Même si Billy aurait préféré garder le secret, toute la meute fut bientôt au courant qu'il hébergeait quelqu'un. Jacob n'avait pas précisé sa nature, pour ne pas s'attirer d'ennuis, mais il se méfiait quand même un peu. Le sorcier était là depuis quatre jours. Il se reposait et reprenait des forces, petit à petit. Son père avait décidé de l'emmener à la plaine quand il serait en état. Étrangement, il se remettait plus vite qu'un humain normal et Jacob se demandait si ce n'était pas lié à son côté surnaturelle. Curieux, et pas confiant, il avait fouillé le bagage d'Harry pendant que celui-ci dormait. Il venait de sortir de chez lui, rejoignant les autres membres de la meute, quelques objets à la main. Sam le regarda arriver, bras croisés.
- Pourquoi tu nous ramènes un balai, Jacob ?
- Je l'ai trouvé dans les affaires d'Harry, dit-il en lançant l'objet à son alpha.
Sam leva la main, réceptionnant le balai et le regarda longuement. Il n'en avait jamais vu de la sorte. Personne ne pourrait faire le ménage avec un truc pareil, et il ne savait pas ce que venait faire des barres métalliques là-dessus. Il le jeta à terre, près du feu. À défaut d'être utile, ça fera du bon bois. Jacob s'approcha encore et montra d'autres objets aux métamorphes. Deux morceaux de bois sculptés, une petite boule dorée, un caillou.
- Il a l'air sacrément dérangé si tu veux mon avis, lança Sam. Fais-le partir.
- Vous ne devriez pas jouer avec ça, résonna une voix.
Quand les loups se tournèrent, ils virent Harry, debout face à eux. Quelques mètres les séparaient. Le sorcier portait un long manteau, ressemblant étrangement à une cape, une chemise et un pantalon.
- J'ai été déjà suffisamment aimable pour te laisser rester ici, répondit Sam en se postant devant les autres. Je te déconseille de tester mes limites.
Harry n'avait encore jamais quitté la maison de Billy, et il ne lui fallut qu'une seconde pour comprendre qu'il faisait face à l'alpha. Cet orgueil, cette position imposante. Harry leva la main devant lui, écoutant à peine la menace. Sam fronça les sourcils, ses sens en alerte.
- Debout.
L'ordre d'Harry claqua dans l'air et, aussitôt, le balai près du feu se redressa et fusa dans sa direction. Harry referma ses doigts sur le manche, sans sourciller. Sous le choc, les loups reculèrent d'un pas.
- Au risque de me répéter, dit-il en baissant le bras, vous ne devriez pas jouer avec mes affaires.
Un cri parvint aux oreilles de Sam. Derrière lui, Paul lâcha les deux morceaux de bois. Ses paumes étaient rouges et quelques crépitements bleus suscitaient toujours. Il s'était brûlé.
- Qu'est-ce tu lui as fait ? S'énerva Sam en se tournant vers Harry.
Ce type le faisait grincer des dents. Harry avait le menton tourné sur le côté. Il n'avait aucune envie de se prendre la tête avec des loups. Son air détaché et supérieur énervait l'alpha. Lui qui avait l'habitude d'être aux commandes n'appréciait pas tellement la nonchalance du sorcier.
- Je n'ai rien fait, expliqua Harry sans lui adresser le moindre regard. Ce sont elles.
- « Elles » ? Répéta Sam.
Bon sang, il en avait eu l'intuition en voyant ce que Jacob leur avait apporté mais maintenant c'était clair, ce type était un fou. Harry leva les yeux vers le ciel et plissa les yeux, aveuglé par le soleil.
- Les baguettes. La baguette choisie son sorcier et les loups ne peuvent pas les manier.
Dans un coin de sa tête, il entendait la voix du vieil Ollivander. La mention de leur nature fit passer celle des sorciers à la trappe. Sam s'avança d'un pas, gonfla les muscles, et se tient prêt à se transformer. Il devait protéger les siens.
- Comment sais-tu pour nous ?
- Je sais tout de vous.
Harry cessa d'observer les montages et reposa son regard sur Sam. Bien que l'alpha n'y voyait ni menace, ni danger, il se méfiait.
- Je connais mieux ta tribu que tu ne l'as connait toi-même. Les Quileute, les sorciers maudits.
- Sorciers ?
Un rire s'échappa de la gorge de Sam. Il jeta un regard vers ses frères, qui se mirent à glousser aussi. Seul Jacob ne riait pas. Parce qu'il savait. S'il ne l'avait pas vu sortir des flammes de sa cheminée, il se serait sûrement moqué lui aussi.
- Les sorciers n'existent pas, déclara Sam en reprenant son sérieux.
- Oh si, ils existent. J'en suis un.
- Tu n'es qu'un fou qui doit retourner de là d'où il vient. Dans un asile.
De son autre main, paume vers le ciel, Harry fit venir à lui les deux baguettes que Kreattur avait glissé dans sa valise. L'une consciemment, l'autre, sans même savoir qu'elle était là. Les loups sursautèrent à nouveau. Entre les doigts de Jacob, qu'il ne put s'empêcher d'ouvrir, le vif d'or s'était réveillé. Ses ailes frétillèrent de bonheur de pouvoir enfin voler et il se dirigea vers Harry, volant autour de sa tête. Les sorciers n'étaient qu'un mythe pour faire peur aux enfants. C'était ce que Sam se répétait.
- Et le balai que tu tiens, tu vas me dire que tu voles avec ?
- Bien sûr que vole avec.
Un nouveau rire s'échappa des gorges des loups. Harry entrouvrit les lèvres et un soupir s'en échappa. Puisqu'il fallait en passer par là. Il rangea les baguettes dans sa poche et enfourcha son balai. Quand les loups le virent faire, leur hilarité fut sur le point d'être accentuée mais Harry décolla aussitôt et tous restèrent bouche-bée.
Le visage fouetté par le vent, Harry ferma les yeux. Il n'avait plus volé depuis si longtemps… Profitant de ce moment de liberté qu'il avait toujours adoré, il se laissa porter par son enthousiasme. Il laissa ses souvenirs remontés. La première fois qu'il était monté sur un balai. La première fois qu'il avait volé. Dubois lui apprenant le Quidditch. Les bras écartés, Harry fit quelques loopings, quelques tours sur lui-même, savourant d'être là où personne ne pouvait l'atteindre.
Il redescendit après quelques minutes, se recoiffant à l'aveugle. À côté de lui, son balai volait encore, parallèle au sol. Tous les loups étaient figés de stupeur. Jamais de leurs vies ils n'avaient vu une chose pareille. Harry glissa ses mains dans les poches de son pantalon.
- Vous croyez aux loups-garous, des vampires vivent près d'ici, et les sorciers vous paraissent trop absurde ?
- Ça ne peut pas exister, répéta Sam.
- Si la magie n'existait pas, vous n'existeriez pas non plus.
- C'est la magie des anciens qui nous guide.
Un sourire se forma sur les lèvres d'Harry et ce qui ressemblait de loin à un gloussement lui échappa.
- C'est une malédiction qui vous a privé des pouvoirs que je possède. Vous étiez comme moi, il fut un temps.
Plonger sa main dans la poche de sa robe lui glaça le sang. Il n'arrivait même plus à regarder sa baguette alors, s'en servir, il ne pouvait pas. Il avait bien trop peur qu'un autre sortilège de mort ne s'en échappe pour frapper quelqu'un qu'il aimait. À la place, il referma donc les doigts sur la baguette de Sureau. Si Ron et Hermione savaient qu'il ne l'avait pas détruite ce jour-là... Si jamais un seul sorcier venait à apprendre qu'il était en possession des trois reliques de la mort, alors il ne savait pas ce qu'on ferait de lui. Tirant la baguette de sa poche, il l'avisa un instant. Caressant le bois du bout des doigts, il repensa à son mentor.
- Je peux vous prouver encore une fois que la magie existe, dit-il à l'attention de Sam.
- Montre-nous, dans ce cas.
Sa fierté et son ego poussaient Sam à ne pas en croire en lui. Ce garçon hallucinait. Peut-être qu'eux-mêmes avaient été victimes d'hallucinations.
Réfléchissant à un sort qui ne causerait de tort à personne, Harry trouva celui qui lui fallait. Il resserra sa prise sur la baguette. Ne lui manquait qu'un souvenir heureux. Parcourant sa mémoire, il chercha parmi tous ceux qu'il avait vécus mais aucun ne sembla l'être suffisamment. Dans les tréfonds de son esprit, il entendit une voix appeler son nom. Fermant les yeux pour laisser la voix venir à lui, une larme glissa sur sa joue. Sa main se mouva seule et, le visage souriant de sa mère s'imposant dans son esprit, Harry déploya son patronus.
Un vent fort balaya les garçons qui se protégèrent de leurs bras. Des bourrasques agitaient leurs vêtements et, lorsqu'ils ouvrirent les yeux, l'atmosphère avait pris une teinte bleue. Un bleu pur dans lequel on pouvait se perdre à l'admirer. Un filet plus épais, plus opaque, quitta le bout de la baguette d'Harry et un cerf majestueux apparut devant les loups, les dépassant largement, même sous leurs formes animales. Tous contemplèrent cet être immatériel.
Harry rouvrit les yeux et le regarda aussi. Chaque fois qu'il le faisait apparaitre, une drôle de sensation s'éveillait en lui. Parce qu'il savait qu'il produisait le même que son père. Son père dont l'animagus était un cerf. C'était comme si, chaque fois qu'il faisait apparaitre son patronus, il faisait en réalité apparaitre son père.
De douloureux souvenirs remontèrent, coupant d'un coup le sort, et Harry les chassa avant qu'ils n'aient eu le temps d'atteindre sa conscience. Les dernières vapeurs bleues montants dans les airs, Sam tomba à genoux, le nez vers le ciel. Après un tel spectacle, il ne pouvait plus réfuter l'existence de la magie, sans quoi ce serait lui le fou.
- Je ne veux de mal à personne, précisa Harry. Je cherche seulement un nouveau départ et quelque chose ici pourra m'y aider. Quelque chose qui m'appartient.
Il n'entendit pas de réponse de la part de Sam et fit signe à Jacob de lui lancer la pierre qu'il tenait dans son autre main avant de repartir, le vif d'or et le balai le suivant de près. Sur le perron de sa maison, Billy regarda Harry rentrer avant de le suivre.
- Tu étais obligé ? Demanda-t-il en arrivant dans le salon.
- Ils ne m'auraient pas cru autrement.
- Et si quelqu'un apprend que tu es ici ?
- Même si ça arrive, il ne m'arrivera rien. Et à vous non plus, assura-t-il.
Harry attrapa une boite dans sa valise et y rangea presque tout ce que Jacob avait pris. Rien de mieux pour contenir ses effets personnels qu'une boite magique.
- Tu te sentirais prêt à aller voir la plaine ? Demanda Billy.
- Peut-être plus tard. Utiliser la magie m'a épuisé.
Sur ces mots, il referma sa valise et partit dans la chambre d'ami que Billy lui avait gentiment cédé. Ils savaient tous les deux que son séjour n'était que temporaire. Ils iraient à la plaine, trouveraient ce que Sirius avait laissé là pour lui, et il reprendrait sa vie.
Quand Jacob passa le seuil de sa maison, son père se tourna vers lui et lui adressa un regard lourd de sens. Il secoua doucement le menton en soupirant. Pourquoi lui avait-on donné un fils pareil ? Bien sûr, sur certains points il était vraiment fier de lui. Sur d'autres, il avait l'impression de faire face à adolescent idiot qui ne cherchait que l'attention et l'approbation des plus âgés.
- Pourquoi as-tu fouillé dans ses affaires, Jake ?
Jacob détourna les yeux, renfrogné. Il n'aimait pas Harry, il sentait de mauvaises ondes autour de lui et il était sûr qu'il allait la leur faire à l'envers.
- Jacob, insista son père, sur un ton moins dur.
- Je n'ai pas confiance en lui, admit l'adolescent en osant affronter le regard de son père.
- Personne ne te demande d'avoir confiance en lui.
- Ça y ressemble en tout cas.
Billy soupira doucement et fit signe à son fils de s'asseoir près de lui. Jacob obéit, s'installant sur un fauteuil, et attendit.
- Ici, tu as grandi entouré d'une famille, d'une meute. Depuis toujours tu connais ta nature et ton destin. Veux-tu connaitre l'histoire d'Harry Potter ? L'enfant qui a survécu ?
- Encore cette histoire de survivre. Sérieusement, tu…
- Écoute, coupa son père.
Il se renfonça dans son fauteuil, mit une nouvelle bûche dans la cheminée dont le feu commençait à périr, et se lança. Il ne connaissait pas grand-chose sur la vie d'Harry, mais il connaissait les grandes lignes que Sirius lui avait racontées.
- Dans le monde des sorciers, un être maléfique à vu le jour. Il s'est donné pour nom Lord Voldemort. Le Seigneur des Ténèbres. C'était quelqu'un de craint, qui semait mort, horreur et désespoir sur son passage. Un jour, une prophétie annonça sa chute.
- Ça fait scénario de mauvais film, soupira Jacob.
Son père lui lança un regard noir.
- Pardon, s'excusa l'adolescent en levant les mains.
Billy soupira. Jacob promit silencieusement de ne plus l'interrompre et son père reprit son récit.
- La prophétie parlait d'un garçon. Voldemort s'est alors mis à sa recherche, dans le but de l'éliminer avant qu'il ne soit en mesure de réaliser la prophétie. Ce garçon, c'était Harry. Il avait un an lorsque le mage trouva la maison dans laquelle ses parents s'étaient cachés. Le père mourut en premier. La mère se précipita dans la chambre de son fils et donna sa vie pour le protéger. Il ne resta plus que le mage et le garçon.
Comme la dernière fois, Jacob vit son père se perdre loin dans son esprit. Comme s'il voyait la scène se jouer devant ses yeux. Il n'avait que des brides, mais il pouvait aisément imaginer ce qu'il aurait fait si une si grande menace avait pesé sur sa famille.
- Harry n'avait qu'un an. Voldemort tenta de le tuer à son tour, se débarrassant de la menace pour de bon. Mais, grâce au sacrifice de sa mère, Harry a survécu et le mage s'est évaporé dans la nature, gravement blessé.
Aux oreilles de Jacob, ça sonnait vraiment comme un navet.
- Sirius a été accusé d'avoir trahi les parents d'Harry et fut enfermé dans la plus affreuse prison qui soit. Harry fut alors confié à la sœur de sa mère. Elle connaissait la nature de sa sœur. Une nature qu'elle-même ne possédait pas. Une humaine comme une autre. Et Harry fut un enfant maltraité pendant onze longues années. C'est l'âge auquel les sorciers vont dans une école qui leur est propre. Il ne connaissait rien de sa nature, de son passé et encore moins de l'avenir qui l'attendait. Tous les sorciers le connaissaient, en revanche. Ils l'ont baptisé « le garçon qui a survécu ». Tous les yeux étaient sans cesse rivés sur lui. Il dut affronter Voldemort qui avait pris possession du corps de l'un de ses professeurs à onze ans. Un serpent géant au regard mortel à douze. Sirius s'est échappé de sa prison et a pu le retrouver, l'année de ses treize ans, dans le but de tuer le véritable traite. À quatorze ans, il fut embarqué dans un tournoi infâme affrontant dragon, sirène et labyrinthe mortel avant de finalement être utilisé pour rendre à Voldemort son apparence et sa force d'antan. Je ne connais pas la fin de l'histoire, mais je sais qu'Harry a dû affronter la mort bien plus de fois que toi et moi. Il s'est donné corps et âme pour sauver un monde qu'il connaissait à peine et regarde dans quel état il est apparu. Crois-tu sincèrement que ses semblables l'aient récompensé à sa juste valeur ?
Le regard que Billy posa sur lui retourna quelque chose en Jacob. Il voulait bien admettre que ce qu'il avait vu dehors, quelques minutes plus tôt, avait été impressionnant mais se pouvait-il qu'Harry ait vraiment réalisé toutes ces choses ? Si les sorciers existaient réellement, les dragons ne semblaient pas si abstraient.
- J'aimerais que tu lui présentes tes excuses pour ce que tu as fait et s'il te l'accorde, demande-lui de te raconter son histoire. Il le fera sans doute mieux que moi.
Jacob considéra la question. Il se retrouva bien vite seul dans le salon et son regard se posa sur les flammes.
Un peu plus d'heure plus tard, il s'adossa au chambranle de la porte d'Harry et le regarda s'éveiller. Lorsque le sorcier posa les yeux sur lui, il se redressa et attendit.
- Je suis désolé, pour tes affaires. Je n'aurais pas dû y toucher.
Harry lui donna raison d'un haussement de sourcils. Il tira sur le drap et s'extirpa du lit. Il devait rejoindre Billy et partir pour la plaine.
- J'aimerais savoir une chose, continua Jacob quand Harry passa à côté de lui.
Les deux adolescents se firent face et Harry sut.
- Je te parlerai pas de mon passé, répondit-il. Tu n'en supporterais pas une minute.
Sur ces mots, il partit à la recherche du vieil homme. Jacob, qui n'avait pas l'habitude d'essuyer des refus, sauf dans le cas de Bella, pour lequel il n'avait toujours pas abandonné, suivit Harry de près.
- Tu me sous-estimes. J'ai vu et vécu des choses moi aussi !
- Je n'ai pas l'habitude d'être prétentieux, Jacob, mais ça dépasse de loin tout ce que tu peux connaitre.
- Tu as tort.
Agacé, Harry se tourna vers lui. Il dut lever les yeux pour le voir. Jacob semblait déterminé.
- Mon père m'a raconté les grandes lignes. Le sorcier maléfique, le serpent, le dragon.
- C'est une mauvaise idée. Et comprends que je n'ai moi-même pas envie d'y repenser.
- Tu vis chez moi, rappela Jacob. Donne-moi une raison de ne pas t'arracher la tête sur le champ.
Mais qu'est-ce qu'il pouvait être têtu !
- Tu es télépathe non ?
- Et alors ?
- Suis-moi.
Harry sortit de la maison. Il avança jusqu'au feu, pour ressentir sa chaleur, Jacob sur ses talons.
- Transforme-toi, ordonna-t-il.
- Pourquoi je devrais…
- Fais-le et regarde.
Pas sûr que ce soit une bonne idée, il regarda autour de lui. Certains membres de la tribu et de la meute s'étaient rapprochés, par curiosité. Beaucoup n'avaient pas encore vu Harry non plus. Se disant qu'il ne craignait rien entouré d'eux, Jacob se transforma. Harry fit alors face à un loup immense, au pelage brun-roux. Il aurait pu le trouver beau, dans d'autres circonstances. Tapotant son doigt sur son front, Harry fit signe à Jacob de venir lire dans sa tête, juste après qu'il lui ait ouvert une brèche.
Il laissa venir à lui des souvenirs qu'il jugeait, avec le recul, ordinaires. Il repensa à ses jeunes années, au fond de son placard. Dérapa sur la partie d'échec qu'il avait joué avec Ron et Hermione et continua jusqu'à Quirrell dans la dernière salle. Il alla jusqu'au bout, quand ses mains avaient brûlé son visage. À parti de là, Jacob commença à tanguer. Son museau était baissé et il voyait les scènes défiler sous ses yeux. Harry resta stoïque, regardant le loup qui ne savait plus où donner de la tête. Il savait que s'il s'arrêtait, alors Jacob lui dirait qu'il faisait des montagnes de rien et qu'il continuerait d'insister. Alors Harry continua.
Aragog dans la forêt. La fuite au milieu de ses fils et ses filles salivants à l'idée de les dévorer. Puis ce fut le tour de la chambre des secrets. Il préféra ne pas repenser à Tom et lui fit voir le Basilic. Quand il fonça sur Harry, c'était comme si Jacob avait été à sa place. Que cet énorme serpent fonçait gueule ouverte droit sur lui. Le loup se mit à gémir, il appela à l'aide et si Billy ne les avait pas empêché d'approcher, certains auraient coupés la connexion. Il vit et ressenti la peur d'Harry au bord du lac, quand les Détraqueurs les avaient retrouvés. Pour la première fois depuis longtemps, Jacob eut froid. Mais ce n'était pas un froid comme les autres. Il était si intense et mordant qu'il avait l'impression de geler sur place, de l'intérieur. Harry passa ensuite à l'épreuve du lac noir et s'arrêta quand il se faisait entrainer vers le fond, jugeant que Jacob en avait maintenant assez vu pour ne pas vouloir connaitre la suite.
Jacob se laissa tomber sur le sol boueux. Il gémissait et couinait, incapable de reprendre forme humaine. Il avait l'impression que les monstres qu'il avait vus dans la tête d'Harry étaient juste là. Jamais il n'avait eu peur des araignées et des serpents, mais ceux qu'il venait de voir n'avaient rien d'animaux normaux.
- Qu'est-ce que tu lui as fait ?! Hurla Sam, hors de lui, en attrapant le col d'Harry.
- Il m'a demandé de lui raconter mon histoire. Je lui ai montré mes souvenirs.
- Sam, lâche-le, demanda doucement Billy.
Seth et Paul étaient déjà auprès de Jacob, qui revenait doucement à lui. Il répandait une intense odeur de peur. Une odeur si grande qu'elle couvrait toutes les autres. Quand il fut sur ses pieds, tenu par les deux loups, Jacob leva les yeux vers Harry. Il était toujours aussi terrorisé, alors qu'il n'avait vu que des souvenirs et Harry… Harry restait si calme. Comme s'il était indifférent à tout ça. Ne se préoccupant pas de Sam, Harry tourna la tête et regarda Jacob. Il posait sur lui un regard désolé.
- Je ne t'ai montré que le début, veux-tu connaitre la fin ?
Jacob secoua frénétiquement la tête. Sa gorge était serrée et ses yeux remplis de larme. Il y avait, dans les souvenirs d'Harry, une sorte de palier. Chaque année était pire que la précédente.
- Plus jamais…, souffla Jacob. Je suis désolé…
Maintenant il avait confiance. Ou du moins, il avait bien trop peur pour se confronter une nouvelle fois à Harry. Il se savait fort et courageux mais rien que le Basilic lui donnait encore des sueurs froides. Il n'aurait été qu'un couard face à lui alors qu'Harry l'avait transpercé d'une épée à douze ans, alors qu'il était gravement blessé. Il ne voulait même pas imaginer ce qu'il avait vécu d'autre.
- Sam, lâche Harry, redemanda Billy, plus durement.
Les mâchoires serrées, il obéit.
- Je ne veux plus le voir ici, clama-t-il, haut et fort.
- Je n'ai pas l'intention de m'éterniser.
Harry réajusta son col et parti vers Billy. Il lui demanda quelle direction prendre et se mit à pousser le fauteuil. À la lisière des habitations, il se tourna vers Jacob.
- Viens, si tu en as envie.
Jacob le regarda longuement. Il se tenait à nouveau seul sur ses pieds. Son cœur battait toujours follement, ses muscles tremblaient.
- Je verrais encore tes souvenirs ?
- Non, promis Harry.
Il avait déjà coupé la connexion. Se retransformant, Jacob rejoignit son père et Harry en quelques foulées. S'il ne l'avouerait pas tout de suite, il était impressionné par Harry. Par sa bravoure, son courage, sa détermination. Son sang-froid. Il voulait apprendre de lui et progressé pour devenir meilleur guerrier encore.
- Si tu ne peux pas me répondre, tu peux m'entendre, commença Harry en s'adressant à Jacob. Mon but était de te faire peur. Parce que je ne voulais pas parler de ce que tu voulais savoir.
Le loup releva le museau vers lui. Le regard d'Harry était braqué droit devant.
- Il y a des choses qu'il vaut mieux laisser enterrées. Je ne suis pas allé au-delà de mes quatorze ans. Il y a eu de bons moments que j'ai éludés pour te montrer le pire et te dissuader d'en savoir plus pour mon propre bien. D'une certaine façon, nous sommes tous les deux satisfaits. Tu as eu des réponses à ta curiosité, et je me suis protégé de souvenir trop douloureux.
Voilà qu'il parlait comme son père… Pourtant, Jacob se demanda quel genre de souvenir Harry pouvait trouver douloureux et il en vint à la conclusion qu'il ne préférait pas savoir.
Au bout d'une demi-heure, les arbres s'écartèrent pour les laisser entrer sur un terrain plat et vierge. Enfin, vierge, peut-être pas.
- C'est là, informa Billy. Et comme tu peux le voir, il n'y a rien.
Harry lâcha le fauteuil et s'avança. Son regard parcourait le paysage. Il se tourna ensuite vers Billy.
- Vous ne voyez rien ? Demanda-t-il. Vraiment rien ?
Fronçant les sourcils, le vieil homme hocha la tête. Bien sûr qu'il ne voyait rien, parce qu'il n'y avait rien. Curieux, Jacob reprit forme humaine.
- Il y a quelque chose à voir ? Demanda-t-il.
Lui non plus ne voyait rien. Qu'il soit un homme ou un loup, ça ne changeait rien.
- Oh oui, souffla Harry en se tournant à nouveau. Il y a quelque chose ici.
Ses yeux à lui voyaient une maison. Une vieille chaumière qu'une sorcière de conte pour enfant aurait pu habiter. Faites de pierres grises et recouverte de lierre, elle se dressait sur la plaine, imposante. Un voile recouvrit les yeux d'Harry, déformant la lumière du soleil. Il plongea la main dans sa poche, en sortit la clé et la regarda. Alors c'était ça que Sirius lui avait laissé ? Ça qu'ouvrait la clé ? Il s'avança, serrant la clé entre ses doigts. Il marchait sur des dalles entourées d'herbes hautes. Lui, voyait un terrain négligé. Il s'approcha de la vieille porte en bois craquelé, sa main se posa dessus et la caressa. De leur côté, Jacob et Billy échangèrent un regard curieux. Ils voyaient Harry agirent mais il ne touchait rien d'autre que le vide.
- Harry es-tu certain que…
Billy se coupa dans sa phrase. Le sorcier avait inséré la clé et aussitôt, les courbes de la maison se dessinèrent sous les yeux ébahis du père et du fils.
- Ce n'est pas juste un terrain, fit Harry.
Il tourna la clé et poussa la porte. Un nuage de poussière fut expulsé à l'extérieur et Harry balaya l'air de sa main en toussant. Poussant son père, Jacob accourut près de lui. Il n'en revenait pas, il était venu ici si souvent. Comment cette maison avait pu être là sans qu'il le sache ? Mettant un pied à l'intérieur, Harry observa sans voir. Tout était sombre et la poussière recouvrait tout. Pourtant, il sut que son nouveau départ allait pouvoir commencer. Enfin.
