Seth n'était plus allé chez Harry pendant quelques jours. Le sorcier avait passé beaucoup de temps avec Jacob, notamment parce qu'ils aménageaient la maison, faisant des allers-retours à Seattle pour rapporter des meubles.

Face à la cheminée, Harry venait de prendre une décision drastique. Il reposa religieusement ses baguettes avec le vif d'or, dans lequel il avait replacé la pierre de résurrection, dans une boite en bois. Il prit son temps pour leur dire au revoir et referma la boite avant de la sceller, accumulant autant de magie qu'il pouvait dans le bout de ses doigts. Une fois fait, la boite définitivement fermée, il la plaça dans un trou. L'idée lui était venue sans qu'il ne sache trop comment. Il avait extirpé une pierre de la cheminée, au-dessus de l'âtre, au milieu, et avait creusé jusqu'à obtenir une cachette assez grande pour certaines choses qu'il n'avait pas envie qu'on trouve.

À côté de la boite, il posa une pile de vieilles photos, enroulées dans un morceau de tissu. Elles faisaient partie de celles qui le faisaient souffrir. Des clichés de lui et Sirius, de Draco, de Fred, de Remus et Nymphadora, de Dobby ou encore d'Hedwige ou de Severus. Des êtres chers, parfois insoupçonnés, qu'il avait perdus. Ça expliquait sûrement pourquoi il n'avait jamais eu le cœur à contacter la mère de Nymphadora, Andromeda, pour connaitre son filleul, Teddy. Dire que Remus avait jugé judicieux de lui donner la responsabilité de son fils. Il fallait être un fou pour vouloir d'un tueur dépressif pour parrain de son enfant. Il replaça ensuite la brique. Il n'avait pas la force, physique et mentale, de la sceller alors il se contenta de jeter un sort de dissimulation. C'est ce moment que Seth choisit pour toquer à la porte. Elle s'ouvrit d'elle-même, autorisant le garçon à entrer.

- Harry ? Appela-t-il, faisant un pas à l'intérieur.

Le sorcier apparut dans l'encadrement du salon, s'y adossant. Il avait, étrangement, choisi de ne pas mettre de portes à certaines pièces comme le salon, la cuisine ou la chambre à l'étage.

- Qu'est-ce que tu fais ici ?

- Je suis venu te rapporter ton livre.

C'était plus une excuse qu'autre chose. Seth venait pour une tout autre raison. Mais il devait quand même lui rendre son livre. Harry décroisa les bras pour attraper l'ouvrage que lui tendait Seth.

- Merci, fit le sorcier, pas convaincu que ce soit la seule raison de la venue du loup.

Seth se gratta l'arrière de la tête.

- Je t'ai ramené quelque chose, osa-t-il avouer, le regard fuyant.

Il était incapable de le poser sur Harry, il avait bien trop peur de se faire trucider. Harry fronça les sourcils et attendit.

- T'as pas de voiture et la ville est super loin à pied donc…

- Viens-en aux faits, Seth, pressa Harry.

Le garçon hocha la tête et sorti momentanément de la maison. Il avait laissé quelques petites choses contre la façade. Quand il revient, il tendit une boite, qui ressemblait à s'y méprendre à une boite à thé, à Harry.

- C'est quoi ça ? Demanda celui-ci.

Il avait soulevé le couvercle, par curiosité, mais ne voyait que des graines.

- Des légumes. Et quelques fruits aussi.

- En graines ?

- Oui… Pour les planter, expliqua Seth. C'est ce qu'on fait à la réserve. T'as la place pour faire un potager vu toute l'herbe que tu as autour.

Harry fit passer son regard de Seth aux graines dans la boite. Il soupira et entra dans la cuisine, posant la boite sur la table. Quand il se retourna vers le loup, dans le but de lui demander si c'était tout ce qu'il voulait, il fut surpris de le voire tendre une boite beaucoup plus grosse.

- C'est quoi ça, encore, soupira-t-il.

Seth, appréhendant un peu sa réaction, souleva le drap. Harry eut donc tout le plaisir de voir deux poules dans une cage. Une drôle d'expression sur le visage, il releva les yeux vers l'adolescent.

- Pour les œufs, informa-t-il. Et la viande.

- Seth, incita Harry.

- J'ai aussi amené des coqs et des poulets.

- Tu veux me faire faire un élevage ou quoi ?!

- Mais non ! S'exclama Seth. C'est juste que…

- Que quoi ?

Son regard était à nouveau fuyant. Bon sang, il était gentil mais qu'est-ce qu'il pouvait être agaçant. Harry l'appela sèchement, pour le faire revenir à lui et qu'il lui donne enfin une réponse.

- Jacob dit que tu voudrais vivre coupé du monde, souffla-t-il. Pour quelqu'un comme toi, élever de petits animaux comme ceux-là, avec l'espace que tu as, c'est assez facile.

- Qu'est-ce que ça t'apporte, à toi ?

- Rien. Mais, je me suis dit que ça te ferait sans doute un peu plaisir.

- Seth, ton attention est gentille et généreuse, je ne peux pas dire le contraire. Mais on est entouré par une forêt. Pour manger de la viande il m'aurait suffi de chasser du gibier et je crois que poser des pièges à lapin est encore dans mes cordes.

- Bah comme ça, tu pourras varier, répondit Seth avec un petit sourire. Je vais rentrer chez moi avant que mes parents s'inquiètent.

Puis il prit la fuite. Harry soupira. Il aurait pu grandement apprécier Seth, à une autre époque. Aujourd'hui, il avait l'impression de ne causer que la destruction autour de lui et Seth ne méritait pas d'être entraîné là-dedans. Laissant les poules sur la table, il se dirigea vers la porte.

- Seth, appela-t-il.

Juste à l'entrée du bois, l'adolescent se retourna vers Harry.

- Si tu ne fais pas de ma maison un squatte, tu peux revenir. Quand tu veux.

Un sourire illumina le visage du garçon et il disparut entre les arbres. Harry n'en revenait lui-même pas de ce qu'il venait de faire. Il baissa la tête, se sentant bête de vouloir établir un lien avec quelqu'un. C'est là qu'il remarqua deux autres cages drapées. Sûrement les coqs et poulets dont avait parlé Seth. Harry les attrapa et les emporta avec lui, direction la cuisine, refermant la porte avec son pied. Il les posa sur la table, près des poules, et fixa tout ça.

- Peut-être que ce n'est pas une mauvaise idée, se dit-il à lui-même. Je crois que je vais devoir me changer.

Abandonnant les cadeaux de Seth, Harry monta les marches de l'escalier. Il se débarrassa de ses vêtements et en enfila des plus confortables qu'il pourrait salir à sa guise. Un tee-shirt et un jogging. Il enfila une autre paire de basket, plus confortable pour le jardinage et descendit. Dans le bazar qu'il avait expulsé de la maison, il avait récupéré des outils de jardin encore potable dont il pourrait se servir. Ça et de veilles planches de bois, venant de meubles pour la plupart, qui seraient très utiles pour faire une haie autour du potager et un enclos provisoire pour les volailles, s'il lui en restait assez. Harry récupéra la caisse dans laquelle il avait rangé les outils, qu'il avait entreposé dans un coin de la cuisine en attendant de lui trouver une meilleure place, et sorti par la seconde porte de la cuisine. Selon lui, les anciens habitants avaient eu leur potager, et cette porte y menait. Malheureusement, l'extérieur n'était pas délimité.

Harry posa la caisse sur la marche en béton devant la porte et observa ce qu'il avait devant lui. Une grande étendue d'herbe. Il pourrait facilement détourner une partie de la rivière pour irriguer ses plantations naturellement. Au fond du jardin, il avait de grosses pierres qui délimitaient le bord de la rivière. Harry devait bien admettre qu'entendre l'eau ruisseler était assez apaisant. Aussi bien de jour que de nuit.

Il s'éloigna autant que possible de la maison et se tourna. Il voulait avoir un aperçu de l'espace qu'il pourrait utiliser pour le potager et de comment ça rendrait. Contournant la maison, quelqu'un s'approcha, dos au soleil.

- Besoin d'aide ?

Harry tourna la tête vers Jacob.

- J'ai croisé Seth.

- Il t'a dit qu'il voulait me faire faire un élevage de piaf ?

Jacob eut un petit sourire amusé aux lèvres. Il continua d'avancer vers le sorcier jusqu'à ce qu'il puisse distinguer autre chose qu'une silhouette noire.

- Seth s'inquiète pour toi, déclara Jacob en croisant les bras. Il t'aime bien.

- Il n'a pas besoin de s'inquiéter.

- Peu importe. Il veut t'aider pour que tu te sentes bien ici.

- Pour l'instant ça va. Je suis assez isolé pour me sentir en paix.

L'adolescent hocha la tête, signe qu'il avait entendu et comprit. Son corps pivota vers l'espace vide devant lui, là où Harry comptait faire son installation.

- Tu veux que je t'emmène en ville ? Demanda Jacob.

- Pourquoi faire ?

- Acheter ce qu'il te faut pour arranger tout ça. Il te faudra pas mal de truc pour l'enclos des « piafs ».

Harry réfléchit à la proposition. C'est vrai qu'il devrait au moins avoir un poulailler. Il n'était pas non plus expert en bricolage. Il risquait sûrement de détruire le bois qu'il avait plutôt que d'en faire quelque chose d'utile.

- T'as du temps ? Demanda-t-il en se tournant vers l'adolescent.

- Oui. On peut y aller maintenant si tu veux. Je t'emmènerai manger un bout en ville.

- Ok, accepta Harry, un peu sur la défensive.

Sans ses baguettes ou sa magie, il se sentait à nu, faible. Il avait l'impression d'être une proie facile pour quiconque voudrait sa peau. Décidant qu'il n'avait aucune utilité, ou envie, de se changer, Harry suivit Jacob tel qu'il était. L'adolescent lui fit traverser la forêt jusqu'à la réserve d'où ils partirent en voiture.

Assis sur le siège côté passager, Harry était accoudé au rebord de sa fenêtre ouverte. Il observait le paysage, le vent soulevant ses mèches de cheveux. À côté, Jaco lui jeta quelques coups d'œil rapides, un sourire aux lèvres. Puis une désagréable pensée s'infiltra dans son esprit. Il regarda son voisin, sans sourire. La tête d'Harry reposait sagement sur l'appuie-tête et ses yeux étaient clos. S'il avait éprouvé de la fatigue, Harry aurait peut-être pu s'endormir.

- Harry, souffla Jacob, essayant de ne pas trop le déranger.

- Quoi ?

- Pourquoi tu es parti de l'Angleterre ?

Même s'il apprit qu'être curieux en ce qui concernait le sorcier était une très mauvaise idée, Jacob ne pouvait pas s'en empêcher, il voulait savoir. À la question, les yeux d'Harry s'ouvrirent nette et son regard se posa sur un oiseau, au loin.

- Pour repartir de zéro, je croyais que tu le savais déjà.

- Oui, je sais. Mais…

- Ne demande pas pourquoi, exigea Harry.

- Je n'allais pas le faire.

Jacob avait très bien compris que c'était une très mauvaise idée de vouloir connaître le passé d'Harry.

- J'allais demander pourquoi tu as eu besoin de partir si loin pour ça.

Si ce n'était que ça. Harry laissa la main qui supportait sa tête passer à travers la vitre et jouer avec le vent.

- Avant de venir ici, je me suis complètement isolé dans la maison de Sirius.

Comprenant qu'il allait y aller petit bout par petit bout, Jacob se tut en tendant l'oreille. Il garda quand même les yeux et son attention sur la route devant lui.

- C'est Kreattur qui m'a donné la clé. Il disait que je devais prendre un nouveau départ et moi je me suis dit que Forks, c'était peut-être un bon endroit pour commencer.

- Tu as déjà parlé de Kreattur. C'est qui ?

L'adolescent préféra ne pas relever le nom bizarre. Qui appelait son enfant comme ça ?

- Un elfe de maison. Celui de Sirius. Enfin, je suppose que c'est le mien maintenant, souffla Harry.

- Un elfe ? Les types immortels avec des oreilles pointues et une gueule d'ange ?

Harry émit un gloussement et sourit. Il n'avait plus eu l'occasion de sentir ce tiraillement depuis un moment.

- On n'est pas dans le Seigneur des Anneaux, railla Harry avant de reprendre son sérieux.

- Vu ce que sont les vampires et les loups-garous dans la vraie vie, ça m'étonne pas.

- Dans la vraie vie, comme tu dis, les elfes sont des petites créatures à grandes oreilles et aux grands yeux globuleux.

Un pincement au cœur fit souffrir Harry. Il pensait à Dobby. Il tourna la tête vers Jacob et les deux garçons échangèrent un regard.

- Un peu comme Gollum, mais en beaucoup plus mignon, fini Harry. Enfin, on ne peut pas dire que Kreattur soit mignon, mais il est moins effrayant.

- Tu trouves Gollum effrayant ? Se moqua Jacob.

- Disons plutôt qu'il me met très mal à l'aise et que je n'aimerais pas me retrouver en face de lui.

- Là, je ne peux pas te contredire.

Jacob non plus n'avait pas envie de tomber sur cet être devenu fou et terriblement bizarre.

- Et du coup, c'est quoi un elfe de maison ?

- Certains d'entre eux, pour ne pas dire tous, sont aux services des sorciers, de Sang-Pur le plus souvent. Un peu comme un homme à tout faire mais en version esclave maltraité.

- Tu veux dire que t'as un esclave ?

Plusieurs choses faisaient perdre le fil à Jacob. Déjà, il devait essayer de comprendre et de se faire une image mentale du monde sorcier. Ensuite, il n'aurait jamais imaginé que les sorciers faisaient ça !

- Je ne le traite pas comme tel, mais oui. Sirius avait un elfe à son service, Kreattur, et en faisant de moi son héritier, je l'ai « récupéré ». Si ça peut te rassurer, quand j'avais douze ans, j'ai rencontré un elfe de maison et je l'ai aidé, notamment à se libérer de ses maîtres. Je l'ai toujours considéré comme un égal. Comme un ami. Il a donné sa vie pour me sauver.

Harry se redressa dans son siège, s'asseyant correctement et s'y enfonça un peu. Il n'aimait pas penser à Dobby et encore moins à son sacrifice.

- Je suis désolé, souffla Jacob.

- C'est rien. En tout cas, je n'ai jamais maltraité un elfe et Kreattur a fini par tellement s'inquiéter pour moi qu'il a voulu me sauver en m'envoyant loin.

- Tu es quelqu'un de bien.

Harry haussa les épaules. Il ne le pensait pas, à cause de ce qu'il avait fait pendant la bataille de Poudlard. Mais il ne pouvait pas non plus nier qu'il avait sauvé beaucoup de personnes. Beaucoup d'humains, de sorciers et de créatures magiques.

- Tu as de la chance d'être libre, déclara Harry.

- Comment ça ? Je ne comprends pas.

- De là d'où je viens, les créatures magiques ne sont pas particulièrement bien traitées par les sorciers. On domine le monde magique par nos règles, nos lois. Les seuls êtres qui y échappent sont les créatures nées dans le monde moldu qui passent entre les mailles du filet.

- Je n'ai quasiment rien comprit, avoua Jacob en prenant un virage. Par créatures magiques tu veux dire les loups-garous, les vampires et les elfes ?

- Ça et les sirènes, les gobelins, les centaures.

- Les centaures existent ?!

Hochant doucement la tête, Harry reprit la parole.

- Ils vivent surtout dans les forêts du monde magique.

- C'est quoi le monde moldu ?

- Le monde des humains sans pouvoir magique.

Jacob hocha la tête à son tour. Harry devrait sûrement lui expliquer les choses petit à petit.

- Pourquoi ce sont les sorciers qui dominent le monde magique ?

Harry haussa les épaules. C'est vrai qu'il ne s'était jamais intéressé à la suprématie du ministère. Déjà qu'ils étaient tous de vieux idiots.

- Peut-être parce qu'on est les plus forts. Qu'on a soumis tout le monde par la force avant de créer un gouvernement dont on était les dirigeants.

Jacob haussa les sourcils. Décidément, c'était bien compliqué ! Et il s'estimait heureux d'être né libre, comme Harry le disait.

Arrivé au cœur de la petite ville, Jacob se mêla à la circulation jusqu'à arriver au magasin de bricolage le plus proche. Dans les rayonnages, Harry devait bien admettre qu'il était plus perdu qu'autre chose mais la présence de l'autre adolescent l'aidait bien. Jacob semblait visiblement bien connaitre son sujet et indiqua à Harry tout ce dont il aurait besoin. Quand le loup vit la montagne qu'ils transportaient, sans parler de la qualité des produits, il arrêta Harry en l'attrapant par le bras.

- T'es sûr que tu veux prendre tout ça maintenant ? Ça va faire une sacrée somme ! Je crois que tu te rends pas compte.

Harry avisa leur charriot et leva les yeux vers Jacob.

- J'ai pas spécialement envie de revenir tous les jours parce qu'il me faudra autre chose, déclara-t-il. Et puis, je suis riche.

- Riche comment ? S'étonna Jacob.

- Mes parents et Sirius m'ont tout légué. Donc, plus riche que tu ne l'imagines.

Jacob resta sur le cul et suivit Harry vers les caisses comme un automate. Ce type était riche, probablement à millions vu comment il en parlait, et il était venu se terrer dans un coin paumé comme Forks ?! Plus il apprenait à le connaître et moins Jacob comprenait Harry.

- C'est la première fois que je dépense autant d'un coup, souffla Harry en rangeant un à un les articles scannés.

- C'est la première fois que je vois quelqu'un acheter autant d'un coup, répondit Jacob. Sans rire, pourquoi t'es pas aller habiter dans une villa sur une île paradisiaque ?

- Parce que je veux qu'on m'oublie. Et que je préfère vivre dans la maison que Sirius m'a donnée.

Derrière son comptoir, l'hôte pianota sur l'écran devant lui et adressa un sourire poli à Harry.

- Vous voulez régler en plusieurs fois ? Demanda-t-il après avoir annoncé le montant final.

- Non. En une seule fois, s'il vous plait.

Un peu déstabilisé, l'homme se reprit et procéda au règlement. Beaucoup de regards s'étaient tournés vers ce jeune homme, visiblement riche. En dehors de la famille Cullen et de leur grande maison luxueuse, les habitants de Forks n'avaient pas l'habitude de voir ce genre de personnes. Harry ignora les regards tandis que Jacob avait envie de disparaitre.

- Ça ne te gêne pas ? Demanda Jacob en retournant à la voiture. Tous ces gens qui te dévisagent.

- J'ai l'habitude, fit simplement Harry.

Ils chargèrent l'arrière du pick-up, recouvrirent le tout d'une bâche vu le mauvais temps, et remontèrent s'installer.

- Je t'emmène déjeuner dans un de mes resto préféré, annonça le loup.

- Si tu veux.

Jacob se remit en route, un peu déçu du manque d'éloquence d'Harry. D'un autre côté, jusqu'à très récemment, il avait été particulièrement hostile avec lui. Et il ne comprenait pas vraiment son soudain changement d'attitude. En dehors du fait qu'il s'était senti vraiment peiné pour lui depuis qu'il avait vu ses souvenirs. Harry devait avoir vécu beaucoup d'horreur et cette odeur de solitude et de désespoir ne quittait jamais ses narines. Harry prétendait vouloir la solitude mais la vérité, c'était qu'il avait terriblement besoin d'être entouré.

Au milieu du trajet, Harry se tourna vers lui.

- Avant de retourner à la réserve, tu accepterais de m'emmener faire des courses ? Je vais en avoir besoin avant que le potager ne donne quelque chose.

Jacob acquiesça et se gara devant un petit restaurant. Les néons de l'enseigne clignotaient et l'un d'eux semblait avoir rendu l'âme depuis peu. Voyant la réticence du sorcier, Jacob encouragea Harry à le suivre à l'intérieur. Même si l'extérieur n'était pas des plus accueillant, l'animation rendait effectivement l'endroit chaleureux. Jacob salua quelques personnes à qui Harry ne s'intéressa pas et ils prirent place l'un face à l'autre, dans un coin. On leur apporta rapidement deux verres d'eau et une carafe avant de leur demander ce qu'ils souhaitaient manger.

- Un burger et un soda pour moi, répondit Jacob. Tu devrais goûter Harry, ils sont vraiment bons.

- La même chose alors. Mais en portion réduite, s'il vous plait. J'ai très peu d'appétit.

La jeune fille, qu'Harry jugea ne pas avoir plus de quinze ans, nota scrupuleusement sur son petit carnet et reparti. Harry resta silencieux, observant le monde autour de lui. Cette attitude, Jacob la comprenait autant qu'elle l'attristait. Maintenant qu'il savait que ce n'était qu'un garçon comme lui, qui avait vécu des choses bien plus dures, et qu'il était loin d'être tel qu'il le laissait penser au premier abord, Jacob avait envie de l'aider. Qu'il puisse redevenir un adolescent normal, comme il aurait toujours dû l'être.

Leurs deux assiettes, et leurs deux verres, arrivèrent vite et Harry put confirmer qu'au moins, ils ne se moquaient pas de leurs clients avec les portions. Heureusement qu'il en avait demandé une réduite. Rien qu'à voir celle posée devant Jacob, il sentait son estomac être plein à craquer et avait envie de vomir. Jacob n'attendit pas une minute de plus pour attraper le burger dans son assiette et croquer dedans à pleines dents.

- J'adore cet endroit ! S'exclama-t-il.

- Je vois ça.

Harry prit une frite et la trempa dans la sauce avant de la porter à sa bouche.

- Ça doit être pratique d'avoir autant à manger pour quelqu'un comme toi.

- T'as pas idée, répondit Jacob, avalant maladroitement ce qu'il avait en bouche.

Il essuya la sauce qu'il avait au coin de la bouche et bu un coup.

- Depuis que je me suis…

Il s'arrêta, fit le tour de la salle du regard et se pencha doucement vers Harry.

- Transformé, chuchota-t-il.

Avalant quelques frites les unes à la suite des autres, alors qu'Harry n'avait pas fini la première, il finit sa phrase normalement.

- J'ai un appétit démesuré. Les autres aussi.

- J'avais cru remarquer.

- Ça nous demande beaucoup d'énergie donc nécessairement une plus grande alimentation.

- Ça t'arrive d'être entièrement rassasié ? Demanda Harry qui passait enfin au burger.

- Oui. Mais ça dure pas longtemps en général. Deux heures maximums.

Harry n'en revenait pas. Jamais il ne pourrait ingurgiter autant de nourriture que Jacob. Déjà que ce qu'il avait devant lui, il mettrait au minimum vingt-quatre heures avant de l'éliminer, s'il devait manger autant que lui, il exploserait. Ni plus, ni moins. Il gonflerait autant que la tante Marge qu'il avait transformée en ballon quand il avait treize ans. Harry eut un rehaussement du coin des lèvres à ce souvenir. Il fallait dire que cette vieille bique l'avait bien cherché.