiolos, mais…
- Non, non ! Ne t'inquiète pas.
- Peut-être que tu ne voulais pas que je l'aie …
- Non ! Je suis juste surpris qu'il ait accepté. Il ne me considère pas comme une bonne influence. »
Camus se met à rire et Milo en oublie la commande qu'il vient de prendre. Oups ! Il faut qu'il retourne à la table. Il imagine facilement Camus lever les yeux au ciel avant de répliquer : « Si tu l'étais, ce serait dommage. Tu serais beaucoup moins intéressant. » Milo ne sait pas tout à fait comment le prendre. Il réfléchit à au moins trois répliques qui finiraient en flirt, mais Camus ne le laisse pas en placer une : « j'ai insisté pour venir vous aider, j'arrive tout de suite, mais…
- Mais quoi ?
- Il a dit que le déguisement est obligatoire. Milo, je ne me suis jamais déguisé de ma vie.
- Pourquoi, c'est amusant !
- Pour les gens normaux, oui ! Mais moi…
- T'inquiètes pas. Je vais te composer quelque chose, tu vas voir ! Magicien coquin ? Ange sexy ? Prince plutôt dévêtu ? »
Derrière Milo, Kanon se contente de dire : « te prends pas la tête : le costume d'Aiolia de l'année dernière ira très bien. Et on est dans un café familial, tu as oublié ? »
« Il a raison. » Dit Camus fermement au bout du fil. « Ce n'est pas amusant du tout ! »
« Je plaisantais. » Le rassure Milo. (À moitié.) Puis, avec plus de douceur, il ajoute : « Viens comme tu es. Si tu ne le sens toujours pas, on ne dira rien à Aiolos. Ça sera notre secret à toi, moi, Kanon, et tous les clients… bref un secret qui lui arrivera forcément aux oreilles, mais il sera déjà trop tard et je lui dirais que c'est ma faute… »
Un silence accueille sa remarque. Camus pèse sans doute le pour et le contre.
« En quoi était-il déguisé ?
- En lion du magicien d'Oz
- Oh non ! »
Milo pose sa main contre le hautparleur pour que Camus ne puisse pas l'entendre rire. Puis il continue avec plus de bienveillance : « Ne t'inquiète pas, on peut le modifier pour en faire un ours. Là ça irait ?
- Oh non !
- Tu es en boucle ? Je te l'ai dit : ne te force pas.
- Va pour l'ours. J'arrive dans une heure. »
Camus raccroche. Milo quant à lui, enregistre le numéro. Il pourrait en avoir à nouveau besoin.
« Tu es terrifiant. » Déclare Kanon quand Camus accepte de sortir pour se montrer. « Le gros ours est là pour nous dévorer… »
Comme Camus devient cramoisi, il l'achève, sans vergogne : « j'ai peur… »
Milo d'une main, empêche Camus de s'enfuir de la cuisine et de l'autre joue avec la capuche aux oreilles rondes pour révéler des yeux furieux.
Oups ! Trop chou ! Vite, que quelqu'un prenne une photo pour montrer à Aphrodite ! Et pour que Milo puisse la garder et la regarder tous les jours.
« Tu es beaucoup trop mignon », dit-il. « On dirait vraiment un de ces pyjamas japonais…
- Un Kigurumi
- Merci Kanon : personne t'avait rien demandé. Ça va aller, Camus ? »
Camus semble être obnubilé par un point en direction du mur, puis acquiesce. Depuis qu'il est arrivé, il évite précisément d'observer le torse nu de Milo. Pour dire vrai, Milo est tout à fait flatté, mais ça rend la communication difficile.
« Vous allez arrêter ? C'est très gênant. » Insiste Kanon.
Camus rejette les mains de Milo et enfonce la capuche sur sa tête, puis il les quitte en baragouinant qu'il va faire ce qu'il peut pour la caisse et la queue qui désormais s'étend jusqu'à l'extérieur du café.
Milo, attend qu'il soit suffisamment loin pour mettre les choses au clair : « tu n'as pas arrêté de te montrer insupportable avec nous. C'est quoi ton problème ? Tu vois bien que tu le mets mal à l'aise.
- Il parait que tu risques de perdre ton travail. Voilà ce qui m'énerve.
- Vraiment ? Aiolos t'a envoyé pour me surveiller ?
- C'est Aiolia qui me l'a dit.
- Il t'a suggéré le costume aussi ?
- Dans le mille. ET… il avait raison de ne pas te faire confiance : un « prince dévêtu » ? Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre. »
Milo pour être honnête, n'a pas grand-chose à répondre à cela, Kanon le perçoit donc comme une victoire : « j'espère qu'il sera vraiment utile. Et que tu ne l'as pas fait venir juste parce qu'il a un beau cul. »
Et Camus se révèle être plus que doué, une fois qu'il a accepté que oui, les vieilles dames et les enfants sont totalement fous de lui, de son costume, de ses manières vieillottes. Le flux des clients est sous contrôle en un peu plus d'une demi-heure et Milo et Kanon font moins d'erreurs. Miracle, ils peuvent même souffler.
Kanon est si impressionné qu'il ne fait plus aucune remarque. Il va même jusqu'à les laisser seuls au comptoir.
Camus n'a clairement pas l'habitude de ce genre de rythme : il commence à transpirer dans le costume. Il est donc temps de prendre une pause.
« Tu veux quelque chose pendant que je suis près de la machine ? » Demande Milo.
Le plus épuisé, mais aussi le plus vulnérable des sourires accueille sa question :
« J'aimerais que tu me fasses ton café bizarre.
- Le Olla ? Mais je n'y arrive pas. C'est un échec total.
- Retente encore une fois. »
Puis, Camus fait tomber sa capuche et lui lance : « ou bien tu as peur d'échouer alors que je t'ai donné des instructions très claires hier ? »
Tu vas voir ! Pense Milo.
Il a l'impression que s'il y parvient, il aura une récompense.
Hier soir, Milo l'a noté dans son petit carnet de recette : moins de sucre et plus de clous de girofle.
Camus sera peut-être le seul à aimer cette variante, mais quelle victoire ce serait ! La machine à moudre gronde. Les épices sont déversées à la surface du café. Le checker se secoue dans ses mains.
Tout est mélangé. Camus a toujours la tête tournée dans la direction opposée du corps de Milo, mais il a l'air de s'éclater. Comme s'ils partageaient une plaisanterie qu'eux seuls comprennent.
« Allée ! Ramène-toi avant que ça refroidisse. »
Dans la salle, il y a un vrai brouhaha : le cliquetis de photos prises, le son des conversations, les chansons récitées… comme à la soirée d'Aphrodite, tous ses bruits, la vie du café, semblent lointains et anecdotiques quand il est avec Camus.
La tasse bien ajustée dans sa main, Milo attend le verdict avant de goûter lui-même.
L'expression de son ami change, puis il croise enfin son regard, et l'émotion est intense du côté de Milo. Un vrai coup de foudre.
« Je… je pense que j'adore. » Déclare Camus. « Tu t'es surpassé. »
« Merci » disent-ils à l'unisson.
Certaines choses prennent du temps. Mais elles valent le coup.
Pour l'anecdote : le café de Ola est un café mexicain servit durant le jour des morts.
