J'ai eu une révélation (sans mauvais jeu de mots) et je tiens à dire ceci avant que vous n'alliez trop loin dans l'histoire (j'aurais même carrément dû l'écrire dans le prologue, j'y avais pensé, puis j'ai oublié, moi dans toute ma splendeur) bref, ce dont je veux vous prévenir c'est qu'on me décrit souvent comme une auteure à la plume douce/amer, j'écris souvent des passages tristes, je joue beaucoup avec les émotions de mes personnages (surtout les émotions négatives comme la tristesse, la culpabilité, etc). Donc sachez que mes histoires sont loin d'être des histoires roses remplies d'humour et de paillettes. Il y en a, je ne suis pas un monstre (quand même) mais si je devais comparer, je dirais que je fais un peu dans le même registre que l'histoire "Ames Brisées" qui est d'ailleurs une très bonne fanfiction sur le couple Harry/Edward (même si je n'aime pas l'épilogue, mais on s'en fou) que je vous recommande si vous ne l'avez pas lu.

J'ai beaucoup parlé pour ne pas dire grand-chose, comme d'habitude, mais au moins maintenant vous êtes prévenu.

Bonne lecture et j'attends vos avis en review ! ^^


Harry était dans la salle du tribunal du Mangenmagot. Là où il s'était retrouvé deux ans plus tôt pour l'utilisation d'un patronus hors de l'école. Il reconnaissait la plupart des personnes assises là. Autour de lui se trouvait ce qui restait de ses amis et de sa famille. Ses yeux s'embuèrent rapidement. La guerre était finie depuis à peine quelques jours et il avait déjà été convoqué. Ils n'avaient même pas encore eu le temps d'enterrer tout le monde. Une larme roula sur la joue d'Harry quand il repensa à tous ceux qui avaient donné leurs vies pour lui. Remus, Fred, Tonks, Maugrey, Rogue. Sirius… Harry chassa sa larme, évitant soigneusement de songer à Draco. Il sentait encore le sort partir du bout de sa baguette. Il voyait encore le dernier regard que lui avait lancé Draco. Il ravala la bile qui lui montait à la gorge et leva les yeux vers le président.

- Harry Potter, le garçon qui a survécu, commença-t-il. C'est un véritable honneur pour moi de vous décorer pour votre bravoure. Pour avoir, après toutes ces années de terreurs, anéanti Voldemort.

Harry ne prononça pas un mot. Attendant la suite. Hermione glissa à ses côtés. Elle s'empara de sa main, posant sa tête sur son épaule. Ron fit la même chose, mais il préféra passer son bras autour de ses épaules. Il ne les regardait pas. Il voulait simplement entendre la fin pour partir d'ici au plus vite.

- J'ai également l'immense fierté de vous exprimer toute la reconnaissance du Ministère de la Magie pour avoir éliminé le Mangemort notoire Draco Malfoy.

Dans un sursaut, Harry se redressa dans son lit. Il était en nage, haletant. Un cri lui cassa la voix et il envoya valser tout ce qui se trouvait à sa porter de l'autre côté de la pièce. Dans un coin, il pouvait voir briller les éclats de la récompense qu'on avait osé lui remettre pour avoir tué son ami. Harry serra les dents et prit son visage entre ses mains, laissant sa peine peindre son visage.

Depuis ce jour, qui était devenu son pire cauchemar, cinq mois plus tôt, Harry s'était terré au manoir Black. Il souffrait encore des séquelles psychologiques de ce drame. Il n'arrivait à faire le deuil de personne. À tel point qu'il s'était complètement exilé. Partant du jour au lendemain, en coupant les ponts avec tous ceux qu'il connaissait, pour une destination connue de lui seul. Bien sûr, Ron et Hermione, et d'autres, avaient essayé de le retrouver et étaient venus fouiner dans le coin mais Kreattur l'avait caché.

Le petit elfe toqua quelques coups à la porte ouverte, attirant l'attention d'Harry. Le sorcier se dégagea le visage et posa les yeux sur lui. Il le regardait avec un mélange de peine, d'empathie et de compassion. Quand Harry était arrivé au manoir, Kreattur ne s'était pas attendu à le voir changer à ce point. À voir ses joues se creuser, ses cernes dévorer ce qu'il restait de son visage. Harry s'était considérablement amaigri, bien plus qu'il ne l'était à l'époque où Hagrid était allé le chercher chez son oncle et sa tante. Il se nourrissait à peine, buvait trop. Harry était négligé. Ses vêtements étaient troués, tâchés, sales et puants. Il ne s'était pas rasé depuis qu'il était arrivé, et traînait rarement sa carcasse hors de son lit. Ses yeux étaient fixés sur Kreattur d'une façon qui mettait l'elfe mal à l'aise. D'un geste, Harry lui fit signe d'approcher. Ses doigts serrés sur le chiffon qui lui servait de vêtement, Kreattur s'avança.

- Monsieur Harry Potter veut-il manger ?

Un regard suffit à Kreattur pour avoir sa réponse. Non, donc. L'elfe, qui n'avait jamais montré aucune émotion envers un sorcier, ou une sorcière, était tellement touché par la détresse d'Harry qu'il en pleurerait presque. S'excusant, il quitta la chambre et descendit dans les étages inférieurs. Il devait trouver une solution pour l'aider, et il avait déjà sa petite idée sur la question. En réalité, il y avait bien une personne à qui Sirius avait parlé de son idée de rencontre. Kreattur. Parce qu'il était le seul à pouvoir garder le secret.

Inquiet de l'état de son elfe, Harry décida de sortir. Il posa un pied au sol. Son corps tangua et il dut se tenir à la table de chevet pour ne pas tomber. Ses jambes le portaient à peine. Il n'avait jamais pris conscience qu'il était aussi mal en point. Descendant péniblement les marches, il se glissa jusqu'au salon où il n'eut que le temps de se laisser tomber sur le canapé. Sa main se posa sur le goulot de la bouteille à côté de lui. Il la considéra un instant avant de relâcher sa prise. Peut-être avait-il un peu trop abusé. Kreattur fit alors son apparition. Il marcha jusqu'à Harry et le regarda longuement.

- Kreattur pense que le mieux pour Monsieur Harry Potter est de quitter ce manoir.

Harry fronça les sourcils. Son esprit était embrouillé mais il arrivait plus ou moins à saisir la porter de ce qui lui était dit.

- Kreattur pense qu'un nouveau départ s'impose. Repartir de zéro, là où personne n'ira chercher Harry Potter.

Il sortit une petite boite de bois. Elle semblait vieille. Le bois était terni, craquelé et même les gravures sur le dessus n'étaient plus que de vagues entailles. L'elfe ouvrit la boite et présenta une clé à son dernier maître.

- Maitre Sirius a demandé à Kreattur de veiller sur la clé.

Harry tendit la main. Ses doigts effleurèrent le métal froid et rouillé. Il s'empara de l'objet et la porta plus près de ses yeux. Un souvenir remonta des tréfonds de sa mémoire. Ron, Hermione et lui étaient partis à la recherche de la pierre philosophale, espérant rattraper le professeur Quirrell avant qu'il ne soit trop tard. Cette clé ressemblerait presque à celle qu'il avait dû attraper à l'époque.

- Qu'ouvre-t-elle ? Demanda Harry.

Sa voix avait eu du mal à sortir. Sa gorge était terriblement sèche, donnant un ton caverneux à Harry.

- Kreattur n'en sait rien. Il sait juste que la chose qu'ouvre la clé se trouve dans un endroit loin d'ici.

- Où ?

- Forks.

À la première écoute, ce nom ne dit rien à Harry. Mais il s'était répercuté dans sa tête. Il faisait écho au milieu de ses pensées. Forks. Une lumière timide étira le brouillard de son esprit. Ce nom lui était familier finalement. Harry fit tourner la clé entre ses doigts. Une forêt, un temps lugubre, une réserve, les Quileutes. À l'époque, Harry avait envoyé quelques lettres adressées à Jacob. Du moins, il avait chargé Sirius de les lui remettre. Il n'avait jamais eu de réponse et n'avait jamais su si c'était parce que le garçon n'avait pas pris la peine de lui répondre, ou si c'était parce que son parrain n'avait jamais envoyé ses lettres.

- Monsieur Harry Potter devrait partir. Pour son propre bien.

Oui, peut-être qu'un nouveau départ était ce dont il avait besoin en fin de compte. Ici, les journalistes n'avaient pas encore cessé de le traquer. Il était sûr que le Ministère voulait lui mettre la main dessus. Ses amis n'avaient pas abandonné, eux non plus. Partout en Angleterre, les gens cherchaient leur héros. Mais Harry ne se voyait pas comme un héros. Pourquoi l'acclamait-on alors qu'au fond, il avait fait la même chose que Tom avant lui. Tuer.

Pendant de longues semaines, il avait repensé à ce qu'il savait de Tom Jedusor. Un enfant différent, coincé dans un orphelinat où il était exilé de force. Un garçon incompris, qui pensait à tort que les choses devaient changer. Et peut-être que, s'il n'avait pas choisi d'emprunter les ténèbres pour parvenir à son but, il aurait pu faire changer les choses. Et on n'aurait pas demandé à un adolescent de l'éliminer. Harry avait été en colère, à un moment. Parce que des millions de gens n'avaient attendu que ça de sa part. Comme si personne d'autre ne pouvait le faire. Harry avait été en colère contre Dumbledore. Il était convaincu que lui, il aurait pu y changer quelque chose. Harry laissa sa tête retombée contre le dossier du canapé, ses doigts se resserrant sur sa clé. Il ne valait pas mieux que Tom, il l'avait bien compris. Et pour ça, il détestait les gens qui faisaient d'un meurtrier un héros.

- Apporte-moi à manger, quémanda-t-il.

Surpris, Kreattur disparu aussitôt, laissant de côté ses bonnes manières. Oh, si sa maitresse pouvait le voir courir dans la maison, elle lui aurait collé une sacrée correction. Pourtant, le petit elfe n'en avait que faire. Harry voulait manger. Il ne l'avait pas fait depuis des jours. Jours pendant lesquels Kreattur avait songé à prier les cieux pour débarrasser ce garçon du poids qu'il portait. Quand il réapparut avec un bol de soupe et un morceau de pain, Kreattur constata que son maitre n'avait toujours pas bouger. Il posa le plateau sur la petite table, près du canapé, et attendit. Harry étira le bras, tâtonna sur le plateau et lorsqu'il eut les bords du bol entre les doigts, il le souleva pour le porter à ses lèvres. Ses yeux se rouvrirent doucement. Les flammes dansant de la cheminée se reflétaient dans ses yeux vides. Il but d'une traite, reposa le bol et attrapa le pain.

- Prépare mes affaires.

- Lesquels souhaitez-vous que Kreattur emballe ?

Le petit cœur du vieil elfe n'avait plus battu comme ça depuis longtemps. Il n'était même pas sûr d'avoir ressenti de la joie un jour dans sa vie. Harry lui dicta une liste. Des vêtements, des objets, des souvenirs. Beaucoup de choses qu'il ne voulait pas laisser derrière lui. Parce qu'une chose était sûre, à partir du moment où il poserait les pieds sur le sol américain, l'Angleterre pourrait dire adieu au plus grand sorcier vivant depuis Dumbledore. Dans la chambre de son maître, Kreattur ouvrit une vieille valise enchantée. Il sélectionna le mode sorcier et s'attela à tout empaqueter. Il plia et rangea consciencieusement les vêtements. Rangea les livres par auteur. Protégea les cadres photo. Un aller-retour dans la cuisine et il disposa un sac contenant des provisions et des plats préparés. Kreattur finalisa le bagage en posant soigneusement la baguette de son maitre sur le dessus. Harry ne l'avait plus touché depuis qu'il était arrivé. Même pas une seule fois. L'elfe cligna des yeux pour chasser ses larmes et referma le tout. Il l'apporta à Harry, toujours dans le salon. Entre temps, il s'était levé et avait ouvert le pot contenant la poudre de cheminette. Du coin de l'œil, il vit Kreattur s'approcher. Posant la valise à ses pieds, l'elfe recula avec une courbette.

- Prenez soin de vous, maitre, souffla-t-il comme une supplication.

Harry glissa la clé dans sa poche, souleva la valise avec les maigres forcent qui lui restait, et entra dans l'âtre. Il inspira longuement, gardant l'air dans ses poumons.

- La Push, déclara-t-il clairement en jetant la poudre.

Kreattur observa la cheminée et vit son maitre disparaitre dans les flammes vertes. Il s'autorisa à verser une unique larme, priant pour qu'Harry puisse enfin aller mieux. Il espéra, dans un coin de son cœur, que lorsqu'il sera redevenu le sorcier qu'il avait autrefois été, Harry lui enverrait quelques nouvelles. Maintenant seul, l'elfe attrapa un chiffon et retourna à son ouvrage. Nettoyer le tableau de sa défunte maitresse.

À des milliers de kilomètres de là, la cheminée de Billy Black vira au vert.

- Jake ! Hurla-t-il.

Une seconde plus tard, la cheminée cracha le corps d'Harry. Il fut rattrapé in extremis par l'adolescent qui l'installa sur le canapé. Jacob et son père se mirent face à Harry. Ce dernier ouvrit les yeux et les posa sur eux. Billy avait vieilli, Jacob aussi. Étrangement, Jacob avait maintenant presque tout d'un adolescent normal. Ses cheveux avaient été coupés courts, il pouvait même discerner les lignes d'un tatouage sur son bras. Billy plissa les yeux et approcha le menton. Il n'était pas sûr de reconnaitre la personne face à lui. Pourtant, il savait parfaitement comment les sorciers se servaient des cheminées et il savait également que la sienne n'était connectée qu'à celle du manoir Black dont Sirius était le propriétaire. Puis, il croisa le regard d'Harry et malgré la perte de son éclat, il reconnut immédiatement cette couleur. Il fallait dire qu'il n'avait jamais vu un tel vert de toute sa vie.

- Harry ? Demanda-t-il doucement.

Trop faible pour dire un mot, le sorcier acquiesça une seule fois avant de tomber à la renverse.

- Jake, allonge-le, ordonna son père.

Obéissant, Jacob allongea Harry sur le canapé. Il lui enleva la valise des mains, qu'il posa contre la table basse, et se recula.

- Il s'est endormi, fit-il remarquer. C'est vraiment Harry ? Le gamin maigrichon que nous a présenté Sirius il y a trois ans ?

- On ne dirait pas, concéda Billy. Mais je t'assure que ce garçon est bien Harry.

Il en était d'autant plus sûr depuis qu'il avait aperçu la cicatrice sur son front. Cette fameuse cicatrice dont il n'avait pas saisi toutes les origines. Le père et le fils regardèrent Harry dormir. Il n'avait plus rien du garçon qu'ils avaient rencontré.

- N'en parle pas, chuchota son père, ne souhaitant pas réveiller leur invité. Quand Harry se réveillera, il nous expliquera les raisons de sa venue et nous agiront en conséquence.

- Sam devrait savoir, contra Jacob.

Comment pouvait-il cacher une chose pareille à son alpha ?

- Il ne vaut mieux pas, Jake. Si un loup ou même un vampire apprend qu'un sorcier se trouve ici, nous serons tous en danger.

- Qu'est-ce que tu veux dire ? Si Harry est un danger pour nous, il ne peut pas rester !

Billy tourna les roues de son fauteuil et partit en direction de la cuisine. Il avait besoin d'un verre. Jacob le suivit à la trace, voulant non seulement des explications, mais aussi faire changer d'avis son père.

- Ce n'est pas pour rien que les sorciers vivent reclus du monde surnaturel, expliqua Billy en ouvrant une bouteille.

Il avisa Jacob et sorti un second verre qu'il remplit aussi avant de le pousser vers lui. Sa propre portion fut avalée cul-sec.

- Même dans son état, Harry est bien plus fort que tu ne le seras jamais, déclara Billy en se resservant.

Jacob railla. Il voulait bien croire que les sorciers pouvaient être des êtres puissants mais qu'Harry, qui n'arrivait même pas réussi à tenir sur ses deux jambes, puisse le battre dans un quelconque affrontement, il ne fallait pas exagérer non plus. Il était un membre à part entière de la meute. Un puissant guerrier qui détrônera probablement Sam lorsqu'il en aura assez de suivre ses ordres insensés.

- Tu le sous-estimes, averti son père. Ta puissance poussée à son maximum ne représente qu'un dixième des capacités d'Harry et de ses semblables.

- Comment peut-il être aussi puissant que tu le dis ? Demanda Jacob.

De toute façon, il n'y croirait que lorsqu'il le verra de ses propres yeux. Billy fit tourner l'alcool au fond de son verre. Son esprit se replongea dans ses souvenirs. Ceux des nuits qu'il avait passées avec Sirius au coin du feu, l'écoutant conter l'histoire du monde sorcier. Portant le verre à ses lèvres, il but ce qui restait et le reposa au loin. Un troisième ne serait pas raisonnable. Il croisa ses doigts devant lui, se cala dans son fauteuil et laissa sa langue se délier. Oh, il y avait encore bien des choses dont il n'avait pas parlé à son fils.

- Nous, les loups, sommes à force égales avec nos ennemis vampires.

- Pour les exterminer, répondit Jacob.

Le garçon s'était assis sur une chaise autour de la table, face à son père.

- Peut-être, admis le vieil homme. Mais un sorcier pourrait tuer un vampire avant même que celui-ci ne repère sa présence. Comprends bien, Jacob, que nous sommes nés d'eux. Nous sommes leurs créations. Leurs erreurs. Rappelle-toi de ce que Sirius a dit cette nuit-là. Les Quileutes sont des sorciers maudits. Les vampires sont le fruit des expériences de sorciers fous.

Jacob ne dit rien, il préférait attendre la suite et voir jusqu'où l'histoire de son père allait aller.

- Tu n'as toujours vu en Harry qu'un garçon frêle et faible. Misérable. Il était pourtant le plus grand et le seul espoir de tout son peuple. C'est un enfant qui a survécu à la mort, comme jamais personne avant lui ne l'avait fait.

- Beaucoup de gens ont survécu à la mort.

- Mais pas celle-ci. Crois-moi, celle qui a eu raison des parents d'Harry est bien différente de toutes celles que tu connais. Plus foudroyante encore qu'un vampire se faisant brûler vif. Un sortilège qui te fait trépasser avant même que ne puisse le voir arriver. Une magie si noire et si puissante qu'elle fut interdite.

Le silence tomba dans la maison. L'adolescent n'était pas sûr de ce qu'il devait penser. Il ne pouvait pas croire à de telles histoires, mais son père en parlait comme s'il y avait lui-même assisté. Billy revient ensuite à lui. Il s'excusa auprès de Jacob et partit dans sa chambre.

Harry se réveilla quelques heures plus tard. Quand il émergea, Jacob était assis à côté de lui, sur la table basse. Voyant bien qu'il peinait à y arriver seul, l'adolescent l'aida à se remettre sur ses pieds.

- Je vais t'emmener dans la salle de bain, informa Jacob. Faut vraiment que tu te laves mon vieux.

Harry ne protesta pas. Il se doutait que son nouveau manque d'hygiène passerait mal chez des loups à l'odorat sensible. Et puis, s'il avait seulement voulu l'aider à se déplacer, Jacob était davantage en train de le porter qu'autre chose. Il était plus grand que lui à tel point que ses pieds frôlaient à peine le sol. Quand il fut assis sur la chaise de la salle de bain, il constata qu'un bain était déjà prêt. La vapeur s'en échappait encore et Harry ne se demanda pas comment Jacob avait fait pour savoir qu'il se réveillerait juste à temps.

- Je te ramène ta valise.

Quand Jacob disparut pour aller chercher le bagage, Harry se décida à retirer ses chaussures. Vint ensuite le tour de sa veste. Il était seulement en train de défaire les boutons de sa chemise quand Jacob réapparu. Il posa la valise à plat sur le carrelage et ferma la porte en sortant. Maintenant qu'il avait retrouvé des forces, Harry se débarrassa de ses derniers vêtements crasseux et se glissa dans l'eau. Ça faisait bien longtemps qu'il ne s'était plus donné la peine de prendre un bain. Il se contentait d'une douche rapide lorsqu'il ne se supportait plus lui-même. L'eau chaude glissa sur sa peau et il se délecta de ses bienfaits jusqu'aux plus enfouis des muscles. Il prit son temps, se lava consciencieusement, et ressorti quand l'eau devint glacial.

En face de lui, son reflet dans le miroir faisait peine à voir. Il n'avait jamais été aussi mal en point. La barbe ne lui allait pas, pas plus que la moustache, et ses cheveux trop longs le faisaient grimacer. D'un geste un peu impulsif, il attrapa une paire de ciseaux dans le tiroir et raccourci ses mèches une à une. Puis, trouvant de quoi faire dans un autre, il entreprit de se raser à ras. Plusieurs jurons quittèrent ses lèvres. Un à chaque entaille qu'il se faisait. Ça n'avait jamais vraiment été son truc, de se raser. Pourtant, quelque chose en lui voulait retrouver le Harry d'avant. L'air ici était différent. Les sons étaient différents. Il se savait loin de l'Angleterre et ça commençait déjà à faire effet. Kreattur avait eu raison. Encore.

Propre, sec et habillé avec ce qu'il avait trouvé de mieux, Harry sorti de la salle de bain. Il avait laissé la valise là-bas, n'ayant pas la force de la porter. Sur le chemin menant à la table de la cuisine, où un repas reposait sagement, il dut se tenir aux murs pour ne pas chuter. En le voyant arriver, Jacob quitta sa place et l'aida à s'asseoir. Il lui servit un verre d'eau, pour commencer, qu'Harry but d'une traite sans se plaindre. Il aurait préféré quelque chose de plus brûlant, mais soit. Billy le laissa manger un peu, histoire de se requinquer, avant de commencer les hostilités.

- Que fais-tu ici ?

- J'ai fui l'Angleterre, répondit simplement Harry en s'essuyant la bouche.

Sa voix était moins enrouée. Même s'il avait faim, Harry ne toucha pas grand-chose et se cala contre sa chaise. Il finirait son assiette, là n'était pas le problème. Il avait simplement besoin de la vider petit à petit.

- Sirius ne t'a pas accompagné ? Continua Billy, mangeant comme il en avait l'habitude.

Harry fit couler l'eau dans son verre et joua avec un instant, avant de l'avaler et de répondre.

- Sirius est mort. Il y a plus de deux ans.

Le père et le fils s'arrêtèrent aussitôt. Ils reposèrent leurs couverts, s'échangèrent un regard et Billy leva les yeux vers Harry.

- Je suis désolé.

Harry ne répondit pas. Il savait très bien que Billy et Sirius avaient été proches, à un moment donné. Il se sentait lui-même désolé de ne pas avoir pu le prévenir de sa mort plus tôt. Un silence s'installa doucement et cette fois-ci, ce fut Jacob qui le brisa. Un garçon un peu trop sanguin et impertinent, c'était le nouveau lui. Non pas qu'il ait été en reste lors de leur première rencontre.

- Pourquoi t'es là ? Je veux dire, tu as fui, ça, j'ai compris, mais pourquoi ici ?

- À cause de ça.

Tirant quelque chose de sa poche, Harry claqua la main sur la table. Quand il la souleva, tous virent une clé. Billy demanda la permission d'Harry pour la prendre. Permission qu'il lui accorda en buvant un autre verre.

- Elle est reliée à Forks ?

- Kreattur dit qu'elle ouvre quelque chose qui se trouve ici. Je ne sais pas ce que c'est, ni où c'est. Mais je sais qu'elle me permettra de repartir à zéro.

- T'es pas, un genre du super-héros de là d'où tu viens ? Commenta Jacob.

L'adolescent se serait attendu à beaucoup de réactions. À presque toutes en fait. Sauf à ce regard noir qu'Harry fit couler sur lui. D'un seul coup, il se sentait oppressé, comme si son cœur reposait sous une lourde pierre. Encore un peu, et il exploserait, littéralement. Mais Harry ne faisait rien. Rien d'autre que de le regarder. Aucune magie. Son regard à lui seul, et tout ce qu'il véhiculait, était bien suffisant.

- Je ne suis pas un héros, répondit-il, calme et menaçant. Ne redis jamais ça.

Jacob opina du chef. Son père avait sans doute raison. Même s'il était un loup puissant et dangereux, ce n'était rien comparé à Harry. Comparé à un sorcier. Pour calmer le jeu, Billy reposa la clé sur la table et la fit glisser vers son propriétaire.

- Je ne sais pas ce que tu cherches, mais je connais un endroit.

- Un endroit ? Demanda Harry en tournant le menton vers lui.

- Oui, confirma Billy. Mais il n'y a rien d'autre qu'une plaine entourée d'arbres, près de la rivière.

- Pourquoi m'en parler si ce n'est qu'une plaine ?

- Parce qu'elle appartient à la famille de Sirius. Peut-être que tu y trouveras ce que tu cherches ou au moins un indice.

Se disant que ce n'était pas si bête, Harry remercia Billy et reprit son repas. Le vieil homme avait bien compris qu'il était préférable d'éviter de parler de la fuite d'Harry. Quelque chose de mauvais avait dû se passer en Angleterre. La peau d'Harry transpirait le désespoir.